Vers 1312, lorsque l'évêque Gérard deVuippens fonda La
Neuveville,
laville
de Bienne possédait déjàdes droits importants, des structures bienétablies,un marché etsespropres mesures. Bienne fut élevéeaurang de
ville
vers 1225/1230 par l'évêque Henri de Thoune. Lajuridiction
comprenait, outre laville
délimitée par sonenceinte, le territoire sur larive droite de la Suze, depuis Boujeanjusqu'à
unlieuappelé 7r/e/ènc/eF/«/; (leroc/mrras-se/nnt), et aunordjusqu'à lapremière chaîne du Jura au-dessus de Macolin'.
Les affaires de la
ville
étaient administrées par un Conseil que présidait le c'est-à-dire lemaire épiscopal.Au XIIP
siècle, cette fonction était aux mains des seigneurs deBienne. (Signalons en passant que cettefamille
donnaaumoins deux châtelainsdu Schlossberg: Imeret OthondeBienneh) Depuis lemilieu
duXIIL
siècle, la mairie de Bienne comprenait égale-ment l'Erguël, les villagesdePerles (Pieterlen),Montménil
(Meinisberg) et Reiben, laMontagne de Diesse etLaNeuvevillejusqu'au
Ruz deVile,
qui marquait la frontière avecLe Landeron/ Les fonctions du maire étaient donc multiples.A
Bienne,il
représentait l'évêque en saqualité de seigneur de laville
et dejuge suprême. En même temps,il
présidait le Conseil, organe de direction des affaires de laville,
qui s'administrait de manière autonome, maisil n'avait
pas ledroit
devote. Dans les autres territoires relevant de la mairie,il
avait qualité debailli
épiscopal. Sur le planmilitaire,
aux tennes d'une décision arrêtée en 1332, les gens de Perles, deMontménil
et de la vallée de Saint-Imierdepuis les hauts dePierre-Pertuisjusqu'auRuzdeVile, dépendaient de la bannière de laville
de Bienne'.Aucun document conservé nenous permet de savoir comment l'évêque
de Bâle entraenpossessionde Bienneet surquellebase
juridique
se fondait ledroit
debannière de laville.
Nous ensommesréduits àtenterunerecons-titution
hypothétique. Pourcela, nous disposonsd'un
indice décisif, qui est le plus ancien sceau de laville,
datant dumilieu
duXIIP
siècle (fig. 1Il
représente un homme en tunique, tenant de lamain droite une hache et de la gauche
l'écu
aux deuxhaches croisées des seigneurs deBienne. Ce genreFig. 1 :Leplus anciensceau de lavilledeBienne, milieuduXIIPsiècle(C.A. BLOESCH, Gesc/zzc/zte
der.SYad/5z'e/wzzdz/zres FVzzzzzer-Ge&ze/es, vol. I, p.62).
de figuration est tout à
fait
exceptionnel dans l'iconographiesigillaire
des villes.Ainsi
que HeinrichTürler l'a
judicieusementfait
remarquer cent ans avant nous,il
s'agit sans aucun doute d'une représentation du maireAu XIT
siècle, Bienne était unvillage
paroissial peut-être issu d'une cour domaniale. La seigneurie foncière et la souverainetémilitaire
étaientdétenuespar lesseigneurs de Bienne.
Il
estfortprobable queceux-ci, comme cela fut souvent le cas parmi la petite noblesse de l'époque, se trouvèrent contraintsd'aliéner
leurs possessions par voie de vente, de mise en gage ou de donation. Le bénéficiaire enfut
finalement l'évêque de Bâle. Hors de l'enceinte de Bienne qui venait d'accéder au statut deville,
l'évêquefit
construire unchâteaudont
il
se servait comme centre administratifetcommepoint d'appui
dans la partie méridionale de ses terres. Les «de Bienne», ci-devant seigneurs fonciers, reçurent de leur nouveau suzerain la charge de maire sur leterritoire
de laville
et étaient autorisés-
c'est ce que lesceau veut montrer avec netteté
-
à conserver la bannière, c'est-à-dire la souveraineté militaire. Ce droit debannière paraît donc effectivement avoir appartenu Je temps/wwéwor/a/"
à laville,
ainsi quecelle-ci
ne manqua jamais une occasion de le rappeler. Une certitude: aucunprince-évêquene réussit àprouverqu'il
détenait ledroit
debannièresur laville. Il n'en
allaitpas demême enrevanche duterritoire extra-urbain de lamairie, oùBienne exerçait ce droit envertu d'unedélégation épiscopale.
Mais les Biennois
finirent
peu à peupar amalgamer dans leur esprit les fonctions dumaire et lesterritoirescoïncidents de lamairie et de labannière.Lav///edeBienne se considérait
-
à tort-
comme détentrice de l'ensemble de lamairie, et surtoutdudroit
debannière dans le territoiresitué au sud de Pierre-Pertuis. Dansl'histoire politique
de laville,
l'élément essentiel estmoins lamairie quele droit de bannière, qu'elle défendit avec acharnement
jusqu'à
lafin
del'Ancien
Régime.Dans ces conditions, Bienne, toujours si prompte à faire étalage de son statut, nepouvaitassisterindifférente àce qui sepassaità
l'autre
extrémité du lac: la construction du Schlossberg et la création d'uneville, qui lui
faisaient perdre unepartie desaposition stratégique. Mais dansunpremier temps, LaNeuvevillenereprésentaitpas uneconcurrence,puisqu'ellerestait subordonnée à la bannière et à la mairie de Bienne.
Puis soudain, pendant
l'hiver
1367/1368, les choses changèrent complè-tement.Au
cours de la guerre quiopposait l'évêque JeandeVienne àBerne, le château etlaville
de Biennefurent laproiedes flammes et LaNeuvevillefut
assiégée par les Bernois. Cette guerre a laissé très peu de traces dans les archives etnotre connaissance est encore troubléepar les nombreuses légendes qui se sont fonnées àsonpropos. Contentons-nousici
du constat suivant: c'est panni ces légendesqu'il
faut ranger la traditionremontantauchroniqueur bernois Justinger, selon laquelle en novembre 1367, Jean de
Vienne,
irrité
del'alliance
quiliait -
depuis 1279-
Bienne àBerne, aurait mis le feu à laville
aprèsl'avoir
attaquée par surprise®. Or cette version des faits diffusée par Bernenerésiste pasàun examen critique. L'incendiefut
probablementcausé parune successionde circonstances malheureuses.Intéressons-nous maintenant aux conséquences.
Le 19
juin
1368, l'évêque Jean de Vienne octroya à LaNeuveville
unprivilège
dont une des dispositions la détachait de lamairie
de Bienne etlui
conférait son propredroit
de bannière'".Ainsi qu'il
lefit
expressément remarquer, l'évêque,par son geste, voulut exprimersareconnaissance pourl'aide
quelesNeuvevillois lui
avaient fournie lors du siège mis devant leurville
par les Bernois et leurs alliés.Mais cette magnanimité affectée cache mal la nécessité où se
trouvait
l'évêque, une fois Bienne détruite, de disposer rapidementd'un
nouveau centreadministratif
pour ses territoires méridionaux. Comme personnenepouvait
savoir si Bienne renaîtrait de ses cendres,l'idée
de transférer ce centre au Schlossberget d'éleverle statutdeLa Neuveville s'imposait d'elle-même. 11n'en
demeure pas moinsétrangetoutefois queJean deViennen'ait
pas transféré toutes les fonctions ou le siège de la mairie à La Neuveville.
Mais
l'allégation
quilui
prêtel'intention
d'empêcher lareconstruction deBienne, comme le prétendirent les