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Introduction : la montée en puissance du contrôle démocratique des forces armées

L’expression « contrôle démocratique des forces armées » 2 est généralement compris comme la subordination des forces armées à ceux qui, élus démocratiquement, ont la charge des affaires du pays. Dans son sens le plus large il signifie que toutes les décisions concernant la défense du pays – l’organisation, le déploiement et l’emploi des forces ar-mées, l’établissement des priorités militaires, la demande et l’allocation des ressources né-cessaires – sont prises par l’autorité démocratique et examinées par la législature à des fins de soutien populaire et de légitimité. Le but ultime est de s’assurer que les forces armées servent bien la société qu’elles protègent et que les politiques et les capacités militaires sont en cohérence avec les objectifs politiques et les ressources économiques. Tout en étant un sujet de plein droit, le contrôle démocratique des forces armées doit être considéré comme une partie essentielle de la relation élargie entre les sociétés et leurs forces armées.

Pendant la guerre froide, le terme « contrôle démocratique des forces armées » ne sus-citait que peu de discussions ou de débats au-delà des cercles académiques.3

1 Senior fellow au DCAF et ancien secrétaire général de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.

2 La définition de « forces armées » peut poser problème. Cet article se réfère aux forces relevant des ministères de la défense. Toutefois, dans de nombreux pays il y a toute une variété de forces qui portent les armes et qui ne relèvent pas de l’autorité de ce ministère, par exemple, les forces de sécurité intérieures ou paramilitaires. Il va sans dire que ces forces doivent être démocratiquement responsabilisées, quelle que soit leur subordination. Il y a aussi le personnel associé aux compa-gnies privées de sécurité qui sont armés mais qui échappent à ces catégories formelles et qui sont pour la plupart irresponsables.

3 Les travaux académiques les plus connus sur les relations entre civils et militaires pendant cette pé-riode sont: Samuel E. Finer, The Man on Horseback: the Role of the Military in Politics (Boulder, CO: Westview, 1986); Samuel P. Huntingdon, The Soldier and the State (Harvard, H.U.P., 1957);

Morris Janowitz, The Professional Soldier (Glencoe, Ill: Free Press, 1960) et Amos Perlmutter, The Military and Politics in Modern Times (New Haven, CT: Yale University Press, 1977).

Dans la plupart des pays de l’OTAN, cela allait généralement de soi. On portait essen-tiellement attention sur l’emploi potentiel des forces armées pour s’opposer à la menace d’une agression soviétique. Avec la fin de la guerre froide, la question du contrôle démocra-tique des forces armées gagna soudain en importance. Une véritable industrie artisanale se développa autour d’elle: ateliers, séminaires et conférences proliférèrent, thèses, études et articles rédigés par des universitaires comme par des praticiens encombrèrent le marché.

Un nouveau centre fut créé à Genève tout spécialement dédié à ce sujet.4

Cette montée en puissance tient à plusieurs raisons. D’abord et avant tout, cela aura été la transition qui s’est produite à travers l’Europe centrale et orientale lorsque les anciens pays communistes commencèrent à adopter des institutions et des pratiques démocrati-ques. Il devint vite apparent pendant cette période transitoire que les forces armées étaient l’un des éléments résiduels de l’ancien régime qui devait se transformer radicalement. Ha-bitués au contrôle civil d’un parti unique et à une position très favorable en termes de res-sources et de statut, ils devaient être soumis et répondre aux processus démocratiques qui se mettaient en place.5 Le sujet devint plus pressant quand l’OTAN décida que le contrôle démocratique des forces armées était l’une des conditions que l’alliance vérifierait pour évaluer l’état de préparation des pays aspirant à en devenir membres. La transparence dans la planification et la budgétisation de la défense et l’assurance d’un contrôle démocratique sur les forces de défense étaient les objectifs prééminents du Partenariat pour la Paix (PPP), une initiative de l’OTAN. Il s’ensuivit que de nombreux pays candidats, comme d’autres partenaires, se tournèrent vers l’Alliance pour qu'elle leur conseille des mesures et les aide à les prendre. Et c’est là que se situe le principal paradoxe. Alors que l’OTAN met-tait vigoureusement l’accent sur le contrôle démocratique des forces armées, il n’exismet-tait au-cun modèle au sein de l’alliance qui vaille exemple. Pour des raisons culturelles et constitu-tionnelles, chaque membre de l’Alliance avait développé une approche différente de la question, ce qui interdisait l’élaboration d’un modèle convenant à tout le monde. Plusieurs sessions de brassage d’idées organisées par l’OTAN dans le cadre du PPP mirent vivement en lumière non seulement les différentes composantes du contrôle démocratique, mais également les variations existantes et donc la difficulté de parvenir à une définition unique.

L’accord sur « nous le connaissons quand nous le voyons, ou mieux vaut reconnaître quand

4 Le Centre de Genève pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF) a été créé par une décision partagée entre les ministères suisses de la défense et des affaires étrangères dans le but de mettre un accent tout particulier sur une question d’intérêt général et de pertinence croissants.

