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SECTION III.A L E PARTAGE DU TRAVAIL FAMILIAL EN F RANCE

III. A.2.1 Un partage hétérogène du travail parental

Encadré n° 8 Note méthodologique sur les mesures du travail domestique et parental pour les années 1990 et 2000, en France

Les données sur le travail domestique, que nous traitons ici, sont tirées d’une exploitation secondaire de l’enquête Emploi du temps de l’INSEE. Le travail domestique y est calculé à partir du temps consacré au ménage, au repassage, à la cuisine (ordinaire et de réception), aux courses, à la vaisselle, au soin aux enfants et aux adultes, au bricolage, au jardinage, au soin aux animaux. On voit ici que, pour l’INSEE, le soin aux enfants est une notion interne au travail domestique.

Nous avons également exécuté une exploitation statistique des fichiers de base de l’enquête emploi du temps de l’INSEE (collecte de 1998-1999) pour étudier les pratiques de délégation du parental et du domestique. Nous avons alors retenu une définition restrictive du domestique qui exclut le soin aux enfants, la cuisine de réception, le bricolage et le jardinage (qui à notre avis relèvent du loisir166). Le travail domestique est alors composé de différentes tâches ménagères : le linge, le ménage, la cuisine, la vaisselle, les courses.

Quant aux catégories d’activités parentales et de temps parental, elles ne sont apparues comme catégories constituées qu’en 2000, à travers le travail du groupe Division Familiale du Travail du MATISSE (Barrère-Maurisson, Marchand, Rivier 2000). Il n’avait jamais été identifié et quantifié auparavant.

Le questionnaire de l’enquête avait été délibérément constitué de façon à pouvoir cerner l’ensemble des activités et des temps consacrés aux enfants. Ainsi, on a enfin isolé le temps spécifiquement parental qui regroupe «toutes les activités effectuées par les parents avec et pour les enfants» (cf. Encadré 6). Nous avons repris et continué ici l’exploitation statistique des données du groupe DFT-MATISSE pour nous renseigner sur le temps parental et son partage entre les parents.

Pour leur part, les enquêtes emploi du temps de l’INSEE identifient 4 temps de vie : le temps professionnel, le temps domestique, le temps physiologique et le temps de loisir (Dumontier, Pan ké-Shon 1999). Aussi, à la différence de l’enquête DFT-MATISSE-1999, la notion de temps parental dans l’enquête Emploi du Temps de l’INSEE, est dilué à l’intérieur du temps domestique et du temps libre. C’est pourquoi, aujourd’hui, on tente de le reconstituer à travers des exploitations secondaires (cf. Algava, 2002).

166 En effet, nos critères de définition qualifient ces trois dernières activités comme des loisirs : premièrement, faire la cuisine pour une réception, faire du bricolage et faire du jardinage ont un caractère exceptionnel ; deuxièmement, la satisfaction retirée de ces activités est très importante, beaucoup plus que pour les autres activités ménagères : 72% des individus qui ont effectué ces activités, considèrent que le bricolage est une activité agréable, 77% pour l’activité «faire la cuisine pour une réception» et 81% pour le jardinage, les autres activités courantes ont une proportion de réponse à l’item «agréable» inférieur à 40% (calculs de l’auteur), ce critère de satisfaction isole très clairement ces trois activités dont la nature est très proche d’un loisir.

Les résultats de C. Brousse montrent que la part des hommes dans les soins aux enfants a augmenté de plus de 5 points entre 1986 et 1999. Ce phénomène n’a pas d’équivalence dans aucune autre tâche des catégories «féminines» et «mixtes»

(Brousse :1999 : 140). Mais il reste inégalement réparti entre les pères et les mères (cf.

