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Le cadre conceptuel : le triangle Etat-continent / enclave /Etat entourant

Chapitre 1. L'économie d’enclave : limites et opportunités

1.1.4. Le cadre conceptuel : le triangle Etat-continent / enclave /Etat entourant

Les enclaves n’existent pas dans le vide. Elles existent dans un mondial rempli de joueurs et de pouvoirs aux intérêts souvent contradictoires. Les deux pouvoirs ayant le plus de rapports avec une enclave sont l’Etat-continent et l’Etat-entourant. Ces deux parties avec l’enclave constituent le triangle Etat-continent / enclave / Etat-entourant, et que nous citerons par la suite comme le triangle MES8. Il servira de cadre conceptuel principal à notre exploration des enclaves.

Graphique 1.2. Le triangle MES.

Le triangle MES est composé de quatre vecteurs. Ceux-ci sont, dans l’ordre, i) les relations continent-enclave ; ii) les relations entre l’Etat-entourant et l’enclave ; iii) les relations entre l’Etat-continent et l’Etat-entourant sur les questions bilatérales générales

; iv) les relations entre l’Etat-continent et l’Etat-entourant concernant les questions relatives à l’enclave. Les flèches de chaque vecteur du triangle sont à double sens afin de refléter l’interaction entre les parties. Cet impact n’est pas nécessairement de force égale. Mais il est naturel que le continent exerce un impact décisif sur le sort des enclaves. De la même manière, le contexte général des relations entre Etat-continent et Etat-entourant est le contexte dans lequel une enclave doit se retrouver, et auquel elle doit adapter ses activités vitales. De plus, l’impact de l’économie et des politiques de l’Etat-entourant sur l’enclave est incommensurablement plus grand que l’inverse.

Néanmoins, et c’est en cela remarquable, aussi petite et insignifiante que soit une enclave, elle exerce certains impacts tant sur son continent que sur l’Etat-entourant voire même sur les relations bilatérales M-S, et ce, par des voies très variées.

8 As « mainland – enclave – surrounding state ».

E

M S

Définissons tout d’abord les relations le long des quatre vecteurs : 1. Les relations métropole-enclave (ME).

Dans l’optique de l’enclave, il s’agit du vecteur le plus important puisqu’il s’agit habituellement de celui déterminant ses politiques et économies. En tant que partie du continent, l’enclave est dirigée par la politique et le système légal du continent national.

Le continent exerce une influence puissante sur l’enclave et détermine ses régimes économique et politique. Sur le volet économique en particulier, le continent peut ou non doter l’enclave d’un régime économique spécial spécifique. Sur le volet politique, le continent se penche souvent sur les questions de souveraineté de l’enclave. Cette inquiétude a de toute évidence des conséquences sérieuses sur les politiques menées par le continent. Par exemple, afin de préserver la souveraineté entière du continent, il est nécessaire de recourir à une administration directe ainsi qu’à certaines restrictions à la démocratie locale. En d’autres termes, il y a des stimuli négatifs et positifs pour le continent à donner davantage de poids à l’enclave qu’elle n’en aurait normalement au regard de son poids démographique et de son territoire. Le souci premier du gouvernement central du continent est une sécession potentielle de l’enclave. C’est le stimulus négatif qui encourage le continent à veiller à l’enclave. Deuxièmement, certaines considérations d’ordre stratégique/militaire/géopolitique donnent aux enclaves davantage de poids aux yeux du gouvernement central. Il s’agit de stimuli positifs. Ces deux facteurs combinés apparaissent peser suffisamment pour justifier la décision du gouvernement central de payer le prix afin de conserver l’enclave et utiliser ses avantages stratégiques. Ce prix signifie souvent accorder à l’enclave certains privilèges économiques inconcevables pour les autres régions du continent.

2. Les relations Enclave / Etat-entourant (E-S).

Bien que le continent soit le siège du pouvoir central où se prennent les décisions concernant le futur de l’enclave, l’Etat-entourant exerce un impact puissant sur l’enclave. Cet impact peut être exercé ou non de manière active et volontaire. Rien n’exclut que l’influence de l’Etat-entourant ne soit pas active sur l’enclave, vu que cette dernière se situe dans sa sphère d’influences politique et économique. Ce faisant, l’Etat-entourant est limité par la souveraineté étrangère de l’enclave qui, théoriquement, peut compter sur le soutien de son Etat-continent. Une enclave peut être perçue comme une fissure inopportune dans l’Etat, sinon comme un « cailloux dans la chaussure ». Elle

peut être source d’inquiétudes militaro-stratégiques du fait de sa situation géographique.

Elle peut aussi susciter quelques problèmes économiques du fait des différences entre régimes légaux, créer des ouvertures pour la clandestinité, augmenter les coûts nécessaires au maintien de systèmes frontaliers efficaces etc. Que les politiques de l’Etat-entourant soient neutres ou même bienveillantes, il n’en demeure pas moins que celui-ci exerce une influence puissante, économique et politique, du fait même d’entourer l’enclave.

