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Protection et importations dans le secteur des huiles végétales

Partie II Études de cas au Sénégal – les filières riz et

6 La filière arachide et huiles végétales

6.1 La structure de la filière

6.1.2 Protection et importations dans le secteur des huiles végétales

Dans la filière arachide, la situation de concurrence avec les importations est plus complexe que dans la filière riz. Quelques produits, comme la pâte d’arachide, un aliment de base au Sénégal, ne sont pas concurrencés par les importations. Dans le cas de l’arachide de bouche, une bonne partie des produits de qualité supérieure est exportée. Les tourteaux de fabrication industrielle sont également en grande partie exportés, les importations d’aliments pour bétail ne jouent pas encore un grand rôle et sont plutôt complémentaires que concurrentielles. Ces produits ne nécessitent bien évidemment aucune protection douanière.

La seule sous-filière qui soit effectivement concurrencée par des importa-tions est l’arachide d’huilerie, la sous-filière dominante en termes de va-leur et de quantité. La situation devient ici plus complexe car une grande

66 Entretien avec Matar Gaye 22.02.2005; Cadre Intégré (2003, 15-16).

partie de l’huile d’arachide produite au Sénégal est destinée à l’exportation et ne vient pas, de prime abord, concurrencer directement les huiles végé-tales importées en volumes considérables. En étudiant la situation plus en détails, on s’aperçoit que cette non-concurrence résulte d’interventions massives de l’État (voir ci-dessous), sans lesquelles elle serait probable-ment netteprobable-ment plus intense.

Cette structure dans le cadre de laquelle le Sénégal exporte son huile d’arachide et consomme des huiles végétales importées est le résultat d’un long passé de domination de la filière arachide par l’État (cf. Chapitre 4.1), et notamment par la Société Nationale de Commercialisation des Oléagi-neux du Sénégal (SONACOS). Cette entreprise parapublique qui, depuis 1976, a successivement hérité d’une bonne partie des activités arachidières des grandes organisations de développement agricole intégrées des années 60 et qui jouit notamment d’un quasi-monopole sur la filière d’exportation d’huile d’arachide, a eu une grande influence sur les divers sous-secteurs.

On ne sait pas si cette influence a suivi une stratégie à long terme ou si elle a obéi à des besoins et décisions ad hoc.

Qu’il y ait eu stratégie ou non, ses opérations lui ont permis de faire évo-luer les habitudes de consommation de la population sénégalaise. Aupara-vant, l’huile d’arachide était la principale huile consommée au Sénégal, mais c’est en réaction à une augmentation des prix sur le marché interna-tional et face à des risques de sous-approvisionnement des raffineries que la gérance de l’entreprise a décidé de développer le raffinage d’huiles importées pour le marché local.67 Cette décision a permis d’approvisionner le marché local en huiles végétales moins chères, de réduire la consomma-tion locale d’arachide, d’augmenter le volume d’arachides livrées aux usines et de stabiliser la production d’huiles en diversifiant les produits de base. Les revenus de la transformation des huiles végétales brutes, gonflés par une politique commerciale qui visait à assurer des marges confortables aux raffineries (voir ci-dessous), étaient (en principe) destinés à stabiliser voire augmenter le prix d’achat de l’arachide auprès des producteurs.

En 2003, les huiles végétales représentaient 3 % des importations totales du Sénégal. Les importations d’huile de soja tant brute que raffinée avaient une valeur de 55 millions US$ et arrivaient au sixième rang des produits importés selon la classification du Code SH à quatre chiffres. L’huile de

67 Entretien avec M. Diop (SENARH), 29.03.2005

soja, provenant essentiellement d’Amérique du Sud, représente 75 % des huiles importées. Il s’agit majoritairement d’huile brute raffinée par la SONACOS en vue d’être vendue sur le marché local. Les huiles végétales importées au Sénégal « prêtes à la consommation » sont surtout l’huile de palme en provenance de Malaisie et de Côte d’Ivoire (cf. Tableau 7).

La politique commerciale a accordé son soutien à la SONACOS, les huiles végétales raffinées étaient parmi les produits les plus protégés du pays (OMC 2003a). La structure de la protection douanière des huiles fait l’objet d’une escalade des tarifs à l’application du TEC, de 10 % sur les huiles brutes et 20 % sur les huiles raffinées. Les droits de douane et autres

taxes sont applicables aux huiles raffinées en provenance des pays non-membres de l’UEMOA (République du Sénégal 2003a, 7):

le TEC au taux de 20 %;

la Redevance Statistique (RS) de 1 %;

le Prélèvement Communautaire de Solidarité (PCS) de 1 %;

le prélèvement au profit du Conseil sénégalais des Chargeurs (COSEC) de 0,20 %;

Tableau 7: Les importations d’huiles végétales du Sénégal en 2003 Part dans les * Les huiles végétales correspondent aux chapitres HS 1507-1514 et 1518

Source: COMTRADE (2004)

le prélèvement communautaire prévu pour la CEDEAO de 0,5 %;

la TVA au taux de 18 %.

Par ailleurs, deux autres taxes ont été introduites en décembre 2002:

la Taxe Spécifique (TS) sur les corps gras, au taux de 15 %,68 et

la Taxe Conjoncturelle à l’Importation (TCI) au taux de 10 %, valable pendant une période de six mois.

Cette dernière s’appliquait effectivement en tant que protection perma-nente, même si sa légitimité par rapport aux règles de l’OMC était dou-teuse (cf. Chapitre 3.3). « Au total, l’effet des droits et taxes de porte aug-mente le prix de l’huile végétale raffinée de 82,9 %. » (OMC 2003a, 67).

Comme évoqué au Chapitre 3, les deux dernières taxes ont été suspendues en 2004.

Outre la politique commerciale, d’autres mécanismes protègent la sous-filière formelle huile d’arachide. Ainsi, la transformation et la commercia-lisation de l’arachide ainsi que le commerce international via les circuits informels sont officiellement interdits. À petite échelle, ces activités conti-nuent d’exister, principalement dans la région de Touba (capitale de la confrérie mouride, voir Encadré 3), mais on relève certains obstacles pour la filière locale d’huile. Une campagne a d’ailleurs été lancée contre l’utilisation de l’huile d’arachide artisanale en raison de sa forte teneur en aflatoxine (cf. Chapitre 6.2).

Par conséquent, les questions mises en relief par rapport à la filière ara-chide / huiles végétales dans le cadre de la présente étude sont les suivan-tes: pourquoi les huiles végétales ont-elles fait l’objet d’une protection généralement basse des produits alimentaires, et quelles leçons peut-on en tirer? La protection de la filière a-t-elle contribué à son développement global et quels sont les acteurs de cette même filière qui en ont bénéficié ? Quels effets peut-on attendre de la suppression de la TCI et de la TS pour la filière et aurait-elle besoin de nouvelles formes de protection? Quelles formes de protection seraient applicables dans le cadre des accords de commerce internationaux auxquels appartient le Sénégal?

68 La taxe spécifique était applicable à toutes les huiles à l’exception des huiles d’arachide et des huiles mélangées contenant au moins 60 % d’huile d’arachide.

Pour répondre à ces questions, il convient de mieux comprendre les enjeux de la filière, notamment les acteurs et leurs intérêts, les pouvoirs et les relations qui se sont développés dans le temps. La structure de la filière sera donc présentée dans la partie suivante de l’étude.