• Keine Ergebnisse gefunden

Triffin et le système monétaire international

monétaire européenne

2. Triffin et le système monétaire international

Durant cette période passée à la Réserve fédérale, Triffin a également commencé à s’intéresser au processus d’ajustement international� Il a écrit un premier et important essai sur le système monétaire international, intitulé «  National central banking and the international economy  » (« Les banques centrales nationales et l’économie internationale ») (trad�

de Triffin, 1947)�

Paolo Baffi, ancien gouverneur de la Banque d’Italie, a longuement évoqué cet article� Il faisait remarquer que Triffin était le premier économiste à insister sur la contradiction fondamentale entre la stabilité du système monétaire international et la souveraineté nationale en

matière de prise de décisions économiques, « Triffin a été le tout premier à souligner que les épisodes récurrents de crise et de trouble qui entachent les relations économiques extérieures résultent d’un dilemme fondamental entre la souveraineté nationale qui préside aux décisions de politique économique et la dose d’incompatibilité internationale inhérente à de telles “décisions atomistiques” » (trad� de Baffi, 1988 : 16 ; voir également Montani, 1989)�

L’objectif de l’article de Triffin était d’examiner la manière de concilier les politiques monétaires nationales avec les conditions préalables à l’équilibre international� Cette question ne se posait pas à l’époque de l’étalon-or puisque la masse monétaire nationale échappait au contrôle des autorités nationales� Cependant, dans la nouvelle configuration du monde de l’entre-deux-guerres, cette option n’était plus à l’ordre du jour, vu que les pays étaient désormais nettement plus attachés aux objectifs de politique économique nationaux�

Triffin a par ailleurs soulevé la question de savoir si le système monétaire international de l’entre-deux-guerres reposait sur l’étalon-or ou sur l’étalon de change-sterling� À son estime, dans la mesure où la Grande-Bretagne constituait le principal centre commercial et financier du monde, toute modification du taux d’escompte britannique exerçait une incidence significative sur les mouvements de capitaux� Par conséquent, la politique d’escompte britannique influençait immédiatement l’économie et les prix non seulement en Grande-Bretagne mais aussi dans d’autres pays, répercutant ainsi les fluctuations conjoncturelles britanniques�

Une politique monétaire restrictive en Grande-Bretagne entraînerait donc une amélioration des termes de l’échange et de la balance des paiements britanniques, les prix à l’étranger étant plus touchés que les prix britanniques� Le principal résultat de l’orthodoxie de l’étalon-or a été d’étendre au monde entier les perturbations conjoncturelles qui naissaient dans les grandes nations industrialisées� Eichengreen (1992) a baptisé ce phénomène l’« effet Triffin »�

Pour Triffin, les conclusions à tirer sur le plan des politiques à adopter étaient importantes  : il fallait suivre le plus scrupuleusement possible des politiques compensatoires� Cela plaçait la liquidité internationale au cœur du système monétaire mondial� Triffin avait établi un classement des instruments de politique, préférant les contrôles de change à la dévaluation� «  Si les réserves s’avèrent insuffisantes, il faut recourir à l’assistance étrangère ou internationale – telle celle envisagée sous l’égide du Fonds monétaire international� Sinon, il faut se servir du contrôle des changes comme troisième ligne de défense, afin de poursuivre

des politiques compensatoires et d’éviter les pires maux inhérents à la déflation ou à la dévaluation de la monnaie » (trad� de Triffin, 1947 : 80)�

En 1960, Triffin a publié L’or et la crise du dollar, l’ouvrage qui lui a valu sa notoriété� Dans le droit fil de ses écrits précédents, il s’y intéressait à la liquidité internationale et à la vulnérabilité du système monétaire international� Triffin a souligné la fragilité du système de l’étalon de change-or, mettant en exergue la contradiction d’un étalon de change

«  dont le fonctionnement dépend de plus en plus d’un nombre limité de devises nationales qui constituent les composantes fondamentales des réserves monétaires internationales » (Triffin, 1962 : 21)�

Triffin distinguait deux  catégories de déficits de la balance des paiements à financer par les réserves internationales : premièrement, des déficits temporaires et, deuxièmement, des déséquilibres plus profonds, dont la correction prendrait un certain temps (Triffin, 1962 : 37)� Pour une personne très affectée par l’expérience des années 1930, l’alternative n’augurait rien de bon : « Dans les deux cas, un niveau insuffisant de réserves forcera le pays déficitaire à recourir à des mesures qui n’auraient pas été indispensables, telles que déflation, dévaluation ou restrictions » (Triffin, 1962 : 37-38)�

Triffin a avancé que les besoins mondiaux de liquidités étaient de plus en plus souvent couverts par l’accroissement des réserves de change, en particulier les « balances-dollars », ce qui le préoccupait fortement� Cela lui rappelait la période d’entre-deux-guerres et l’épisode de l’étalon-sterling�

Pour Triffin, il s’agissait d’une construction particulièrement fragile, les fonds pouvant entrer et sortir sous l’effet de changements dans les rapports entre taux d’intérêt et/ou dans les perspectives d’évolution des taux de change� En outre, le retour à l’or au taux d’avant-guerre fragilisait sérieusement la livre sterling� La dévaluation de la livre sterling en septembre 1931 avait eu des conséquences dévastatrices pour le système monétaire mondial et les liquidités internationales� Elle avait sonné le glas de l’étalon de change-sterling et provoqué une implosion de la liquidité à l’échelle mondiale� « La conversion de livre sterling en or et en dollars avait été accompagnée puis suivie de conversions similaires de dollars en or� Les devises composant les réserves monétaires mondiales avaient pratiquement disparu dans l’opération » (Triffin, 1960 : 57)� La chute de la liquidité monétaire internationale avait contribué à la Grande Dépression�

À la fin des années 1950, Triffin a témoigné une inquiétude croissante concernant la situation des réserves internationales des États-Unis en raison des pertes d’or subies par ce pays et de la hausse des engagements en dollars� Selon lui, la détérioration continuelle de la situation des réserves

nettes du pays allait saper la confiance des étrangers dans le dollar, en tant que moyen d’accumulation de réserves� Aux yeux de Triffin, la conclusion à tirer de la liquidité internationale était claire : « On ne peut donc pas compter sur des accroissements ultérieurs des balances dollars pour contribuer d’une façon substantielle et indéfinie à la solution du problème mondial que pose le défaut de liquidité » (Triffin, 1962 : 71)�

Dès lors, Triffin estimait que l’étalon-or n’était pas tenable, ce qui a conduit à son célèbre dilemme :

«  L’étalon de change or peut aider […] à faire face à une pénurie des réserves monétaires mondiales� Il n’agit ainsi que dans la mesure où les pays à devise clef consentent à laisser la situation nette de leurs réserves se détériorer par des accroissements de dettes à court terme non compensés par des accroissements de leurs réserves brutes� S’ils laissent ceci se passer et se poursuivre, ils tendent toutefois à amener un effondrement du système lui-même par l’affaiblissement progressif de la confiance des étrangers dans les devises clefs » (Triffin, 1962 : 76)�

Triffin, comme Keynes, s’est donc attelé à la recherche d’une solution plus « internationale » au problème de la liquidité mondiale, « une véritable

“internationalisation” des devises composant les réserves internationales mondiales, protégeant ainsi le système monétaire international de l’instabilité résultant de déplacements arbitraires d’une devise vers une autre, ou d’une devise vers l’or »�

Outline

ÄHNLICHE DOKUMENTE