• Keine Ergebnisse gefunden

SECTION 2 – LES PRINCIPAUX INSTITUTS DU DROIT POSITIF ET DU DROIT FLEXIBLE DU DROIT FLEXIBLE

B. L’ADMINISTRATEUR INDEPENDANT

2. LE VOLET PENAL – LE DEBUT

En restant sur cette doctrine rigoureuse, le délit requiert un acte d’appauvrissement de la société anonyme. L’appauvrissement montrerait que l’agissement a été contraire à l’intérêt social. Il requiert encore que l’appauvrissement de la société soit combiné avec le profit personnel du dirigeant ou d’un tiers qui a été favorisé par le dirigeant. Le délit constitue clairement une législation répressive qui opère après la survenance de l’acte punissable. Il peut avoir un caractère dissuasif mais il ne prévoit pas un contrôle avant la prise de l’acte punissable.

Les conventions réglementées, par contre, opèrent préventivement et visent tout contrat anormal entre l’entreprise et le dirigeant. Les conventions sont un processus encombrant mais garantissent une légalité plus sûre. En fin de compte, le délit est interprété restrictivement, comme c’est normalement le cas dans le domaine pénal. Ainsi, l’acte d’un dirigeant n’entraîne pas une extension automatique à un administrateur qui ait toléré l’agissement de l’intéressé. Dans les conventions réglementées, la responsabilité civile peut inclure, en plus de l’intéressé, les membres du conseil d’administration qui ont participé à la fraude.

Les conventions réglementées sont un dispositif plus complexe que le délit d’abus de biens sociaux. En effet, les conventions réglementées sont aussi répressives, car elles peuvent justifier un droit à la responsabilité civile. Cette répression se base sur deux piliers : le premier est l’intérêt personnel de l’administrateur ou du dirigeant qui justifie la mise en oeuvre du processus et le deuxième est l’appauvrissement de la société anonyme, qui justifie les dommages pouvant être réclamés par l’entreprise en justice. La répression des conventions

140 réglementées est assez similaire aux conditions requises du délit d’abus de biens sociaux dans le domaine pénal.

Mais les conventions réglementées disposent de cet aspect préventif qui contribue à empêcher la conclusion de la transaction avec l’intéressé, dès lors que celui-ci manifeste la transaction au conseil d’administration. Si cette communication échoue, les conventions réglementées auront seulement un effet répressif et seront une alternative pour le délit d’abus de biens sociaux, en particulier là où il ne s’applique pas, comme dans l’absence de dommage à l’intérêt social(a.) et de constatation de l’intérêt personnel (b.).

a. Le concept malléable : l’intérêt social

L’évolution de la législation destinée à accueillir dans son sein le processus des conventions réglementées désigne la faiblesse des dispositifs légaux qui se basent extensivement sur le critère de l’intérêt social223. Tant l’abus du droit de vote que l’abus des pouvoirs, du crédit, des voix se fixent sur une violation de l’intérêt social. Il faut un usage contraire à l’intérêt social. Malgré la constante discussion sur le concept d’usage, la législation en matière pénale et en matière civile semble accepter que l’omission constitue également un usage. Il s’agit d’un choix fait par l’administrateur, et l’omission peut clairement être un choix anormal dans certains cas.

Le concept de l’intérêt social en soi est un concept ambigu, neutre, malléable, dans le sens où il ne peut même pas être codifié. Il répond aux besoins de l’époque. Maintenant, il existe une vraie pression sur la légitimité de quelques actes des dirigeants, et le concept peut être appliqué pour augmenter les exigences sur la légalité (ou bien l’utilité) d’un acte

223BAILLY-MASSON Claude, L’intérêt social, une notion fondamentale, p. 6

141 d’administration224. Néanmoins il faut quand même reconnaître qu’un acte d’administration dispose certainement d’un plus grand champ de discrétion qu’un acte non administratif. Il faut, alors, se tourner vers des cas d’espèce pour évaluer les limites de la discrétion.

