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SECTION 2 – LES PRINCIPAUX INSTITUTS DU DROIT POSITIF ET DU DROIT FLEXIBLE DU DROIT FLEXIBLE

B. L’ADMINISTRATEUR INDEPENDANT

1. LES CONVENTIONS REGLEMENTEES

Le gros du traitement français des conflits d’intérêts se retrouve dans l’ensemble dans le processus des conventions réglementées. Il s’agit d’un processus encombrant, qualifié de rigide et formel. Mais c’est justement cette qualité qui le rend compatible avec la dogmatique moderne du gouvernement d’entreprise. Le processus des conventions réglementées est un modèle qui se base sur la prévention des conflits d’intérêts. Il permet sans grandes difficultés le traitement rapide des accords et conventions qui n’ont rien d’abusif.

Toute convention abusive devra être prise dans le réseau de prévention et pourra, de toute façon, être annulée si elle était conclue. Même si la convention abusive est totalement dissimulée, en raison du visa de l’organe dont l’objet serait fort à propos d’empêcher la dissimulation, le conseil d’administration, lui pourra être a posteriori annulé avec la délibération de l’assemblée générale. L’annulation par la délibération de l’assemblée générale est déclenchée uniquement dans le cas le plus grave, qui est la fraude196.

195SCHMIDT Dominique, Les conflits d’intérêts dans les opérations de marché, Bulletin Joly Bourse, p. 547

196REYGROBELLET Arnaud, Délai de prescription et nullité des conventions réglementées, p. 560; MARMOZ Franck, La Cour de cassation révèle sa nouvelle jurisprudence en matière de prescription de l'action en nullité des conventions réglementées dissimulées, p. 1321

124 Le dispositif français se centre sur un principe simple : la convention entre un administrateur, directeur général, directeur délégué, membre du directoire, membre du conseil de surveillance, actionnaire personne physique ayant une part minimale de 10% du capital social, actionnaire personne morale qui contrôle la société anonyme, d’une part, et la société anonyme, de l’autre, doit être approuvée par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance.

C’est un organe qui a le pouvoir de valider la convention197. C’est une grande responsabilité et la loi ne dispense pas le formalisme pour l’exercice de ce pouvoir. L’approbation de la convention doit figurer dans l’ordre du jour de la réunion. Le conseil doit décider sur la convention en siégeant régulièrement. Ici, l’accord individuel de chaque membre du conseil déconnecté de la séance n’a pas le même effet quela réunion régulière. On peut se rendre compte que le formalisme de la loi vise à promouvoir une décision collective de l’organe.

On pourrait dire que le droit français institue une sorte de devoir de diligence très concret à l’égard des conventions réglementées. Comme en common law, l’assemblée générale joue aussi un rôle par rapport à l’exemption des effets qui suivent une violation du devoir de diligence198. Elle pourra valider une convention qui n’a pas été approuvée par le conseil et de cette façon, exempter les membres du conseil et la personne intéressée des effets de la responsabilité civile en vertu des préjudices causés par la convention199. Une approbation écarte l’engagement de la responsabilité personnelle de l’administrateur.

197 CHAMPAUD Claude, DANET Didier, Conventions réglementées (art. 50 et 101 L. de 1966). Non-respect des procédures. Nullité. Formes de la réparation – RTD com. 1999. 118

198Au contraire de l’évolution du droit en France, qui a conduit à interdire à l’assemblée générale d’exonérer les dirigeants de leur responsabilité civile – Décret-loi du 31 août 1937

199SCHMIDT Dominique, Dispositions relatives aux conventions réglementées dans les sociétés anonymes, p.

616

125 Mais on constate une lacune légale déjà été relevée en jurisprudence. Le processus touche seulement l’intéressé ayant une fonction identifiée dans le texte légal. Naturellement, mais on pourrait aussi songer aux personnes qui ont un pouvoir caché, exercé en coulisses. En principe, ces personnes ont déjà exercé dans le passé les fonctions mentionnées, et gardent conservent un certain pouvoir d’influence sur les personnes qui exercent désormais les fonctions mentionnées.

