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Les difficultés imprévues de gestation (1991-2002) Construit autour d’une monnaie unique, appelée non plus ecu mais

et incertitudes identitaires (1991-2016)

1. Les difficultés imprévues de gestation (1991-2002) Construit autour d’une monnaie unique, appelée non plus ecu mais

euro, le nouveau système monétaire européen nait en 1992 avec le traité de Maastricht comme matière du premier pilier consacré aux politiques communes1

1 UE, Recueil des traités, TCE, titre VI, Politique économique et monétaire, 1993�

Mais son rôle de monnaie unique, et non commune, est dès le début l’effet d’une contorsion politique� La Commission présidée par Jacques Delors avait prudemment proposé une introduction graduelle de la nouvelle monnaie dans le concert des marchés monétaires internationaux� On avait imaginé d’abord une double circulation de l’euro (Jacques Delors voulait lui attribuer une dénomination plus liée à l’histoire européenne, l’appelant florin) à côté des monnaies nationales, la substitution de celles-ci par l’euro devant intervenir seulement à fur et à mesure de la progressive acceptation par les marchés de la nouvelle monnaie�

Mais entre le projet de la Commission et la signature du traité de Maastricht étaient intervenus dans l’histoire de l’Europe deux évènements tant énormes qu’inattendus : l’écroulement de l’Union Soviétique et la réunification de l’Allemagne�

Par conséquent, une nouvelle superpuissance régionale de plus de 80  millions d’habitants se formait au centre de l’Europe, prenant la place du réseau géopolitique des trois et, ensuite, des quatre puissances moyennes autour desquelles s’était acheminé bon gré (pour France, Italie, Espagne) mal gré (pour la Grande-Bretagne) le processus d’intégration européenne�

En particulier la Wiedervereinigung était destinée à déplacer les priorités de la nation allemande en Europe, d’une appartenance disciplinée à l’Union à la réussite du processus d’intégration national BRD/DDR couplée à la réussite de l’intégration de la nouvelle entité étatique dans le contexte commercial mondiale� Un contexte que les États-Unis avaient voulu totalement déréglementer, dans le cadre du cycle Uruguay 1986-1994 du GATT, pour permettre à leurs multinationales de produire désormais à économie d’échelle de la planète�

Bien avant l’introduction de l’euro, l’élévation de la part de la Bundesbank allemande en décembre 1991 de la rémunération du Deutsche Mark à 4%, quand le dollar était rémunéré à 1% et le Système monétaire européen (SME) prévoyait une bande d’oscillation des parités centrales entre les monnaies de (plus ou moins) 2,25%, avait prouvé comme l’exigence de l’afflux de capitaux vers l’Allemagne réunifiée était devenue pour Berlin beaucoup plus importante que le maintient d’un système monétaire européen viable� L’abandon du SME de la part de la lire italienne et de la livre britannique en septembre 1992, après une vaine et coûteuse opposition aux larges fluctuations des parités respectives, en fut une conséquence bien connue�

Mais il y eu plus que la rémunération du DM à influencer la situation monétaire européenne� La décision monétaire de la Bundesbank s’accompagnait le même jour de fin décembre 1991 à la décision du gouvernement fédéral de procéder à la reconnaissance unilatérale de l’indépendance de la Slovénie et de la Croatie, dans le cadre de la progressive fragmentation de la République fédérative socialiste d’Yougoslavie� Cette décision comportait la première fracture, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en matière de politique étrangère entre l’Allemagne et la France de François Mitterrand, peu disposé à assister à la fin accélérée d’une république socialiste, liée à l’histoire de France par la longue alliance traditionnelle avec la Serbie� Dans ces conditions, aux yeux de la France, la survie du Deutsche Mark (DM) dans le cadre d’une monnaie commune européenne, devenait intolérable�

On devait passer à une monnaie unique, à travers un marchandage bilatérale avec l’Allemagne, d’ailleurs peu orientée à voir la mise hors circulation de sa forte et stable monnaie�

L’accord de compromis franco-allemand, à l’origine de la composante monétaire du Traité de Maastricht, comportait en échange de la disparition de la monnaie allemande, comme « contrepartie », Austausch, une compensation équivalente reconnue au gouvernement de Berlin : le clonage à l’intérieur du projet de système monétaire européen du modèle allemand de Banque Centrale, la Bundesbank2