Le concept de l’intérêt social ouvre la voie à des immenses doutes, car il doit concilier une vaste gamme d’intérêts. Il ne s’agit pas tout simplement de l’intérêt de la personne morale. Si celui-ci est réel ou fictif, le débat n’est déjà plus le même car il aborde les contours de la personnalité morale. L’intérêt social doit inclure les préoccupations personnelles des actionnaires. C’est ainsi de la poursuite de l’intérêt personnel. On repose la question : dans quelle mesure la poursuite de l’intérêt personnel devient-elle exagérée et donne-t’elle peu d’espace à la consécration de l’intérêt de la personne morale ?

b. Une précision du concept : l’intérêt personnel

Les réponses sont bien évidemment variées et dépendent de toute façon des circonstances des cas concrets. Mais un autre élément nous aide à découvrir les aspects de ses limites. A défaut on se contenterait de tourner en rond et revenir précisément à la question de l’intérêt personnel. Il faut, selon la théorie, l’existence d’une ambition de bénéfice personnel225. Ou un agissement au bénéfice d’un tiers. Mais est-ce qu’un intérêt personnel ne relève déjà pas du bénéfice personnel ? Ou bien un intérêt personnel est tout simplement un intérêt exprimé par une personne, mais qui ne relève pas a priori d’un intérêt à procurer un profit personnellement (seulement un acte contraire à l’intérêt social) ?

224 PORCHERON Sylvaine, L'intérêt social se confond-il avec l'objet social ? p. 217

225 BROUILLAUD Jean-Pierre, Faut-il supprimer la notion d'intérêt personnel dans la définition de l'abus de biens sociaux ? p. 375

142 En effet, les réponses ne sont pas claires226. Mais une exagération de l’intérêt personnel peut retirer tout espace pour l’intérêt de la personne morale ou même nuire cet intérêt. Toutefois, la nuisance de l’intérêt de la personne morale signifie à son tour un impact sur l’intérêt personnel de l’intéressé. L’impact est différent en fonction de la personne concernée. Il se peut que l’impact sur l’intéressé soit clairement moindre que l’impact sur les autres actionnaires. Ici, on se rapproche du but de la loi, qui est sans détour d’éviter qu’une grande quantité de personnes soient lésées par la poursuite de l’intérêt personnel.

Clairement, la loi privilégie un intérêt personnel qui respecte le but du droit exercé. Une dénaturation du droit implique alors une exagération de l’intérêt personnel. Il s’agit d’utiliser des dispositifs légaux pour parvenir à des buts qui n’ont pas été envisagés par la loi et qui nuisent nécessairement à la masse d’actionnaires (absence de contrepartie)227. Quand l’intérêt personnel vaut un bénéfice impliquant l’appauvrissement des autres actionnaires, cet intérêt personnel n’est plus légitime, indépendamment de la légitimité des mécanismes légaux exercés.

CONCLUSION

Les systèmes juridiques adoptent une philosophie commune sur l’organisation des organes d’administration. C’est aux entreprises que revient la décision sur la concrétisation de l’organisation, mais comme les pays veillent à la sauvegarde des sociétés anonymes et à la confiance des marchés de capitaux, certaines normes sur la structure interne des entreprises ont été fixées par des lois.

226 RENUCCI Jean-François, Abus de biens sociaux : l'acte illicite est-il contraire à l'intérêt social, p. 413

227 Dilution constante du concept d’intérêt personnel par la justice pénale : REBUT Didier, L'absence d'intérêt personnel fait obstacle à la qualification d'abus de biens sociaux malgré le caractère contraire à l'intérêt social des usages de biens, p. 832

143 Cette sauvegarde minimale a été défaillante et les directeurs ont pu saisir le contrôle des entreprises. Il faut se rappeler que le concept initial de la société anonyme est la délégation de l’administration à des administrateurs spécialisés, qui toutefois sont, d’une manière ou d’une autre, contrôlés par le conseil d’administration, le conseil de surveillance ou les actionnaires.

