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Beuchot et l’approche de Voltaire

Revenons au monde du livre. Cette anecdote qui relate les péri-péties de la publication de la farce en vers de Jean Clogenson nous rappelle que, si Beuchot est avant tout reconnu comme bibliographe, il reste aussi un homme qui possède ses entrées dans les milieux de la production du livre, de l’impression à la distribution. Comme, de plus, ce n’est pas son activité de statisticien pour le compte des régimes politiques en place qui nous intéresse, c’est bien vers son travail sur l’édition des Œuvres de Voltaire qu’il nous faut désormais nous tour-ner. C’est en effet essentiellement pour cette activité que son nom a survécu jusqu’à nous. « Piquant écrivain de l’école de Voltaire, de la lecture duquel il s’est nourri », comme le décrit Quérard, il suit un parcours éditorial qui le conduit à aborder d’autres textes que ceux du patriarche. Son attrait pour Voltaire ne doit pas être compris comme quelque chose d’exclusif, même s’il n’édite que des textes proches de la pensée des Lumières.

197. Ibid. Cette citation est reprise d’une lettre du 7 juillet, publiée dans la Gazette de France du 27 juillet 1815.

198. Christophe Paillard, « Que signifie être “voltairien”… », art. cit., p. 140.

Il nous faudra revenir sur la question de la notion d’éditeur pour bien comprendre en quoi l’approche de Beuchot est inédite pour son époque. Si on l’a vu véritablement éditer les vers facétieux de son ami Clogenson, il mène avec ses éditions de Voltaire un travail d’une toute autre nature. Beuchot, tant par sa méthodologie éditoriale que par la renommée qu’il acquiert, se situe en effet dans un espace entre éditorialité et auctorialité qu’il faut encore définir. D’un point de vue purement descriptif pour l’instant, commençons par relever que Beuchot n’a pas commencé son travail éditorial avec ses éditions de Voltaire. Quérard mentionne en effet divers travaux « recomman-dables par leur correction et un travail littéraire toujours remarquable sous le rapport critique ».

« Critique », le mot est posé et qualifie, déjà chez Quérard, le travail éditorial de Beuchot. Il renvoie d’abord à une autre de ses œuvres éditoriales : l’édition du Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle. D’autres publications secondaires peuvent être signalées : un Choix de poésie de l’abbé de Lattaignant (in-18) publié en 1810 avec Millevoye ; des Lettres de quelques juifs portugais, allemands et polonais à M. de Voltaire d’Antoine Guénée, publié, en un volume in-8°, chez Lebel, à Versailles, en 1817 ; une édition des Œuvres choisies de Le Sage, parue en 14 volumes in-12 en 1820 et à la tête de laquelle figure également une notice biographique sortie de sa plume. Ces titres confirment d’une part que Beuchot se construit en tant qu’éditeur critique depuis les années  1810. Elles montrent d’autre part un intérêt plus affirmé pour la philosophie des Lumières au moment de la Restauration. Notons encore qu’il a publié en 1826, avec Joseph-Marie Decroix, une édition des Mémoires sur Voltaire par Longchamps et Wagnière ses secrétaires, en deux volumes in-8°. En revanche, l’activité éditoriale de Beuchot s’arrête avec la publication de son fameux Voltaire, dont les tables sortent en 1841.

Revenons brièvement sur le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle, que Beuchot réédite entre 1820 et 1824, en 16 volumes in-8°, chez Desoër. Rien d’étonnant à rééditer sous la Restauration un texte du xviie  siècle. Au contraire, si l’on en croit les tableaux des best-sellers pour la période 1816-1850, présentés par Martyn Lyons, ce sont bien les auteurs du Grand Siècle qui se retrouvent en tête de liste. La Fontaine, Fénelon, Racine, Molière et même Fleury devancent Voltaire, Rousseau ou Béranger. Bayle se trouve pourtant

absent de cette liste199. Cet ouvrage, dont la forme permet de jouer avec la juxtapositions parfois paradoxales des notices, se rapproche de l’esprit de certains textes parus sous la Restauration, et notamment ceux de Beuchot. Cela ne suffit pourtant pas à expliquer l’intérêt, rare pour l’époque, de Beuchot pour l’œuvre de Bayle. On peut certes aussi penser qu’il aborde de façon indirecte cet auteur : en collectant des documents sur Voltaire, il a pu trouver sur son chemin des textes, extraits ou inédits de Bayle, que Voltaire considère comme son « père spirituel200 ». Cependant, l’édition du Dictionnaire de Bayle passe davantage pour un laboratoire au sein duquel Beuchot prépare son travail sur Voltaire201. Bayle étant déjà présenté par Voltaire comme

