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Inclusion et exclusion des zones douanières allemandes et suisses : les tenants du modèle de Büsingen

Chapitre 1. L'économie d’enclave : limites et opportunités

1.2. Etudes de cas

1.2.3. Le cas de Büsingen : l’intégration d’une petite enclave

1.2.3.3. Inclusion et exclusion des zones douanières allemandes et suisses : les tenants du modèle de Büsingen

1.2.3.3. Inclusion et exclusion des zones douanières allemandes et suisses : les tenants du modèle de Büsingen

L’Allemagne et la Suisse ont réussi à créer un cadre légal permettant de résoudre une énigme majeure liée aux enclaves : garder une enclave sous la souveraineté de l’Etat-continent tout en répondant au défi du développement économique. Cette réponse spécifique consistait à exclure Büsingen de la zone douanière allemande, de l’inclure dans la zone douanière suisse, et étendre l’application de certaines lois suisses dans l’enclave. Le modèle de Büsingen implique dans les faits une renonciation partielle des droits à la souveraineté de l’Etat-continent au profit de l’Etat-entourant. L’histoire de la formation du modèle actuel de gestion économique de l’enclave compte plusieurs étapes. Il a fallu environ 130 ans pour développer le modèle de Büsingen. Le résultat est remarquable : le problème séculaire de Büsingen a été résolu.

PHASE I. Exclusion de la zone douanière allemande en 1835.

En 1835, Büsingen fut exclue de la zone douanière allemande. Par conséquent, les produits de Büsingen étaient soumis aux droits de douane allemands à l’important. Afin

de ne pas porter atteinte économiquement ni à l’Etat-continent, ni à l’enclave, certaines exceptions (pour le vin et autres produits agricoles) furent autorisées pour les flux sortants de Büsingen vers l’Etat Allemand. Ces mesures étaient dans l'intérêt de la population de l’enclave, proche de Schaffhausen. C’était également profitable au fisc allemand puisque le coût des contrôles douaniers était supérieur aux droits payés.

Il y a eu maintes tentatives de changer le régime ou de cesser ce traitement privilégié de l’enclave. Néanmoins, ce régime est resté en vigueur jusqu’en 1967 même si dans les années 30 Büsingen et Jestetten ont réussi à convaincre les autorités que leur insertion dans la zone douanière allemande conduirait à des conséquences économiques négatives.

PHASE II. Régime de libre transit en 1844-1852.

L’accord de 1852 entre la Suisse et Earldom sur les avantages réciproques accordés au petit commerce frontalier prévoyaient le transit de la Suisse à un autre point en Suisse en passant par Büsingen. Cette possibilité, accordée aux Suisses, a été supprimée huit années plus tard, en 1844.

PHASE III. Accord Germano-suisse de 1895 sur Büsingen.

La Suisse a relevé en 1886 et en 1891 ses tarifs douaniers à l’importation. Malgré les nombreux signaux d’alerte émis par les autorités de Büsingen, la collaboration économique entre les deux territoires fut rompue donnant ensuite naissance à un nouvel accord, l’Accord de Büsinger, en 1895. Ce dernier prévoyait une importante réduction des taxes douanières suisses frappant les exportations agricoles de Büsingen (bois, beurre, viande, raisins, porcins, ovins et bovins) sur présentation des certificats d’origines à la frontière de douanes.

Il est à noter que, malgré la conclusion de cet Accord, il s’est écoulé neuf années avant que les tarifs initiaux - désavantageux à l’enclave - ne finissent par atteindre les niveaux attendus. Neuf années peuvent paraître courtes sur l’échelle historique mais mettons-nous à la place des habitants de l’enclave : ils ont supporté neuf longues années d’incertitude et de dépression économique, ce qui a certainement ajouté aux difficultés et à l’instabilité de l’activité économique inhérentes à l’enclave.

PHASE IV. Suppression des contrôles douaniers suisses en 1947.

