• Keine Ergebnisse gefunden

Faiblesses des mesures de sauvegarde comparables au MSS, du point de vue des PED

Partie I Cadre conceptuel, juridique et agricole de la pro- pro-tection commerciale au Sénégal

3 Produits spéciaux et mécanisme de sauvegarde spéciale: analyse des concepts et de leur applicabilité

3.2 Le mécanisme de sauvegarde spéciale: arrangements et fonctionnements proposés

3.2.2 Faiblesses des mesures de sauvegarde comparables au MSS, du point de vue des PED

Parmi les mesures énumérées ci-dessus, on retrouve deux mesures dont le but est comparable à celui du MSS. On se demande par conséquent pour quelle raison de nombreux pays jugent ces mesures insuffisantes et exigent l’application de MSS, fournissant ainsi également des indications quant aux attentes et aux exigences envers ceux-ci:

La clause de sauvegarde du GATT

Tous les pays membres sont autorisés à adopter la clause de sauvegarde énoncée à l’Art. XIX du GATT et applicable à tous les produits. Cette clause de sauvegarde permet aux pays membres de protéger des secteurs temporairement, sous la forme de droits de douane supplémentaires ou de

restrictions quantitatives (quotas) ou en combinant ces deux options (contingents tarifaires). La clause vise à accorder un temps suffisant au secteur local pour lui permettre d’ajuster ses structures aux évolutions des conditions générales dans une période restreinte.

Les règles permettant l’application de l’Art. XIX du GATT sont relative-ment strictes afin de limiter le recours abusif aux mesures d’urgence. Les pays membres doivent prouver que les importations du produit en question augmentent de façon relative ou absolue, et que cette augmentation est due à des évolutions imprévues et aux obligations prises dans le cadre du GATT. Ils doivent également montrer qu’il est gravement porté atteinte à la branche de production nationale concernée ou qu’elle est menacée par une telle atteinte résultant de l’augmentation des importations.

Les membres de l’OMC rechignent à adopter cette clause de sauvegarde (Sykes 2003) car des investigations de ce type entraînent des coûts impor-tants et exigent des capacités administratives considérables. Dans les PED notamment, il est quasiment impossible de prouver l’existence d’un rap-port de causalité entre l’augmentation des imrap-portations et l’atteinte réelle ou menaçante, en raison du manque de données statistiques nécessaires et d’autant plus que le secteur agricole n’est pas dominé par un petit nombre de grands producteurs mais caractérisé par une multitude de petits agri-culteurs du secteur informel. Soulignons un autre désavantage du système existant au sein de l’OMC, à savoir la longueur de l’exposé des preuves.

Avant qu’un pays soit en mesure d’appliquer les mesures de protection, il est fort possible que les entreprises à protéger aient déjà fait faillite. En outre, les mesures d’urgence prévues par l’article XIX du GATT n’offrent qu’une protection contre les pics d’importations, faisant fi de la volatilité des prix (Third World Network 2004). Ajoutons que lorsqu’un pays limite les importations dans le but de sauvegarder ses producteurs nationaux, il se doit en principe d’opérer des compensations. L’Accord précise que le pays ou les pays exportateurs peuvent demander une compensation par voie de consultation. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre, le pays d’exportation peut prendre une mesure de rétorsion équivalente (OMC 2005b). Une telle disposition n’a toutefois pas encore été appliquée et la clause de sauvegarde se révèle en fait inapplicable par les PED.

Les mesures de sauvegarde spéciales de l’Accord sur l’agriculture On relève, outre la clause de sauvegarde évoquée, les mesures de sauve-garde spéciales (SSG) pour l’agriculture, énoncées à l’article 5 de l’Accord sur l’agriculture (OMC 1994c). Les dispositions spécifiques relatives aux SSG dans le domaine agricole diffèrent de celles qui s’appliquent aux mesures de sauvegarde normales. Contrairement à la clause de sauvegarde, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’une atteinte grave est causée à la branche de production nationale, et le recours à la protection s’en trouve donc simplifié. L’application de tarifs de sauve-garde plus élevés peut être déclenchée automatiquement lorsque le volume des importations excède un certain niveau ou que les prix tombent en deçà d’un certain seuil (OMC 2005a). Ainsi, en appliquant les SSG, les pays membres peuvent se protéger non seulement contre les poussées des im-portations mais aussi contre le déclin rapide des prix.