« le premier des critiques et le plus impartial des philosophes202 », il se rapproche aussi de Beuchot par son goût pour l’érudition, la liberté de ton203. Beuchot semble même se situer dans la continuité de ce qu’en dit Condorcet : « En France, Bayle, Fontenelle, Voltaire, Montesquieu et les écoles formées par ces hommes célèbres combattirent en faveur de la vérité, employant tour à tour toutes les armes que l’érudition, la philosophie, l’esprit, le talent d’écrire peuvent fournir à la raison ; […]

prenant enfin pour cri de guerre, raison, tolérance, humanité204. » Le

199. Martyn Lyons, Le Triomphe du livre : une histoire sociologique de la lecture dans la France du XIXe siècle, traduit de l’anglais, s. l., Promodis, Éditions du cercle de la librairie, 1987, p. 103.

200. Je reprends cette idée à Henry E. Haxo, « Pierre Bayle et Voltaire avant les Lettres philosophiques », PMLA, New York, Modern Language Association, vol. 46, n° 2, 1981, p. 461.

201. On retrouve pourtant certaines similitudes. Beuchot mentionne ainsi le travail sur les variantes, qu’il relève : « Je dois beaucoup de remerciements aux journalistes qui ont annoncé mon Prospectus  : leur bienveillance pour moi a été extrême ; mais à l’un d’eux il a échappé une petite inexactitude. Il donne à entendre que je reproduirai toutes les variantes. Je ne les ai pas promises, et je n’en relèverai que quelques-unes. » (Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle. Nouvelle édition, augmentée de notes extraites de Chaufepié, Joly, La Monnoie, Leduchat, L.-J. Leclerc, Prosper Marchand, etc., Paris, Desoër, 1820, t. I, p. i).

202. Pièces inédites de Voltaire, Paris, P. Didot aîné, 1820, p. 117.

203. Notons encore que Beuchot se réfère explicitement à Bayle dans sa « Préface du nouvel éditeur » en tête des Œuvres complètes de Voltaire. Il le cite même lors-qu’il réclame l’indulgence quant à l’imperfection de son édition  : « Je ne doute point qu’outre mes péchés d’omission, qui sont infinis, il ne m’en soit échappé un très grand nombre de commissions. » Voir Beuchot, « Préface générale du nouvel éditeur », Œuvres de Voltaire, éd. cit., t. I, p. xxii.

204. Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, Paris, Chez Masson et fils, 1822, p. 206-208.

geste éditorial recouperait ici le combat pour les libertés. Il est donc légitime de s’intéresser à la façon dont publie Beuchot. Certaines des caractéristiques de cette édition de Bayle sont à ce titre emblé-matiques du rapport qu’il entretient avec les textes, et qui sera celui qu’il appliquera aux textes voltairiens :

Le Prospectus annonce que cette réimpression de Bayle sera enrichie de notes extraites de Chaufepié, Joly, La Monnoie, L.-J.  Leclerc, Leduchat, Prosper Marchand,  etc. Ces auteurs sont très connus. Je crois cependant devoir indiquer précisément quels sont ceux de leurs ouvrages que j’ai mis à contribution : ce sera faciliter à mes lecteurs le moyen de remonter aux sources205.

