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Des formes de la mobilité et des termes pour la dire La présence d’un critère de dimension dans la mobilité exprimée en

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DES MOBILITÉS MULTIPLES :  UN NOUVEAU PARADIGME ?

2.1 La mobilité autour du déplacement

2.1.5 Des formes de la mobilité et des termes pour la dire La présence d’un critère de dimension dans la mobilité exprimée en

termes de durée (« court », « long ») et de distance (« proche », « lointain ») permet de la décliner en quatre états, objets de recherches disciplinaires différentes :

On peut classifier les quatre formes de mobilité selon deux dimensions : la temporalité de laquelle elle relève (temporalité longue, temporalité courte) et l’espace dans lequel elle se déroule (espace interne ou externe et bassin de vie). Chacune de ces formes de mobilité fait l’objet […] d’un ancrage disciplinaire spécifique. Si la mobilité quotidienne a été généreusement étudiée par les géographes, l’analyse de la mobilité résidentielle a souvent

été l’apanage des démographes, l’anthropologie s’est approprié le voyage, les migrations restant traditionnellement du champ relevant plutôt de la sociologie. (Kaufmann et al., 2004, p. 22)

Mobilité, migration et voyage partagent en commun l’idée de déplacement. Pourtant, ces trois référents lexicaux ne sont pas exactement superposables. La mobilité, comme il a été vu précédemment, ne fait référence au déplacement que sous la forme d’un trait distinctif et ne le reconnaît pas, au niveau de la lexicographie habituelle, comme lui étant synonyme8. Au contraire, déplacement est donné comme un synonyme possible de migration et voyage9. Par ailleurs, suivant les champs disciplinaires, les possibilités notionnelles de ces deux derniers termes se trouvent plus ou moins exploitées.

2.1.5.1 La polymorphie mobilitaire

Si le critère de la durée du déplacement paraît incontournable, J.-D.  Urbain se montre sensible aussi à sa forme. Il estime que le concept de mobilité englobe « deux logiques principales : celle qui relève en propre de la migration ou du déplacement  […]  », soit autrement dit « l’idée d’un parcours de transplantation », et « celle qui relève en propre du périple ou du circuit », c’est-à-dire « une mobilité circulaire dont le point d’arrivée se confond avec le point de départ  » (Urbain, 2001, p. 5). Il faut noter ici encore la dimension spatiale de la mobilité qui est sollicitée. Précédemment qualitativement catégorisée courte ou longue, proche ou lointaine (Kaufmann et al., 2004, p. 22), elle devient dans le cas présent matériellement formelle : linéaire ou circulaire. De plus, J.-D. Urbain reprend l’idée d’une double modalité de la dimension temporelle. Il l’affine en y injectant un facteur de rythme : prolongation

8 Notons cependant que dans le champ de la DLC, A. Gohard-Radenkovic exploite cette ouverture notionnelle dans un article où elle articule déplacements dans l’espace et déplacements de soi (2009a).

9 De plus, migration et voyage acceptent tous les deux des substantifs dérivés : migrant et voyageur, respectivement définis comme  :  «  Individu travaillant dans un pays autre que le sien » ou « Personne effectuant une migration » et « Celui, celle qui se déplace, sur un parcours généralement préétabli, en empruntant un moyen de transport particulier (généralement les transports en commun) » ou « Celui, celle qui fait un ou des voyage(s) dans un but d’étude, de découverte, de détente », pour les deux principales entrées, « migrant » et « voyageur » : <http://www.cnrtl.fr/definition/

migrant> et <http://www.cnrtl.fr/definition/voyageur>. Nous reviendrons plus loin sur la structuration du voyage : cf. section 3.1.5, « Le voyage à l’étranger ».

du déplacement ou non  :  «  Qu’il s’agisse de transplantation ou de circulation, ces modalités seront temporelles et porteront donc sur le fait que la mobilité de transfert ou de circulation peut être durable (prolongée ou perpétuelle) ou bien alternative (éphémère ou provisoire) » (Urbain, 2001, p. 3).

Ainsi, les mobilités sont polymorphes car elles se déclinent en modes

«  [professionnels] ou de loisir, économiques ou d’agrément, [vécus], [observés] ou [racontés] » (ibid., p. 3).

Cette profusion de possibles conduit alors ce chercheur à centrer sa réflexion sur la seule « anthropologie de l’imaginaire du voyage » et à poser une série de questions où mobilité, migration, voyage, migrant et voyageur se trouvent entremêlés, comme s’il n’y avait pas, dans un premier temps, possibilité de débrouiller l’écheveau des contenus englobés par chacun d’entre eux : « Quel rapport existe-t-il entre voyage et mobilité ? Ces termes sont-ils synonymes ? Sinon, pourquoi ? Si oui, dans quelle mesure ? Quel rapport entre voyageur et tourisme ? Et par conséquent, entre voyageur et touriste ? Voyageur et migrant ? Voyageur et nomade ? Quel rapport entre tourisme et migration ? Entre touriste et nomade ? Migrant et touriste ? Émigrés et vacanciers ? » (Urbain, 2001, p. 3).

