Pistes de ski et protection du paysage
Hans Weiss
Très souvent on n'a pas réalisé que les corrections de terrain en faveur du ski se remarquent beaucoup plus en été qu'en hiver. C'est pourquoi la plupart des plaintes concernant les exagérations en ce do-maine émanent des estivants.
La multitude des nivellements petits ou grands ouvre des plaies durables, notamment dans les régions d'altitude ou dans les terrains au relief tourmenté avec un sous-sol de roches cristallines, des éboulis, d'anciennes moraines ou de gros blocs.
Les régions du Flysch ou de schistes lustrés forment un cas particulier géologique, car leur relief est ar-rondi aussi bien dans la direction que dans le plon-gement des couches. Aussi n'est-ce pas un hasard si elles correspondent aux meilleurs domaines ski-ables classiques, desservis depuis longtemps (par exemple Parsenn, Grindelwald-First, figure 40). La plupart des autres roches donnent un relief conve-nant nettement moins ou pas du tout au ski par faible enneigement.
D'autres chapitres ont traité des conséquences des pistes sur l'équilibre naturel, l'agriculture et la sylviculture. Quel impact ont-elles sur l'aspect des sites et les sentiments qu'ils inspirent au public?
Les nivellements banalisent le paysage, que celui-ci soit sauvage ou cultivé. Même dans les cas favo-rables permettant un réengazonnement durable, les secteurs aux formes et aux couleurs modifiées tranchent comme des corps étrangers (figures 51 et 52). On ressent qu'ils ne sont plus l'expression d'une économie soucieuse d'entretenir avec soin et de ménager à long terme les ressources naturelles.
Comparées au relief et à la végétation issus d'un processus de plusieurs millénaires, les surfaces aplanies sont monotones. Pensons par exemple aux gazons alpins truffés de blocs déposés par un glacier ou par un éboulement et garnis de lichens et de plantes en coussinets, ou à une lande d'arbris-seaux nains avec des myrtilles et des genévriers en automne. Jamais une piste de ski, même bien re-verdie, ne remplacera une pareille diversité!
Figure 48
Vus de près, les terrasses et les déblais à grande échelle appa-raissent comme des corps étrangers. Mais comme la trace le montre, le touriste estival préfère marcher sur la piste ni-vellée plus commode.
Figure 49
Cette terrasse surdimensionnée dérange non seulement pendant les travaux, mais aussi après, car elle contraste bru-talement avec les environs.
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Vus de près, les défauts suivants sont parti-culièrement critiqués:
- terrain bouleversé (figure 49)
- secteurs de pâturage ou tronçons de sentiers remblayés ou excavés
- blocs et pierres ayant roulé dans les prés ou les forêts
- décharge de matériaux à la diable - ravinements dans un terrain fraîchement
nivellé
- ornières profondes des machines de chantier - chantiers abandonnés
- arbres endommagés par les travaux (figure 47) - égalisation du microrelief naturel avec sa
mo-saïque végétale (figure 6)
En revanche les estivants ne s'aperçoivent souvent pas que les chemins skiables engazonnés et bien entretenus ont été aménagés pour le ski; ils les prennent pour des chemins de forêt ou d'alpage commodes (figure 48).
Figure 53
Vus de loin, les corrections de terrain, les ni-vellements, les tranchées et les ouvrages d'art per-turbent l'aspect du paysage. L'observateur re-marque très facilement les éléments artificiels en montagne:
- bâtiments et installations en silhouette sur l'horizon
- chemins skiables dans un terrain recouvert d'éboulis ou de pierraille (figures 9 et 53) - ablation de moraines (figures 55 et 56) - traversées skiables (figures 48 et 50) - tranchées en forêt (figures 52 et 57)
- pylônes de téléskis et télécabine (figures 11 et 48)
- surfaces n ivel lées et engazonnées de couleur et de structure contrastant avec la forêt et les landes d'arbrisseaux nains foncées ou avec les gazons brunâtres de laiches et de graminées (figures 4 à 8, 50)
Dans les éboulis, les pistes sont très visibles, car leur couleur et leur ·structure contrastent avec les environs. Cet aspect de 38 terrain de motocross ou de place d'exercice de blindés est particulièrement gênant en montagne.
Figure 50
Même engazonnées, les formes de terrain artificielles dé-rangent en montagne.
Figure 51
Cette piste nive/fée n'est plus reconnaissable de près ...
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Figure 52
... mais de loin, elle évoque un gigantesque toboggan.
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Figure 54
Le défrichement fait bien ressortir le caractère artificiel de la piste nivelée.
Figure 56
Duel contraste! Les bulldozers ont nivelé un billard entre les parois de rochers et le glacier aux crevasses sauvages.
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Figure 55
Visibles de loin: à gauche des moraines aplanies, à droite à l'état naturel.
Figure 57
Pour faire de bonnes affaires avec le tourisme hivernal, il faut y mettre le paquet. En été on remarque les traces de cette lutte pour une part du marché.
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Figure 58
Ce domaine skiable mesure 450 ha dont 73 ha ou 1/6 ont été travaillés au bulldozer jusqu'en 1971.
Recommandations pratiques
Protection de l'aspect du paysage
Le principe directeur suprême devrait être qu'on adapte l'exercice du ski au terrain en place et non le contraire. Hormis quelques interventions minimes, le ski doit se suffire des conditions naturelles.
Sinon le secteur ne convient pas et doit être exclu du domaine skiable. Cette étude d'adéquation devrait faire partie de tout avant-projet général en faveur du tourisme à ski. Ce principe correspond du reste à cette tendance toujours plus marquée en faveur de formes de détente actives et proches de la nature.
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Pistes de ski et sécurité