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La seconde mondialisation

Im Dokument The shadow of the global crisis (Seite 195-198)

Annexe générale n° 3 : Présentation historique des débats  autour de la mondialisation

2.  La seconde mondialisation

Une large part des éléments qui favorisèrent la mondialisation actuelle étaient déjà  présents à partir de 1870 : 

• innovations technologiques qui permirent de diminuer fortement le coût des  transports et communications (notamment câble transatlantique dans les années  1860) ;  cette  chute  du  prix  du  transport  libéra  les  flux  migratoires  vers  lʹAmérique ; 

• adoption de lʹétalon‐or par la plupart des grands pays, qui permit également de  développer le commerce en rendant possibles des prévisions à long terme ;  

• un  troisième  ensemble  d’innovations  institutionnelles  fut  constitué  par  les  législations  favorisant  la  création  de  sociétés  et  de  banques  par  actions  à  responsabilité limitée, et celle d’un marché des valeurs ouvert au grand public. 

   

2. La seconde mondialisation 

 

Jusquʹaux années 1980 et 1990, le capitalisme était en quelque sorte contenu dans les  ensembles nationaux. 

108 Les investissements à l’étranger étaient le levier grâce auquel la France pouvait renforcer son  pouvoir dans l’arène internationale et notamment contrecarrer l’alliance entre les Russes et les  Allemands. En 1917, quand éclaté la révolution, 44 % des banques russes étaient détenues par des  étrangers (dont la moitié étaient français). Le levier principal par lequel l’État parvint à convaincre les  citoyens d’investir en Russie fut le contrôle de l’introduction des valeurs étrangères à la Bourse de  Paris (le Gouvernement refusait systématiquement toutes les valeurs allemandes). 

 

195 Les États pouvaient donc, à lʹintérieur de leurs frontières, travailler à amortir les  conséquences  les  plus destructrices du  capitalisme  :  chômage,  inflation,  crises  sectorielles, environnement. 

En France, notamment, tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont  développé lʹÉtat providence. 

LʹÉtat a réduit le pouvoir des acteurs économiques les plus puissants, grâce à une  large  gamme  dʹinstruments  :  nationalisations,  contrôle  des  prix,  contrôle  des  mouvements de capitaux, droit du travail. 

Cʹest cet équilibre entre capitalisme et interventionnisme que la mondialisation  semble menacer aujourdʹhui. 

Plusieurs évolutions y concourent : nouvelles technologies, libéralisation mondiale  des marchés financiers, montée en puissance des pays asiatiques. 

 

Les effets de convergence de la première mondialisation résultèrent largement des  flux migratoires, alors que dans la seconde mondialisation cʹest la production qui se  déplace des pays riches vers les PED. 

 

Du fait des délocalisations massives à destination des pays moins développés où les  salaires sont plus faibles, du recours de plus en plus systématique à la sous‐traitance  dans  l’industrie  et  dans  les  services  (ainsi  de  l’informatique  en  Inde),  la  mondialisation actuelle semble se traduire par une restructuration des économies  nationales d’une ampleur inégalée. 

 

Lʹimportance  des  échanges  économiques  internationaux  peut  laisser  penser  à  certains que la mondialisation empêche lʹÉtat dʹinstaurer une redistribution109.   

La mondialisation peut laisser craindre qu’il faille, pour la première fois, défendre la  démocratie dans des sociétés sans frontières. 

109 Le débat sur la compatibilité entre mondialisation et démocratie trouve son origine dans une  interrogation ancienne : celle de la compatibilité entre capitalisme et démocratie. Cependant, malgré les  inégalités engendrées par le capitalisme, il nʹy jamais eu dans les pays démocratiques de majorité  pour changer de système économique.  

196 La crainte est que la mondialisation n’accorde un avantage décisif au capital, dont la  mobilité ne semble plus connaître de limites, alors que le travail, lui, reste plus ou  moins confiné dans les espaces nationaux. Face à une telle asymétrie, comment la  démocratie pourrait‐elle arbitrer entre ceux qui possèdent le pouvoir économique et  la majorité de la population110 ? 

