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À l’heure actuelle, les parents sont titulaires de l’autorité parentale dès que la filiation est établie, que ce soit dans les familles légitimes ou naturelles. La filiation est automatiquement établie dans les familles légitimes, et chaque parent est titulaire de l’autorité parentale. Et suite à la réforme de 1993, ils l’exercent en commun.

Contrairement aux familles légitimes, la loi de 1993 inscrit deux conditions à l’exercice en commun de l’autorité parentale dans les familles naturelles : premièrement, la filiation doit être établie à l’égard des deux parents dans l’année de la naissance de l’enfant, deuxièmement, les parents doivent vivre ensemble lors de la reconnaissance concomitante (c’est-à-dire du père et de la mère) ou de la seconde reconnaissance (par le second parent) (article 372 al. 2 C. civ.).

Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il existe une règle subsidiaire qui attribue, à défaut, l’exercice de l’autorité parentale à la mère. La dominance maternelle à titre subsidiaire maintient une inégalité de droit entre les deux parents. Dans ce contexte, la commission préparatoire de la réforme du droit civil de la famille propose de substituer à la règle qui affirme la prééminence de la mère, une règle plus simple et plus égalitaire : le parent dont la filiation est déjà établie continue à exercer seul l’autorité parentale (Dekeuwer-Défossez 1999 : 79).

Cependant l’exercice en commun de l’autorité parentale peut être officialisé par les parents naturels de l’enfant, lors d’une déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance ou par une demande aux juges aux affaires familiales (article 374 C. civ.).

La mise en place de l’autorité parentale conjointe, comme principe de régulation du risque familial pour les familles naturelles, rencontre des résistances dans son institutionnalisation.

La discrimination récurrente des familles naturelles par rapport aux familles légitimes exprime la référence traditionnelle à l’ultime modèle de la famille unie et légitime. C’est elle qui est au centre du code civil. Les règles d’application de l’autorité parentale (Art. 372 et s.) dans les familles naturelles étaient traitées en fin de section.

«Dans le code civil, les règles de l’autorité parentale ont été construites autour du modèle de la famille légitime unie. Certes, le législateur est intervenu depuis 1970 pour étendre aux enfants nés hors mariage la plupart des règles relatives aux enfants nés en mariage. Mais la structure traditionnelle est encore visible dans les textes. (...) De plus, sont traités au titre du divorce, un certain nombre de problèmes qui intéressent en réalité tous les cas de séparations : séparations de fait des époux, séparation des concubins. Cette présentation est non seulement complexe, mais encore peu cohérente au regard des principes d’égalité de coparentalité qui anime aujourd’hui le droit de l’autorité parentale. Il semblerait donc opportun d’une part, de reconstruire les règles de l’autorité parentale autour de ces deux principes, d’autre part, de créer une sorte de droit commun de la séparation.» (Dekeuwer-Défossez 1999 : 75).

Le législateur se distance peu à peu du référent unique à la famille légitime. La loi Malhuret de 1987 apporte, pour les couples naturels, la possibilité d’exercer, par déclaration conjointe devant le juge des tutelles, l’autorité parentale conjointe (Article 5). Sans cette

démarche, le père n’a pas d’autorité parentale même s’il a reconnu l’enfant, et même si elle est concomitante avec celle de la mère. Avec la loi de 1993, la reconnaissance concomitante avant l’âge de six mois de l’enfant, enclenche la procédure d’autorité parentale conjointe, ou bien, après ce délai, s’ils vivent en commun lors de la reconnaissance du second parent (Article 23 sexie de la loi). Mais elle n’est pas encore une règle de principe comme pour les situations de «l’après-divorce».

La commission Dekeuwer-Défossez propose que les règles d’exercice en commun de l’autorité parentale s’appliquent à tous les enfants (dés lors que sa filiation est établie), puis de spécifier dans un second temps des situations particulières qui feraient exceptions à cette règle, lorsque l’exercice de l’autorité est unilatéral ou lorsque l’enfant est confié à un tiers (Dekeuwer-Défossez 1999 : 76)94.

L’institutionnalisation de la parentalité conjointe pour les familles naturelles rencontre beaucoup de résistance et si elle se met en place, c’est surtout à travers les droits de l’enfant.

Historiquement, les réformes pour une harmonisation des situations des familles naturelles et légitimes, ont toutes été motivées par la volonté de ne pas discriminer les enfants entre eux.

Aujourd’hui, les droits des enfants et la norme de l’intérêt de l’enfant s’imposent comme référents dans les législations nationales et internationales.

