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À propos de celui qui expérimente

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DES MOBILITÉS MULTIPLES :  UN NOUVEAU PARADIGME ?

2.4 Une ouverture notionnelle de la mobilité dans le champ de la DLC : l’expérience

2.4.1 À propos de celui qui expérimente

Plusieurs champs disciplinaires s’intéressent à la question de la définition de cette notion ou du moins à celle de son amplitude (Rochex, 1995).

Nous avons choisi d’aborder la question par «  celui qui expérimente  », car nous situons notre recherche dans le champ des «  problématiques

63 Mais V.  Kaufmann ignore Bourdieu dans ses écrits traitant de la motilité. C’est Bonerandi (2004) qui assimile potentiel à capital. R. Séchet et I. Garat rappellent que certains géographes ont développé la notion de «  capital spatial  » (Séchet et Garat, 2008).

64 Souligné par nous.

“micro” (échelle de l’individu) » (Gaudin, 2001, p. 9). Comme le souligne la phénoménologie, il ne peut pas y avoir d’expérience sans « quelqu’un » qui expérimente. Ensuite, nous examinons trois approches différentes de la notion, celle issue de la sociologie, celle issue de la phénoménologie et celle issue du biographique parce que toutes trois ont quelque chose à dire au domaine de la DLC qui se préoccupe de saisir les réalités des mobilités académiques internationales.

2.4.1.1 Dire celui qui expérimente

Nous avons signalé précédemment l’absence de terme adéquat pour désigner « celui qui est mobile ». Lorsque ce dernier est pris dans le cadre d’une expérience, force est de constater un résultat similaire.

« Celui qui expérimente » prend différents noms suivant la discipline de référence qui l’étudie et suivant des évolutions historiques épistémiques (Passeron, 2001  ; Himeta, 2005) mais sans que nous puissions y lire une spécificité liée à l’expérience  :  «  agent  » (Bourdieu, 1980),

«  acteur  » (Gaudin, 2001), «  individu  » (Kaufmann, 2004), pour la sociologie, plutôt « sujet » pour la psychologie sociale, les approches socio-constructivistes, car considéré comme médiateur de « l’intime » (Berchoud, 2013), «  apprenant  » voire «  acteur  » (CECR, 2001  ; Himeta, 2005), pour la didactique, surtout depuis la fin du XXe siècle (Anderson, 2001). Au cœur de ces variations, une interrogation : celui qui expérimente est-il un être « agi » par la société et à quel degré ou bien un être « agissant » sur elle et suivant quelles modalités (Passeron, 2001, p. 16 ; Gaudin, 2001, p. 7) ?

Dans le champ de l’éducation, cette question se prolonge ensuite de la manière suivante : s’agit-il de se concentrer sur les interactions sociales provoquées et vécues par cet « individu », c’est-à-dire de mettre au jour les dimensions centrifuges de son existence sociale, ses faces (Goffman, 1974), ou bien d’analyser les envers de ces dernières, leurs dimensions centripètes, et de tenter d’accéder à des profils de type psychologique ou psychanalytique ? Des points de convergence existent qui expliquent les nombreux cas d’alternance des termes « individu »/« sujet » dans un même

texte65, qui traduisent des choix épistémologiques ou un flottement dû à la pluralité notionnelle de cette entité de base, « qui ne peut pas être divisée », l’« individu ».

2.4.1.2 « Celui qui expérimente » dans le cas de la DLC

La DLC s’accommode du foisonnement des situations et des postures des individus en situation de mobilité en y lisant la complexité inhérente au phénomène lui-même, mais surtout en le densifiant, le concentrant sur un individu, en l’assimilant à un type d’action d’un acteur donné.

Postulant l’existence d’un « je » multiforme et complexe chez un individu donné, elle le suit à la trace – « Ces conceptions impliquent qu’un même individu peut vivre des expériences de mobilité diverses, à des moments différents de son existence, impliquant des statuts différents » (Gohard-Radenkovic, 2007a, p. 39) – afin de mieux comprendre les processus de transformations identitaires induits par une expérience de mobilité ou encore de cerner « ce par quoi [il] se perçoit et tente de se construire, contre les assignations diverses qui tendent à le contraindre de jouer des partitions imposées » (Gohard-Radenkovic, 2009, p. 7).

La question se pose alors de savoir si l’individu engagé dans une expérience de mobilité est désigné par un terme spécifique ou non. En fait, le plus souvent, la DLC ne problématise pas ce point et se sert d’expressions composées comme « l’individu en situation de mobilité »,

« l’acteur de la mobilité », mais aussi de celui de « migrant » ou même d’«  immigrant  ». Mais cette dernière solution ne résout pas tout, au contraire. A.  Gohard-Radenkovic souligne les connotations sous-entendues par ces deux derniers termes : « Le terme de mobilités recouvre toutes les formes et situations possibles de déplacements : nous le préférons au terme de migrations, trop connoté idéologiquement, car se référant souvent exclusivement au statut d’immigrant  » (Gohard-Radenkovic, 2009, p. 5). Nous voudrions ajouter à cette remarque que « migration » et «  migrant  » (ou «  immigrant  ») conduisent à un statut juridique, autrement dit, d’un point de vue épistémologique et méthodologique, à

65 D’autres variations sont possibles entre les termes « individu », « sujet », « acteur ».

Par exemple dans le champ de la DLC, M. Molinié (2002) évoquant la recherche-action pose à travers une citation d’A. Lévy qu’elle « est conçue comme ayant pour objet de favoriser la participation et l’implication des acteurs-sujets dans l’analyse de leurs problèmes et la recherche d’issues possibles (Lévy, 2001, p. 5) » (p. 99) (souligné par nous).

une approche quantifiable du phénomène : il y a donc risque d’ignorer ou de minimiser l’expérience de l’individu, qui ne se meut pas seulement physiquement ou réellement mais aussi intérieurement ou virtuellement (Urry, 2005  ; Bauman, [2005] 2013)66  :  «  La diversité des situations dépasse de fait les assignations statutaires uniques. La dénomination officielle de migrant présuppose l’existence de populations non mobiles, opposant des sédentaires hypothétiques à des nomades mythiques, ce qui bipolarise des situations très hétérogènes » (Gohard-Radenkovic et Murphy-Lejeune, 2008, p. 128).

Finalement, la DLC ne sait pas nommer cet individu qui vit une expérience de mobilité autrement qu’avec des termes classiques se rapportant à la migration (migrant), au voyage (nomade, étudiant-voyageur), à sa position dans la société (apprenant, acteur social). Cette absence viendrait-elle du fait que si l’expérience est bien présente en

« termes » dans les discours de la DLC, elle reste peu explorée comme notion (Robin, 2014a ; Gohard-Radenkovic, 2014) ? Et pour comprendre celui qui fait/vit une expérience de mobilité, il nous faut précisément nous interroger sur ce que cette dernière peut être et signifier.

2.4.2 Qu’est-ce qu’une expérience ?

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