Ce sont là des prémices du dialogue que Beuchot instaure avec ses principaux devanciers : son travail n’est pas uniquement axé sur un choix de variantes. Beuchot, non content d’organiser le texte de Bayle, consigne en même temps la trace des éditions précédentes qui deviennent autant de jalons qui ont marqué l’édition du Dictionnaire historique et critique. Il applique ici une méthode qu’il réitérera dans son édition des Œuvres de Voltaire. Si l’on regarde en effet le contenu de son édition, tant l’annotation que le classement ou même ses pré-faces se superposent au paratexte de l’édition de Kehl sans le rempla-cer. À propos du système de notes qu’il propose, Beuchot explique, dans sa « préface du nouvel éditeur », avoir « indiqué par des chiffres les notes d’éditeurs. J’ai mis un K aux notes des éditeurs de Kehl ; un B aux miennes206 ». Par cette démarche, Beuchot ne fait pas que signer son travail. Il propose une méthodologie éditoriale qui individualise la réception des textes. Notons d’ailleurs qu’il n’attend pas son édition de 1828 pour mettre en place un tel système de différenciation des annotations. L’édition qu’il commence à préparer auprès de la Veuve Perronneau en 1817 comporte déjà sa signature au bas des notes qu’il ajoute. La différence provient du fait que les annotations des éditeurs de Kehl ne sont pas encore identifiées en tant que telles par un K, mais par une simple lettrine intégrée au texte. Cette nuance entre

205. Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle, op. cit., p. i.

206. Beuchot, « Préface du nouvel éditeur », Œuvres de Voltaire, éd.  cit., t.  I, p. xxxvii.

deux projets éditoriaux distants de près de dix ans est essentielle207. Elle semble témoigner d’une volonté de plus en plus affirmée chez Beuchot, au cours de la Restauration, de se hisser au niveau de ses devanciers. De l’édition publiée par la Veuve Perronneau à celle qu’il fournit pour le libraire Lefèvre, Beuchot effectue en réalité un geste qui réforme fondamentalement la réception du patriarche et de ses œuvres : désormais, l’édition proposée par les éditeurs de Kehl n’appa-raît plus comme seule et indispensable clé de lecture des Œuvres de Voltaire.

En 1828, soit au moment où il commence sa collaboration avec le libraire Lefèvre, Beuchot est déjà reconnu pour son travail édito-rial sur le Dictionnaire de Bayle. Il est en outre déjà connu pour ses travaux sur Voltaire, puisque c’est lui en effet qui a façonné plus de la moitié de l’édition Perronneau, parue entre 1817 et 1822. Même s’il se voit finalement exclu par jugement de cette entreprise, dans des circonstances un peu troubles208, c’est dans celle-ci qu’il réhabilite le texte des Lettres philosophiques, que les précédents éditeurs avaient dispersées entre la Correspondance et les Mélanges. C’est là, en outre, qu’il affine autant son goût pour Voltaire que la méthode avec laquelle il entend travailler sur ce corpus :

J’avais plus que jamais pris goût à Voltaire ; j’avais commencé à voir tout ce qu’il y avait à faire pour une édition de ce fécond auteur.

Je me mis à rechercher, à acquérir les diverses éditions, surtout les pre-mières, de chacun de ses écrits, sans en dédaigner aucun. J’y joignis tout ce que je pouvais me procurer de brochures du temps sur ces écrits. Ce n’était pas encore assez. J’achetai les collections de journaux du temps […]. C’était la plume à la main que je lisais ou feuilletais ces collec-tions, en ayant soin de noter tout ce qui concernait les productions de 207. Elle sera l’objet d’une étude plus systématique infra, le chapitre 5.

208. « Je fus chargé par Madame Perronneau de diriger l’édition qu’elle avait annoncée en cinquante volumes in-12 ; j’en avais donné les tomes I à XXIII, et XXV à XXXII, lorsque j’en fus évincé par jugement, mais avec les honneurs de la guerre.

Mon continuateur fut M. Louis Dubois, qui malheureusement n’avait pas étudié mon travail avant de le continuer » (Beuchot, « Préface générale du nouvel éditeur », Œuvres de Voltaire, éd. cit., t. I, p. xxii). Voir aussi à ce sujet Beuchot, [Recueil de pièces ayant trait à ses démêlés avec Mme Perronneau au sujet de l’édition des Œuvres complètes de Voltaire] [texte imprimé], Paris, Imprimerie de Fain, 1820-1821, in-12, 11 pièces. L’édition Perronneau comporte 56 volumes en définitive.