Or, le système monétaire allemand avait été conçu après la Deuxième Guerre mondiale, en 1945, par les puissances occupantes réunies dans le comité quadripartite interallié, formé par États-Unis, France, Grande-Bretagne, URSS, selon des préoccupations politiques sur l’avenir de l’Allemagne qui en avaient déterminé une structure différente de toute autre système monétaire européen�

L’idée de base des puissances occupantes était d’éviter à tout prix la répétition du cadre d’inflation galopante qui, pendant la République de Weimar, avait constitué le milieu de culture pour l’affirmation politique du nazisme�

Il fallait donc la création d’une banque centrale autonome, appelée à l’origine Bank Deutscher Länder, monopolisant comme fonction exclusive le contrôle de la masse monétaire, en vue de la maîtrise de l’inflation, aux dépens du nouveau gouvernement fédéral auquel restait, en matière monétaire, comme unique compétence la politique de change�

Dès le début, restait donc soustraite à la Bank Deutscher Länder, devenue ensuite Bundesbank, en particulier la fonction typique de tout

2 Idem, articles 105-115�

banque centrale, celle d’être le prêteur de dernier ressort, le pourvoyeur discrétionnaire de liquidités aux institutions financières ou au marché�3 Une intervention censée s’orienter à la sauvegarde de la valeur de la monnaie et des activités financières devant les crises de liquidité, les risques systémiques et la contagion financière, à savoir les possibles faillites du marché�

Dans la hâte, on avait aussi imaginé du côté français, comme contribution à l’arrangement bilatéral, le bien connu paramètre du -3% / +6% du PIB comme déficit/surplus annuel maximal du budget des pays participants� On avait définit, comme prémisse indispensable à l’introduction d’une monnaie unique, que les économies des pays participants auraient dû converger sur les trois axes du niveau d’inflation, du déficit/surplus du budget national, ainsi que du niveau maximale de la dette consolidée par rapport au PIB� Les conditions qui devaient devenir ensuite les composantes du « pacte de stabilité » repris par le Traité de Lisbonne de 2007� D’ailleurs, le critère de la convergence préalable des économies des états participant à la future monnaie européenne avait été déjà désigné par le Plan Werner de 1970, approuvé par le Conseil des ministres présidé par Pierre Werner, le premier ministre luxembourgeois, sur la base de la proposition que la Commission avait approuvée en 1969, étant Raymond Barre le commissaire responsable des affaires économiques et financières�4

De cette manière, sur la base d’un compromis national bilatéral et d’une atmosphère euphorique sur l’avenir inévitablement radieux de la nouvelle monnaie européenne, le traité de Maastricht introduisait un euro sans prévoir l’assistance d’un effective Banque Centrale Européenne, légalement fournie de moyens pour s’opposer de manière anticyclique à tous les futurs trends défavorables des marchés, sans vouloir mentionner les hypothèses extrêmes de leur faillite�

Encore, au moment de l’approbation du Traité, il était désormais clair qu’à Genève, dans le cadre du cycle Uruguay du GATT, on s’acheminait vers le triomphe de la deregulation, de la déréglementation totale du marché du commerce mondial, d’après les desiderata de la délégation américaine, simple expression diplomatique des grands groupes multinationaux export-oriented�5

3 Pittaluga, G� B�, Economia monetaria, Milan, Hoepli, 2012�

4 Rapport au Conseil et à la Commission concernant la réalisation par étapes de l’union économique et monétaire dans la Communauté « Rapport Werner », Luxembourg, 8 octobre 1970, Bull� CE, Suppl� 11-1970, p� 12-13�

5 WTO/OMC, Textes juridiques : les accords de l’OMC 1986-1994, OMC, Genève, 2016�

Cette ouverture imminente des marchés, qui coïncidait pratiquement avec le processus de réunification, avait convaincu la nouvelle capitale allemande que la stratégie même de réunification devait être accompagnée par l’insertion de l’Allemagne dans le nouveau cadre offert au commerce mondial par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui d’ailleurs devait admettre en 2001 la Chine comme membre à part entière�

En d’autres termes, la réussite du processus de réunification devait s’accompagner d’une stratégie de flexibilité salariale, de délocalisation des activités industrielles à bas contenu technologique, d’une partielle déconstruction du système sociale étatique, afin de rendre le pays le plus concurrentiel possible sur le plan global�6

