Bienne pourtant se remit assez rapidement, etpar ses propres moyens à ce
qu'il
semble. En 1375, elle était de nouveau fortifiée. Le 12 mars 1380,soit une bonne douzaine d'années après la destruction, Jean de Vienne
lui
octroyaun privilège impliquantlaconfirmationde toutes lesfranchises dont elle disposaitjusqu'alors etdu droitdebannière; letextenedonne cependant aucune précision,ni
sur les franchises,ni
sur le droitde bannière". L'évêque affirma être motivé par l'amertume quelui
inspiraitl'état
de désolation oùse trouvait réduite la
ville
aprèsl'incendie
et les dévastationsqu'elle
avaitsubies par le seul fait de latournure malheureuse et imprévisible prise par les événements. Quelle que puisse être la part des clichés de circonstance dans unetelle formulation,
il
estpeu vraisemblable que l'évêque se fut servi de ces tenness'il
avait lui-même mis intentionnellement le feu à laville.
Le 12 mars 1388,
Imier
de Ramstein, successeur de Jean de Vienne, octroya à Bienne unprivilège"
identique àcelui de son prédécesseur en y ajoutant deux dispositions nouvelles. Premièrement, tout le territoire situé«M-t/e/ù, c'est-à-dire au sudde Pierre-Pertuis, avec les sujets de l'Evêché qui
y habitaient, était ainsi attribué d'une part àla bannière de Bienne comme cela avait été le cas
jusqu'à présent"
et d'autre part aupouvoir
du maire épiscopal de Bienne. Le document précise deuxièmement que, parmi les franchises et faveurs accordées par Jean de Vienne (sous-entendu à La Neuveville), celles qui contrediraient lesdispositionsde cettenouvelle charte étaient caduques. MaisImierde Ramsteincontredit ainsi la charte de confir-mationqu'il
avait lui-mêmeoctroyée à LaNeuveville enoctobre 1386, etpar laquelleil
avait confirmétous lesprivilèges et franchises,y compris ledroit
de bannière et la mairie accordés par Jean deVienne le 19
juin
1368". Enréalité, le problème duprivilègebiennois, c'est
qu'il
futrédigé parl'évêque seul, sans l'assentiment du prévôt et du chapitre cathédral. Cetteinfraction
à la règle diplomatique témoignepeut-êtredesdissensions quirégnaient au sein de
l'Eglise
de Bâle, mais elle incite aussiàpenser queBienne avaitusé de captationpour obtenirunprivilège qui au fond était dépourvude valeurjuridique.
Celan'empêcha toutefoispas les Biennoisde se sentirconfirmés dans leurs anciens droits sur LaNeuveville. Toutes les conditions étaient doncréuniespour qu'un conflit éclatât. Mais les raisonsqui ledéclenchèrent ne sont pas claires. Le rapport que les historiens ont établi ultérieurement avec la conclusion dutraitédecombourgeoisie entreBerne etLa Neuvevilleen 1388 n'est étayé par aucune preuve"'. Cette combourgeoisie, octroyée unilatéralement par Berne, consolidait certes laposition de La Neuveville, mais elleneportait préjudice àBienneque danslamesure oùles obligations
militaires
ainsi contractées par LaNeuveville
empiétaient sur ledroit
de bannièrede Bienne. Mais elle était surtoutavantageusepour les Bernois,qui étendaient leur influencesurlarivenord dulac etsurla MontagnedeDiesse.En
juin
dela même année en effet, Berne et Soleure avaient reprisNidauaux Gugler etfait
passer sous leur domination l'ancien comtédeNidau, tombéen déshérence, et du même coup Daucher etAlfermée ainsi que des droits
à Douanne et Gléresse, c'est-à-direune bonne partie dela
rive
norddu lac;en 1393, Berne allaitreprendre pour elle seule la souveraineté surNidau.
Le
conflit
entre Bienne et LaNeuveville
s'envenima sérieusement au débutde l'année 1390. Le 15janvier,répondant apparemment àune demande deBienne, Porrentruyattesta le droitde bannière exclusifdétenupar Bienne au suddePierre-PertuisV La tensionsemble s'êtreaccrue ensuite, puisqu'en mars, tantBerne que l'évêque tentèrentdes'interposerentreles deuxvilles".
En
juin,
les parties acceptèrent de soumettre leurs revendications àun tri-bunal arbitral de l'évêque et du chapitre deBâle".
Les Biennois exigeaient-
c'estce quiressortde la sentenced'arbitrage'"-
riende moins que lepleinrétablissement de la situation
juridique
d'avant 1368, à savoir: l'exercice du droit de bannière, delahautejuridiction
et de lajuridiction
d'appel àLaNeuveville, l'annulation
de la combourgeoisie avec Berne (prétendument illégale car conclue sans l'assentiment de l'évêque), l'abandon de tous les autres privilèges et libertés, et enfinun droit de préemptionlors de la ventede gages. De son côté, La
Neuveville
tenait fermement aux droitsqu'elle
avait acquis. De surcroît, les deux parties n'hésitèrent pas à réclamer desindemnités pécuniaires exorbitantes pourdes dommages ettorts prétendu-ment subis. Bienne réclama le remboursement des 1 300livres sols qu'elle affirma avoir prêtées à Berne lors de la fondation de La
Neuveville.