La défaillance a généré une réaction de l’opinion publique, des pouvoirs publics et des associations de chefs d’entreprise. Ces derniers ont craint l’introduction de législation et ont plaidé pour une structure souple et de nouvelles règles appartenant au droit flexible (le ‘soft law’). L’Angleterre a vécu ce phénomène en premier, suivie par l’Allemagne et la France. Le Brésil n’a pas adhéré à la systématisation du droit flexible.

Il n’y a pas de droit flexible au Brésil, car les entreprises ne sont pas tenues d’adopter les règles du code de gouvernement d’entreprise ou d’expliquer pourquoi elles ne suivent pas ces règles. Le Brésil n’a pas partagé le droit flexible car il n’était pas dans une situation urgente comme l’Angleterre. L’Allemagne et la France se sont convaincues du bien-fondé des règles de gouvernement d’entreprise et ont rédigé des codes de gouvernement d’entreprise.

Mais il reste nombre de différences aigües entre les droits européens. L’Allemagne préserve son système dual de gestion. La France préserve son système ‘minoritaire’ de gestion, le système dual. Ces deux pays n’ont pas introduit des règles novatrices comme en Angleterre : ils ne conçoivent pas un administrateur indépendant sénior, ils ne requièrent pas de comités composés exclusivement de membres indépendants.

Mais les similitudes abondent : des administrateurs indépendants sont exigés, même en conseil de surveillance, qui est un organe traditionnellement plus neutre ; les comités spécialisés de l’organe collégial de gestion sont recommandés ; les systèmes de contrôle du

144 risque sont introduits ; la séparation de la présidence du conseil d’administration et de la direction générale est bien vue.

Dans les pays européens, malgré des différences sur les modes de gestion, moniste ou dual, il y a unanimité sur le besoin de la professionnalisation des organes. A défaut de professionnalisation, la gestion des sociétés anonymes sera contrôlée entièrement par les administrateurs exécutifs.

Il est vrai que la grande majorité des entreprises contrôlées par leurs administrateurs exécutifs ont une performance raisonnable ou bonne. Les études économiques qui examinent l’utilité de la gestion concentrée et exécutive des entreprises ne prouvent pas une supériorité de la décentralisation sur la centralisation. Mais l’inverse n’est également pas prouvé.

Une question inquiétante pour l’avenir est de savoir si la décentralisation sera maintenue et le conseil d’administration ou le conseil de surveillance toujours valorisés. Le gouvernement d’entreprise moderne est venu combler le domaine ouvert aux crises des entreprises qui généraient leur faillite soudaine. Le gouvernement d’entreprise n’a pas été conçu pour améliorer la performance des entreprises, mais pour assurer une décentralisation minimale qui empêche la survenance des fraudes.

Il n’y a pas encore eu de mouvements de contestation du nouveau gouvernement d’entreprise.

Il n’y a pas encore eu de faillites soudaines à la suite des fraudes commises par les organes de gestion qui aient attiré l’attention des medias. La substance de la réforme des organes de gestion a été conçue il y a au moins dix ans et rien de vraiment nouveau n’est apparu entre-temps, ce qui peut amener à l’épuisement du mouvement.

Aux Etats-Unis, où une réforme à l’européenne a été implémentée sous la forme de droit positif, des voix contestent le bien-fondé des réformes en signalant les coûts des nouvelles

145 règles et leur bénéfice marginal. En réalité, à cause de certaines entreprises et certains chefs d’entreprises malhonnêtes, des règles générant des coûts ont été imposées à toutes les entreprises cotées en bourse.

Il est utile d’observer si la nouvelle méthode pourra vraiment empêcher des fraudes commises par les administrateurs ou si elle pourra empêcher la faillite des entreprises causée par des actes différents de la fraude. On parle maintenant beaucoup de la nouvelle organisation des organes d’administration comme si elle était une solution magique à tous les problèmes des entreprises, quand elle ne touche que la forme de l’organisation. La qualité technique est aussi déterminante, mais elle a été oubliée par le gouvernement d’entreprise.

