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Chapitre 1. L'économie d’enclave : limites et opportunités

1.1.3. Revue de la littérature

La présente revue de la littérature se limite aux questions économiques ; une revue complète sur les questions d’enclaves se trouve dans Vinokurov (2006b, 2007a). Les enclaves et exclaves sont encore un domaine non prioritaire de la recherche. La littérature scientifique disponible en elle-même traite surtout de l’étude des régions en tant qu’enclaves séparées. Il n’y a pratiquement aucune étude comparative ni proposition d’une théorie relative aux multiples aspects de la vie politique et économique des enclaves. Il existe une littérature scientifique sur les enclaves séparées.

Mais elle ne compense pas, cependant, l’insuffisance de la littérature générale.

Deux périodes distinctes de recherche sur les enclaves peuvent être identifiées. La première se situe dans les années 1950-1960, avec des articles publiés par les géographes Robinson (1959), Melamid (1968), Minghi (1962), et Siedentop (1968), de même que par les chercheurs en droit Olivier Farran (1955) et Raton (1958). La recherche sur les enclaves a diminué dans les années 1970 et 1980 au point que presque aucune publication n’a vu le jour sur cette question en dehors des travaux de Catudal (par ex. 1979). A l’opposée, les années 1990 et particulièrement 2000 sont marquées par un renouveau d’intérêt pour les enclaves. Deux raisons principales à cette deuxième vague. La première est technique. N’importe quel écrit général sur les enclaves exige la disponibilité d’une information à facettes multiples sur des dizaines, pour ne pas dire des centaines de cas. Cette information était initialement extrêmement difficile à recueillir. L’apparition d’Internet comme puissant outil de recherche a donné une nouvelle occasion de rassembler une information riche sur la multitude des enclaves situées de par le monde. La seconde raison est au moins aussi importante. Le début des années 1990 a été marqué par la nouvelle vague d’enclaves venant d’apparaître conséquemment à la rupture des Etats multinationaux socialistes, essentiellement l’Union soviétique mais aussi la Yougoslavie (quasiment vingt enclaves au total).

Certaines enclaves, telles Nagorno-Karabakh, les enclaves de la Vallée de Fergana ou encore Kaliningrad, sont devenues le lieu d’attention internationale en tant que points de

tensions ou de conflits. De nouvelles tentatives pour fournir un aperçu général des enclaves a été entrepris par Rozhkov-Yuryevsky (1996), Whyte (2002a, 2002b, 2004), Nies (2003a, 2003b) et Vinokurov (2002, 2005, 2006b, 2007a).

G.W.S. Robinson a publié dans Les annales de l’Association de Géographes américains6 en 1959 un article, « Exclaves », devenu référence dans la recherche. Il a été précédé par un autre papier sur Berlin Ouest en 1953 dans Geographical Revue, ayant servi de point de départ à Robinson pour ses travaux sur les enclaves. Robinson y soutient que les exclaves ne constituent pas des phénomènes importants en géographie politique, du fait de leur rareté et leur petite taille. Leur statut particulier est, par contre, de valeur « pour illustrer les relations avec l’Etat dans des circonstances géographiques difficiles, et éclairer l’importance aujourd’hui de l’ininterruption territoriale de l’Etat».

Le principal intérêt du travail de Robinson se trouve dans les définitions et dichotomisations qu’il fournit. Robinson fait aussi plusieurs remarques sur les problèmes généraux communs aux enclaves, tels que leurs origines, leur survie, les communications, l’administration et l’économie. La survie comprend trois aspects : le pays natal, le pays voisin et l’exclave en elle-même. Il pourrait, cependant, s’avérer prématuré de conclure que la survie d’une exclave dépend de l’articulation continue de ces trois aspects. Robinson soutient qu’il est normal pour une exclave d’être liée à l’Etat-continent non seulement politiquement mais aussi économiquement, ce qui encourage à une communication efficace entre le deux territoires que ce soit par un corridor ou par un accord. Robinson ajoute que plusieurs enclaves ayant suivi une ligne opposée de développement se sont fait économiquement assimiler par leurs voisins (1959 : 291).

Raton (1958) traite du problème du transit, soulignant que la traversée des passagers et de marchandises est la question centrale pour une enclave. Cette importance toute particulière est due à la petitesse de certaines d’entre elles, ne leur permettant pas d’être autosuffisantes. Le blocus d’une enclave par l’Etat environnant peut être à l’origine de ruptures importantes de la vie courante, de la subsistance ou encore de la continuité gouvernementale. Il peut aussi ruiner l’économie. La reconnaissance du droit de passage par l’Etat-entourant vers l’enclave apparaît ainsi comme élément logique.

6 « Annals of the Association of American Geographers ».