Voltaire. Je classais chaque note près de l’ouvrage qu’elle regardait. Je collationnais les différentes éditions que j’avais des écrits de Voltaire, en relevant les variantes, non seulement des ouvrages en vers, mais même des ouvrages en prose, sauf à ne pas tout employer. Ce moyen était le seul moyen qui pût procurer de bons matériaux à une édition209 […].

Son intérêt pour tous les imprimés qui touchent de près ou de loin à Voltaire se révèle même bien plus précoce. En 1802 déjà, il raconte avoir proposé « à La Harpe, alors exilé à Corbeil, de donner une édition des Œuvres choisies de Voltaire en vingt ou vingt-cinq volumes in-8°210 ». Cette édition ne se fera finalement pas, si l’on en croit Beuchot, à cause de la mort de La Harpe en 1803. Adhésion aux positions antiphilosophiques de La Harpe du jeune Beuchot ou calcul opportuniste d’un entrepreneur en devenir ? En 1828 en tout cas, Beuchot ne laisse pas de place au doute. Il affirme que La Harpe était « le seul qui pût laisser l’espoir d’introduire l’édition dans des lieux et des pays d’où les écrits de Voltaire étaient exclus211 ». Voltaire n’est pas à la mode sous Napoléon : on ne compte aucune nouvelle édition de ses Œuvres, ni choisies, ni complètes. De plus, si l’on en croit le Journal de la librairie de Beuchot, presqu’aucune édition de l’une ou l’autre de ses œuvres séparées n’est publiée. Entre sa première approche auprès de La Harpe et sa participation à l’édi-tion Perronneau, Beuchot s’occupe de recueillir silencieusement le matériel de sa prochaine édition. Une lettre de Clogenson affirme pourtant que Beuchot était sur le point de collaborer à un nouveau projet d’édition des Œuvres de Voltaire212. Une autre de Decroix nous fait savoir qu’il entendait collaborer avec Desoër, déjà éditeur de

209. Beuchot, « Préface générale du nouvel éditeur », Œuvres de Voltaire, éd. cit., t. I, p. xxx.

210. Voir ibid., p. i.

211. Ibid.

212. « Il est très vrai que je pense plus que jamais à une édition de Voltaire. Je viens même de publier un prospectus pour prendre date. J’avais entendu parler de plusieurs projets d’éditions nouvelles. En n’annonçant mon édition qu’après qu’ils auraient annoncé la leur, j’aurais pu me voir exposer au reproche de n’avoir fait mon entreprise que par imitation, et à cause de la leur. Par le moyen que j’ai pris, je suis à l’abri de ce reproche ; mais je ne le ferai à aucun de ceux qui maintenant en annoncent de nouvelles éditions » (Beuchot, l.a.s. à Clogenson, 15 août 1822.

Oxford, Voltaire Foundation, MS 80).

la première édition des Œuvres de Voltaire sous la Restauration, en 1817213. C’est, comme pour La Harpe, la mort de ce dernier qui aurait empêché sa réalisation. On lui trouve encore une collaboration avec le projet de l’éditeur et libraire Renouard, pour lequel il recueille la Correspondance de d’Alembert :

Je pense comme vous que la Correspondance de Voltaire est la partie la plus curieuse de ses œuvres. N’est-ce pas aussi la plus étonnante ? Surtout si l’on songe qu’on n’a peut-être pas les deux tiers de ce qu’il a écrit ? Mon intention est de réunir toutes les lettres chronologiquement sans distinction des personnes à qui elles sont adressées. Mais que de dates à corriger ! Que d’embarras lorsque des éditeurs de deux lettres n’en ont fait qu’une ! Où trouver les originaux ? Que de choses à expli-quer. Je me suis essayé et j’ai donné un échantillon de mon travail dans la Correspondance de Voltaire avec d’Alembert : voyez le volume LXII de l’édition Renouard. Il y aurait à causer pendant ce jour entier, rien que sur cette correspondance. Je ne puis donc tout écrire214.