En 1997, les naissances hors mariage représentent 40 % de l’ensemble des naissances, contre 6% en 1965 (Munoz-Pérez ; Prioux 1999a : 481). Parallèlement, la proportion d’enfants non reconnus par le père diminue fortement : sur l’ensemble des enfants naît hors mariage en 1965 et en 1970, un peu plus des trois quarts ont été reconnus par le père, les enfants nés en 1975 sont reconnus à 81 %, et ceux nés en 1985 à 88 % (estimation) et on peut penser qu’en 1994 l’estimation atteindra 92 % (Munoz-Pérez ; Prioux 1999a : 483). Non seulement les reconnaissances paternelles augmentent proportionnellement, mais elles sont également de plus en plus précoces. Un mois après la naissance, plus de 80% des enfants naturels sont déjà reconnus, contre 33,4% en 1965 (cf. Tableau 17).

94 Premièrement, la commission propose de regrouper l'ensemble des règles relatives à l'autorité parentale sous un titre commun «De l'autorité parentale» et d'y intégrer les dispositions qui figuraient au titre de divorce et qui pourraient être appliquées à l'ensemble des séparations, comme c'est le cas dans les faits (Dekeuwer-Défossez 1999 : 77-78). Deuxièmement, il s'agit de dépasser les distinctions faites entre les enfants selon les articles 372 et 374 C. civ. pour tenter de ne faire aucune différence entre les enfants, quelle que soit leur naissance.

Troisièmement, «l'instauration de règles posant le principe d'un exercice en commun de l'autorité parentale quels que soient les aléas de la vie du couple : juridiquement, la séparation ne doit plus apparaître comme une coupure dans l'exercice de l'autorité parentale, mais comme une simple donnée rendant nécessaire un aménagement des modalités déversées de celle-ci.» (Dekeuwer-Défossez 1999 : 78).

Tableau 17 Reconnaissances paternelles (1) (pour 100 enfants nés hors mariage) selon l’âge de l’enfant

Année de naissance

1965 1970 1975 1981 1985 1990 1994 Reconnaissance avant un mois 33,4 33,8 1,1 63,2 68,5 67,5 80,6

proportion finale (2) 76,2 76,7 80,6 84,5 88 90,5 92

(1) Il s’agit de l’ensemble des reconnaissances par le père, y compris celles effectuées devant notaire ; les filiations paternelles établies lors d’un jugement sont comprises.

(2) Il s’agit de la proportion totale de reconnaissances paternelles (quelle qu’en soit la date).

Source : Munoz-Pérez ; Prioux (1999a : 484)

Premièrement, la forte progression du nombre des reconnaissances entre 1970 et 1975, plus de 17 points, est liée à la réforme du 3 janvier 1972 sur la filiation, à la possibilité de reconnaître les enfants adultérins, et au meilleur statut de l’enfant naturel reconnu (Munoz-Pérez ; Prioux 1999a). Les années 1980 marquent une autre césure et le pourcentage de reconnaissances paternelles avoisine 70 %95. Dès la fin des années 1990, on dépasse les 80 %.

Le phénomène des reconnaissances prénatales est relativement récent et il s’est très développé depuis la deuxième moitié des années 1980 (Munoz-Pérez ; Prioux 1999 : 486). A l’heure actuelle, pour les générations nées en 1994, 37 % des enfants nés hors mariage ont été reconnus avant la naissance, par le père et la mère. Les reconnaissances prénatales unilatérales sont minoritaires.

Ainsi, le phénomène des reconnaissances prénatales est essentiellement dû aux reconnaissances conjointes des deux parents (cf. Tableau 18) ; il s’inscrit dans l’exercice commun de la parentalité.

Tableau 18 Proportion d’enfants reconnus avant la naissance par le père et/ou la mère (pour 100 enfants nés hors mariage)

Année de naissance PROPORTION DENFANTS RECONNUS PAR

1965 1970 1975 1980 1985 1990 1994

- le père et la mère 0,9 1,3 4,6 7 9 13,4 23,3 35,8

- le père et la mère conjointement 0,8 1,1 4,5 7,6 13,1 22,7 35,0

- la mère seule 3,4 4,7 4,8 5,9 7,4 6,8 5,8

- le père seul 0,4 0,3 0,5 0,4 0,3 0,6 1,1

Source : Munoz-Pérez ; Prioux 1999a : 486

95 Depuis les années 1990, plus des trois-quarts des enfants hors mariages sont reconnus dans le premier mois après la naissance. Ceci s'explique par la nature des unions dans les familles naturelles : il s'agit d'unions de fait qui accèdent ensuite à la parentalité. Le nombre des reconnaissances paternelles, qui concernent plus de 90 % des enfants nés hors mariage, montre à quel point la paternité au sein de cette forme familiale est assumée et revendiquée.

Une reconnaissance prénatale conjointe signifie pour l’enfant, à la manière des enfants nés dans le mariage, qu’ils ont une double affiliation -paternelle et maternelle- dès la naissance, premier pas vers l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Cette démarche concerne un très large tiers des familles naturelles et signe une inscription forte de la norme de coparentalité.

