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SOUS-SECTION 2 : LES LIENS DES ADMINISTRATEURS AVEC LES PARTIES PRENANTES ET LES ACTIONNAIRES

A. L’INTERET SOCIAL ET SES LIMITES

L’intérêt social est actuellement un concept si étendu et flexible qu’il est adéquat pour l’inclusion de la protection des intérêts des parties prenantes. Les lois prévoient, pourtant, des limites à la prise en considération des intérêts des parties prenantes. En Allemagne et au Brésil, la limite est la survie économique de la société. En France, le concept est détaché des parties prenantes. En Angleterre, les parties prenantes sont toujours en second plan.

En droit allemand, la limite à la protection des intérêts des parties prenantes est subjective et dépend de l’avis des administrateurs. Il existe une limite objective minimale : la survie et la rentabilité continue de la société doivent être assurées. La prise en considération des parties prenantes doit contribuer au développement durable.

159 La limite en droit brésilien se trouve dans l’art. 2 LSA. Celui-ci prévoit que l’objet de la société peut être toute entreprise à but lucratif249. L’usage du mot ‘but’ et son association avec le mot ‘profit’ sous-entend que l’objectif d’une société est la poursuite du profit. Mais il faut ambitionner le profit d’une façon légitime.

De la lecture de l’art. 115 LSA (l’usage du vote par l’actionnaire est conditionné au respect de l’intérêt social et le vote est abusif s’il a un impact négatif sur la société ou les autres actionnaires) ressort que l’intérêt social est un usage du pouvoir politique, dans le sens où il apporte un avantage personnel légitime et qu’il ne cause pas un dommage à la société ou aux autres actionnaires.

La s.172 CA 2006 a marqué l’orientation du droit anglais en la matière. La jurisprudence s’est toujours positionnée en faveur del’intérêt des actionnaires en termes d’objet de la société, mais le CA 1985 avait une règle (s. 309) ambigüe sur la préférence à donner aux intérêts des actionnaires250.

Le CA 1985 stipulait que les devoirs fiduciaires des administrateurs étaient dus à la société et qu’ils devaient lors de la décharge des devoirs prendre en compte les intérêts des actionnaires ainsi que les intérêts des employés. Malgré la faiblesse de la considération des intérêts des employés, le droit anglais avait évolué vers une fortification du poids des employés dans la gestion de la société251.

249 KONDER Comparato Fábio, Estado, Empresa e Funcao Social, p. 46

250FERRAN Eilís, Company Law and Corporate Finance, p.136.

251 Droit de consultation avec les syndicats ou avec les élus des employés établi par les lois Trade Union and Labour Relations (Consolidation) Act 1992 – s.188 – , Transfer of Undertakings (Protection of Employment) Regulations 2006 SI 2006/246 - regulations 13-15 – et Employment Relations Act 1999 (s.1-2) – WYNN-EVANS Charles, The Companies Act 2006 and the Interests of Employees, p.188

160 D’autres lois sont venues renforcer le droit de consultation252. Le renforcement des droits des employés a signifié qu’ils étaient pris en compte pour la fixation de l’intérêt social. La s.309 CA 1985 était interprétée comme une règle de procédure, qui ne fondait pas un droit subjectif pour les employés.

En France, il a été discuté en doctrine si le bien public et la fonction sociale de la propriété ne devaient pas être activement poursuivis253. Poursuivre l’intérêt social est un devoir qui n’est pas dépendant de sa réussite, mais de l’emploi des moyens exigés par la loi (la loyauté et la diligence). Voilà un lien direct de rattachement avec les actionnaires.

Actuellement, le concept de l’intérêt social a un développement stable en Allemagne et au Brésil. En Angleterre, il vient de faire l’objet d’un éclaircissement : désormais l’intérêt des parties prenantes est secondaire (1.). En France, il présente une particularité : il est appliqué aux relations entre la majorité et la minorité des actionnaires (2.).

1. LE MODELE ANGLAIS

Le CA 2006 a confirmé le fait que l’intérêt social est l’intérêt des actionnaires en tenant en compte les intérêts des employés. Le CA 2006 situe l’intérêt des employés sur le même plan de considération que l’environnement et l’intérêt long terme de la société. Le droit anglais a pris en compte les actionnaires futurs de la société.