Ou bien ils vont encore assumer les fonctions, mais ils ont déjà une action sur le conseil d’administration. La jurisprudence française est si rigide ici dans le courant de l’exemption de ces personnes que, si la convention a été conclue au temps où l’intéressé n’exerçait pas la fonction envisagée, peu importe qu’il soit déjà dans la fonction pour que la convention produise toujours ses effets. Le moment déterminant est celui de la conclusion de la convention.

Le processus des conventions réglementées ne cesse pas avec l’approbation du conseil d’administration. Celui-ci doit rendre un rapport aux commissaires aux comptes dans le délai de trente jours à compter de la conclusion de la convention. L’ordonnance du 31 juillet 2014 (2014-863) a expressément requis que le conseil exprime dans son rapport l’intérêt pour la société de la conclusion de la convention. Il doit également se manifester sur les conventions conclues dans l’exercice antérieur – C.com. art. R. 225-31-7. L’ordonnance a visé à la fin de l’habitude d’approbation des conventions réglementées sans énonciation des avantages tirés par la société anonyme.

Le commissaire aux comptes dresse un rapport pour l’assemblée générale, à déposer au plus tard 15 jours avant la date de la tenue de l’assemblée générale ordinaire. Le commissaire aux comptes doit se prononcer spécifiquement sur la convention et décrire sa nature et son objet, en outre, les conditions financières attachées à la convention doivent être incluses, afin de

126 permettre aux actionnaires d’évaluer l’étendue de l’intérêt de la contrepartie de la société anonyme200. L’intérêt est déjà évoqué par le conseil d’administration et puis une nouvelle fois constaté par le commissaire aux comptes - AMF Recommandation 2012-05 Proposition 24.

Le vote de l’assemblée générale ne remet pas en question la validité de la convention, sauf en cas de fraude, mais il pourra justifier a posteriori en cas de refus une action en responsabilité contre l’intéressé et les membres du conseil d’administration. Si la convention est approuvée, l’action en responsabilité est écartée. Aussi bien l’action en responsabilité que l’action en nullité peuvent être intentées par les représentants légaux de la société anonyme ou par un actionnaire. Tandis que la participation de l’assemblée générale est décisive, elle n’est pas, par contre, essentielle ; les questions sur le début de la procédure – les personnes qui peuvent être soumises à la procédure (a.) et la communication du conflit d’intérêts (b.) – agacent.

a. Des essais pour élargir le domaine des conventions réglementées

On pourrait se demander ici si le concept de l’intérêt indirect ne serait pas suffisant à combler de tels cas de figure201. Le processus des conventions réglementées inclut tant l'intérêt direct que l'intérêt indirect. La loi cite déjà expressément les intéressés susceptibles de subir le processus, tant en agissant de leur propre initiative, qu’en agissant par personne interposée.

Mais la loi va encore plus loin et se réfère à l'intérêt indirect des personnes envisagées. La jurisprudence a dû éclaircir les termes de cet intérêt indirect202.

Il existe un intérêt indirect si l’intéressé peut tirer un profit de la convention et s’il a un pouvoir qui lui confère la capacité de réussir à conclure une convention manifestement

200 CONAC Pierre-Henri, Dispositions relatives aux conventions réglementées dans les sociétés anonymes, p.

422

201VATINET Raymonde, Les conventions réglementées, p. 561

202Cass. com. 4 oct. 1988, Rev. sociétés 1989, p. 216, note Y. Chaput.

127 déséquilibrée, clairement au détriment de la société anonyme. Si une personne qui a exercé la fonction idoinea toujours des liens représentatifs avec les membres du conseil d’administration, ces derniers seraient intéressés indirectement à une convention conclue entre la société anonyme et la personne qui n’est plus dans la société. Il en va de même avec la personne qui devra encore commencer ces fonctions.