Ces SSG entraînent cependant un certain nombre de problèmes touchant notamment les PED (Third World Network 2004). Les mesures ne peuvent pas être appliquées sur tous les produits agricoles; elles peuvent être invo-quées uniquement pour des produits pour lesquels il a été procédé à une

« tarification » (détermination du tarif consolidé par des calculs de conver-sion de l’ancienne protection et non par une fixation simple) dans le cadre du Cycle d’Uruguay, et à condition que le gouvernement se soit réservé le droit d’y procéder dans sa liste d’engagements dans le domaine de l’agriculture (OMC 2005a). À l’image de la plupart des PED, le Sénégal ne remplit ces conditions pour aucun produit. Par conséquent, le recours aux SSG se révèle de facto discriminatoire dès lors qu’il n’est quasiment applicable que par les pays industrialisés.

Même si un PED est autorisé à adopter de telles mesures sur certains pro-duits sélectionnés, il se voit confronté à de graves difficultés:

Du point de vue des PED, les mécanismes de déclenchement prévus par l’article 5 ne respectent pas les besoins particuliers de ces pays (Third World Network 2004).

ƒ Pour ce qui concerne les prix, la sauvegarde est déclenchée si le prix nominal d’importation selon la devise locale chute en deçà d’un prix de référence spécifique. Le prix de référence est tout de même basé sur le prix moyen de la période de 1986 à 1988. Cette période était caractérisée non seulement par des prix agricoles ex-trêmement bas à l’international, mais aussi par une forte

suréva-luation des monnaies de beaucoup de PED (FAO 2003, 18). Ain-si, compte tenu du taux d’inflation élevé et de la dévaluation des monnaies de nombreux PED, le prix de déclenchement prévu à l’article 5 s’avère très peu élevé par rapport aux prix actuels, ren-dant ainsi difficile l’adoption des SSG.

ƒ Concernant le volume des importations, le seuil de déclenche-ment pose égaledéclenche-ment quelques problèmes pour les PED. Le dé-clenchement fondé sur le volume est évoqué de manière détaillée à l’article 5 de l’Accord sur l’agriculture. Ce niveau de déclen-chement est déterminé sur la base des possibilités d’accès au marché définies comme le pourcentage des importations de la consommation intérieure correspondante pendant les trois années précédentes (OMC 1994c). Ainsi, les pays où la production locale assure une grande partie de l’alimentation des populations peu-vent adopter ces mesures seulement dans le cas d’une forte hausse des importations.

Les SSG prévoient des droits additionnels, mais pas de restrictions quantitatives. Dans le cas du volume de déclenchement, les droits su-périeurs ne peuvent être imposés que jusqu’à la fin de l’année visée et ne pourront être perçus qu’à un niveau qui n’excédera pas un tiers du niveau du droit de douane proprement dit, applicable pendant l’année où la mesure est prise (OMC 1994c). Par conséquent, les mesures n’offrent qu’une faible protection pour les PED présentant un taux de protection relativement bas (Third World Network 2004).

La mise en pratique des règles détaillées nécessite de grandes capaci-tés administratives et douanières, que l’on retrouve rarement dans les PED.

En résumé, on constate qu’il existe déjà des mesures de sauvegarde dont les objectifs sont comparables aux MSS. Mais les barrières à l’application de l’Art. XIX du GATT sont si strictes que les PED ne peuvent guère en profiter. Dans le cas des SSG, la plupart des PED ne sont pas autorisés à les appliquer et, même si certains peuvent y avoir recours, ils se voient confrontés à des difficultés et des limitations d’ordre pratique.