La proximité économique et territoriale entre Büsingen et Schaffhausen a été la principale raison ayant conduit à l’exclusion de l’enclave du territoire douanier allemand. L’expansion du système de rationnement pendant la Deuxième Guerre Mondiale a renforcé cette proximité. A l’opposé, la guerre l’a quasiment réduite à néant.

Ont subsisté alors les contrôles douaniers suisses autour de Büsingen, compliquant les interactions économiques avec la région de Schaffhausen. La communauté de Büsingen a renouvelé ses appels vers la Suisse afin de supprimer ses contrôles et droits douaniers.

Cette mesure avait quelques effets positifs aussi du côté suisse ; tout comme au dix-neuvième siècle avec Baden, les coûts de contrôles douaniers suisses dépassaient les perceptions, fortement réduites depuis 1895. Les contrôles douaniers suisses furent supprimés en 1947.

La suppression des contrôles et droits de douanes entre deux Etats souverains est une tâche complexe. Il faut composer avec le fait que deux Etats possèdent des systèmes légaux différents, peu analogues. Tel était le cas aussi au moment de la suppression des contrôles douaniers suisses sur Büsingen en 1947. Auparavant, les exportations de bovins, d’ovins ainsi que de toute viande de l’enclave vers la Suisse étaient assujetties à des contrôles vétérinaires plutôt stricts. Avec la suppression des postes de contrôle, de tels contrôles ne furent plus possibles. Büsingen devait elle-même prendre en charge ces formalités et présenter des papiers en règles avec la loi suisse.

L’accord de 1947 comprenait plusieurs autres normes instituant à l’enclave un régime spécifique tant légal qu’économique. Premièrement, la taxe allemande à l’achat n’a pas été prélevée dans l’enclave. Deuxièmement, des droits d’assises significatifs ont été prélevés par les Suisses, sans compensation, tout en exportant des biens vers Büsingen. De plus, certaines particularités de vie à Büsingen ne sont pas prises en compte par l’Accord. Par exemple, bien que le DM soit la monnaie officielle à Büsingen (l’Accord n’a pas fait mention de règles spécifiques sur la loi monétaire et les devises), les francs suisses sont devenus la monnaie principale utilisée dans l’enclave, depuis l’hyperinflation allemande du début des années 1920. Progressivement, il a été permis de payer les impôts allemands en francs suisses (Scherrer 1973 : 95). Dans le domaine de la poste et des services téléphoniques, au contraire, il n’y a pas eu d’arrangements à ce jour. Le courrier et les appels téléphoniques vers Schaffhausen

étaient facturés comme des appels vers un pays étranger. Ce n’était pas encore un problème grave pour la poste, sachant qu’il était possible de se rendre à pied à Schaffhausen, et utiliser la poste qui s’y trouve. Une situation similaire peut être observée de nos jours à Baarle-Hertog où les habitants des enclaves belges traversent simplement la rue afin de payer moins.

PHASE V. 1964 : Traité germano-suisse sur Büsingen. Intégration de l’enclave dans la zone douanière suisse.

La suppression des contrôles douaniers suisses en 1947 a orienté l’économie de Büsingen vers la Suisse de manière définitive, rendant l’enclave dépendante de ses relations avec l’Etat-entourant. En même temps, ces relations – d’une importance vitale pour les habitants de l’enclave – étaient gouvernées par des allemands autonomes et des normes légales suisses susceptibles d’être unilatéralement changées à court terme sur simple notification. Par ailleurs, les contrôles de douanes ayant été levés, Büsingen devait se soumettre à certaines normes suisses (surtout pour les exportations de produits agricoles). La loi suisse sur l’agriculture s’est rapidement développée dans les années 1950 et 1960, conduisant en deux décennies à un écart significatif entre la loi suisse actuelle et le Regelungen de l’Accord de 1947. L’intégration douanière par les Suisses a été perçue comme avantageuse des deux côtés (accord équilibré) : les intérêts fiscaux respectifs des Etat-continent et -entourant ont été respectés ; les liens forts entre l’enclave et la Suisse ont été préservés ; la décision a conduit à la consolidation et à la stabilisation légale pour les deux parties. Sur cette base, un traité suisse-allemand sur Büsingen fut signé en 1964, entrant en vigueur en 1967 (Suisse et FRG 1964).