Le rapport de l’hôtel Savoy a précisé que l’intérêt des actionnaires représente l’intérêt présent et l’intérêt futur. L’intérêt présent prime sur l’intérêt futur en cas de conflits (dans une offre

252 Transnational Information and Consultation of Employee Regulations 1999 SI 1999/3323, Information and Consultation of Employees Regulations 2004 SI 2004/3426 et Occupational and Personal Pension Schemes (Consultation by Employees and Miscellaneous Amendments) Regulations 2006 SI 2006/349).

253 FERREIRA DE MACEDO Ricardo, Limites de Efetividade do Direito Societário na Repressao ao Uso Disfuncional do Poder de Controle nas Sociedades Anônimas, p.195

161 publique d’acquisition)254. La jurisprudence accepte l’intérêt de long terme, mais se réfère tout simplement à l’intérêt actuel255. Il y a en droit anglais une institutionnalisation de l’intérêt social à l’égard des offres publiques d’acquisition - un renforcement des droits des employés256.

Les administrateurs anglais sont tenus de tenir compte des créanciers dans le cadre de l’intérêt social si la société est insolvable ou au bord de l’insolvabilité. Les actes des administrateurs entraînent des conséquences financières pour les intérêts des créanciers. Le droit anglais ne permet pas alors que les actionnaires ratifient les actes des administrateurs257.

L’intérêt des créanciers doit être interprété restrictivement, parce que la s.214 ‘Insolvency Act 1986’ oblige seulement à réduire les pertes pour les créanciers et ne peut pas être interprété dans le sens d’une promotion de l’augmentation des ‘avoirs’ avec lesquels les créanciers seront payés.

2. EN FRANCE, LE CONCEPT VISE AUX ACTIONNAIRES

Le concept d’intérêt social français n’a pas été précisé en loi. La doctrine et la jurisprudence se sont chargées de donner des contours au concept258. L’intérêt social est une notion qui

254 Board of Trade : The Savoy Hotel Ltd and the Berkeley Hotel Company Ltd : Investigation under Section 165(b) of the Companies Act 1948 : The Report of E. Milner Holland QC (London, HMSO, 1954).

255Intérêt actuel et intérêt futur : Gaiman v National Association for Mental Health [1972] Ch 317, 330 ; Brady v Brady (1987) 3 BCC 535, CA, 552 ; Dawson International plc v Coats Paton plc (1988) 4 BCC, 305, Ct, Sess, 303; Intérêtactueluniquement : Greenhalgh v Arderne Cinemas Ltd [1951] Ch 286, CA, 291 ; Multinational Gas and Petrochemical Co v Multinational Gas and Petrochemical Services Ltd [1983] 1 Ch 258, CA, 268

256 Consultation Paper du Takeover Panel publié le 21 mars 2011 intitulé ‘Review of Certain Aspects of the Regulation of Takeover Bids : Proposed Amendments to the Takeover Code’.

257 West Mercia Safetyweat Ltd v Dodd [1988] BCLC 250 CA – ici insolvabilité – et Brady v Brady [1987] 3 BCC 535, CA, 552 – doutes sur la solvabilité

258 BAILLY MASSON Claude, L’intérêt social, une notion fondamentale, p.6

162 émerge lors de l’analyse des actes de gestion pour leur imposition fiscale (qualification en acte anormal de gestion) ou pour leur sanction pénale en tant qu’abus de bien social.

La Cour de cassation a rendu quelques arrêts (abus de majorité : arrêt du 18 avril 1961 ; abus de minorité : arrêt Vitama du 14 janvier 1992 et arrêt Flandin du 9 mars 1993) qui ont cité expressément l’intérêt social comme la mesure de la légalité d’un acte commis par un actionnaire. L’intérêt social a été appliqué pour sanctionner un abus de majorité et un abus de minorité.

L’arrêt Fruehauf de la Cour d’appel de Paris du 22 mai 1965 a ouvert la voie en droit français pour un contrôle préventif du juge sur le respect de l’intérêt social. Le juge, saisi d’une grave crise institutionnelle, peut constater que l’intérêt social est en danger et nommer un mandataire à la place de l’administrateur pour sauvegarder l’intérêt social.