Cette collaboration se concrétise dans la publication du tome 62 de l’édition d’Antoine Augustin Renouard (1819-1825, 66 vol. in-8°), paru en 1821. Dans l’avertissement en tête de ce volume, Renouard reconnaît d’ailleurs sa dette envers Beuchot : « Les nombreuses lettres qui composent la correspondance de Voltaire avec d’Alembert ont été en grande partie revues sur les originaux, ce qui a mis à por-tée d’y faire beaucoup de corrections, et surtout d’y rétablir une multitude de passages que n’avaient pas imprimés les éditeurs de Kehl215. » Cet avertissement suggère trois choses. D’une part, que la collection d’inédits de Voltaire que Beuchot constitue renouvelle le

213. « On va donc voir encore de nouvelles collections complètes des œuvres de Voltaire ! Où tout cela peut-il se placer ? Il faut pourtant qu’on ait espoir de tirer bon parti de ces entreprises, car on n’en fait guère de semblables à la légère. Je ne m’attendais pas à vous voir sitôt y prendre part, accablé, comme vous l’êtes, de tant d’autres travaux ; ni M. Desoër recommencer une édition lorsqu’il vient d’en finir une autre ; c’est un actif et courageux entrepreneur ; mais qui ne manque pas, je crois, de prudence ; et il en donne déjà la preuve en mettant en vous sa confiance » (Decroix, l.a.s. à Beuchot, Lille, 24 juillet 1822, BnF, n.a.fr. 25135, f° 102).

214. Beuchot, l.a.s. à Cayrol. 19 octobre 1826, IMV MS 34-02.

215. Antoine-Augustin Renouard, « Avertissement », dans Voltaire. Œuvres com-plètes, Paris, chez A.-A. Renouard, 1821, t. LXII, p. 3. Voir infra, ch. 6.

texte du patriarche connu jusque-là. D’autre part, de façon corollaire à l’accroissement du corpus, qui n’est par ailleurs pas le fait du seul Beuchot, l’édition de Kehl, premier jalon de l’édition posthume de Voltaire et modèle des éditeurs de la Restauration, tend à devenir caduque. Renouard reconnaît enfin qu’outre le fait de récolter du matériel textuel pour sa nouvelle édition, Beuchot en peaufine éga-lement les principes méthodologiques : « Cette révision, les notes, et la rectification des dates de beaucoup de lettres de ce volume, sont le résultat d’un travail antérieurement fait par M. Beuchot, et dont il m’a donné faculté de faire usage dans mon édition. Ses notes y sont signées de son initiale B216. » Ce que l’on a pu entrevoir avec le Dictionnaire de Bayle trouve confirmation dans d’autres travaux contemporains, ainsi que dans cette lettre : Beuchot est plus qu’un simple passeur de textes. Il repense fondamentalement, tout au long du premier tiers du xixe siècle, la façon de mettre en forme, dans son édition, l’héritage des Œuvres complètes de Voltaire. Avant de décrire dans le détail ce travail et d’établir le lien avec les autres éditions ou le contexte dans lequel il est effectué, il nous faudra déjà préciser le rôle de Beuchot, entre éditeur des Œuvres de Voltaire et auteur d’un travail scientifique inédit et original. Les spécificités de son travail éditorial, il les précise lui-même dans une longue lettre à son corres-pondant Cayrol, le 7 septembre 1828 :

J’ai cessé mes recherches, investigations, explorations voltairiennes, car il faut en finir. […] Si pour publier mon travail il eût fallu attendre que j’en fusse content, je ne l’aurais jamais mis au jour. Je me suis résigné : j’ai profité de l’occasion qui s’est présentée. Mais je n’ai en aucun temps eu la pensée d’étendre mon travail aussi loin que vous le dites. Il faut bien figurer d’augmenter dans la mesure une collection si volumineuse. Un commentaire critique mènerait bien loin. Vous savez d’ailleurs mieux que moi qu’il est très peu de faits qui ne soient contro-versés et qui ne puissent donner lieu à des discussions. Le dépouillement seul des critiques de passages de Voltaire serait déjà une assez forte augmentation. Suivant la manière de voir du commentateur, il y aurait telle ou telle manière de présenter les faits : cela ne ferait qu’embrouiller le lecteur. Je ne suis pas de force à me charger de cette besogne. Je 216. Ibid.

ne le suis pas non plus pour un commentaire grammatical, qui serait moins selon mon goût. Je crois devoir me borner à des notes historiques

ne le suis pas non plus pour un commentaire grammatical, qui serait moins selon mon goût. Je crois devoir me borner à des notes historiques