En plus de son propre programme de recherche, il devait contribuer à assurer la coordination, très attendue, nécessitée par les activités disparates en cours dans ce domaine. Le DCAF s’est ensuite attaché au concept plus large de réforme du secteur de la sécurité (RSS) tant la pertinence de cette dernière pour le développement et la reconstruction était devenue une évidence. Le DCAF s’est ré-vélé comme un centre d’excellence dans le domaine de la RSS tout en conservant une propension tout particulière à aider les parlements à acquérir influence et responsabilité sur les politiques liées à la sécurité nationale.

5 L’estime nationale pour les forces armées variait beaucoup d’un pays à l’autre en fonction de leur expérience historique. En Pologne et en Roumanie, les militaires étaient tenus en haute estime;

beaucoup moins en Hongrie et en république tchèque. Toutefois, quelle que fût l’estime dont elles pouvaient jouir en tant que corporation, elles demeuraient les dépositaires de vieux concepts et re-présentaient un obstacle à une démocratisation efficace.

il n’existe pas » était tout près d’être atteint. Comme le notait un participant de l’Alliance à l’une de ces sessions: « chaque fois que nous sommes sur le point de nous mettre d’accord sur un critère, il faut qu’il y en ait un d’entre nous qui quitte la pièce ».6

Cela reflète bien le dilemme auquel l’alliance, comme d’ailleurs les candidats, sont confrontés, et cela a effectivement affecté d’autres critères de l’OTAN – le problème de l’évaluation du degré de préparation jugé nécessaire pour les pays souhaitant devenir mem-bres de l’Alliance.7 Pour ces derniers, l’absence de modèle spécifique comportait à la fois des avantages et des inconvénients. D’un côté, ils étaient soumis à de nombreux conseils sur les mesures qu'ils avaient à prendre – conseils qui n’étaient pas toujours cohérents. Ils pouvaient donc les choisir et les adapter à leurs propres besoins et aux circonstances.

Cet accent mis sur le contrôle démocratique a coïncidé avec une période de change-ments radicaux pour les forces des membres de l’Alliance, changechange-ments qui portaient à conséquence pour les relations entre leurs forces armées et leurs sociétés. Les forces ar-mées de l’OTAN se sont retrouvées en transition alors qu’elles se restructuraient, se réorga-nisaient et, de façon générale, se contractaient par rapport aux structures militaires de la guerre froide. Nombre d’entre elles étaient passées de la conscription à la professionnalisa-tion. Les rôles et les missions de ces forces changèrent alors qu’elles étaient de plus en plus impliquées dans les opérations de réponse aux crises (ORC), dans des missions qui com-portent de nouvelles exigences pour les armées. De plus, le développement de la technolo-gie et la révolution de l’information eurent un impact sur la façon dont les forces armées opè-rent ; et du fait de l’omniprésence – envahissante – des media, sur la façon dont leurs ac-tions sont perçues par le grand public.

Collectivement, ces facteurs représentent un nouvel environnement et une nouvelle sé-rie de défis auxquels les forces armées doivent réagir. Ces ajustements influencent à leur tour leur rôle dans la société et les relations entre les côtés politiques et militaires. Le contexte élargi des relations entre civils et militaires, dont participe le contrôle démocratique des forces armées, n’est pas un processus figé mais en évolution continue. Tous les pays, membres ou partenaires, doivent réfléchir de nouveau aux conséquences du nouvel envi-ronnement de sécurité sur la façon d’opérer de leurs forces armées.

Ces deux développements – la démocratisation en Europe centrale et orientale et l’impact du nouvel environnement de sécurité – ont été responsables de l’importance que l’on accorde aujourd’hui au contrôle démocratique des forces armées. La plupart des pays de l’Alliance disposent des mécanismes appropriés pour absorber les changements du nou-vel environnement et pour s’y adapter. Pour les pays d’Europe centrale et orientale, cela a été plus problématique. Ils ont eu à faire face à ces changements et développer les méca-nismes, les procédures, l’expertise et les attitudes nécessaires pour assurer un contrôle

6 Ces sessions formelles furent renforcées par une pléthore d’ateliers et de séminaires sur le sujet beaucoup étant organisés dans les pays candidats à l’initiative de Christopher Donnelly, le conseil-ler spécial pour l’Europe centrale et orientale auprès du secrétaire général de l’OTAN; un autre ac-teur prééminent aura été le Centre pour les études de sécurité européenne de Groningen aux Pays Bas qui a su apporter son assistance dès les premiers jours.

7 L’Alliance a toujours pris soin de faire remarquer qu’il n’y avait pas de liste établie ni rigide de critè-res pour l’adhésion des nouveaux membcritè-res; l’état de préparation à l’adhésion devait être un juge-ment politique fondé sur un ensemble de considérations pertinentes.

mocratique effectif et, en même temps, exercice difficile entre tous, surmonter le fardeau du passé. Cela aura été un défi redoutable. Toutefois, les expériences qu'ils ont acquises en poursuivant les réformes nécessaires et en faisant de leur phase de transition un succès sont maintenant en train d’être transmises à d’autres pays.

Les éléments essentiels du contrôle démocratique des forces

Im Dokument pour le Secteur de la Sécurité (Seite 22-25)