Une personne qui n’a pas été nommée comme dirigeant et qui exerce une fonction correspondante, devrait-elle échapper aux obligations institutionnelles correspondantes ? Assimiler le dirigeant de fait au dirigeant de droit semble la solution la plus retenue par la jurisprudence française, malgré les réticences de la chambre commerciale de la Cour de cassation. La chambre criminelle de la Cour de cassation et le Conseil d’État ne voient plus de difficulté à entériner l’assimilation.

Cette assimilation élargit le champ des personnes inclues dans le domaine de la réglementation des conventions réglementées. La solution en soi vise à la sécurité juridique et à l’effectivité des règles du droit des sociétés quant au contrôle des organes de gestion. Si le dirigeant de fait n’est pas assimilé, les règles peuvent être anéanties, dans la mesure où le défaut de nomination écarte l’application de règles.

Sur notre hypothèse selon laquelle un ancien dirigeant ou un candidat au poste qui attend la nomination pourraient être considérés comme dirigeant de fait, rien d’anormal en principe, car la jurisprudence française accepte d’étendre le concept à un cercle élargi de la société par actions, tel que le tiers contractant, une banque ou un autre créancier203. La substance de l’application du concept réside sur des éléments de preuve qui se basent sur l’indépendance, la

203SAINT-ALARY-HOUIN C., Droit des entreprises en difficulté, 1999

128 régularité et la durée de la gestion. Ces éléments de preuve sont par contre difficiles à apporter204.

La référence du texte légal sociétaire au dirigeant de fait doit, en principe, effacer tour doute sur la légalité de l’assimilation. Le législateur prévoit les références comme une mesure destinée à éviter la répétition des solutions du passé qui niaient l’assimilation. Mais il reste nombre de dispositifs qui n’ont aucune référence, y compris ceux sur la procédure des conventions réglementées. La jurisprudence, alors, ne se sert pas de la responsabilité du droit des sociétés, et fait l’objet de la critique des juristes205. Elle peut passer au régime de droit commun pour punir le dirigeant. C’est d’ailleurs un régime dont la durée de prescription est beaucoup plus longue.

En se distançant des questions plutôt théoriques, on voit que, dans la procédure des conventions réglementées, une soumission du dirigeant de fait serait difficilement retenue en temps correct, car il s’agit normalement d’une dissimulation qui est conçue et connue par tous les organes de la société par actions. Nonobstant, le régime de responsabilité resterait intact, car la fraude va jusqu’à entraîner l’annulation de la convention réglementée. De cette façon, les responsabilités des membres du conseil d’administration et du dirigeant de fait seraient retenues. L’effet préventif est perdu, mais le régime de responsabilité subsiste206.

b. La découverte des conflits d’intérêts

204 DEDESSUS-LE-MOUSTIER Nathalie, La responsabilité du dirigeant de fait, p. 499

205Cass. soc., 3 mai 2012, n° 10-20998 (n° F-D), Sté GBE Bordeaux

206 RONTCHEVSKY Nicolas, Le gouvernement d'entreprise à la française, p. 2578

129 Le processus des conventions réglementées est initié par la communication de l’intéressé207. Il est naturel qu’il soit l’initiateur, car il connaît mieux que personne son intérêt personnel. Mais la loi ne fait pas de référence à une initiative du conseil d’administration, au cas où l’intéressé ne communique pas. Bien évidemment le conseil aura intérêt à se prononcer sur une convention, car à défaut il risque sa responsabilité, mais il n’est pas clairement établi si cette responsabilité serait également engagée au cas où le conseil ne se prononce pas parce qu’il n’a pas été averti par l’intéressé208.

