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SECTION 2 – LES PRINCIPAUX INSTITUTS DU DROIT POSITIF ET DU DROIT FLEXIBLE DU DROIT FLEXIBLE

B. L’ADMINISTRATEUR INDEPENDANT

1. LE DROIT DE VOTE

Le législateur français a admis que la prévision de l’abstention de vote se laisse pourtant exceptionnellement codifier. Il avait fait quelques avancées sur l’interdiction relative à l’actionnaire apporteur ou les hypothèses d’expertise en gestion, mais ensuite il a préféré s’abstenir. Le gouvernement d’entreprise s’est emparé du sujet et met l’accent sur une discussion qui ne s’appuie pas nécessairement sur l’existence d’une convention liée au conflit d’intérêts.

135 Selon le code AFEP-MEDEF, des hypothèses concrètes de privation du droit de vote ne sont pas envisagées, mais on renforce le concept obligeant l’administrateur à signaler son conflit d’intérêts au conseil d’administration. Il est aussi une fonction inhérente au conseil d’évaluer l’impartialité du membre concerné. Il s’interroge sur son indépendance et son aptitude à exercer le rôle. La privation du vote se rattache nécessairement à une telle constatation de perte d’indépendance, qui peut être apportée par l’administrateur référent (a.), mais qui reste exceptionnelle (b.).

a. Le rôle de l’administrateur référent

Quelques pratiques des entreprises mettent en relief le rôle de l’administrateur référent, à qui est déléguée la gestion des conflits d’intérêts. Il doit devenir un Sherlock Holmes pour le conseil d’administration en s’intéressant activement aux conflits d’intérêts. Il doit informer par la suite les conflits d’intérêts mis au jour. Il est clair que le conseil d’administration doit prendre en considération l’avis de l’administrateur référent, mais qu’il reste redevable de l’exercice de son devoir de rechercher le caractère indépendant ou non du membre, en conformité avec le raisonnement françaisselon lequel les compétences du conseil ne sont pas déléguées à ses comités.

L’administrateur référent, en droit français, subit les difficultés liées à la définition de son champ de compétence, qui ne doit pas empiéter sur les compétences légales des organes de la société anonyme. La doctrine française se demande si l’administrateur référent menace les compétences du président ou les vide de substance. Difficile serait tel cas d’espèce, car l’administrateur référent vient pour renforcer la performance du président du conseil d’administration. Il est une sorte d’auxiliaire. Mais il doit maintenir son indépendance

vis-à-136 vis du président, car il lui est attribué un vrai pouvoir de contre-pouvoir, surtout lorsque des soupçons apparaissent autour de la licéité des actes du président216.

Le droit français accepterait mal que l’administrateur référent soit un coordinateur des administrateurs indépendants, car le président est celui qui organise les séances du conseil. Un pouvoir de convocation des séances ou de fixation de l’ordre du jour ne serait pas imaginable, mais l’administrateur référent peut s’adresser au président et demander de tels actes. Les juristes français apprécient avec difficulté un rôle de chef des administrateurs indépendants pour l’administrateur référent.

Il serait davantage un conciliateur et devrait prendre en charge les conflits d’intérêts qui surviennent parmi les membres du conseil d’administration217. Il pourrait éclaircir le périmètre des situations relevant des conflits d’intérêts et rassurer les membres sur leur position vis-à-vis de ces conflits. Il doit cependant laisser l’appréciation des conflits au conseil d’administration, dans les cas des conventions réglementées.

Des conflits d’intérêts d’un administrateur qui seraitégalement un actionnaire rendraient bien plus mal à l’aise l’administrateur référent, qui n’a pas les moyens d’entretenir une relation aussi proche des actionnaires que ses collègues du conseil d’administration. Le droit français est restrictif quant à la capacité de l’administrateur référent à transmettre aux actionnaires les messages de la société anonyme.

