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Organisations interprofessionnelles

Partie I Cadre conceptuel, juridique et agricole de la pro- pro-tection commerciale au Sénégal

4 Le secteur agricole sénégalais

4.2 Les acteurs du secteur agricole sénégalais

4.2.4 Organisations interprofessionnelles

Les organisations interprofessionnelles représentent des cadres d’échange et de concertation centrés autour d’une filière donnée, opérant soit au niveau d’une zone de production (cas du Comité Interprofessionnel de la filière Riz(CIRIZ) pour la vallée du fleuve Sénégal), soit au niveau natio-nal (cas de l’Union nationatio-nale interprofessionnelle des semences (UNIS) et

32 Entretiens avec M. Seck (ASCOSEN), 04.03.2005, et avec M. Kane (SOS Consomma-teurs) 14.04.2005.

33 Entretiens avec M. Seck (ASCOSEN), 04.03.2005, et avec M. Kane (SOS Consomma-teurs) 14.04.2005.

du Comité national interprofessionnel de l’arachide (CNIA)) et regroupant l’ensemble des acteurs intervenant à tous les niveaux de la filière (produc-teurs, transforma(produc-teurs, prestataires de services, commerçants, fournisseurs d’intrants et de crédits, consommateurs, transporteurs, etc.).

Ces cadres symbolisent le transfert de la gestion des filières agricoles de l’État vers les opérateurs (organisations paysannes, secteur privé). Ils sont les interlocuteurs de l’État et des bailleurs de fonds pour ce qui concerne l’ensemble des décisions politiques et économiques à prendre selon leurs différents champs d’interventions (République du Sénégal s.d.).

Consécutivement à la nouvelle orientation de l’État des années quatre-vingt dans le secteur agricole, les organisations interprofessionnelles oc-cupent une place toujours plus importante (République du Sénégal 2004a).

Elles représentent des cadres d’échange et de formulation d’opinions pour tous les aspects des filières, mais se trouvent pourtant confrontées à de nombreux problèmes qui seront illustrés dans les chapitres se rapportant aux deux filières (Chapitres 5.2 et 6.2). Plus particulièrement, elles re-groupent des intérêts très divergents sous un seul et même toit, ce qui rend très difficile l’élaboration de positions communes. Compte tenu de ces problèmes, le potentiel des interprofessions dans la formulation des politi-ques commerciales se révèle restreint. Ces formes d’organisation possè-dent toutefois généralement un fort potentiel afin de résoudre les problè-mes rencontrés par les filières dans des conditions de structures étatiques et de marchés faibles, mais elles ne l’exploitent pas suffisamment.

4.2.5 L’État

Le rôle de l’État dans la politique agricole et commerciale a beaucoup évolué depuis les années quatre-vingt (cf. Chapitre 4.1). Son rôle d’acteur économique a nettement reculé, bien qu’il soit encore fortement présent dans certains secteurs et certaines fonctions. Toutefois, les intérêts de l’État à l’égard du secteur agricole et du monde rural sont complexes et marqués par des dilemmes et des contradictions considérables.

La protection agricole et notamment l’introduction de nouvelles mesures de protection illustrent parfaitement ces dilemmes. L’État, en tant que promoteur du développement, est responsable de la lutte contre la pauvre-té, de la croissance économique, de la protection des écosystèmes et de la

stabilité économique, écologique et sociale. Mais la « recette » n’est pas simple pour la protection agricole, car les intérêts des producteurs agrico-les (prix hauts) et des consommateurs (prix bas) en matière de prix alimen-taires sont opposés (cf. texte ci-dessus); seule la stabilité des prix constitue un intérêt commun aux deux parties. La réalité est encore plus complexe:

ces deux parties ne sont pas véritablement distinctes car elles sont liées par de multiples mécanismes tels que les liens au sein des filières agro-industrielles, l’emploi agricole, les revenus et salaires agricoles utilisés dans la consommation de produits non-agricoles et dans l’investissement hors agriculture. En outre, les producteurs ne sont pas toujours des ruraux (agriculture urbaine, investisseurs urbains), et les consommateurs pas toujours des urbains (la plupart des ruraux achètent des produits alimentai-res – une certaine proportion des ménages ruraux dépendant des structualimentai-res agricoles et patrimoniales sont même des acheteurs nets). En somme, le niveau des prix alimentaires et la protection agricole demeurent globale-ment une source de dilemme pour « l’État de développeglobale-ment », qui se doit d’accorder sa préférence à la population rurale ou urbaine.34

