pales furent leurs divifions inte-iHnes Se leurs débauches. Les Mofcovkes menacent la Livonie
& y font des courfes. L'Ordre Teutonique efl; éteint dans ces quartiers-là,
A A O N S I E U R .
Iwan Wafilewîcz II. Cîsar de Mofcovic conquit en 1551. les deux Royaumes de Cafan & d'Aftracan en Tarrarie , ^
6c emmena lenis Princes avec leur famille prifonnicrs à Mofcow. 'Ce Czar étoit un homme ambitieux , brutal ôc cruel ; de
{oitc
L E T T R E m . 57 forte que tout ce que les Hiftorîens rap
portent de lui, eft vray, il ne cedoit en rien aux plus cruels Tyrans, Il fçavoit très-bien que la Livonie s'étoit beaucoup enri
chie par le Commerce & dans une longue
Î
:aix } que la grande abondance avoit jcrtc es Livoniens daus la débauche,dans la raol-leirc,& dans la faineantife ; que la trop grande profperité avoit nourri leurs aniniofirez ; 6«: qu'il y avoit des querelles continuelles entre les deux partis dominans , je veux dire les Evêques & l'Ordre, Depuis la mort de Plettenberg les affaires de la guerre étoient entièrement négligées j la milice n'étoic point exercéc,& on n'entretenoit point d'ar<
mée, ni des naturels du Pays, ni d'étrangers.
Les fonds publics étoient épuifez par des dé-penfes inutiles & exceffives, ou en enrichi!^
fane les amis &: les parens des Chevaliers , des Evcques,&: des Chanoines,ou en en fai-fant palier tous les ans une grande partie à Rome.Mais les plus grandes voleries fe com-mcttoient parles CommilTaires jqui
mena-^eoient les affaires publiques,& qui ne pen-lant qu'à leur intérêt particulier diverti!^
foient les deniei-s de la Republique à leur propre avantage. Outre que chaque Pro
vince fur de prétendus privilèges refufoit de contribuer pour le bien public.
E C'EFT
9 8 l e t t r e v i i . C'efl: le (biihait & le threfor d'un Prince, d'avoir des fujets riches, lorfqu'il peut fans de longues délibérations difpoler de leur^
bourfes pour les befoins preflàns de l'Etat.
Mais lorfque dans des affemble'es libres cha
cun veut mal-à-propos infifter fur fes pri
vilèges prétendus & fur fes immunitez, fans confiderer , qu'ils rifquenc de perdre biens
& liberté; s'ils ne contribuent par les de
niers necelïaires pour leur confervation:dans un tel cas on pourroit (ans peine détruire toute autre Nation que les Anglois ; qui fçavent fermec ou ouvrir leurs bourfes, lorfqu'il faut, puifque la gloire de leur Na
tion efl: toujours la règle de leurs adions.
La ruine de l'Empire d'Orient par la prife de Conftantinople , la maniéré dont le peuple de Danemarc a perdu (es privilèges > la de-(Iruétion de la Livonie , ( comme nous ver-ions tout-à-l'heure ) & plufieurs autres Peu
ples nous fournilTent des exemples des triftes effets j que la divifion & l'avarice des mem
bres d'un Etat libre peuvent produire.
Pendant que les affaires de Livonie étoient dans cet étatjle Czar s'appliquoit à faire une bonne provifion de canons,d'armes, &d*au-tres munitions. Il fit venir des Officiers d'Al
lemagne & d'Ecofïè pour exercer fa cavale
rie &: fou iufauterie , comme aufli des In
génieurs^
L E T T R E n i . '
:gCTiIeurs , des Caiioniers, des Architecftes , 6: colites fortes d'Artifans. Il fe fervît d'eux
pour inftruire à la guerre fon peuple , qui n'écoit point difcipliné 5 fur-tout il eût oc-cafion de le faire au métier de la guerre dans la conquête de Cafan & d'Aftracaiifc Alors il entreprit d'attaquer des Nations plus braves. Et comme il vit que les diviiîons , l'orgueil , le luxe , & principalement la grande mollelîe & la fècurite' des Livoniens lui promettoient une conquête aifée , il fit de grands préparatifs pour une invafion, Aiais pour avoir un prétexte de leur faire la guerre il envoya demander à l'Evêquc de Dorpat le tribut, qu'il prêtendoit que cet Eveché avoit autrefois païé à fes prédeccf-feurs. Les Livoniens allarmcz de cette demande , le Heer-Meîjler & l'Evéque en
voyèrent une AmbalTadc à Mofcow , pour remontrer , que la Liwnie n'avoit jamais paie tribut à la RulTie, Mais le Czar ne voulut point démordre de fes pre'tentions , ni entendre raifon : car s'il conclut la paix avec eux pour quinze ans j ce fur à condi
tion que dans trois ans les differens entre la RulTie & la Livonie, principalement ce
lui du tribut, feroient terminez.
Le Hetr - Meîfier Henri Galcn ,
pre-\0) aiir que cette paix nefèroit pasdelon»
El guô
1 0 0 L E T T R E F i l , gue durée , envoya la même année nn
Am-• ballacleur à Giiftave 1. Roi de Suede , pour implorer fon fecours contre les Mofcovites ^ qui lui ayant donné une reponfe telle qu'il la fouhaitoit, fe difpofa à agir vigoureufe-mcnt contre les Rufliens.
Les Mofcovites ayant aflîegé l'an 15 j'y.
