Chapitre VII. Crise et coût de la vie : comment passer des « mesurettes » à une
1. Le coût de la vie en Nouvelle‐Calédonie 69
1.1. Salaires et prix
1. Le coût de la vie en Nouvelle‐Calédonie
69Le coût de la vie est composé de deux éléments : les prix moyens et les salaires moyens. (Notons que ces deux éléments ne sont pas symétriques : les prix moyens sont les mêmes pour tous, tandis que les salaires diffèrent en fonction des individus.)
1.1. Salaires et prix
Les tableaux ci‐dessous offrent une présentation des salaires en Nouvelle‐Calédonie et en Métropole.
Tableau n° 7 : Salaires minima mensuels conventionnels par branches en Nouvelle‐Calédonie en 2008
Niveau 1 Niveau 2 Niveau 3 Niveau 4 Niveau 5
Cadre position
A Commerce 122 322 125 837 151 145 179 265 214 415 243 917 BTP 120 664 137 826 175 708 216 008 251 472 282 667 Hôtellerie 123 541 125 000 137 000 150 000 187 000 variable Industrie 120 864 126 000 151 200 178 200 214 200 289 083
Source : ISEE70. Unité : franc CFP.
69 Cette section reprend, développe et actualise, l’analyse présentée dans Descombels, 2007 (chapitre III).
Tableau n° 8 : Salaires nets mensuels moyens en Métropole en 2006
Ouvriers Employés Prof. interm. Cadres Commerce 162 460 152 880 225 090 450 080 Construction 170 700 174 300 251 400 446 800 Industrie 180 100 179 300 255 600 472 700
Source : INSEE71. Unité : franc CFP.
La différence de nomenclature entre lʹISEE et lʹINSEE rend les comparaisons malaisées, et ce dʹautant plus quʹil faut comparer des minima à des moyennes.
La comparaison peut retrouver une certaine pertinence en étudiant des catégories explicitement différentes et hiérarchisées. Ainsi, les ouvriers et employés en Métropole ont un revenu moyen proche du minimum des « niveau 4 » en Nouvelle‐
Calédonie (et même supérieur dans lʹindustrie) et, plus révélateur, le salaire moyen des professions intermédiaires en Métropole (bac + 2) représente environ 90 % du salaire minimum des cadres en Nouvelle‐Calédonie (bac + 4).
Mais cʹest surtout la comparaison des salaires minima (SMIC et SMG) qui est éclairante (comparaison directe).
Le SMIC horaire est de 8,63 euros et le SMG horaire est de 720 francs CFP (selon les chiffres de mai 200872). Le salaire minimum brut en Nouvelle‐Calédonie est donc égal à un peu moins de 70 % de son équivalent métropolitain.
Les écarts de revenus, par rapport à la Métropole, apparaissent donc considérables pour les plus bas salaires.
70 Ces salaires conventionnels correspondent aux premiers échelons des différents niveaux indiqués ; ils nʹincluent pas dʹéventuels avantages (primes, treizième mois ou autres gratifications).
Les définitions des niveaux découlent dʹune conception identique reposant sur quatre critères qui sont lʹautonomie, la responsabilité, le type dʹactivité et les connaissances requises (ISEE). Niveau 1 : Sans qualification – manœuvre, garçon de courses, plongeur, vendeur non spécialisé, etc. Niveau 2 : CEP – aide opérateur de laboratoire, ouvrier O3, commis de cuisine, vendeur qualifié 1er degré, etc. Niveau 3 : BEPC, BEP ‐ dessinateur 1er degré, ouvrier OP3, premier vendeur, cuisinier, sténodactylographe, etc.
Niveau 4 : Bac – technicien, dessinateur 2e degré, second de cuisine, agent technique de vente… Niveau 5 : Bac + 2 (BTS, DUT...) – analyste‐programmeur.
71 http://www.insee.fr/fr/ffc/chifcle_liste.asp?theme=4&soustheme=1&souspop=
72 CCI info, n° 158, mai 2008, page 3.
Notons que la situation est inversée dans le secteur public, du fait de lʹindexation des traitements en Nouvelle‐Calédonie (+73 %), même si les grilles indiciaires sont plus courtes en Nouvelle‐Calédonie. Cette situation pose des problèmes macroéconomiques, liés au détournement de compétences vers le secteur improductif, et indique que cʹest bien pour les bas salaires que la situation en Nouvelle‐Calédonie est désavantageuse.
Pour comparer les niveaux de vie (ou les pouvoirs d’achat), il faut adjoindre les prix moyens à l’analyse des revenus moyens. Mais comment comparer le niveau moyen des prix de pays différents ?
