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Les mesures de protection comme constituant élémentaire du « traitement spécial et différencié »

Partie I Cadre conceptuel, juridique et agricole de la pro- pro-tection commerciale au Sénégal

2 Relation entre développement agricole et politique commerciale

2.2 Les mesures de protection comme constituant élémentaire du « traitement spécial et différencié »

de l’OMC

Commerce et développement: Orthodoxie libérale contre besoins spécifi-ques?

Le commerce (libre-échange) n’est pas un objectif en soit, mais il doit contribuer au bien-être humain, de même que le plein emploi, un niveau élevé de revenu, l’utilisation optimale des ressources, etc. Ces objectifs sont reconnus par le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) de 1947, repris par les documents à l’origine de la création de l’OMC en 1994 et acceptés en principe par la grande majorité des pays signataires d’accords commerciaux et par les observateurs et chercheurs qui les suivent.

Si les objectifs ne sont généralement pas contestés, des désaccords consi-dérables subsistent néanmoins quant à savoir s’ils sont atteints de manière systématique et quasi automatiquement au travers de « la pleine utilisation des ressources mondiales et l'accroissement de la production et des échan-ges de produits (…) sur une base de réciprocité et d'avantaéchan-ges mutuels, à la réduction substantielle des tarifs douaniers et des autres obstacles au commerce et à l'élimination des discriminations en matière de commerce international », comme le stipule le préambule du GATT (OMC 1994b).

L’orthodoxie veut que ces principes profitent surtout aux partenaires commerciaux faibles. Pour ne citer que les règles les plus fondamentales : le principe de « nation la plus favorisée » (Art. I GATT, OMC 1994b) garantit que des pays membres, moins puissants sur les plans économique et politique, puissent automatiquement profiter des conditions favorables que les grands pays industrialisés s’accordent mutuellement. Le principe du « traitement national » (Art. III GATT) garantit que le pays importateur ne traite pas d’une façon moins favorable le produit importé que le produit national similaire.

Ces principes assurent en fait que tous les membres abaissent leurs barriè-res douanièbarriè-res de manière continue en se rapprochant de l’idéal économi-que classiéconomi-que du libre-échange. L’OMC convertit les motifs mercantiles et

tes classifications et indicateurs et pour une comparaison internationale des indicateurs concernant le Sénégal.

économiquement « myopes » des pays membres, qui souhaitent « gagner » de nouveaux marchés d’exportation en abaissant les tarifs des partenaires commerciaux, en un libre-échange général, en conduisant ces pays à ac-cepter des « pertes » à l’ouverture de leurs propres marchés (réciprocité).

En revanche, l’économie classique établit que les importations représen-tent un gain en elles-mêmes (souvent plus importantes que les exporta-tions), en diminuant les prix à la consommation, en étendant les options des consommateurs et des industries et en créant de la concurrence. Les projections les plus positives des gains apportés par le libre-échange et le Cycle de Doha à l’aide des modèles d’équilibre général sont basées sur les prémisses de l’économie classique (p.ex. Banque Mondiale 2003a; Ander-son / Martin 2005).

Mais la théorie du libre-échange présente toutefois des faiblesses, surtout si l’on compare les hypothèses sous-jacentes avec la situation réelle. La théorie ne voit des effets positifs qu’au travers d’hypothèses rigides (mar-chés fonctionnant de manière optimale et informations parfaites, etc.), ce qui ne correspond guère à la réalité, et encore moins dans les PED où le marché se caractérise par de multiples imperfections.4 La théorie des in-dustries naissantes (infant industry) ainsi que d’autres développements apportés par l’économie classique (incorporation du risque, de coûts d’ajustement, de rigidités, d’économies d’échelle, etc.) fournissent certains arguments théoriques permettant de justifier des exceptions au libre échange comme étant bénéfiques sur le plan économique. Ajoutons que les économies, les marchés et les institutions qui dominent le système du commerce (y compris l’OMC) sont soumis à des pressions et font l’objet de rancunes politiques, tendant ainsi à favoriser les pouvoirs économiques plus puissants. Certaines critiques avancent même que les règles de l’OMC servent à maintenir la position des pays avancés et retarder le dé-veloppement des PED (Chang 2002; South Centre 2005). La tendance affichée par l’OMC, qui vise à dépasser les politiques commerciales exter-nes et régulariser également les politiques dites interexter-nes, accroît la réti-cence à l’égard d’une approche identique pour tous (« one size fits it all »).

Les réalités divergentes en fonction des pays, des marchés, des apprécia-tions de ces réalités et des concepts visant à y remédier en recourant à

4 Les échecs de la gouvernance publique ne sauraient être contestés, et par conséquent les imperfections du marché ne peuvent mener automatiquement à un plaidoyer en faveur des interventions de l’État.

l’intervention de l’État aboutissent en conséquence à des divergences par rapport aux politiques de commerce libérales, tant au sein de l’OMC qu’ailleurs.

Afin d’éviter de mettre en question sa légitimité, l’OMC est tenue d’assurer que les priorités divergentes ou même contradictoires résultant de ces divergences soient conciliées. On consent largement à reconnaître qu’un ensemble uniforme de droits et d’obligations multilatéraux pour des pays membres aussi différents ne sert pas les intérêts de tous les pays (Keck / Low 2004, 3). Ainsi, le GATT et, plus tard, l’OMC, ont quasiment d’emblée accordé un « traitement spécial et différencié » (TSD) aux PED.

La mise en application concrète du concept plutôt vague de TSD était par le passé soumise à des changements profonds. Avec l’adoption de la Partie IV du GATT (Commerce et Développement), la non-réciprocité devenait le principe essentiel du TSD. En vertu de l’Art. XXXVI : 8 GATT, « les parties contractantes développées n'attendent pas de réciprocité pour les engagements pris par elles dans des négociations commerciales de réduire ou d'éliminer les droits de douane et autres obstacles au commerce des parties contractantes peu développées », dans le cas où les engagements réciproques pris par les PED ne seraient pas conformes à leurs besoins spécifiques.5

Bien que cette Partie IV de l’Accord général affiche davantage de bonnes intentions qu’elle n’a de force juridique (Keck / Low 2004, 4), l’approche des PED a clairement évolué depuis cette époque. Beaucoup d’entre eux et de PMA ont rejoint l’OMC. Au cours du Cycle d’Uruguay, les « ambi-tions » (le niveau des réducambi-tions tarifaires etc.) des PED se sont déjà révé-lées inférieures à celles des pays industrialisés, bien qu’ils aient pris des engagements forts, notamment au niveau de l’agriculture, et qu’ils se soient complètement intégrés dans le cadre juridique de l’OMC. Faisant référence au TSD, les PED demandent aujourd’hui une certaine flexibilité et la modification des règles substantielles afin de les adapter davantage à

5 Il paraît évident que ces principes de traitement spécial et différencié sont également controversés. De nombreux économistes avancent que les principes généraux de l’OMC sont (en règle générale) valables pour toutes les économies, et en réduisant la pression pesant sur la libéralisation de leurs propres barrières douanières, les PED ne profitent pas des effets les plus positifs (p.ex. Özden / Reinhardt 2003; Banque Mondiale 2003a;

Anderson 2004).

leurs besoins individuels, en soulignant que le Cycle de Doha a été baptisé

« cycle du développement » (OMC 2001a).

3 Produits spéciaux et mécanisme de sauvegarde