Tableau 20). En couple, les mères effectuent deux fois plus de temps parental que les pères, respectivement 25h40 minutes contre 12h40 pour les hommes en moyenne par semaine167. Tableau 20 Temps parental hebdomadaire selon le type de famille (en heures et minutes

par semaine)

TYPE DE FAMILLE TEMPS PARENTAL MOYEN168 PAR INDIVIDU

Parents monoparentaux 20 h 57 mn

Parents en couple avec enfants 19 h 27 mn

Dont pères 12 h 41 mn

Dont mères 25 h 37 mn

Ensemble 19 h 37 mn

Source : enquête MATISSE -DFT – 1999 (Barrère-Maurisson ; Marchand ; Rivier 2000) Le travail parental se décompose en quatre types de tâches (cf. Tableau 21) : premièrement, les tâches de sociabilité parentale qui recouvrent les activités de présence auprès des enfants ou de temps consacré aux adolescents (jeux et activités à l’extérieur...) ; deuxièmement, le travail parental domestique qui concerne essentiellement les petits enfants puisqu’il s’agit de leur faire prendre les repas, de les habiller et de faire leur toilette ; troisièmement, le travail parental „taxi“ qui est calculé à partir des tâches qui consistent à accompagner les enfants à leurs activités régulières, école ou autre ; et enfin, le travail parental scolaire qui est consacré à l’aide aux devoirs (Barrère-Maurisson ; Marchand ; Rivier, 2002).

Tableau 21 Les quatre temps parentaux en heure et minutes169 Temps de sociabilité parentale 19 h 56 mn

Temps parental domestique 10 h 12 mn

Temps parental «taxi» 5 h 20 mn

Temps parental scolaire 3 h 49 mn

Source : enquête MATISSE -DFT 1999 (Barrère-Maurisson ; Marchand ; Rivier 2000)

167 L’exploitation des données a montré que le nombre de familles monoparentales hommes est encore faible.

Nous avons pu cependant estimer que les comportements des familles monoparentales hommes sont proches de ceux des familles monoparentales femmes, le type de famille ayant ici un impact plus important sur les comportements que les différences de genre.

168 Il s’agit du temps moyen hebdomadaire consacré par les parents à l’ensemble des tâches parentales.

169 Cette mesure correspond au temps moyen consacré à cette tâche (calculée sur l’ensemble des individus qui l’effectuent).

Chaque trajet lié au professionnel est associé à des activités particulières, elles sont réparties de façon différente pour les hommes et les femmes (Fermanian ; Lagarde 1999). Les femmes sont beaucoup plus nombreuses à relier le trajet professionnel à une autre activité, et ce, plus le matin que le soir. Le trajet du matin est souvent lié à la conduite des enfants à l’école («temps parental taxi») et les activités du soir sont surtout liées aux courses. La participation des hommes, qui augmente en présence des enfants, concerne plus les trajets du matin (Fermanian ; Lagarde 1999 : 107) et donc du «temps parental taxi».

Chaque type d’activité parentale se partage de façon différente dans le couple. Pour avoir une mesure de ce partage, on a calculé la part respective des pères et des mères par rapport au temps parental global moyen du couple170.

Les tâches parentales se répartissent de façon hétérogène : le temps de sociabilité parentale est le moins inégalement réparti, deux cinquièmes pour les pères et trois cinquièmes pour les mères, contrairement au temps de travail parental domestique qui fait encore l’objet d’une répartition très inégalitaire171 (environ un tiers pour le père, deux tiers pour les mères) (cf. Tableau 22).

Tableau 22 Partage du temps parental dans les couples, en % Part effectuée

par les pères Part effectuée

par les mères Total

Temps de sociabilité parentale 40 60 100%

Temps parental scolaire 37 63 100%

Temps parental taxi 35 65 100%

Temps parental domestique 31 69 100%

Temps parental total 33 66 100%

Source : enquête MATISSE -DFT – 1999

Lorsque l’on compare le temps parental moyen par individu au temps parental

«normé»172, il apparaît une différence d’environ vingt heures par semaine (cf. Tableau 23).