Il était, de plus, important que, malgré la nécessité d’appliquer certaines lois suisses dans l’enclave, Büsingen soit restée sous souveraineté allemande, pleinement et de façon non limitative. L’article 1er de l’Accord y contenait à ce sujet une référence explicite14. Par conséquent, l’application de certaines normes ne put être réalisée, créant ainsi un terreau de conflits permanents.

14 “Das Gebiet le der Gemeinde Büsingen est Hochrhein, im foldenden „Büsingen“ genannt, bliebt de ausgeschlossen de Zollgebiet de deutschen de vom de das, le zur de Zugehörigkeit de politischen de der de unbeschadet télégraphié Bundesrepublik Deutschland le dem le schweizerischen Zollgebiet angeschlossen“ (1964 Accord Germano-Suisse).

Selon les termes de l’Accord, la liste des lois suisses (nationales et cantonales) légales et administratives à appliquer dans Büsingen incluait :

- la loi pénale relative aux questions douanières ;

- la loi sur l’agriculture (céréales, préservation de terres pour les récoltes, utilisation et fixation de prix pour les articles agricoles, le lait et ses dérivés, la volaille, des subventions agricoles) ;

- la loi sur la santé (drogues, conditions médicales d’employabilité, transit des personnes décédées).

Les taxes et les droits d’assises suisses sur les ventes de tabac et de bière sont prélevés dans l’enclave allemande. Ceci peut être facilement expliqué. Du fait de l’absence de douanes entre le continent allemand et Büsingen, ces taxes ne sont pas prélevées selon les taux allemands. Ne pas les prélever aurait été similaire à accorder des privilèges supérieurs aux habitants de l’enclave qu’à ceux des territoires suisses avoisinants. De plus, il y aurait eu une « faille » dans le système douanier, puisque des articles libres de droits pourraient entrer en Suisse, via Büsingen.

L’intégration de l’enclave dans le système douanier suisse a constitué une nouvelle étape d’émergence du modèle de Büsingen. Elle a constitué un excellent travail de suppression de l’instabilité et de l’incertitude permanente s’exerçant sur Büsingen et ses habitants au cours des dix-neuvième et vingtième siècles. Deux incertitudes demeurent.

Premièrement, l’instabilité de conditions économiques de court terme nuit aux activités économiques majeures de long terme. Deuxièmement, un facteur psychologique puissant affecte la communauté. Il est donc tout naturel que les habitants de l’enclave n’aient pas cessé de solliciter l’Allemagne et la Suisse dans le but d’y apporter des solutions. Mais cela ne pourrait être atteint que dans un accord bilatéral entre Etats.

Le modèle de Büsingen a plutôt bien réussi. Peut-il être généralisé ? Le modèle consistait en l’exclusion de l’enclave du territoire douanier de l’Etat-continent et son insertion dans le territoire douanier de l’Etat-entourant, avec en complément l’application partielle des lois de ce dernier, nécessaires au fonctionnement efficace du système. La souveraineté reste du ressort de l’Etat-continent, tandis que certaines de ses composantes sont transférées à l’Etat-entourant. Il existe une condition préalable à l’application de ce modèle à d’autres cas : que deux Etats entretiennent de bonnes relations, basées sur la confiance. C’est le cas avec l’Allemagne et la Suisse.

L’expérience historique de la neutralité suisse et son désintérêt de s’approprier une enclave à la première occasion ont contribué sans aucun doute à rassurer l’Allemagne sur le fait que certains transferts de souveraineté ne conduiraient pas à une absorption rampante de Büsingen par la Suisse. S’il n’existe pas de relations durables de confiance entre deux Etats, l’Etat-continent a toujours une raison de craindre la dilution graduelle de son exclave dans l’Etat-entourant. En plus, l’Etat-continent doit être ouvert, en principe, à l’appréhension de la souveraineté comme concept multi-niveaux.

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