Elle demandaencore 30000florins pour l'argent,l'or
et lemobilier
emporté par les gens deLaNeuveville lors deladestructionde laville
par l'évêqueJeandeVienne, 3 000florins deréparation pourpropos calomnieuxde la partde
LaNeuveville et 400
florins
pour les frais deprocédure dulitige
en cours.De son côté, LaNeuveville exigea 100florins pourlesfraisde son entremise auprèsde JeandeViennepourlareconstructiondeBienne, 1 000florinspour
les frais de garde durant le
conflit
avec le seigneur de Bechburg (guerre du Safran, 1374''), 30000florins deréparation pourles dommages subis lors du siège de laville
parles Bernois et lesBiennois (en 1367), 20000 florins pour non-assistance des Biennoisdans la guerre contre lacomtessedeNeuchâtel (Mahaut de Valangin-Neuchâtel, en 1386), 500florins
pour la défense du Schlossberg après le décès de l'évêque Jean Senn de Münsingen, le rem-boursement des 200 livres deniers prêtées àBienne pour la reconstructionde l'enceinte après le premier [?] incendie et 300
florins
pourles frais de procédure dans leprésent litige. Cesprétentions-
34050florins ducôté deBienne et 52000 florins ducôté de La
Neuveville -
sontlargementdispro-portionnées enregardde sommes effectivementpayéesà lamême époque: en 1393, Bâle acheta à
l'évêque
laville
duPetit-Bâle pour
29 800 flo-rins, et en 1400 les seigneuries de Liestal, Homberg et Waldenburg pour 22 000 florins Chaque partie, naturellement, contesta les prétentions de l'autre.Par sa sentence du 22
juillet
1390, letribunal
arbitral rejeta toutes les prétentions financières pour insuffisance de preuves''.Il
écarta également les prétentions de droits de Bienne, mais confirmacelles de La Neuveville, qui avait puproduire des documentspour les étayer. Les juges présentèrent aux Biennois quetousleursdroits leur avaient étéoctroyés par l'évêque et le chapitre de Bâle. Les Biennoisn'avaientpas à se mêlerdes franchises de La Neuveville. L'évêque et le chapitre étaient seulshabilités àinstituerundroitet àoctroyerdes franchises, fautede quoi le sujet setrouverait au-dessus du seigneur, ce qui serait contraire audroit
divin
et àtout cequel'on
connais-sait. Cet avertissement, Bienne allait l'entendre encore plus d'une fois.
Les allégations produites par chacune des deux
villes
contribuèrent à entretenir les légendes entourantl'incendie
deBienne etses conséquences.Même dans l'historiographie récente, on rencontre parfois des auteurs qui prennent pour argentcomptantdes affirmations problématiquesoucarrément insoutenables consignées surlesparcheminsoureprisesdans des documents ultérieurs'". La sentencedutribunalétait pourtant claire etobjective malgré l'agacementde
l'autorité
seigneuriale à l'encontrede Bienne. Le documentoriginal,
conservé auxArchives delaBourgeoisiede La Neuveville, estun exemple très révélateurd'un
certain art de lanégociation que pratiquait le bas Moyen Age, de la conceptionqu'il
se faisait dudroit
et du langage des chancelleries de l'époque.LesBiennoisrefusèrent la sentence, prétextantqu'elleavait étédivulguée avec une semaine deretard, mais enréalitéparce
qu'ils
endésapprouvaient lateneur. L'évêque et le chapitre cathédralles invitèrentdonc àde nouvelles négociations àDelémonten août. L'issue enfut apparemment plus favorable pour eux, mais elle devait être gardée secrète-'.L'affaire
traîna néanmoins en longueur, etBernetenta ànouveaude s'entremettre. Enmai 1391, Bienne et La Neuveville acceptèrentl'institution d'un
tribunal arbitral composé del'avoyer
Otto von Bubenberg et dehuit
membres du Conseil de Berne-®.Entre-temps, Bienne réunit des infonnations pour sondossier. Les gens de la Montagne de Diesse, de
l'Erguël
et desvilles deDelémont, Saint-Ursanne et Laufon confirmèrentsousune forme ouune autre, commeils l'avaient fait une année auparavant, laprétentiondeBienne àexercer ledroit
debannière au sud de Pierre-Pertuis®'. L'évêqueImier
lui-mêmeannonça plusieurs foissa visite à Bienne afin de venir en aide à sa
ville,
mais à chaque fois, pour desmotifs
passablement cousus defil
blanc, le voyagefut différé-".
En revanche, La Neuveville reçut de l'évêque et du chapitre une confirmation de la sentence du22juillet.
On ignore tout d'éventuelles chartes similaires émises enfaveur de Bienne-".En tant que prince,
Imier
de Ramsteinne se montra pas à la hauteurde sa tâche. Couvert de dettes,il fut
obligé de vendre et d'engager de nom-breux biens et des droits importants ;il
envisagea même de remettre en gagetout l'Evêché auxHabsbourg, mais, se ravisant,il s'adjoignit
comme coadjuteur l'évêque de Strasbourg, Frédéric de Blankenheim.Il finit
parrenoncer à l'épiscopat pour seretirer dans le chapitre cathédral. Le 19
juin
1391, Frédéricde Blankenheimenvoya sacharte deconfirmation àBienne®".
Le même