Autant de bénéfices que de doutes. Nonobstant, le droit flexible est actuellement une réalité.

Sa forme, basée sur le principe du ‘se conformer ou se justifier’, atténue les critiques de la solution unique et permet en même temps une adaptation sur mesure des entreprises aux nouvelles règles. Elles aspirent à une réforme qui ait du sens et non simplement une réforme formelle et incompatible avec les vrais besoins de chaque entreprise.

Les administrateurs indépendants, qui sont les pièces centrales de la nouvelle organisation, ont les pouvoirs nécessaires dans tous les pays pour se procurer l’information et pour évaluer l’administration exécutive. Ils doivent maintenir une relation de proximité avec les principaux actionnaires pour connaître leurs expectatives et critiques sur l’administration exécutive.

En Allemagne, une certaine difficulté, liée aux pouvoirs d’investigation et à la proximité entre le conseil de surveillance et les actionnaires, surgit en raison de l’indépendance du directoire et de la force de l’assemblée générale présentielle. Mais il n’y a pas vraiment d’obstacle à l’atteinte les objectifs de la nouvelle méthode et à devenir un organe participatif et vigilant (le conseil de surveillance).

146 Le Brésil n’adopte pas la nouvelle gestion européenne, mais ne s’en sort pas plus mal, ce qui peut défier l’efficacité de la nouvelle règlementation. Les entreprises brésiliennes cotées sur le Nouveau Marché de la bourse des valeurs mobilières de Sao Paulo, ont certes réduit le nombre d’administrateurs indépendants, mais elles n’ont pas à respecter le contenu général de la nouvelle gestion à l’européenne. Pour l’instant, aucun scandale économique et aucune critique n’incitent à l’implémentation de la réforme européenne.

Ce résultat n’est pas inattendu. Tandis que les systèmes européens se basent sur une prévention reposant sur une démocratisation et une décentralisation, le système brésilien a copié les règles du droit des Etats-Unis, dès la conception de la loi des sociétés anonymes de 1976. A ce moment-là, une renaissance des marchés des capitaux brésiliens était visée et la perception des investisseurs étrangers sur les marchés brésiliens a été décisive.

A la façon du droit des Etats-Unis, le droit brésilien a ciblé le régime de la responsabilité à la place du renforcement de la prévention. Dans la loi de 1976, il y a un régime de responsabilité pour les administrateurs et les actionnaires majoritaires. Le Brésil a opté pour une plus grande centralisation du pouvoir et non une décentralisation.

La loi brésilienne a créé des places au conseil d’administration et au conseil fiscal pour les représentants des actionnaires minoritaires. Aux conseils brésiliens, il y a un devoir théorique de veiller à l’intérêt de l’entreprise, mais chaque membre est plutôt un représentent d’un actionnaire et personnifie des intérêts distincts.

Tandis qu’en Europe, il y a avait un vide légal concernant le conseil d’administration, au Brésil le conseil d’administration était déjà accessible à l’actionnaire minoritaire. Cette participation directe du minoritaire et l’existence d’un capital concentré où la représentation

147 de l’actionnaire majoritaire est persistante, ont exclu tout espoir de former un conseil d’administration brésilien indépendant.

Aujourd’hui, les valeurs européennes imposées au conseil d’administration et au conseil de surveillance, à savoir la collégialité, la spécialisation, le contrôle et la surveillance, ont triomphé. Il y a des variations mineures en Allemagne, en Angleterre et en France, mais les valeurs restent autour de ces concepts.

Au Brésil, il y a un recul vis-à-vis du débat européen et une accalmie sur le besoin de transformer le conseil d’administration. Tous les derniers changements mineurs de la loi des sociétés anonymes brésiliennes ont été difficilement négociés. Ainsi, une modification radicale au Brésil attendra malheureusement une catastrophe économique due à la fraude pour s’imposer.

148