Honoré Marc Catudal a publié un certain nombre d’articles centrés sur Berlin ouest (Catudal 1971b ; 1972 ; 1974a ; 1974b), un livre sur Steinstücken (1971a), et un petit livre très intéressant sur « La Question de l’Exclave en Europe de l’Ouest7 » (Catudal 1979). Tout comme pour Robinson, c’est la complexité du cas de Berlin Ouest qui a retenu initialement l’attention du chercheur. L’étude de Catudal est limitée à quatre cas d’enclaves existant en Europe de l’Ouest, à savoir Baarle, Llivia, Büsingen et Campione. L’intérêt de son travail est double. En premier, il s’agit d’une analyse basée sur des faits, s’appuyant sur une vaste bibliographie. En second, l’importance du livre de Catudal se trouve dans sa tentative d’étudier des enclaves de manière systématique dans une approche pluridisciplinaire. Il formule son hypothèse principale « la question de l’exclave » ainsi :

« La question de l’exclave, telle qu’il en existe à tant d’endroits dans le monde, se résume alors essentiellement à ceci : la présence de la partie d’un Etat dans le territoire d’un autre Etat crée d’une part, des tensions inévitables résultant du désir du pays-entourant, ou Etat hôte, d’inclure le premier dans son administration économique et civile, et d’autre part, rencontre le désir contradictoire de l’Etat-continent, de maintenir une communication normale avec les exclaves et les administrer de la même façon qu’il administrerait des portions contiguës de son propre continent » (Catudal 1979 : 2).

Catudal formule six aspects fondamentaux liés à l’existence d’une exclave auxquels il attache à chaque fois une question :

(1) Forme. Qu’est-ce qu’une exclave très exactement ?

(2) Origine. Comment est apparu un tel arrangement géographique ? (3) Survie. Comment ont-elles fait pour survivre ?

(4) Accès. Les habitants de l’exclave possèdent-ils un droit de traversée libre et sans encombres vers l’Etat-continent ?

(5) Administration. Comment l’Etat-continent a-t-il surmonté la barrière de l’isolement pour maintenir les exclaves conformes à l’administration centrale ?

(6) Economie. Les exclaves elles capables d’initiatives indépendantes, ou sont-elles en totalité dépendantes des Etats-continent et -entourant ?

Brendan Whyte a réalisé deux études approfondies très remarquables sur les deux plus grands complexes d’enclaves au monde, Cooch Behar (2002a) et Baarle (2004)

7 « The Exclave Problem of Western Europe ».

ainsi qu’une comparaison de deux complexes d’enclave (2002b). Il a formalisé systématiquement les enclaves connues en tenant compte de leur localisation géographique et des niveaux auxquelles elles se trouvent (nationaux et sous nationaux).

Susanne Nies base ses écrits sur la thèse voulant que chaque enclave soit spéciale mais pas unique (Nies 2003a : 394). Les habitants des enclaves du monde entier sont persuadés que leur situation est unique et qu’il en est de même pour les solutions, alors qu’une étude systématique pourrait révéler certaines généralités. Nies analyse quatre enclaves - Gibraltar, Kaliningrad, Nagorno Karabakh et Cabinda. Elle les compare à des

« volcans à différents stades d’activité ». Alors que Kaliningrad est « éteint », Nagorno Karabakh et Cabinda sont « actifs ». Sa conclusion est de dire que, compte tenu de l’Etat d’activation actuel des enclaves, elles sont sources de conflits potentiels ou existants. Quatre problèmes communs aux enclaves sont mentionnés (Nies 2003a : 398-402 ; 2003b: 116-120) :

• Accès.

• Gouvernance. Les domaines classiques de la politique intérieure, tels le transport, la poste, les services ou l’éducation et la santé, sont souvent transformés en problèmes de politique étrangère par la simple existence d’une enclave. Le gouvernement central ne perçoit pas toujours clairement les problèmes de son territoire détaché. Il doit les traiter au niveau de la politique étrangère. La crainte permanente de l’Etat de perdre une exclave complique son gouvernement.

• Economie. Nies indique que l’incertitude politique et économique, de même que les temps de transit longs, constituent des facteurs contribuant à la complexité économique de l’enclave. Il existe aussi un phénomène de réorientation des flux commerciaux de l’Etat-continent vers les Etats-entourants, pouvant représenter un danger politique et un affaiblissement des rapports entre l’enclave et son continent.

• Facteurs culturels et d’identité. Selon Nies, l’incertitude sur les perspectives futures de l’enclave suscite une immigration faible mais une importante émigration, qui abandonne l’enclave à une population sénescente. Cet argument découle apparemment de l’expérience provenant des observations de Berlin Ouest sur la période des années 1960-1980.

En résumé, la littérature générale sur les enclaves est rare, tandis que la recherche économique fait complètement défaut.

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