2.1.5.2 À propos de la migration

La migration se confond avec l’acte même du déplacement, du transfert, du passage. Son usage courant a tendance à être illustré par des exemples au pluriel et à participer au développement d’une image sémantique d’un groupe, d’une masse : cet emploi est attesté en 1531 puisque déjà migration vaut pour le « déplacement d’une population qui quitte un pays pour s’établir dans un autre »10.

Lorsque la géographie s’inspire d’une approche sociologique de la migration  – dans sa dimension internationale  – conçue comme «  un déplacement de population qui entraîne un changement durable ou définitif du lieu de résidence habituelle » (Bonerandi, 2004), la migration est alors confondue avec des « mouvements de population d’un pays à l’autre  » (ibid., p.  189). Elle s’en dégage toutefois en y incluant «  les déplacements habituels (domicile-travail) ou permanents (le nomadisme, par exemple) » (Bonerandi, 2004). E. Terrier tente dans son travail de recherche de lister de manière exhaustive la terminologie concernant

10 Entrée « migration » : <http://www.cnrtl.fr/definition/migration>.

mobilité et migration11. Elle constate « une certaine confusion » qu’elle attribue (en partie) à « l’utilisation du terme de migration à la place de mobilité pour désigner certains déplacements » (Terrier, 2009, p. 20).

Mais elle finit par conclure que, du point de vue du géographe, la migration se trouve incluse dans la mobilité, cette notion étant « large et englobante ».

2.1.5.3 À propos du migrant

Notons aussi que, dans le cas de la migration internationale, apparaît la figure du migrant, comme celle d’un « individu qui se rend dans un pays autre que celui de sa résidence habituelle pour une période d’au moins un an » (Terrier, 2009, p. 189). L’Unesco en propose une version relativement proche mais sans insister sur la durée du séjour dans le pays de nouvelle résidence et en pointant du doigt l’inadéquation avec certains cas réels : « The term migrant can be understood as “any person who lives temporarily or permanently in a country where he or she was not born, and has acquired some significant social ties to this country”. However, this may be a too narrow definition when considering that, according to some states’ policies, a person can be considered as a migrant even when s/he is born in the country12. »

Quoi qu’il en soit pour ces différences d’approches touchant à la durée de la mobilité, qui reposent sur un angle administratif et législatif d’autorisation de séjour sur un territoire donné de non-nationaux, la migration s’incarne dans des migrants, renvoie à une série de données quantifiables, et pose in fine la question de l’intégration13 – possibilités, formes, degrés – de ces individus ou groupes dans les sociétés d’accueil.

La notion de migration privilégie donc le temps long.

11 D’autres travaux abordent la question du rapport de la mobilité et de la migration par exemple ou de leur typologie mais de manière moins systématique (Wihtol de Wenden, 2001 ; Garneau, 2006 ; Ballatore, 2007 ; Thamin, 2007).

12 http://portal.unesco.org/shs/en/ev.php-URL_ID=3020&URL_DO=DO_

TOPIC&URL_SECTION=201.html.

13 Ce terme est à comprendre dans un sens en deçà de celui d’acculturation, pris soit dans son sens « bastidien » (c’est-à-dire comme processus incessant d’emprunts culturels réciproques entre individus et groupes issus de sociétés différentes), soit dans son sens commun qui tend à l’assimilation.

2.1.5.4 À propos de la relation sémantique mobilité/voyage

De l’autre côté, en géographie et en sociologie, la notion de voyage paraît relativement peu explorée. Ainsi, l’examen d’un lexique de sociologie (Alpe et al., 2007) révèle que la discipline connaît bien mobilité et migration mais ignore l’entrée voyage. À l’inverse, le Dictionnaire de l’altérité et des relations interculturelles (Ferréol et Jucquois, 2003)  ne possède pas d’entrée thématique pour «  mobilité  » ou «  migration/

migrant », mais en offre une pour « voyage », qui devient un « [jeu subtil]

de l’espace et du temps », une « perte du corps à corps avec sa terre et son lieu d’origine », une « [prise de distance] avec son groupe d’appartenance », une « [ouverture] à la nouveauté », une « [confrontation de] ses mœurs et [de] ses opinions avec celles des “étrangers”, avec pour risque sa remise en cause, celle de sa propre culture, parce que l’exotisme est aussi une notion relative, réflexive, réciproque » (p. 346). Le voyage contiendrait donc une part d’enchantement, procuré d’abord par le regard posé sur l’autre et son monde mais aussi parce qu’il oblige à une « suspension volontaire de l’incrédulité » (Winkin, 2001). En même temps, synonyme de perte de repères, il suggère qu’un individu peut y trouver de quoi se ressourcer, se mettre à penser ce qui l’entoure de manière différente, se mettre à se penser autrement. Parallèlement, le voyage en train d’être effectué engendre des émotions : il peut tout aussi bien provoquer des frissons de peur, ceux que l’on maîtrise encore, ou pire des crises de frayeur, voire des crises de délire (cf. Ota, Viala et al., 2004), qu’un sentiment de griserie.