Les indices du coût de la vie utilisés prennent en compte des milliers de produits et services. Ils sont donc très lourds et relativement peu manipulables dans la mesure où des comparaisons interpays nécessitent globalement que les indices soient élaborés à partir des mêmes produits et services (et se pose alors le problème des différences de modes de consommation).
En 1986, lʹhebdomadaire The Economist a créé un nouvel indicateur : le Big Mac de McDonaldʹs. Cet indicateur ne comporte quʹun bien : le Big Mac.
Cela permet de comparer les prix d’un bien de consommation quasi universel (et homogène) : le Big Mac est en effet disponible, sous la même forme, dans près de cent vingt pays. Et les ingrédients qui le composent sont généralement locaux.
Seules les taxes, et notamment la TVA, sont différentes.
En faisant le rapport des prix du Big Mac dans deux pays, on mesure leur parité de pouvoir dʹachat, ce qui peut ensuite, en la comparant au taux de change, permettre de mesurer la surévaluation ou la sous‐évaluation d’une monnaie.
Mais surtout en exprimant le prix du Big Mac dans la même monnaie (généralement le dollar), on peut comparer des niveaux de prix moyens.
Le graphique n°39 établit la hiérarchie internationale, selon lʹindice Big Mac, en mai 2006 (on considère les vingt premiers pays).
Graphique n° 39 : Lʹindice Big Mac en 2007
Source : CEROM, 2008, p. 59.
On constate donc que seuls quatre pays sont plus « chers » que la Nouvelle‐
Calédonie.
Si on compare la Nouvelle‐Calédonie à la Métropole selon cet indicateur, on constate que la Nouvelle‐Calédonie est plus chère de 25 %73.
73 LʹISEE a récemment publié un comparatif des prix de plusieurs produits entre la Nouvelle‐Calédonie
et la Métropole (ISEE, 2006, p. 159). On apprend notamment que le café est 2,9 fois plus cher en Nouvelle‐Calédonie, le camembert 2,7 fois, les yaourts nature sont 4,3 fois plus chers, les champignons de Paris 3,8 fois, les poireaux 4,1 fois, les eaux minérales 2,4 fois, etc.
Pourtant cette différence est forcément sous‐estimée, pour les raisons suivantes :
• il nʹy a pas de TVA en Nouvelle‐Calédonie, contrairement aux pays dʹEurope ;
• les salaires, et surtout les bas salaires, sont plus faibles en Nouvelle‐Calédonie ; or, comme ils entrent dans la fabrication du produit, ils en diminuent le coût relatif ;
• la plupart des produits consommés en Nouvelle‐Calédonie sont importés : ces produits ne voient donc pas leur coût relatif diminuer par le travail incorporé (comme pour le Big Mac), mais au contraire augmenter par les diverses taxes douanières.
Si on compare le niveau du prix du Big Mac dans la zone du Pacifique Sud, on constate que le prix en Nouvelle‐Calédonie est 70 % plus élevé quʹen Nouvelle‐
Zélande et 91 % plus élevé quʹen Australie (chiffres 2006, dans Descombels, 2007). Il y a donc peu dʹexplications à rechercher selon un critère géographique ou dʹéloignement.
Ce critère ne peut pas non plus être couplé à celui de niveau de développement pour expliquer la cherté calédonienne, puisque le Big Mac calédonien est 74 % plus cher quʹà Fidji.
L’étude Syndex (2009) offre des explications intéressantes au coût de la vie en Nouvelle‐Calédonie.
L’étude compare notamment les marges par secteur entre la Nouvelle‐Calédonie et la Métropole, de 1998 à 2006.
Dans l’industrie agroalimentaire, le taux de profitabilité d’exploitation (EBE/production) passe, environ, de 37 % à 32 % en Métropole et de 51 % à 59 % en Nouvelle‐Calédonie.
Dans le secteur du textile, le taux de profitabilité en Métropole est inférieur à 30 % et atteint 50 % en Nouvelle‐Calédonie.
Dans le secteur de la construction, le taux de profitabilité en Métropole oscille entre 5 % et 9 % et se situe au‐dessus de 20 % en Nouvelle‐Calédonie.
Il existe d’autres explications à la cherté de vie en Nouvelle‐Calédonie (notamment le protectionnisme), mais, depuis l’étude Syndex, il est avéré que le niveau (global) des marges des entreprises en Nouvelle‐Calédonie est une véritable anomalie économique.
On peut donc résumer la première analyse du niveau de vie calédonien en disant que les prix sont plus élevés quʹailleurs et que les revenus dans le secteur privé sont inférieurs (et particulièrement pour les minima).