Wibourg en Finlande , ils furent repouilez
& chaflTez par ce grand Prince Guftave Va-la. Alors on auroit pu facilement dompter leur orgueil & leur infolence, fi les Livo-niens, fuivant leurs engagemens , eulTent profité de l'occafion pour fondre fur l'en
nemi. Mais la mollelTè des Chevaliers de l'Ordre , qui avoient dégénéré de leur bra
voure , Ôi les animofitez & les querelles do-meftiques,qui s'étoient allumées entre eux ÔC les Evêques, furent caufe qu'ils ne penferent point à leur propre fureté.
Guillaume de Furftenberg,Coadjuteurdu
Heer-Meîjler de Livonie, afîiegea en 1557.
Guillaume Marquis de Brandebourg Arche-vcque de Riga & Chriftophle Duc deMeck-lenbourg (on Coadjuteur, dans Kokenhan-(ên,où il les prît tous deux prifonniers. Sigif-mond Augufte Roi de Pologne , qui étoit proche parent de ces illuftres prifonniers, employa inutilement tous fes bons offices pour procurer leur liberté & leur rétablilTe-ment :
L E T T R E r / / . i o i ment : c'eft pourquoi il fut refolu dans une Dicte gcneiale tenue à Varfovie de faire une invafion dans la Livonie avec une ar
mée de cent mille hommes.
Chriftiern III. Roi de Dannemarc en
voya un AmbalFadeur en Livonie , pour moyenner la paix entre l'Archevêque &
l'Ordre ; mais Ftirftenberg , qui étoit pour lors Hecr - Mcifler , ne voulut point y en
tendre : jufqa'à ce qi^ apprit, que l'arme'e Polonoife ayant joint les Pruffiens, dont le Grand - Maître Albert de Brandebourg étoit frere de l'Archevêque , marchoit vers la Livonie.
Le Roi Sigifmond envoya un fabre nud a Furftenberg avec ordre de lui dire , qu'a
vec de tels inftrumens il ctoit réfolu d'ou
vrir la prifon des deux Ducs, ôc de procu
rer leur rétablirtèment, il auroit fans dou
te execute Tes menaces , fans l'entremife de l'Empereur Ferdinand I. & de quelques autres Princes d'Allemagne : car ils procu
rèrent une paix honorable au Roi de Po
logne , qui fut fuivie de l'entier rétabliflTe-ment des deux Ducs , outre une bonne fomme d'argent , qu'on donna au Roi pouc les fiais de fon expédition. En mcme-temps les Médiateurs portèrent la Pologne
& la Livoiiie à faire une ligue défenfivQ
£ j coiur&
'ïo2 L e t t r e v i l contre les Mofcovites, Enfuite les Etats «îe Livonicjfe croyant en fureté trcs-mal-à-pro
pos,& craignant de tenir une armée fur pied pendant la Paix , la congédièrent , excepté quelque peu de troupes , qu'ils garderent»
Ils eurent lieu de fe repentir d'avoir caïTé leurs troupes avec tant de précipitatioujlorf-qu'ils virent les malheurs , qui les mcna-çoient : mais il n'cioit plus tems.
Cependant le Czl^ prcnoit garde à tou
tes ces démarches j & ayant appris que la Livonie avoit fait une ligue avec la Polo
gne , il redemanda le tribut de l'Evêché de Dorpat : outre cela le commerce libre pour tous Ces fujcts dans toute la Livonie , tant avec les naturels du Pays , qu'avec les étrangers. De plus ils devoient rebâtir plufieurs Eglifes Ruffiennes , qui avoient été ruinées dans le tems de la derniere Reformation. Enfin il falloit qu'ils renon-çalTènt au Traité , qu'ils avoient fait avec la Pologne. En cas de refus il les menaçoit de mettre leur Pays à feu & à fang. Les Li^oniens , qui avoient plus de penchant à vivre dans la parellè & dans la débauche >
que d'aller à la guerre , envoyèrent une celebre Ambaflade à Mofcov\^ y avec de grands dons & de magnifiques préfens, Leurs inftiiidions étoicnt, <^u'il falloit
s'ac-çorder
l e t t r e
riT, 105
corder avec le Czar pour quelque fbmme d'argent, ôc incontinent concUirre la paix
avec lui.
Le Czar ne voulut entendre à aucun Traité , avant que les Livonienseulîènt pro.
mis
de renvoyeft inceflàmment fix compagnies d'AlIemans , qui étoient les feules troupes qu'ils avoient fur pied. Par le plus grand aveuglement tc la pins grande fatalité du monde ^ les Ambafïàdeurs acor-derent cet article , &: les troupes furent congédiées. Apres quoi on entra en né
gociation , & les Ambafladeurs convin
rent , qu'ils payeroient au Czar pour toutes fes prétentions quarante mille écus , ou
tre mille ducats d'or , que l'Evéché de Dorpat lui devoit compter à l'avenir tous les ans. Les Ambailadeurs ne furent pas plutôt de retour à leur logement , que la gran^ avidité du Czar le porta à envoyer ches eux pour recevoir la fommc -ftipulée dans le Traité, lis répondirent à ceux qui portoient le mefïàge , qu'ils n'a voient pas l'argent avec eux , mais qu'ils leur promet-toicnt qu'on le leur remettroit dans peu de tems. Cette réponfe deplijt au Czar , qui voulant leur rendre la parçille, leur joiia ce tour. Il invita les Ambalfadeurs à fa table donc il fit couvrir tous les plats ; enfui te
£ 4 ayant