Au-delà des considérations « objectives », le positionnement de l’État dépend aussi des enjeux politiques. Le nombre de votants et leurs intérêts par rapport aux prix agricoles s’inscrivent certainement dans le cadre de ces considérations, et la faible démocratisation du Sénégal au cours des dernières décennies devrait accroître le poids des votes ruraux et des mé-nages agricoles. Cependant, l’économie politique de la politique agricole enseigne que le poids politique des groupes de pression ne s’explique pas simplement par le nombre des adhérents à ces groupes, mais plutôt par leur capacité à capter l’attention des politiciens et faire pression sur eux.

On observe ici une relation inverse entre nombre de producteurs et protec-tion agricole - ce sont les PED qui assurent le sous-financement du secteur agricole et les pays développés qui y apportent le plus grand soutien.

Les autres aspects de la politique commerciale ne sont pas moins délicats à aborder: les taxes à l’importation représentent 22 % du budget, dont 50 % du commerce agricole (Cadre Intégré 2003). Ainsi, l’État présente un intérêt budgétaire dans la taxation des importations. On peut dire égale-ment que la réalisation des objectifs généraux de développeégale-ment (cf.

34 Les différentes théories économiques et expériences pratiques quant à la protection agricole ne plaident pas unanimement en faveur d’une de ces options (cf. Chapitre 2).

dessus) est indirectement liée aux revenus douaniers, car ces revenus sont en principe destinés aux dépenses.35

La politique commerciale se caractérise également par le fait que les droits de douane élevés créent des espaces rentiers et incitent ainsi davantage à la corruption douanière (Chapitre 3.4). Certaines composantes de « l’État patrimonial » qui profitent de ces espaces se prononceront (tout du moins tacitement) contre l’ouverture des marchés qui les priverait de revenus illégaux.

Mis à part les aspects de politique interne, la politique commerciale joue un rôle important dans les affaires étrangères. Deux considérations partiel-lement contradictoires se dégagent de la position adoptée par le Sénégal:

— S’agissant de l’un des pays les plus urbanisés et industrialisés de l’Afrique de l’Ouest, le Sénégal affiche surtout des intérêts dans des secteurs non-agricoles par rapport aux autres pays de la région, re-groupés dans l’UEMOA et la CEDEAO (Chapitre 3.4). Il peut éga-lement utiliser ces regroupements régionaux sur la scène internatio-nale, notamment dans le cadre de l’OMC, afin de poursuivre ses inté-rêts.

— Le Sénégal pourrait d’autre part devenir le porte-parole des intérêts des pays de la sous-région concernée. L’importance régionale du Sé-négal a notamment gagné en importance suite aux problèmes politi-ques rencontrés par la Côte d’Ivoire ces dernières années. Son impor-tance en Afrique de l’Ouest est reconnue par d’autres pays en voie de développement, comme le Brésil, qui lui a demandé de rejoindre le Groupe des 33 (G33) à l’occasion des négociations organisées à Can-cun. En cette qualité, il doit aussi prendre en compte les intérêts des alliés qui se révèlent d’avantage d’ordre agricole. La défense de la protection agricole s’explique ainsi partiellement au travers de ces considérations géostratégiques (Chapitre 3.5).

35 Cette relation résulte d’un argumentaire populaire dirigé contre les Accords de Partena-riat Économique (APE) entre les pays ACP et l’Union européenne: la réduction des re-venus douaniers empêcherait les États de poursuivre l’investissement et la lutte contre la pauvreté (p.ex. ACP-EU JPA2004).

4.2.6 Le Comité National des Négociations Commerciales