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2.2. Les atouts de la Nouvelle‐Calédonie
Mais d’autres éléments importants s’opposent à ces tendances baissières.
Le premier est le manque persistant de logements. La situation des squats dans le Grand Nouméa témoigne de ce manque : en 2006, 8 408 personnes, soit près de 6 % de la population du Grand Nouméa, vivaient dans un des soixante‐deux squats de l’agglomération. Et dans 21 % des cas, les personnes interrogées étaient propriétaires ou locataires d’un logement formel mais ont dû le quitter pour s’installer dans un squat, pour des raisons financières (IEOM, 2008‐b, p. 17).
Dès lors qu’il y a pénurie d’offre, les prix risquent de rester orientés à la hausse.
Un autre élément est la réforme de la défiscalisation, notamment pour le logement intermédiaire. La loi de développement économique des outre‐mers (Lodeom), votée en avril 2009, prévoit que la défiscalisation sur le logement libre et intermédiaire sera progressivement abandonnée (au profit du logement social).
L’offre dans le logement (hors social) va donc être réduite par cette réforme (sans que ça signifie que la réforme ne serait pas souhaitable), ce qui devrait également contribuer à maintenir des prix immobiliers élevés.
2.2. Les atouts de la Nouvelle‐Calédonie
2.2.1. Premier amortisseur : les transferts de lʹÉtat
Depuis 1992, les dépenses de lʹÉtat en Nouvelle‐Calédonie nʹont cessé dʹaugmenter.
Selon l’ISEE, ces transferts avoisinent le quart du PIB depuis le début des années 1990.
En 2007, à l’intérieur du poste revenus de la balance des paiements, le poste rémunération des salariés, constitué essentiellement des salaires versés par l’extérieur à des résidents calédoniens, principalement des fonctionnaires, dégage un excédent de 47 538 millions de francs CFP (+4,8 % par rapport à 2003).
Le montant total des salaires reçus de l’extérieur par les résidents s’élève à 50,7 milliards de francs CFP pour l’année 2007. Ces flux, qui représentent 15 % des crédits du compte de transactions courantes de la balance des paiements, proviennent quasi exclusivement de la Métropole.
À l’intérieur du poste transferts courants, le poste secteur des administrations publiques montre un excédent de 44 290 millions de francs CFP (en hausse de 18,5 % par rapport à 2003).
En 2007, la Nouvelle‐Calédonie a reçu, en termes nets, 42,9 milliards de francs CFP de transferts courants (+13,2 % depuis 2003). À titre de comparaison, le solde de la balance commerciale des biens affichait en 2007 un déficit de 58 milliards de francs CFP.
Si on compare avec la Métropole, les dépenses publiques représentaient en 2006 22 % du PIB, contre 16 % en France métropolitaine et de 26 à 29 % dans les DOM (T. Granier, 2009).
En pratique, la Nouvelle‐Calédonie ne subit pas la contrainte extérieure, grâce aux transferts métropolitains.
La Nouvelle‐Calédonie est donc largement protégée des chocs économiques internationaux.
Lʹautre volet de lʹimportance des transferts est la faible insertion de la Nouvelle‐
Calédonie dans lʹéconomie mondiale (dont témoigne le faible taux de couverture).
Cette faible insertion limite également les effets pour la Nouvelle‐Calédonie de la transmission internationale de la crise.
En 2009, et au‐delà, la Nouvelle‐Calédonie continuera à être protégée de la conjoncture internationale par les transferts. La problématique est connue, mais cette situation est‐elle durable dans le contexte de lʹémancipation voulue par lʹaccord de Nouméa ? Il faudra bien que la Nouvelle‐Calédonie développe davantage ses propres ressources. Lʹusine du Nord et les annonces récentes entre la province Sud et la SLN, ainsi que la future montée de la collectivité dans le capital de la SLN, vont dans ce sens et préparent lʹavenir.
2.2.2. La politique monétaire
Un autre atout dont bénéficie la Nouvelle‐Calédonie est celui dʹune politique monétaire réactive, de la part de lʹIEOM, et non focalisée sur la lutte contre lʹinflation.
