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Études et début de carrière

monétaire européenne

1. Études et début de carrière

Robert Triffin a accompli ses études supérieures à l’Université de Louvain, où il a obtenu une licence en sciences économiques en 1935� Il a entamé sa carrière au sein de l’Institut des sciences économiques� Durant l’entre-deux-guerres, l’Institut est devenu un des premiers centres modernes de recherche économique dans le monde francophone (Maes, 2008)� La

figure de proue y était à cette époque Léon-H� Dupriez, lui aussi diplômé d’Harvard et membre de la Banque nationale de Belgique� Dupriez était un éminent érudit dans l’analyse des cycles conjoncturels au sens large, à savoir l’interaction entre la croissance et les différents types de cycles dans l’économie� L’accent était surtout placé sur les différents secteurs industriels de l’économie, lesquels étaient alors au cœur du processus de croissance économique� Dupriez (1959 : 468) décrivait la révolution industrielle comme « une grande aventure prométhéenne de l’humanité » (souligné par l’auteur)� De plus, selon lui, l’argent et la finance occupaient une place centrale dans l’économie� Dupriez a également été l’un des premiers à introduire des méthodes statistiques d’analyse conjoncturelle en Europe� Dupriez se singularisait par deux éléments� Premièrement, il fondait son analyse sur des recherches empiriques approfondies (en accordant beaucoup d’attention aux méthodes statistiques descriptives, ainsi qu’aux graphiques et aux tableaux)� Il la décrivait lui-même comme

« une théorie conjoncturelle “collant aux faits” » (Dupriez, 1959 : VIII)�

Deuxièmement, il n’était pas partisan des nouvelles écoles de pensée économique, comme l’économie keynésienne� L’approche théorique de Dupriez s’inspirait très largement de la théorie de l’équilibre général de Walras� À ses yeux, il était crucial que la théorie économique revienne aux décisions économiques individuelles�

En tant que petite économie ouverte, la Belgique a été durement touchée par la Grande Dépression des années  1930, surtout par la vive contraction du commerce mondial ainsi que par la chute des prix internationaux, soulevant d’âpres débats� Au printemps 1934, Dupriez présentait la dévaluation comme unique solution� En mars  1935, la Belgique a connu un profond remaniement politique� Paul van Zeeland, un collègue de Dupriez nommé premier ministre, a immédiatement procédé à une dévaluation du franc de l’ordre de 28 %, un pourcentage que l’on doit aux calculs du jeune Robert Triffin�

En 1935, Triffin a écrit un article statistique se fondant sur les calculs effectués pour la dévaluation, dans lequel il avançait que les écarts de prix, surtout la rigidité des coûts intérieurs, entraînait de lourdes pertes pour l’industrie belge et, partant, la fermeture d’entreprises  :

« Et des prix de vente apparemment favorables constituaient pour nos industriels des prix de famine, qui, en 1934, mettaient en perte la moitié des entreprises du pays » (Triffin, 1935 : 290)� Il convient de noter par ailleurs que Triffin est arrivé à la conclusion que les prix des produits agricoles étaient bien plus sensibles aux fluctuations de la conjoncture (Maes, 2013)� Ce constat allait devenir un thème majeur de son œuvre, utilisé pour illustrer le fait qu’une politique déflationniste au cœur du

système économique entraînerait des effets déflationnistes encore plus importants dans la périphérie de l’économie mondiale�

En 1937, alors étudiant de troisième cycle à l’Université de Harvard, Triffin a publié l’article intitulé « La théorie de la surévaluation monétaire et la dévaluation belge  », expliquant aussi les contextes théorique et empirique de la dévaluation du franc belge� L’article de Triffin s’ouvrait sur une critique virulente de la théorie de la parité de pouvoir d’achat de Cassel, estimant en particulier qu’elle ne convenait pas aux situations de déséquilibre (Maes, 2012)� La critique fondamentale que formulait Triffin, dans la continuité de son article précédent, était que Cassel ne considérait pas la structure des prix dans un pays� Suivant en cela Dupriez, Triffin opérait une distinction entre les secteurs « protégés » et les secteurs « non protégés » de l’économie� Dans ces derniers, les prix de vente devaient être alignés sur les prix en vigueur sur les marchés internationaux� Cela étant, les coûts dans les secteurs non protégés étaient largement déterminés par des facteurs nationaux, induisant une pression sur les bénéfices, une contraction de la production et une augmentation du chômage�

