à la fin de 1847. Le 7 août
il
avaitété nommé maître de géo-graphie etd'histoire
à l'école secondaire des filles, et le 26 octobre,il fut
appelé provisoirement à enseigner ledroit
ro-main à l'académie. L'année suivante (5 novembre)
il fut
nommé définitivement professeur ordinaire d'histoire à l'aca-démie etfut
également appelé à donner, plusieurs annéesdu-rant,
le même enseignement au gymnase. Unelettre
de celte époque (12 février 1849) nousfournit
quelques renseigne-ments sur sa lâche multiple. « Je suis en effetun desperson-» nages les plus occupés de la république genevoise, étant à
— —
» à la fois professeur ordinaire à l'académie, et comme
tel
s chargé de détails administratifs, outre l'enseignement,
pro-» fesseur au gymnase classique et professeur à l'école
supé-b
rieur
des demoiselles. Heureusement que laloi
sur leeu-s mul vam'enleverlegymnase, cedont
je
suisfort
aise, parce» que les leçons dans cet établissement étaient les seules
qui
» me donnassent quelque peine, les jeunes gens non adultes
» et formés étant aujourd'hui très-déroutés et semblant
pren-» dre à tâche de faire une provision de science en raison
in-» verse de la gravitédes temps qui devraient les engager à se
» prémunir d'une
triple
cuirasse scientifique contre lesbou-» leversements prochains. L'académie en revanche va
très-» bien, nous avons près de 200 étudiants ;
il
est vraiqu'il y
» a toujours à déduire un assez grand nombre de Français
» protestants privilégiés pour leurs études théologiques dans
» l'établissement de Calvin,
i
Le professeur, ainsi que le
littérateur,
avait enfin trouvé un champ digne de son activité, aussi refusa-t-il plus tard la chaire d'histoire quilui fut
offerte à l'école polytechnique deZurich. Ici
Gaullieur se présente à nous sous son véritable point de vue,littérateur
et bibliophile, commeil
était connu et apprécié en Suisse et à l'étranger.Il
s'occupe peu de poli-tique;il
n'est pas radical, mais toujoursiiWral
; sesidées se sont modifiées avec les années, a Je réfléchis beaucoup, nousécrivait-il
en 1849, sur ce quej'ai
vu et entendu, etje
réforme mon jugement sur bien des choses. »Il
écrit
rarement dans lesjournaux,
et fait quelquefois ex-ception en faveur de la Galette de Laasanwe, qui accueillitses articles, quand
il
quitta le iVomieltiste. Lorsque le vétéran de la presse suisse, lefondateurde la Gazette, mourut,Gaul-lieur
consacra à Miéville une notice biographique, qui révèle dans son auteur un homme de cœur autant qu'un hommed'esprit.*
*Notice iiograptiigue sur il/, de il/ieuit/e,docteuren droit et fondateur de ta Gasefte de Lausanne, par E. II. Gaullieur. Lausanne 1852. br. de 32
pages in 8.
Une création nouvelle due à la patriotique inspiration de
M.
James Fazy,fournit
bientôt à Gaullieur l'occasion de dé-ployer son talent et sa prodigieuse activité. Dans la pensée de son fondateur,l'Institut
national (1853) devait couronner l'édifice intellectuel de Genève l'Athènes de la Suisse fran-çaise. Cetinstitut
avec ses cinq sections : des sciences phy-siques et naturelles, des sciences morales etpolitiques,
d'archéologie etd'histoire,
delittérature,
des beaux-arts, d'industrie etd'agriculture,
allaittout
à la fois combler une lacune importante dans la cité de Rousseau, activer le pro-grès des branches du savoir humain, enleur
donnant uncen-tre
commun, une direction,réunir
sous une même bannière les intelligences de la patrie romande ; œuvre grande etbelle qui a déjà porté d'heureuxfruits.
Gaullieurfut
nomméd'à-bord
membre effectif de la première etde la seconde section, puis désigné pour secrétaire-généraldel'Institut.
On ne pou-Vaitfaire
un meilleurchoix,
et le professeurjustifia
la con-fiance qu'on avait mise enlui.