C’est le cas d’ailleurs du commissaire aux comptes, qui malgré un devoir général de repérer des conventions non averties, n’a pas l’obligation systématique de fouiller. Dans le cas du conseil, qui est un organe de la société anonyme, il semble que le cadre de ses fonctions prévoit déjà une obligation de repérer les conflits d’intérêts. La barre est clairement plus haute pour le conseil eu égard au commissaire aux comptes. Le droit français se rapproche d’une obligation générale de déclaration des conflits d’intérêts, mais aussi d’un devoir pour le conseil de repérer ces conflits, tout en se gardant de prescrire une règle formelle ; voici la subtilité et la difficulté à la maitrise du thème.

La législation française a institué une obligation légale pour le conseil d’administration de rédiger un rapport annuel sur les conditions de préparation et d’organisation des réunions du conseil209. Il s’agit d’un rapport qui informe sur le nombre de séances, les sujets, la participation des membres, mais aussi sur les conflits d’intérêts, ainsi que sur la gestion des conflits d’intérêtset sur les conflits qui n’ont pas pu être résolus. Le conseil doit repérer lui-même les conflits existants qui n’ont pas été dissimulés et doit faire part dans le rapport du

207VATINET Raymonde, Les conventions réglementées, p. 561

208Cass. com. 5 nov. 1991, RJDA 3/92, n° 254 ; Paris, 6 juill. 1993, Dr. sociétés 1993, n° 190, obs. Le Nabasque

209COURET A., Les dispositions de la loi sécurité financière intéressant le droit des sociétés, p. 1424

130 traitement de ces conflits. Malgré ces avancées juridiques, les cas de dissimulation sont difficiles à repérer.

Le caractère détaillé de l’information a été une avancée du droit français quand il a institué le rapport sur le fonctionnement du conseil et sur le contrôle du risque210. Les conflits d’intérêts sont un risque à maitriser. Le législateur français invite les sociétés anonymes à abandonner le formalisme et à cesser l’utilisation de formules communes et à dresser un rapport détaillé sur les conditions concrètes du conseil d’administration. C’est la priorité de la qualité sur l’abondance.

Ces déclarations couplées avec un examen attentif du conseil d’administration rapprochent la société anonyme du traitement conféré à une institution financière, qui doit adopter une politique de détection et de traitement des conflits d’intérêts – CCLRF (CRBF) Règlement 97-02 du 21 février 1997. Le législateur n’a pas osé entreprendre ce pas courageux, car il a toujours du mal à envisager une solution pérenne pour le traitement des conflits d’intérêts. La France a eu une législation qui attribuait la puissance de la société anonyme au pouvoir du dirigeant, tandis que dans les pays anglo-saxons il y a eu historiquement une méfiance du pouvoir du dirigeant. La France n’a pas encore détaché la gouvernance de la figure puissante du dirigeant.

Ce profil du capitalisme français, qui montre une concentration de pouvoir, a été plusieurs fois dénoncé par Colette Neuville comme un manque de contre-pouvoirs211. Le signe le plus remarquable est le cumul de mandats autoriséen droit français. Malgré la limite au cumul, il reste possible de cumuler plusieurs mandats en faisant des entreprises un espace de

210SYLVESTRE Stephane, Le contrôle interne, p. 87

211 CAUSSAIN Jean-Jacques, Gouvernement d’entreprise : le pouvoir rendu aux actionnaires, p. 3

131 consanguinité. Les contrôleurs et les contrôlés se mélangent et ont des relations, car ils appartiennent au même cercle et ont les mêmes intérêts.

Le nouveau Code AFEP-MEDEF (.19) a davantage restreint le nombre de mandats cumulés en France et à l’étranger, et néanmoins, il reste possible de cumuler212. La seule explication pour le cumul réside dans l’incapacité du système français à former des nouveaux administrateurs hautement spécialisés pour l’exercice de ses mandats ou bien la réticence à partager le pouvoir avec des nouveaux entrants. Mais le gouvernement d’entreprise marche dans ce sens et on envisage un jour la prohibition du cumul, car il est toujours source de conflits d’intérêts.