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LA RESPONSABILITE DANS LE CADRE DE L’INSOLVABILITE

SOUS-SECTION 2 : LE REGIME DE LA RESPONSABILITE

B. LES AUTRES RESPONSABILITES

1. LA RESPONSABILITE DANS LE CADRE DE L’INSOLVABILITE

L’insolvabilité en France ouvre la voie pour l’engagement des responsabilités civile, pénale et administrative des administrateurs. Le droit français exige seulement l’incompétence de l’administrateur et le lien entre des actes de gestion et l’insolvabilité. Les deux régimes civils s’appellent responsabilité pour insuffisance d’actif (C.com art. L. 651-2) et obligation aux dettes sociales (C.com art. L. 652-1).

La responsabilité peut être seulement engagée si la société se trouve dans la phase de liquidation. Le régime de l’obligation aux dettes sociales requiert la constatation des hypothèses prévues en loi. Il s’agit en gros des appropriations de biens de la société, de l’augmentation frauduleuse du passif, de l’exploitation déficitaire avec un objectif personnel.

Le juge peut ordonner dans la responsabilité pour insuffisance d’actif et l’obligation aux dettes une contribution de la part des administrateurs aux dettes sociales. L’insolvabilité peut aussi déclencher la banqueroute de l’administrateur (C.com. art. L 654-1). La banqueroute couvre des comportements frauduleux.

L’insolvabilité en droit anglais peut engager la responsabilité personnelle de l’administrateur.

Le ‘Insolvency Act 1986’ (IA 1986) réglemente les délits de ‘Fraudulent Trading’, ‘Wrongful Trading’ et ‘Misfeasance’ (seulement pour la phase de la liquidation). La s. 213 de l’IA 1986

194 définit que le ‘Fraudulent Trading’ est la fraude au créancier qui permet de forcer l’administrateur à contribuer aux dettes sociales.

La jurisprudence applique la compensation à l’administrateur seulement dans un cas évident de fraude. Les critères nécessaires de preuve sont la fraude et l’intention de commettre la fraude. La jurisprudence a ajouté un troisième critère : la fraude doit entraîner le préjudice du créancier, c’est-à-dire, qu’il faut prouver que la société a été administrée pour frauder les créanciers318. Le dol serait le soupçon des faits avec un choix conscient d’éviter de confirmer les faits319.

Le ‘Misfeasance’ - s. 212 IA 1986 - est une voie procédurale pour charger les administrateurs des conséquences négatives des violations de leurs devoirs à l’égard de la société (devoir de loyauté et devoir de diligence)320. Le ‘Wrongful Trading’ - s. 214 IA 1986 - est un cas de figure qui comprend la négligence. Il complète le ‘Fraudulent Trading’, qui prévoit seulement le dol.

La responsabilité de l’administrateur est déclenchée s’il savait ou devrait savoir qu’il n’y avait aucune possibilité d’éviter l’insolvabilité et il n’a cependant pas agi pour minimiser les pertes pour les créanciers. L’arrêt ReProduce Marketing Consortium Ltd (1989) a précisé que l’hypothèse où l’administrateur devrait savoir l’insolvabilité englobe les compétences et expériences personnelles de l’administrateur ainsi que la demande de conseil spécialisé.

318 Morphitis v Bernasconi (2003)

319 Morris v State Bank of India

320 Re Centralcrest Engineering Ltd (2000)

195 2. LE REGIME PENAL

Le délit sanctionné en France se configure par un usage des biens, du crédit, du pouvoir ou des voix contrairement à l’intérêt social et à des fins personnelles ou pour faire bénéficier des tiers. Le concept d’usage est assez large et comprend l’usage déraisonnable et tendant à l’appropriation. Le concept d’intérêt social est défini objectivement par l’appauvrissement ou l’impossibilité d’enrichissement de la société anonyme.

La corruption en vue de gagner des marchés est une pratique contraire à l’intérêt social dans le sens où elle expose la société à des pénalités et à des amendes fiscales321. Elle risque aussi de détruire la réputation de la société. Mais constitue un délit un usage qui soit personnellement bénéfique pour l’administrateur ou un tiers.

En raison du besoin d’un élément subjectif – le dol – dans la constatation du délit, la jurisprudence semble adopter une présomption simple de dol pour des cas d’usage occulte322. Le délai de prescription est de trois ans à compter de la découverte du délit. Si les dépenses ont été inscrites dans les comptes approuvés par les actionnaires, c’est le jour de la présentation qui est le jour de départ du délai.

Le délit de la présentation et la publication de comptes ne donnant pas une image fidèle de la société (C.com. art. L.242-6 2o) requiert la preuve que les administrateurs savaient que l’information était fausse et qu’ils ont souhaité ne pas donner une image sincère des comptes.