Ainsi, en 2008, lʹIEOM a notamment diminué par deux fois le taux de réescompte de crédit aux entreprises (le passant de 3 % à 2,75 % au 14 octobre 2008, puis à 2 % le 10 décembre 200865).
Lʹannexe technique n° 3 résume le rôle de lʹIEOM.
Pour comprendre le fonctionnement de la politique du crédit, se reporter au rapport de lʹIEOM « Quel impact de la politique monétaire sur le coût du crédit aux entreprises outre‐mer ? » de décembre 200766.
Mais la politique monétaire calédonienne ne peut pas être vue indépendamment de la situation particulière de la Nouvelle‐Calédonie et de sa monnaie, le franc CFP, rattaché à l’euro sur la base de 1 000 francs CFP pour 8,38 euros.
Le rattachement à une monnaie forte présente des avantages évidents de stabilité et de contrôle de l’inflation. Pour autant, d’autres effets sont ambigus.
L’euro faisant du franc CFP une monnaie forte, cela limite le coût des importations mais pénalise le tourisme calédonien (le tourisme, d’un point de vue économique, est équivalent à des recettes d’exportations).
Ainsi, selon de Boissieu et Biacabe (2000), « il est probable que le tourisme calédonien pâtit des évolutions du taux de change du franc CFP et, plus généralement, dʹun problème de compétitivité. La dévaluation de 20 % du dollar fidjien en 1998 ou celle de 20 % du paʹanga tongien en 1999 ont, ainsi, pu détourner une partie de la clientèle vers ces pays. »
Il est regrettable que le débat sur l’introduction de l’euro ne porte jamais sur le niveau de la monnaie (et reste donc un débat peu économique).
Évacuer la question de la parité de passage à l’euro relève largement de la politique de l’autruche : considérer que la parité actuelle franc CFP/euro sera forcément celle retenue pour un passage à l’euro signifie ne pas préparer l’avenir. Ce n’est pas parce que la dévaluation n’est pas politiquement à l’ordre du jour qu’elle n’arrivera pas : une dévaluation n’est jamais annoncée à l’avance. Et en la matière, la Nouvelle‐
Calédonie a peu de chances de peser, puisque loyalistes et indépendantistes ont sur la question des intérêts divergents et que la Métropole décide seule de la parité du franc CFP67.
65 Voir annexe technique n° 2 pour un exemple de publication de décision de baisse des taux.
66 http://www.ieom.fr/publication_notes.asp
67 Le « Protocole sur la France », annexé au traité de Maastricht, stipule que « la France conservera le privilège d’émettre des monnaies dans ses territoires d’outre‐mer selon des modalités établies par sa législation nationale et elle sera seule habilitée à déterminer la parité du franc CFP ».
Jacques Lafleur l’a bien compris qui écrivait en 2006 : « Lʹargument selon lequel le franc CFP peut être maintenu parce quʹil est adossé à lʹeuro avec une parité fixe et constante ne résiste pas à celui de sa dévaluation possible si le Gouvernement français le décidait68. »
De là à faire des recommandations, il y a un pas important, mais il est certain qu’il n’y a rien à gagner à éluder le débat. L’argument suivant est à cet égard explicite.
Un individu qui a un patrimoine élevé sera en général favorable à l’euro car il y verra une protection de son patrimoine contre la menace d’une dévaluation. Mais en réalité, comme la Métropole est seule habilitée à décider du taux de change franc CFP/euro, et comme la Nouvelle‐Calédonie est engagée, qu’on le veuille ou non, dans un processus d’émancipation, la vision dʹun passage à lʹeuro comme garantie anti‐dévaluation est totalement réversible (si le passage est immédiatement précédé d’un changement de parité). Dans ce cas, l’individu qui voulait protéger son patrimoine par l’euro obtiendra le contraire de l’objectif recherché, faute d’avoir eu une vision claire des enjeux politico‐économiques à l’œuvre dans les questions monétaires.
68 Bulletin dʹinformation politique n° 4, avril 2006.