Non-seulementil
entra enrapport
avec les Sociétés suisses et étrangères, soigna les publications, maisil enrichit
encore le .Bulletin annuel et les Mémoires de travaux importants. Citonsici l'Etude sur
l'/iis-foire Kfféroire de to Suisse /rancaise au
AFI//
siècle, (1855)ouvrageoriginal, couronné par
l'Institut,
oùNeuchâtel occupe une place d'élite, témoin les pages sur M"® de Charrière et son école, et où le mouvement intellectuel dans le Jura est indiqué pour la première fois dans un ouvrage de ce genre les Eludessur
to li/pogrop/iie generoise duAF
ouA/A
siècles, (1855), piquante revue où trouvent à glaner le bibliophile et lelittérateur,
charmés de se rencontrer et de se compléter en champ si fécond ; la JVoficesur l'origine,
l'accroissement de larille
de Carouge etsesrapports arec Genère(1857), dette de cœur payée àsoncanton adoplif, pages qu'ondirait
écrites par un enfant des bordsdel'Arve,
tantl'auteur
possèdebien 'LeJurassien trouve avec plaisir dans cevolumelesnoms, peunombreuxil estvrai, qui marquèrentdans notre littératureau 18" siècle : Béguelin,le philosopheet l'homme descience, Raspieler, le pocte satirique,M®Morçk
— —
les secrets de la localité ; le mémoire sur les Itères caroKtis de to Suisse (1854), renfermant notamment une description de lafameuse bible deMoutiers-Grandval etunjugement
défi-nitif
sur la matière ; enfin le mémoire sur tos cAronigues de«Saroie dans leursrapportsarec 17fistoire de la Suisseromande et la Correspondance du pape
Eéfc 7
arec son /itolouis
ducde Sauoie,
qui
valurent au savanthistorien, entre autres mar-ques de distinction, lacroix
de chevalier del'ordre
de St-Maurice et Lazare. On levoit, Henri
Gaulleur n'envisageaitpoint
la place de secrétaire del'Institut
comme unesinécure,il
payait noblement de sa personne. Fidèle à ses amitiés et aux cantons oùil
avait successivement planté sa tente avant de sefixer
sur les rives du Léman, l'ancien journaliste n'eut garded'oublier
Neuchâtel et le Jura, lorsquel'Institut
choisitses membres correspondants dans la ,Suisse romande : ainsi
pour
ne parlerque dePorrentruy,
MM. Stockmar, Thurmann,Trouillat
etl'auteur
de ces lignes, devinrent ses collègues à Genève. Lorsque lamort
frappa Jules Thurmann,il
était en relations suivies avec le secrétaire del'Institut
pour la publi-cation dans lesil/émoim
de ce corps, de son .Essai d'oropra-p/wcy«rassigaCj dont la1"
partie seulement a paru dans ce recueil en 1858.Lors
du congrès de Bruxelles sur la propriété artistique etlittéraire, l'Institut
genevois chargea son secrétaire-général de le représenter.Il y
avait là des esprits élevés, desintelli-gences
d'élite;
le député genevois sefit
remarquer et lesjournaux parlèrent de son discours avec éloge. « Quoique homme de lettres, publiant beaucoup d'ouvrages et intéressé à soutenir les privilèges des écrivains, notre envoyé,
dit
M.Viridet, fit
preuve d'un jugement exquis en soutenant dans ceconcours international, desopinions oùil
veut, tout en prenant en considération les droits légitimes des auteurs,'
Nous avonslu à la Société d'émulationun rapportsur ce mémoire et te suivant. Voir enparticulier pource qui regarde lacélèbre bible de Mou-lierle Coup-d'œiZs«rlesZrauattc de la Société de l'année 1855,p. 10.raux du public et de la science, s
A
côté de son enseignement,H.
