Chapitre III. La crise des subprimes
1. Définitions : subprimes, crédit hypothécaire, titrisation…
Chapitre III. La crise des subprimes
Avant de détailler les mécanismes de la crise, nous commencerons par définir certains des instruments financiers ayant un rôle dans son déroulement.
1. Définitions : subprimes, crédit hypothécaire, titrisation…
1.1. Les produits dérivés
La notion de « produit dérivé » est très ancienne.
Le produit dérivé basique et historique est le papier basé sur une récolte à venir, contrepartie d’un prêt accordé à un paysan. Si le créancier peut mettre en vente la promesse de remboursement du prêt, il va de soi que le prix sur le marché d’un tel papier ne sera pas fixé sur une récolte existante, mais sur la récolte attendue, probable. La valeur du papier sera fonction de la probabilité que lʹévénement « la récolte sera bonne ET le débiteur pourra rembourser sa dette » se réalise au final.
Contrairement au marché des actions, qui s’appuie sur des réalités économiques concrètes (les actions demeurant des parts du capital d’une entreprise), les produits dérivés sʹappliquent à des réalités potentielles.
Les produits dérivés se sont fortement développés depuis les années 1980, du fait d’une meilleure analyse financière des risques, rendue notamment possible par le développement des outils informatiques13. On estime ainsi que le marché des actions ne représente aujourdʹhui plus que 10 % de lʹensemble des marchés financiers. Les produits dérivés les plus typiques sont ceux des compagnies d’assurances, en particulier les assurances d’activités économiques.
13 Toutefois, un financier qui place ses fonds dans un tel marché aura intérêt à les diversifier, de façon à
diluer le risque de mauvais placements à terme.
1.2. Le crédit hypothécaire
Le crédit hypothécaire est également une notion ancienne. Il consiste à accorder un prêt en le gageant sur un bien existant, généralement immobilier.
La question du montant du gage est essentielle : c’est le marché qui détermine la valeur du bien, qui peut être revu à la baisse comme à la hausse. L’hypothèque n’est donc pas une assurance absolue pour le prêteur de récupérer ses fonds.
C’est pourquoi, en France, où jusqu’à ces dernières années la règle de prudence prévalait, les prêts immobiliers étaient rarement de 100 % du prix d’acquisition.
Aux États‐Unis, le prêt hypothécaire répond à d’autres critères : le gage est établi sur la valeur estimée à venir du bien, non sur la valeur d’acquisition.
Aussi, il n’est pas rare qu’un acheteur d’un bien immobilier aux États‐Unis se voie proposer un prêt supérieur au prix d’acquisition.
Surtout, il est courant que le prêt soit périodiquement renégocié, de façon à tenir compte de la hausse du marché immobilier (les fonds supplémentaires obtenus servant à soutenir la consommation).
1.3. Les subprimes
Lors de l’établissement d’un prêt, les institutions financières vont obliger les créanciers (les prêteurs) à s’assurer auprès d’autres établissements sur le risque lié au prêt (on parle de réassurance, cʹest‐à‐dire au‐delà de l’hypothèque). Le taux de réassurance est calculé en fonction du risque de non‐remboursement de l’emprunt ; plus le risque est grand, plus la prime d’assurance sera importante : on parlera alors de « subprime ».
Par extension, les subprimes désignent les prêts accordés à des emprunteurs dont le risque de non‐solvabilité est important, voire certain en cas de repli du marché immobilier.
Dans le cas précis de la crise actuelle, les subprimes désignent des crédits hypothécaires à taux variables (crédits immobiliers) accordés à une clientèle peu solvable (aux États‐Unis).
1.4. La titrisation
Par principe de précaution, mais également dans l’objectif de contrôler la masse monétaire, il est interdit aux établissements bancaires et financiers de prêter au‐delà d’un taux calculé en fonction de leurs fonds propres. De façon à contourner cette règle, les banques ont donc transformé les créances qu’elles ont sur leurs clients, sur l’emprunteur, en titres (obligations) qu’elles ont vendus sur les marchés financiers.
Ce faisant, l’emprunt disparaît de leurs propres bilans, ce qui permet d’accorder de nouveaux emprunts.
Du fait du risque important qui y est lié, les banques ont eu tendance à vendre en tout premier lieu les subprimes, qui se retrouvent donc aujourd’hui largement sur le marché financier.
Les « residential mortgage‐backed securities » (RMBS) sont une des formes de la titrisation qui consiste en milliers de prêts individuels collectés et reconditionnés sous la forme dʹune obligation classique constituée de « tranches ».
Les RMBS comprennent les « mortgage‐backed securities » (MBS), qui sont des valeurs immobilières adossées à des actifs réputés sûrs (la valeur de revente dʹun MBS est garantie à la fois par un ensemble de portions dʹhypothèques – découpage en « tranches » – et par les intérêts payés sur ces hypothèques). Les RMBS comprennent aussi les « asset‐backed securities » (ABS), qui sont des valeurs immobilières adossées à des crédits immobiliers « subprimes » (avec une méthode de support du crédit qui diffère des MBS).
Un CDO (pour « collateralised debt obligation ») est une structure de titrisation dʹactifs financiers de nature diverse.
Un CDO regroupe en général des titres issus de 100 à 250 actifs différents.
Ces actifs sont des obligations émises par des entreprises ou des banques (on parle alors de « collateralised bond obligation ») ou des prêts bancaires (on parle alors de
« collateralised loan obligation »).
Le montant dʹun CDO est fréquemment compris entre 1 et 2 milliards de dollars.
Les parts de CDO sont divisées en trois tranches selon le degré de risque pris par lʹinvestisseur :
• les tranches « equity » sont les plus risquées (les premières à supporter le risque) ; elles sont généralement achetées par un « hedge fund14 » ou par le gérant du CDO ;
• les tranches « mezzanine » sont intermédiaires. Elles sont généralement achetées par des gérants dʹactifs ou des investisseurs en compte propre ;
• les tranches « senior » ou « super‐senior » sont les moins risquées ; elles sont généralement achetées par des assureurs.
Les CDO permettent de rendre liquides des titres qui ne le sont pas spontanément ; ils permettent aux banques de se refinancer auprès dʹinvestisseurs qui souhaitent prendre un risque sur un portefeuille de dettes, risque qui peut être plus ou moins élevé selon la nature des dettes détenues par un CDO et le rang de priorité plus ou moins élevé des dettes.
(Pour plus de détails sur la titrisation, et notamment sur les aspects juridiques, voir Granier et Jaffeux, 2004.)
1.5. Autres
Les « credit default swaps » (CDS) sont des contrats financiers bilatéraux de protection contre le risque de crédit d’une entité de référence, entre acheteurs et vendeurs. Lʹacheteur de protection verse une prime ex ante au vendeur de protection qui promet de compenser ex post les pertes de lʹactif de référence en cas dʹévénement de crédit15. L’acheteur de protection paie régulièrement une prime jusqu’à maturité du contrat ou jusqu’au défaut de l’entité de référence. En échange, le vendeur de protection garantit jusqu’à la maturité à l’acheteur qu’il recouvrira le nominal en cas de défaut de l’entité de référence.
14 C’est‐à‐dire un fonds spéculatif spécialisé dans les paris financiers risqués.
15 Les événements de crédit définis dans les contrats regroupent principalement les événements tels que la faillite, le défaut de paiement et la restructuration de l’entité de référence.