La publication est l’acte de soumettre l’information aux actionnaires et la présentation inclut toute exposition des comptes aux tiers. Les sanctions vont jusqu’à un emprisonnement de cinq ans et une amende de 375.000 euros.

321 Cass. Crim. 27 oct. 1997

322 Cass. Crim. 27 mars 2002

196 En Angleterre, le CA 2006 est assorti de plusieurs règles de nature pénale (par ex. les sections 30, 162, 183, 415). Elles touchent en premier plan la société et les administrateurs. La sanction pénale peut aussi atteindre l’actionnaire (s. 357 – défaut de communication par le seul actionnaire). Les sanctions pénales incluent des dispositions majeures de la vie des sociétés – approbation des comptes – mais aussi des dispositions simplement administratives – obligation de conserver des copies des résolutions spéciales323.

Le passage du CA 1985 au CA 2006 a entraîné la modification de l’élément subjectif de la pénalité : avant le CA 2006, le dol était un élément nécessaire à l’infraction (comme en France), mais désormais avec l’art. 1121 CA 2006 l’administrateur est déjà responsable s’il autorise ou permet, participe ou échoue dans la prise de toutes les mesures raisonnables pour empêcher la contravention. L’administrateur peut être aussi assujetti aux dispositions du

‘Fraud Act 2006’ ou au délit de conspiration pour frauder324.

La portée de la responsabilité pénale est cependant atténuée dans la pratique. Le gouvernement anglais (BIS – Department for Business, Innovation and Skills) produit les administrateurs en justice surtout en raison du défaut de l’enregistrement des rapports et comptes ou dans des cas d’insolvabilité. 2009-2010 a vu plus de 200.000 compensations civiles contre les sociétés en Angleterre, tandis que dans la période 2006-2007, les sanctions criminelles se sont limitées à 277 (par le BIS)325.

323 BANERJEE Nigel, Hogan Lovells, Company Law made easy, criminal offenses under the Companies Act 2006

324 ‘conspiracy to defraud’ – Adams v R [1995] 2 BCLC 17, PC – Brenda Hannigan, Company Law, Oxford University Press, 2009, p.302

325 BANERJEE Nigel, Hogan Lovells, Company Law made easy, criminal offenses under the Companies Act 2006

197 En Allemagne, prévaut la règle du ‘societas delinquere non potest’. Le Code pénal allemand ne dispose pas de sanctions contre les sociétés. Le droit allemand relève des signes personnels des infractions de la personne morale pour le cadre des personnes naturelles – ‘strafrechtliche Organhaftung’. La loi OwiG – GesetzüberOrdnungswidrigkeiten – § 30 - prévoit la possibilité d’opposer une amende à la société pour une violation de devoir de l’administrateur ou un enrichissement causé par un acte illicite de l’administrateur.

La responsabilité personnelle de l’administrateur est prévue dans les § 399 et suivants de l’AktG. Il s’agit d’une responsabilité prévoyant un emprisonnement de trois ans et une amende. Elle vaut surtout pour les cas d’information trompeuse ou omission d’information relatifs à la fondation de la société. La responsabilité pénale existe aussi du fait du § 266 du Code pénal pour des infractions intentionnelles (‘Untreue’ – déloyauté).

La responsabilité pénale au Brésil ne joue pas un rôle très important dans la sanction des administrateurs. Le décret-loi 2627 de 1940 disposait - chapitre XVIII - sur la responsabilité pénale. La LSA de 1976 a aboli les dispositions pénales du décret-loi de 1940. Elle ne contient pas de normes pénales.

La responsabilité pénale en droit brésilien est toujours applicable à l’administrateur du fait de l’art. 177 du Code pénal. Les dispositions de l’art.177 du Code pénal exigent la fraude pour la constatation de l’infraction. Il s’agit des règles sanctionnant l’administrateur avec un emprisonnement allant jusqu’à quatre ans ou une amende (si l’infraction n’est pas un délit contre l’économie populaire).

Les hypothèses couvertes par l’art. 177 du Code pénal sont la divulgation d’information fausse ou assorties d’omissions, la manipulation des cours des marchés, la répartition illégale

198 des résultats, l’emprunt de la société ou l’usage des biens de la société sans l’autorisation de l’assemblée générale, et d’autres hypothèses mineures.

CONCLUSION

Le régime de responsabilité de l’administrateur est un instrument en second plan pour discipliner les administrateurs. Il n’est pas le moyen principal pour forcer le respect des règles. Le gouvernement d’entreprise actuel ne fait pas usage du régime de responsabilité. Il se base sur la prévention. Le gouvernement moderne d’entreprise diminue encore le besoin du régime de responsabilité. En Europe et au Brésil, le régime de responsabilité est plutôt invoqué pour traiter les violations les plus flagrantes qui ont choqué l’opinion publique.