Cette stratégie, que l’on pourrait définir proche de la figure classique du dumping économique et sociale, à l’intérieur du marché unifié, consentie par l’Union dans le cadre des conditions tout à fait exceptionnelles d’un pays en réunification, faisait prévaloir en Allemagne une logique de croissance export-oriented qui était en opposition avec la stratégie de croissance des pays industriellement concurrents, comme la France, l’Espagne e l’Italie, habitués historiquement à concevoir la consommation intérieure, soutenue par des salaires suffisamment élevés, comme l’instrument principal de croissance�

À cette situation, qui constituait déjà la prémisse inévitable de la future contraction des activités industrielles en France, Italie et Espagne, la mise en place de l’euro comme monnaie unique, avec une composition de monnaie-panier identique à l’ECU de 1979 dans le cadre du SME, devait ajouter un nouvel élément de déséquilibre concurrentiel en faveur des productions allemandes�

Mis en circulation en mars 2002 comme monnaie unique, killer donc des monnaies nationales, dont la circulation simultanée avec la nouvelle monnaie avait été réduit seulement à deux mois – du 1er janvier au 28 février 2002 – l’euro avait été imaginé comme une basket-currency, sur la base d’un panier formé par les monnaies des pays adhérents� Au sein de ce panier, la participation de chaque monnaie nationale dans le calcul des parités réciproques était basée sur son cours de change vis-à-vis du dollar US, pondéré avec le pourcentage de participation de la même monnaie aux échanges européennes avec le reste du monde� Conçu de cette manière, l’euro se retrouva à réfléchir en prépondérance la valeur

6 Bolaffi, A�, Deutsches Herz : Das Modell Deutschland und die Europaeische Krise, Stuttgart, Klett-Cotta, 2014�

de l’ancien Deutsche Mark, première monnaie en valeur et, de surcroît, prépondérante en volume dans les échanges européennes�7

À partir de mars 2002, le jour après la fin de la double circulation de l’euro avec les monnaies nationales, la capacité d’achat dans le pays non DM se retrouva réduite de 20 à 40 % en raison d’une inflation galopante des prix en euros par rapport aux prix exprimés dans la monnaie nationale précédemment en vigueur, tandis qu’en Allemagne les prix et le pouvoir d’achat restaient foncièrement stables�

De cette manière, l’euro constituait désormais par rapport au DM un ultérieur avantage comparatif à l’exportation pour les firmes allemandes et un désavantage compétitif pour les firmes concurrentes appartenant aux pays européens à monnaie faible (France, Espagne, Italie, en particulier)�

À partir de 2002, par conséquent, l’Union monétaire formée par les pays admis à faire partie de l’euro se voyait confrontée à des conditions concentriques de dualisme économique, opposant son centre à sa périphérie� C’était cela le risque interne du marché commun unifié, que les pères fondateurs avaient voulu à tout prix conjurer, dès le début de la création de la CEE, d’après leur commune idéologie chrétienne sociale – et non ultralibérale – utilisant les avantages d’efficacité de l’économie de marché, mais la tempérant en même temps à travers une panoplie d’

interventions sociales, par moyen en particulier des fonds structurels�

Le déséquilibre économique et social conséquent, à l’intérieur de l’Europe, avait pu néanmoins rester longuement occulté, de 2002 à 2008�

Les banques allemandes avaient en effet un intérêt à convertir en prêts la large disponibilité financière, obtenue grâce au surplus commercial annuel du pays, en absence de risque de change, à des pays présentant des taux d’inflation interne plus élevés et, donc, des taux d’emprunt plus rémunérateurs (les pays qui mériteront ensuite l’élégante dénomination de PIIGS – Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne)� Cet afflux continu de capitaux avait contribué à cacher dans les pays du sud la gravité de la situation économique interne, induite par les conditions structurelles économiques et monétaires mentionnées dessus, au moins jusqu’à 2008�

Avec la crise financière américaine de 2008, enclenchée par les prêts subprime des banques locales, et devenue ensuite une crise économique par ricochet aussi européenne, la contraction générale du crédit interbancaire (credit crunch) en Europe a rapidement tari le financement des obligations d’État et privées des pays européens du sud et porté soudainement à la surface la situation des ceux-ci, touchés depuis des

7 Strassen, D�, Les finances de l’Europe, Bruxelles, Perspectives européennes, 1991�

années par la fermetures des entreprises et par le chômage de masse, mais aussi affectés à présent, de surcroît, par l’absence de moyens financiers�

En 2008, enfin, la crise des pays périphériques de l’euro pouvait éclater au grand jour�

2. Les années de la crise existentielle (2008-2012)

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