La situation professionnelle a un impact sur la reconnaissance parentale : «Les catégories sociales se différencient moins qu’autrefois dans leurs usages de la reconnaissance et de la légitimation. Toutefois, les reconnaissances prénatales conjointes, initiées par les classes supérieures, reste une pratique socialement marquée (…) les mères exerçant une profession intermédiaire ou supérieure obtiennent une reconnaissance paternelle avant la naissance dans une proportion de deux fois et demi plus forte que les mères sans profession.»

(Ministère de l’emploi et de la solidarité 2000). «Ainsi, c’est dans les catégories supérieures -nous avons vu qu’elles ont encore aujourd’hui moins souvent des enfants nés hors mariage-que les pères reconnaissent leurs enfants avant la naissance, le plus souvent et ceci conjointement avec la mère : ils les dotent ainsi dès la naissance d’une filiation à l’égard des deux parents, comme les enfants nés dans le mariage.» (Munoz-Pérez ; Prioux 1999b : 860).

Les catégories supérieures, qu’elles choisissent le mariage ou la cohabitation, ont le souhait d’inscrire l’enfant dans un double lien parental, qu’il soit conséquent à une légitimation ou à une reconnaissance conjointe prénatale. L’enfant, dès sa venue au monde, est alors inscrit dans un rapport de parentalité où la double filiation est établie. Inversement, les pratiques unilatérales de la reconnaissance sont beaucoup plus répandues dans les couches de milieux populaires96.

L’inactivité a une influence sur les reconnaissances prénatales : lorsque la mère est inactive, la probabilité pour que l’enfant soit reconnu avant la naissance est faible, elle est d’autant plus faible que l’homme est lui-même inactif97 (Munoz-Pérez et Prioux 1999b : 865).

«Ainsi par exemple en 1994, lorsque la mère est inactive, la probabilité d’une reconnaissance prénatale est de 38 % si le père appartient à l’un des deux groupes professionnels [cadres et profession intermédiaire, employé], de 31 % s’il est ouvrier et de 26 % s’il est inactif.»

(Munoz-Pérez et Prioux 1999b : 865). La probabilité d’une reconnaissance prénatale tombe de 67 % chez un couple de cadres ou de profession intermédiaire à 45 % chez un couple d’ouvriers et à 26 % chez un couple d’inactifs (Munoz-Pérez et Prioux 1999b : 866).

Ces chiffres montrent l’importance de la catégorie socioprofessionnelle et de la situation professionnelle des parents, en premier lieu de la mère98, en second lieu du père, sur

96 Mais la reconnaissance conjointe prénatale n'est pas l’unique privilège des couches intermédiaires et supérieures. Elle touche, quoiqu'en moindre proportion, l'ensemble des couches sociales C'est dans le milieu ouvrier que les parents légitiment le moins souvent leurs enfants (Munoz-Pérez et Prioux 1999b : 865).

97 Le 29ème rapport sur la situation démographique de la France, du ministère de l'emploi de la solidarité, paru en 2000, basé sur les travaux de Munoz-Pérez et Prioux, nous renseigne de façon très précise, sur les circonstances et les caractéristiques de la reconnaissance paternelle et parentale des enfants nés hors mariage. Le rapport développe le cas des couples de parents inactifs, groupe marginal mais en augmentation : les parents tardent davantage à reconnaître leurs enfants et ils se marient plus rarement pour les légitimer (Ministère de l'emploi et de la solidarité 2000 : 52 - 53).

Cette remarque a d'autant plus d’importance, qu'actuellement l'ensemble des enfants nés hors mariage font l'objet d'une reconnaissance paternelle, les différences entre les catégories sociales s'amenuisent. Par contre, l'inactivité semble garder une signification particulière.

98 « L'appartenance socioprofessionnelle de la mère est prépondérante dans le comportement des pères vis à vis de la reconnaissance prénatale. » (Munoz-Pérez et Prioux 1999b).

la reconnaissance prénatale. Cela influence donc la conception de la parentalité et sa nature

«conjointe».

De façon générale, l’inactivité de la mère ne favorise plus la reconnaissance de l’enfant par le père comme cela a été le cas avant les années 1980. Aujourd’hui, l’inactivité tend à faire reconnaître l’enfant beaucoup plus tardivement par les parents. Il faut ajouter à cela que se sont les mères qui exercent une profession intermédiaire et supérieure pour qui l’enfant est le plus promptement reconnu, et surtout, lorsque le père appartient aux mêmes catégories sociales (Ministère de l’emploi et de la solidarité 2000 : 52).

«Les années 1990 nous offrent ainsi un panorama exactement inverse de celui des années 60. Les catégories populaires qui, autrefois, reconnaissaient le plus fréquemment et le plus vite leurs enfants, sont aujourd’hui en retrait, largement devancées par les catégories supérieures et moyennes. D’autre part, les enfants des mères inactives, plus souvent reconnus dans le passé, le sont plutôt moins aujourd’hui, en particulier avant la naissance.» (Munoz-Pérez et Prioux 1999b : 866).

II.B.1.2 La nouvelle conception du couple parental