La société anonyme est une entreprise jouissant de la personnalité morale, qui interpose un écran entre les tiers et les administrateurs. Les actes des entreprises doivent être mis à la charge de leurs patrimoines. Les administrateurs exercent leurs fonctions pour le bénéfice des entreprises. La société anonyme serait le mandant et l’administrateur le mandataire. En effet, l’administrateur est un organe social. Les actes des organes sociaux sont attribués à l’entreprise.

La société anonyme est une forme sociétaire qui revêt une spécificité : elle a une administration centralisée et plutôt professionnelle. Les actionnaires peuvent occuper des postes d’administrateur, mais à défaut d’un actionnaire de référence, les postes sont occupés pour la plupart par des administrateurs qui ne sont pas actionnaires et qui ont été embauchés à l’extérieur de l’entreprise. La centralisation de l’administration a été souhaitée par les lois, d’autant plus que les lois à partir de la deuxième moitié du 19e. Siècle ont privé l’assemblée générale de l’administration. Une administration en tant qu’organe devait émerger.

199 L’Allemagne et la France ont réduit énormément les liens entre les actionnaires et l’administration en créant des structures propres d’administration et en interdisant que l’assemblée générale reprenne l’administration. Les compétences légales sont fixées en loi et ne peuvent pas être modifiées par statut. L’Angleterre permet à travers la résolution spéciale une influence directe de l’assemblée d’actionnaires sur l’administration. Au Brésil, les compétences de l’assemblée incluent des thèmes d’administration.

Une deuxième vague de distanciation entre les actionnaires et l’administration est la création du concept de l’intérêt social et de la notion de la fonction sociale de la propriété. Ces deux concepts obligent l’administration à prendre en compte les intérêts des tiers, surtout ceux des salariés, créanciers, partenaires commerciaux, les communautés et l’intérêt général. En Allemagne, Brésil et France, l’intérêt social est une condition sine qua non de la gestion. Il ne doit pas être violé. Il doit être au minimum en cohérence avec l’intérêt général.

En Angleterre, le concept n’est pas étranger, mais il ne sert pas le bénéfice des employés. La dernière loi anglaise sur les sociétés, le Companies Act 2006, a précisé que les intérêts des salariés sont pris en compte subsidiairement. Mais la jurisprudence anglaise reconnait que l’intérêt social peut revêtir l’intérêt des futurs actionnaires et ainsi être rattaché à une idée de durabilité.

En outre, il est officiellement reconnu que l’intérêt des créanciers doit être incorporé à la notion, surtout aux moments de crise de l’entreprise. La dernière version de la loi n’est pas expresse en ce sens, mais le common law l’est, malgré son état provisoire de développement, ce qui entraîne une insécurité juridique.

Après ces mouvements de distanciation, où les actionnaires ne dirigent plus la gestion de leurs entreprises et où la gestion n’est plus conduite seulement dans leurs intérêts, les lois devraient

200 tout de même conserver un lien entre les administrateurs et les actionnaires. Le lien est préservé par une série de devoirs imposés aux administrateurs qui leur rappellent que les intérêts des actionnaires sont toujours les éléments les plus centraux de la gestion.

Il existe trois principaux devoirs : le devoir de loyauté, le devoir de diligence et le devoir d’information. Le devoir de loyauté oblige à une prise en considération des intérêts de l’entreprise au premier plan326. L’intérêt personnel est banni. Les conflits d’intérêts sont à éviter.

Le devoir de diligence conditionne la prise de décision, qui doit se baser sur une information convenable et être dirigée en bonne-foi pour le bien de l’entreprise. Le devoir d’information vise à assurer une participation équitable dans la gestion de l’entreprise et une information éclairée des actionnaires sur l’état économique et financier de l’entreprise.

Le devoir de loyauté est considéré en Allemagne, Angleterre, Brésil et France comme étant particulièrement sérieux. Les tribunaux anglais rejettent une flexibilité du common law à l’égard du devoir de loyauté en Angleterre, comme cela s’est produit ailleurs. Le devoir d’information est très similaire dans les quatre pays, car influencé actuellement par le nouveau gouvernement d’entreprise et par les dispositions du droit des marchés de capitaux.

Le devoir de diligence ne peut pas être éliminé ou limité en Allemagne, Angleterre, Brésil et France, contrairement à la pratique aux Etats-Unis, où la loi de Delaware en a permis l’élimination. En Europe, le devoir de diligence requiert un comportement en ligne avec la figure d’un administrateur moyen.

326 LE NABASQUE Hervé, Rôle et place des mécanismes fondamentaux du droit civil en droit des affaires, p.

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