3. Les relations générales entre Etat-continent et Etat-entourant (M-S)

Une bonne partie du bien-être de l’enclave et de l’ordre dépendent de l’état général des relations entre M et S. Si ces relations sont perturbées, même pour des raisons peu liées apparemment à l’enclave, l’impact négatif sur cette dernière aura tendance à être significatif. A l’opposé, des relations paisibles et amicales entre M & S créent un cadre politique positif pour l’enclave. En allant plus loin, une intégration profonde et complète entre le continent et l’Etat-entourant peut lever entièrement la plupart des problèmes - mais aussi certaines des opportunités !

4. Les relations entre Etat-continent et Etat-entourant sur les questions d’enclave.

Graphique 1.3. Quatrième vecteur : relations entre continent et l’Etat-entourant sur les questions relatives à l’enclave.

Le quatrième vecteur pourrait ne pas être aussi évident que ne l’est le précédent. Il a pourtant une importance spéciale : il comprend deux flèches. La relation entre M et S sur les questions découlant de l’existence de l’enclave a un impact important sur elle.

De plus, et à l’inverse, une enclave peut avoir un impact significatif sur les relations

E

M S

S. Ce n’est pas seulement la nature des relations M-S qui influence une enclave mais aussi l’enclave (sa simple existence et ses spécificités, ses besoins et ce qu’il s’y passe) qui peut influencer les relations entre M-S. Ce point est essentiel pour comprendre en détail une enclave ; il permet de révéler le rôle tenu par les enclaves dans les relations bilatérales entre grands Etats, en politique internationale, sur les conflits ou la coopération. De plus, cet aspect nous permet de reconstruire le cadre de vie politique et économique des enclaves auquel la politique nationale accorde généralement une attention disproportionnée au regard de leur population et du poids territorial. A un moindre degré, il en est de même pour la politique étrangère de l’Etat-entourant. Nous ne soutenons pas l’idée que les enclaves sont simplement « très importantes », mais que, bien que petites, leur poids dans l’économie mondiale et surtout en politique peut être disproportionné par rapport à leur taille géographique et humaine.

L’impact de l’enclave sur les relations M-S semble assez souvent négatif et rarement positif. S’il existe des revendications territoriales (comme c’est le cas pour Gibraltar, Ceuta et Melilla, Macao, Hong Kong, Mont de Scopus, l’Arménie ou les enclaves azerbaïdjanaises), les relations générales entre M-S peuvent se dégrader significativement, jusqu’à atteindre le conflit militaire. Si la propriété de l’enclave n’est pas en jeu, plusieurs options s’offrent à M et à S, sans que l’impact positif des enclaves sur les relations entre M-S ne soit clairement identifié.

Afin de préciser notre idée du triangle, voyons les relations [existantes] entre un Etat-entourant et un Etat-enclave souverain. L’absence du deuxième sommet dans le triangle MES (l’Etat–continent) change complètement le cadre d’analyse et a des conséquences sur l’environnement international dans lequel l’Etat-enclave interagit. Vu qu’un Etat-enclave n’a pas de continent, ce n’est pas un triangle que nous avons mais juste un axe Etat-enclave / Etat-entourant (axe ES-S). Il existe deux différences politiques majeures entre une enclave et un Etat-enclave. D’une part, l’enclave relève d’un continent à même de faire pression sur l’entourant, alors qu’un petit Etat-enclave comme San Marino n’a pas une telle possibilité et est presque entièrement aux ordres de l’Italie. D’un autre côté, un Etat-enclave est plus libre pour sa politique extérieure, y compris sa politique économique. Une enclave classique n’en a généralement pas la possibilité puisque le continent s’en charge (Robinson 1959 ; Whyte 2002b).

Prenons comme exemple deux entités, Campione, une exclave Italienne en Suisse, et San Marino, un Etat-enclave entouré par l’Italie. Les deux ont voulu, à un moment donné, créer un casino afin de bénéficier de revenus importants et profiter d’un plus grand afflux de personnes en provenance des Etats environnants. Dans les deux cas, l’idée n’était pas bien accueillie par les Etats-entourants. La Suisse, où ces jeux sont interdits par la loi, a fait pression sur Campione. Cette pression, bien entendu, avait ses limites puisque Campione pouvait toujours naturellement compter sur son continent, l’Italie. Finalement, un compromis a été trouvé : la Suisse a toléré le casino de Campione tout en maintenant certaines limitations de jeu pour les citoyens suisses.

Quand San Marino a lancé l’ouverture de son casino, Italie a exercé une pression à laquelle le petit Etat enclavé ne pouvait pas s’opposer. Ici, San Marino a plié devant les ordres de l’Italie car les sanctions pouvaient se révéler trop lourdes à supporter pour l’Etat enclavé. L’absence d’un continent a de grandes conséquences sur un Etat enclave.