2.1.5.5 Être mobile en japonais

Chaque langue possède ses ressources propres pour accéder à la description du monde à travers des catégories de sens commun ou des concepts. En focalisant sur le terme de mobilité pour désigner les déplacements humains en tant que catégorie notionnelle, le français crée ses propres difficultés pour passer de la totalité des individus concernés par le phénomène en situation de mobilité académique ou non, à l’un d’entre eux seulement. Il paraît nécessaire de s’attarder quelques instants sur les possibilités offertes par le japonais sur la question.

La consultation d’un dictionnaire bilingue franco-japonais14 donne plusieurs équivalents pour le terme « mobilité » : 

動性

(dosei) et

可動性

14 Il s’agit d’une édition électronique du dictionnaire Daijisen (大辞泉) (Ed. Shogakkan) en ce qui concerne le dictionnaire unilingue japonais et de la deuxième édition du

(kadosei), c’est-à-dire littéralement « capacité à bouger/à se mouvoir » mais aussi

移動性

(idosei) et

流動性

(ryudosei). Il s’agit dans le premier cas du

« fait de se déplacer d’un certain endroit à un autre » et dans le second du « fait de bouger en suivant un courant » ou du « fait de changer en bougeant ». De ces quatre termes, les deux premiers insistent plus sur la capacité physique au mouvement et les deux derniers sur le déplacement lui-même. Ryudosei est donné comme équivalent possible de mobilité, mais sa définition en japonais le rapproche du sens de fluidité. Cette entrée via le dictionnaire bilingue ne propose cependant pas idosei comme équivalent. Ce terme est considéré comme pouvant servir à la traduction de l’expression «  mobilité sociale  ». D’après les exemples proposés, il semble que le terme idosei serve plus pour les expressions de sens propre et celui de ryudosei pour les expressions figurées, en particulier dans le champ économique. Aucun de ces deux termes ne sert à composer un mot pour désigner « celui qui est mobile ».

Pourtant, comme pour l’Europe, n’y aurait-il pas aussi «  quelque chose » en train de « bouger » autour du principe de la mobilité ? D’une part, une recherche sur internet montre que l’expression

人材流動性

(jinzai-ryudosei) est de plus en plus utilisée dans des discours touchant à des contextes économiques (bruts) ou de technologie avancée  :  rien de surprenant puisque

人材

(jinzai) désigne le « capital humain », dont nous pensons qu’il est désormais considéré à l’échelle monde comme la ressource d’une nation (devant les matières premières), à condition qu’il possède un haut niveau de connaissances et de qualifications. Le phénomène brut peut être rendu par l’expression

人材移動

(jinzai-ido) ou « mouvement de capital humain » : avec cette expression, il est possible de quantifier la réalité de ces mouvements.

L’anglicisme « 

モビリティ

  » (mobility) a aussi pignon sur rue.

Quelquefois donné comme équivalent de

移動性

(idosei), il sert également comme ce dernier à transcrire la mobilité des géographes, s’intéressant aux aspects techniques et matériels permettant le déplacement des individus.

Cependant, à la différence du français qui demande que soit précisé le type de mobilité dont on parle (académique, étudiante, etc.), le japonais possède un terme spécifique pour parler de la mobilité éducative. Il s’agit du terme

留学

(ryugaku), qui est défini comme le « fait de séjourner dans

« Petit Royal » (プチ・ロワイヤル) (Ed. Obunsha) pour le dictionnaire bilingue.

Les définitions sont traduites par nos soins.

un territoire autre, en particulier à l’étranger en vue d’un apprentissage ».

Sur la base de ce mot sont formés un verbe

留学する

(ryugaku suru), c’est-à-dire «  partir ailleurs pour y étudier  », et un substantif

留学生

(ryugakusei). Ce personnage qui «  fait ryugaku  » est défini comme un

« étudiant qui séjourne à l’étranger pour y apprendre des sciences, des techniques, etc. » Il est intéressant de noter que de la définition de l’action à celle de l’acteur, il y a passage d’un espace pas forcément non national ou non familier à un autre forcément étranger. Par ailleurs, les objectifs de l’acte de partir étudier ailleurs apparaissent avant tout pragmatiques et scientifiques. Les aspects linguistiques sont, peut-être, sous-entendus dans l’abréviation de l’énumération…

L’existence du ryugakusei permet à la fois d’aborder le phénomène de la mobilité sous un angle quantitatif et d’envisager des approches qualitatives de la mobilité étudiante.

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