Cela signifie que les personnes interrogées soit ne sont pas concernées, soit n’effectuent pas seules les tâches (qui sont alors partagées, déléguées, externalisées ou non assumées).

170 Les chiffres représentent le temps moyen des pères et des mères (en couple) rapporté au temps parental du couple. Ce dernier est construit à partir de la somme des temps moyens des mères en couple et des pères en couple (il s’agit d’une construction, à posteriori, car les partenaires respectifs n’ont pas été interrogés dans l’enquête).

171 Les activités consacrées aux enfants ne font pas l’objet d’une journée particulière, elles ne modifient pas la structure de l’emploi du temps, comme les tâches domestiques (E. Maurin 1989). Cependant, il nous semble important de différencier le week-end du reste de la semaine : effectivement, le week-end a un rythme particulier qui détermine une participation plus importante des hommes aux tâches parentales.

172 Le temps parental normé est calculé à partir de la somme des temps moyens des parents consacrés à chaque tâche parentale. Cette valeur est une construction (d’où le terme de «normé») car elle représente le temps théorique qu’effectuerait un parent s’il se consacrait réellement à toutes les tâches parentales (suivant la valeur moyenne de l’ensemble des parents qui se consacrent effectivement à ces tâches).

Tableau 23 Temps parental individuel et temps parental total «normé»

Type de famille

Temps parental

moyen par individu

Temps individuel en % du temps «normé»

(39 h 18 mn)

PARENTS 19 h 37 mn 49,9

Dont pères 12 h 59 mn 33,0

Dont mères 24 h 41 mn 62,8

PARENTS EN COUPLE 19 h 27 mn 49,5

Dont pères 12 h 41 mn 32,3

Dont mères 25 h 37 mn 65,2

PARENTS MONOPARENTAUX 20 h 57 mn 53,3

Source : enquête MATISSE -DFT - 1999 (Barrère-Maurisson ; Marchand ; Rivier 2000) Les chefs de famille monoparentale consacrent, chaque semaine, une heure et demie de plus à leurs enfants que les parents en couple. Ils doivent effectuer «seuls» les tâches parentales alors que, dans un couple, le temps parental effectué par le père s’ajoute à celui dispensé par la mère (du fait du partage des tâches). À eux deux, ils fournissent l’équivalent de 97 % du temps parental total «normé», contre 53 % pour les familles monoparentales. Pour ces dernières, le surplus de temps parental individuel (par rapport à une personne en couple) est plutôt redistribué en faveur des activités de sociabilité parentale qu’en faveur du temps scolaire.

À l’intérieur des couples, les différences sont très importantes et les mères sont deux fois plus présentes auprès des enfants que les pères. Dans les familles monoparentales, les pratiques ne diffèrent pas fondamentalement qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Il y a donc un effet de «genre» qui joue sur la durée des tâches parentales dans les couples mais qui n’existe plus dans le cas des familles monoparentales.

Autrement dit, il y a un effet de «couple» sur les pratiques des femmes : être dans une logique de partage fait ressortir les pratiques sexuées à la fois de façon quantitative et qualitative. C’est dans la répartition des temps parentaux domestiques et de sociabilité que la spécification des rôles est la plus visible : proportionnellement, les pères s’impliquent plus dans les activités de sociabilité que dans toute autre tâche parentale, les activités parentales domestiques, elles, restant typiquement dévolues aux mères.

Figure 18 Répartition des tâches parentales selon les résistances dans le couple

Le partage du travail parental, encore inégalitaire, l’est de moins de moins sous l’influence des pratiques masculines, qui restent cependant hétérogènes. On peut dégager deux logiques opposées de partage du travail parental : la première, pour laquelle il y a une moindre résistance à un partage égalitaire, concerne les tâches d’ordre relationnel, et la seconde, pour laquelle les résistances familiales sont plus importantes, est liée aux tâches organisationnelles et domestiques173 (cf. Figure 18 ci-dessus).