Triffin a intégré Harvard en  1935, où il a obtenu son Ph�D� en économie� Il s’y est pris de passion pour Joseph Schumpeter et la théorie économique pure� Comme il l’a écrit dans un article autobiographique :

« Quelques semaines à Harvard ont toutefois suffi pour me convaincre que ce qui m’avait le plus manqué, c’était une bonne formation à la théorie pure, qui était alors enseignée à Harvard par le professeur Schumpeter, dont l’immense connaissance dans ce domaine, et dans bien d’autres, était aussi unique que son sens de la mise en scène devant ses étudiants  » (trad� de Triffin, 1981  :  241)� Au centre de la théorie économique se trouvait, d’après Schumpeter, la théorie de l’équilibre général� Sous la direction de Schumpeter, ainsi que de Leontief et Chamberlin, Triffin a rédigé une thèse intitulée « General Equilibrium Theory and Monopolistic Competition » (« Théorie de l’équilibre général et concurrence monopolistique  ») (trad� de Triffin, 1941)� Il s’efforçait d’y concilier la théorie de la concurrence imparfaite, qui tire ses origines de la théorie de l’équilibre partiel de Marshall, avec celle de l’équilibre général� Ce faisant, Triffin est ainsi devenu un expert de la théorie de la concurrence imparfaite, une théorie qui allait également imprégner sa perception des phénomènes monétaires internationaux�

Après avoir obtenu son Ph� D, Triffin est rentré en Belgique (Wilson, 2015)� Ne parvenant toutefois pas à trouver un emploi qui lui convienne, il est retourné à Harvard en 1939� De 1942 à 1946, Triffin a travaillé au Conseil des gouverneurs du Système fédéral de réserve à Washington,

où il s’est principalement consacré à l’Amérique latine� Les missions qu’il a menées dans cette région ont constitué un épisode remarquable dans la diplomatie financière américaine et ont marqué une rupture avec les approches précédentes� Les dirigeants de la banque centrale américaine se sont non seulement détournés des politiques libérales classiques, mais ils se sont aussi « évertués à consulter leurs contreparties latino-américaines et à apprendre à les connaître, ainsi qu’à modeler et à ajuster leurs conseils aux besoins spécifiques de chaque pays » (trad� de Helleiner, 2009 : 24)�

Triffin lui-même a insisté sur le fait que son but était de placer les politiques monétaire et bancaire au service des « immenses objectifs de développement qui avaient jusque-là été ignorés par la réglementation en matière de banque centrale » (trad� de Triffin, 1981)�

Pour Triffin, le cycle économique des économies d’Amérique latine n’était pas déterminé tant par l’épargne et les investissements nationaux que par les flux entrants et sortants des échanges commerciaux� Triffin se montrait par ailleurs critique envers le recours aux ajustements des taux de change à titre d’instrument de politique économique dans ces pays�

Il a émis des doutes quant à l’efficacité de la dévaluation dans l’optique d’induire un réajustement de la balance des paiements, sachant que ces pays présentaient un degré élevé de spécialisation, proposant peu de produits à l’exportation et faisant face à une demande inélastique� Nul doute que l’analyse de Triffin était imprégnée de sa formation dans le domaine de la théorie de la concurrence imparfaite� Comme il l’affirmait,

« cette situation rappelle le cas de la concurrence oligopolistique dans laquelle aucun vendeur n’est généralement en mesure de tirer bien longtemps profit d’une politique de réduction des prix » (trad� de Triffin, 1944 : 112)�

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