Lʹaggravation avérée des inégalités de revenus attise cette crainte. 

   

Selon un rapport récent de lʹOCDE, dans la période de 1994 à 2005, les inégalités de  revenus se sont accrues pour 16 des 20 pays pour lesquels les données nécessaires  sont disponibles. Seuls le Japon, lʹEspagne et lʹIrlande ont réussi à réduire les  inégalités (tandis quʹelles restaient stables en France). 

Dans tous les autres cas, lʹanalyse inter‐déciles (revenu moyen des 10 % les plus  riches divisé par revenu moyen des 10 % les plus pauvres) montre une claire  aggravation. 

Lʹaccroissement des inégalités explique en partie lʹopinion négative des populations  vis‐à‐vis de la mondialisation. 

 

Il est toutefois difficile de cerner lʹinfluence de la mondialisation sur cette montée  des inégalités. 

110 Certains pensent, en Europe, que la construction communautaire serait « la bonne échelle » pour 

« répondre à la mondialisation ». L’Europe est‐elle de nature à promouvoir une initiative politique  alors que les États ne seraient plus capables ? Il faudrait pour cela qu’elle donne des gages sérieux  quant à la réduction de son « déficit démocratique ». Or, les efforts en ce sens ne semblent guère  convaincre les populations. 

Mais l’expérience de la période 1870‐1914 montre aussi que les marges d’initiative de l’État n’avaient  pas disparu, alors même qu’il avait été soumis à des pressions similaires à celles connues actuellement  en termes d’ouverture des frontières et de mobilité des capitaux, ce qui avait permis à la gauche des  années 1870‐1914 de faire aboutir des réformes sociales d’envergure. En France, la Chambre des  députés vota un impôt sur le revenu en 1909. Le Sénat bloqua la loi qui finit par passer devant les deux  chambres en 1914, deux semaines avant la déclaration de guerre. La mondialisation n’empêcha donc  pas l’adoption de lois fiscales aux effets redistributifs importants. 

Par rapport aux années 1870, où le monde du travail n’était pratiquement pas régulé par l’État (au  contraire de la Grande‐Bretagne et de son Factory Act voté en 1833), la France de 1914 avait mis en  place l’épine dorsale de l’État providence. Il faut insister sur le fait que tout cela s’est passé au cours de  la première mondialisation. 

On peut également penser que le capital s’avère plus profondément attaché aux territoires nationaux  que ne le laissent penser certains économistes ou les militants altermondialistes. La plupart des  multinationales concentrent encore leurs activités à forte valeur ajoutée, comme la recherche et  développement, le design, le marketing, dans leur pays d’origine. 

   

197 La raison en est que les pays industrialisés ont connu dʹautres évolutions dans le  même temps : par exemple les nouvelles technologies, qui requièrent une main‐

dʹœuvre plus qualifiée, ou la transition dʹune économie industrielle à une économie  de services. 

Notons à ce sujet que la contraction du secteur industriel dans les pays développés  nʹest pas uniquement due à la mondialisation, mais également au développement  du  secteur  tertiaire  (au  point  que  la  tertiarisation  de  lʹéconomie  devient  un  indicateur de développement). 

 

Quelles que soient les incertitudes sur les rôles respectifs de la mondialisation et des  autres évolutions qui affectent les pays industriels, un point semble clair : le coût  des  restructurations  est  presque  entièrement  supporté  par  certains  groupes  particulièrement vulnérables. Ainsi, les ouvriers qui perdent leur emploi quand leur  usine ferme sont rarement capables de trouver rapidement un autre travail (et  quand cʹest le cas, ils sont généralement moins payés). 

 

Ces groupes sont alors fortement visibles, ce qui crée un biais défavorable à la  perception  de  la  mondialisation,  puisquʹau  contraire  ses  gains  sont  fortement  répartis (baisse de prix essentiellement). 

Ainsi, les bénéfices de la mondialisation sont largement distribués à l’ensemble de la  société, mais ses coûts sont concentrés, donc plus visibles. 

   

Im Dokument The shadow of the global crisis (Seite 195-198)