Gaullieur donnait encore à Genève des cours publics. On aura encore une idée de sa fécondité commeécrivain,
sil'on
pense aux nombreuses pu-blications sorties de sa plume outre Celles que nous avons indiquées, cesdix
dernières années.Il
serait trop long deciter
tous les articles littéraires parus dans les Leraesfran-çaîses et suisses,notammentdansla IteuuedeNeuchâtel, nom-mons seulement quelques ouvrages : LaSuisse en
bis-toire
de la guerre du Sonderbund qui n'a pas échappé à lacritique
de Crélineau-Joly. L'auteur, enl'écrivant,
n'oubliapas de consulter les pages que consacrait aux événements du
jour
dans l'/fetoéiie l'homme supérieur qui avait fondé etpa-trônait
encore cejournal;
— La Suisse Mstonqueet,
en col-laboralion avecM.
Staub, La Suisse pittoresque, qui eurent un grand succès ; —L7/istûire
et ta description de ta JSitttio-t/ièque de Genère (1851), qui se dislingue par les mêmes qua-lités que l'Jïïstoire de Z'tmpnmme dans cette ville; la sèche-resse d'une nomenclature bibliographique disparaît entière-ment pouroffrir
aulittérateur,
àl'historien
de précieuses données; c'est unfil
conducteur sûr pour se reconnaître au sein des richesses de tout genre qu'étale cette belle collec-lion ; le Guide sur te c/iemin de/er
de t'Ouest-suisse,iliné-raire
d'un touristefait
par un des hommes qui connaissaient le mieux le pays et excellaient û le biendécrire;
les ©rennes«tafionaîes, tom. 2 et 3, dignes de leur aînée ; — 17/isioire
de ta
ritte
de Génère depuis taJté/omation, etc.Si l'on se demande avec étonnement où Gaullieur prenait letempsd'écrire tous ces livres, tous ces articles de bon aloi,
à plus forte raison
l'on
sedit
oùtrouvait-il
la trame si riche,si variée dont
il
ourdissait son œuvreIl
faut avoir connuGaullieur pour le comprendre, avoir jugé soi-même de
l'é-tendue et de la vivacité de ce rareesprit,
avoir visité sa Bi-bliolhèquc de Beauséjour, puis des Pâquis. « C'est dans cette riche collection,dit
M. Martignier, que Gaullieur avait puisé—
ce fonds
d'érudition
qui étonnait dans un homme encore si jeune et dont la vie avait été si occupée. Son heureuse mé-moirele faisait ressembler à uue bibliothèque vivante,il
con-naissait admirablement les livres etl'histoire littéraire
; on ne pouvait aborder aveclui
un sujet oulittéraire
ou historique,qu'il
n'apportât dans la discussson des faits ou des éléments nouveaux,r —
M.Yiridet
confirme ce jugement. « L'érudi-tion de Gaullieur était telle que dans chaque occasion im-portante,il
avait, pour ainsi dire, un ouvragetout prêt
àfaire paraître pour élucider les questions ou les intérêts du mo-ment. »Tel était l'ancien rédacteur de l'ifetoéh'e, travailleur
infali-gable ardent ami des lettres et de tous ceux qui les
culti-vaient. Enumérer les sociétés savantes dontil
faisait partie, les relationsqu'il
avait dans le mondelittéraire,
c'est chose impossible ; la liste en seraittrop
longue. Dans cette rudevie du journalisme,qu'il
mena onze ans,il
eut sans doute des ennemis, des contradicteurs violents, mais nous doutonsqu'il
leurtînt
jamais rigueur. Nous en jugeonspar
ce qui s'étaitpassé à
Porrentruy
;il y
eut aussi des difficultésil
quitta brusquement la positionqu'il y
occupait, et cependant ces dissensions s'effacèrent vite ; cen'était
qu'undirent
entreamis, qui peuvent bien se fâcher, se quereller un peu mais se
brouiller,
jamais.C'est au milieu de cette vie active, de ce
travail
incessantque la maladie
surprit
Gaullieur, en mars 1859.Il
avait jus-qu'alorsjoui
d'une santé excellente et rien nesemblait présa-ger sa fin prochaine. Cependant sou heure était venue. Le.mal faisait des progrès rapides ; ni les soins empressés de la femme de cœur qui, heureuse, partageait son sort, et de ses enfants, pleins de tendresse, ne purent la
conjurer.
On espéraque