Il se trouve seul face à l’Etat-entourant, tant politiquement qu’économiquement. Même s’il existe quelques instruments permettant de faire levier en politique internationale, sa dépendance économique des relations de voisinage avec l’Etat-entourant est inévitable.

Un transfert de compétences de l’Etat-enclave à l’Etat-entourant est alors une conséquence naturelle. La France est responsable de la défense de Monaco ; l’enclave est pleinement intégrée au niveau des douanes avec la France tandis que le système légal en vigueur à Monaco est basé sur la loi française. L’Italie est responsable pour la défense et le commerce de San Marino. L’Afrique du sud exerce une influence puissante sur le Lesotho avec lequel elle partage une union douanière.

Regardons maintenant l’autre versant de la médaille. Une enclave, contrairement à un Etat enclavé, a moins de latitude pour déterminer sa propre politique économique. En général, une enclave n’a pas le droit de développer des relations extérieures propres, ou forger des contacts internationaux. Elle doit passer par le continent. Il n’est pas rare non plus que le continent regarde avec méfiance les tentatives faites par l’enclave de communiquer directement avec le monde d’extérieur, ceci certainement par crainte de voir l’autorité centrale et la souveraineté minés. C’est un problème sensible dans les relations entre continent et enclave du fait du détachement géographique de celle-ci. Par opposition, un Etat enclavé n’est généralement pas limité par de telles contraintes et peut développer ses propres politiques extérieures de façon indépendante, bien qu’en

tenant compte de la position adoptée à ce sujet par l’Etat-entourant. Ce détail est parfaitement illustré par le tourisme. Les enclaves doivent gérer de nombreuses contraintes telles les tentatives de forger des alliances internationales ou de mise en place d’instruments politiques permettant d’attirer le plus grand nombre possible de touristes étrangers. Les Etats enclavés disposent de plus de flexibilité et, d’habitude, réussissent mieux à attirer les touristes et à développer leurs atouts en la matière.

Robinson l’a noté : « l’exclave partage avec l’Etat enclavé la plupart des incapacités liées à son isolement, mais elle peut récolter des fruits compensatoires car déterminés par l’exercice d’un certain degré de souveraineté dont n’est pas dotée normalement l’enclave » (1959 : 295).

La question suivante, tout à fait justifiée, pourrait ici être : pourquoi nous restreignons-nous au continent et à l’Etat-entourant seulement dans le cadre du triangle MES, mais laissons-nous de côté le reste du monde avec ses grands pouvoirs et ses organisations supranationales ? L’explication réside dans une caractéristique essentielle de la politique et économie des enclaves. L’impact que l’Etat-continent, l’Etat-entourant et leurs relations bilatérales exercent sur l’enclave dépasse de loin l’impact que peut avoir le reste du monde. L’influence des grands pouvoirs mondiaux ou des organisations internationales est négligeable sur les questions pratiques. Même s’il y a influence, elle est d’habitude dirigée par le continent ou l’Etat-entourant. La particularité du positionnement des enclaves au sein du triangle empêche les pouvoirs extérieurs d’intervenir directement. Prenons Gibraltar. Son emplacement stratégique et le fait que la Grande Bretagne et l’Espagne soient des membres de l’Union européenne et de l’OTAN ont conduit à une situation où plusieurs organisations influentes ainsi que plusieurs Etats (UE, OTAN, ONU, Etats-Unis) se sont penchés sur le « rocher ».

Néanmoins, aucun d’entre eux n’est intervenu directement, préférant déléguer ce problème épineux aux relations bilatérales entre américains et espagnols. Une situation similaire existe autour de Ceuta et de Melilla. L’Espagne étant membre de l’OTAN et de l’UE, il semblerait naturel de prévoir que les enclaves sont aussi « dans » ces organisations. Pourtant, ce n’est que partiellement le cas. Les deux enclaves sont explicitement exclues de la défense par l’OTAN ; l’Alliance n’a pas voulu être impliquée sur la côte africaine. De nouveau, la discussion animée sur la responsabilité des enclaves est renvoyée aux relations bilatérales entre le continent, l’Espagne et le Maroc - Etat-entourant. Quant à l’UE, Ceuta Melilla tout comme Gibraltar en font partie

mais sont exclues du territoire douanier, ne sont pas assujetties à la Politique Agricole Commune ni à la politique sur la pêche de l’UE. C’est peut-être du au fait que traditionnellement, seules les Nations unies se sont impliquées dans l’enclave, en particulier dans les contextes de colonialisme ; mais dans la plupart des cas, leur influence s’est limitée à la multiplication de résolutions, peu substantielles en soi.

1.1.5. Comparaisons des types : matrice de distribution géographique et de

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