Sans aborder les problématiques propres au droit des marchés de capitaux sur l’admissibilité de la communication d’un message matériel aux investisseurs, il est déjà temps de réfléchir si ce rôle en droit français ne relève pas déjà d’une mission exceptionnelle de cet administrateur

216 LE CANNU Paul, L'administrateur référent : un nouveau personnage au théâtre du conseil, p. 625

217 LE CANNU Paul, Les executive sessions : un nouveau mode de travail des administrateurs, p. 843

137 – Code AFEP MEDEF 21.1. Il serait simplement plus facile d’attribuer au référent la communication des préoccupations des actionnaires aux autres administrateurs et dirigeants.

b. En cas de doute, non à l’abstention du vote

Aujourd’hui, l’abstention du droit de vote peut signifier également l’interdiction de prendre part aux discussions et débats au sujet desquels l’administrateur est intéressé. Il peut être même privé des rapports internes qui orientent les membres de l’organe218. Il nous semble que cette interdiction est exagérée, car elle empiète sur un droit de l’administrateur. Le droit français ne prévoit qu’exceptionnellement l’interdiction du vote, voire des autres interdictions associées.

La prévision statutaire d’interdiction de participer aux débats est contraire au droit légal, institutionnel, qui peut même être vu comme un devoir, d’exercice du mandat d’administrateur, incluant impérativement la participation à la collégialité de l’organe. En plus, il est octroyé au dirigeant un droit de défense, dans une situation où il est en voie d’être renversé. Ce droit de défense est destiné à ce qu’il puisse justifier la situation auprès des actionnaires. La même logique pourrait s’appliquer ici, car il est d’intérêt du conseil d’entendre l’administrateur et de lui faire part de ses motivations pour obtenir qu’il s’abstienne du vote.

À ce sujet, on doit se demander si le conseil ou l’administrateur référent a des pouvoirs pour exclure l’intéressé de la délibération. Il nous semble que ces organes et personnes ne disposent pas d’un tel pouvoir. Ce serait un pouvoir qui viendrait suspendre temporairement les droits de l’intéressé prévus par la loi. Il est clair que le président du conseil a un droit de veiller au bon déroulement des séances du conseil et pourrait obtenir de l’intéressé qu’il s’abstienne du vote.

218Rapp. AMF 2013 sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants, p.51.

138 Mais la suspension de son droit serait une précipitation qui mettrait en danger la délibération ou la responsabilité du président. Le contrôle postérieur par le juge serait un contrôle effectif et qui aurait certainement un effet dissuasif dans les échanges entre le président et l’intéressé. On doit même considérer que la jurisprudence française n’est pas si favorable à l’interdiction du droit de vote en statut au cas des conflits d’intérêts219. Toutefois, et cela souligne l’ambiguïté du thème, un engagement sous seing privé ou un règlement intérieur pourraient interdire le droit de vote220.

Une délibération du conseil marquée par le conflit d’intérêts d’un administrateur suscite un contrôle judiciaire a posteriori, car elle est une délibération incorrecte et passible d’engager la responsabilité personnelle des membres de l’organe221. Ce serait une présomption simple, soumise à la preuve contraire. La jurisprudence de la Cour de cassation qui a instauré la présomption est satisfaisante dans le sens où l’exigence de prouver une faute individuelle du membre à la décision serait un peu trop contraignante pour la poursuite de l’infraction222.

Pour ne pas voir sa responsabilité engagée, le membre du conseil d’administration doit prouver qu’il s’est opposé à la décision. La simple abstention ne lui garantit pas une immunité. Il devra faire acter dans le procès-verbal du conseil d’administration son opposition. En cas d’absence, le membre devra faire acter son opposition dans la séance suivante de l’organe ou bien requérir une séance le plus tôt possible. Le vote motivé par le

219Com. 9 févr. 1999, Bull. Civ. IV, n. 44 ; JCP E 1999. 724, note Y. Guyon ; Bull. Joly 1999. 566, § 122, note J. -J. Daigre

220SCHMIDT D., Conflit d'intérêts : notion et gestion, p. 540.

221Reccueil Dalloz 2010 p. 960, obs. A. Lienhard, et 1110, obs. R. Salomon ; JCP E 2010. 1416, note A. Couret ; Dr. sociétés 2010. Comm. 117, note M. Roussille ; Bull. Joly 2010. 533, note R. Raffray

222DONDERO Bruno, La décision fautive du conseil d'administration fait présumer la faute de l'administrateur, p.1678

139 conflit d’intérêts peut impliquer, ainsi, la responsabilité des autres membres du conseil d’administration.