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4 Ordre des fragments

Im Dokument Fragmenta Saturnia heroica (Seite 24-49)

Les fragments sont classés dans l’ordre suivant : fragments d’emplacement certain provenant de l’Odyssée latine ; fragments d’emplacement incertain dont le modèle est un vers homérique récurrent ; fragments d’emplacement incertain dont le modèle est inconnu ; fragments de l’Odyssée nouvelle ; fragments dont l’attribution à l’Odyssée latine est contestable ; faux moderne ; fragments de la Guerre punique transmis avec un numéro de livre ; fragments de la Guerre punique transmis sans numéro de livre ; fragments d’œuvres indéterminées de Naevius ; fragments d’auteur inconnu ou attribués à tort à la Guerre punique; faux modernes. Les critères d’attribution aux diverses sections sont exposés dans le préambule de chacune d’entre elles.

Lorsque l’assignation d’un fragment à une section repose, non sur les indications explicites de la tradition manuscrite, mais sur une argumentation indépendante de celle-ci, son numéro est suivi d’un astérisque ; le classement de ces fragments est alors justifié dans le commentaire.

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1 Livius Andronicus

1.1 Éléments biographiques sur Andronicus 1.1.1 Éléments certains

Les premières données biographiques concernant Andronicus1 peuvent être déduites de son nom. Son cognomen, forme latinisée du nom grec Ἀνδρόνικος, suggère qu’il est originaire de Grande-Grèce ; et en effet Accius, cité par Cicéron, affirme qu’Andronicus vient de Tarente.2 Quant à son nom gentilice, Liuius, il indique qu’Andronicus appartenait à la gens Liuia ; il en était probablement un esclave affranchi, puisque selon saint Jérôme, il doit la liberté à un Livius Salinator.3 Son prénom, enfin, devait être Lucius. Aulu-Gelle donne en effet l’abréviation L.,4 ce que confirme Festus.5 Seul Jérôme fournit une indication divergente, puisqu’il l’appelle Titus,6 mais il y a là sans doute une confusion avec le prénom de l’historien Tite-Live.

Concernant l’activité littéraire d’Andronicus, la date de représentation de sa première pièce est transmise par Cicéron. Celui-ci la place sous le consulat de C. Claudius (Ap. f. C. n. Centho) et de M. (Sempronius C. f. M. n.) Tuditanus, soit en 240 av. J.-C.7 Il devait s’agir d’une commande officielle à l’occasion des Ludi Romani organisés cette année-là : cf. Cassiod. Chron. II p. 128, 316 ludis Romanis primum tragoedia et comoedia a Lucio Liuio ad scaenam data (rapporté, sans doute par erreur, à l’année 239 au lieu de 240 av. J.-C.). L’autre date connue est celle de 207 av. J.-C.,

1 Sur la biographie d’Andronicus, cf. Suerbaum 2014 : 97–108.

2 Cf. Cic. Brut. 72.

3 Hier. Chron. a. Abr. 1830 Titus (sic) Liuius tragoediarum scribtor clarus habetur, qui ob ingenii meritum a Liuio Salinatore, cuius liberos erudiebat, libertate donatus est.

4 Cf. Gell. 6, 7, 11 ; 17, 21, 42.

5 Fest. p. 297 suregit> et sortus ant<iqui ponebant pro surrexit> et eius parti<cipio, quasi sit surrectus, qui>bus L. Liuiu<s frequenter usus> est.

6 Cf. Hier. Chron. a. Abr. 1830.

7 Cic. Brut. 71 atqui hic Liuius primus fabulam C. Claudio Caeci filio et M. Tuditano consu-libus docuit anno ipso ante quam natus est Ennius, post Romam conditam autem quarto decumo et quingentesimo, ut hic ait, quem nos sequimur. 72 est enim inter scriptores de nu-mero annorum controuersia ; Accius autem a Q. Maxumo quintum consule captum Ta-rento scripsit Liuium annis XXX post quam eum fabulam docuisse et Atticus scribit et nos in antiquis commentariis inuenimus ; docuisse autem fabulam annis post XI, C. Cornelio Q. Minucio consulibus ludis Iuuentatis, quos Salinator Senensi proelio uouerat.

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année où il compose sur commande publique un hymne à Iuno Regina.8 Suite à cela, l’État autorise Andronicus et un collège de scribae et d’histriones à se réunir dans le temple de Minerve sur l’Aventin.9 On sait encore par Suétone qu’Andronicus enseignait en latin et en grec ; que cet enseignement avait lieu « à la maison et au dehors », et qu’il comportait la lecture de compositions personnelles.10 On ignore en revanche à quel public étaient destinées les leçons données « au dehors ».

1.1.2 Dates de naissance et de venue à Rome

Il existait dans l’Antiquité un débat quant à la date d’arrivée à Rome d’Andronicus.

Accius, critiqué par Cicéron,11 pensait qu’il avait été fait prisonnier et emmené à Rome par Q. Fabius Maximus lors de la prise de Tarente en 209 av. J.-C. Mais une telle datation entre en contradiction avec celle de la première représentation en 240 av. J.-C., garantie par Cicéron. Et même en supposant – sans vraisemblance – que Cicéron ait tort, une arrivée en 209 av. J.-C. est difficilement compatible avec la commande d’un hymne officiel pour 207 ; on conçoit mal en effet que les autorités aient confié cette composition d’une importance religieuse majeure à un Grec venu à Rome deux ans à peine auparavant.12

Aussi semble-t-il probable qu’Accius se trompe sur la date de la venue à Rome d’Andronicus. Toutefois, cela ne remet pas nécessairement en cause les autres éléments biographiques transmis par cet auteur, à savoir l’origine tarentine d’Andronicus et son statut servile. Il est même possible qu’Accius ait été induit en erreur précisément par ces données. Il savait en effet qu’Andronicus était un esclave, qu’il venait de Tarente et qu’il était actif durant la seconde guerre punique. À supposer que ses recherches ne lui aient pas appris la date d’arrivée d’Andronicus, il a dû être tenté de la déduire sur cette seule base. Il aura alors mis ces diverses informations en relation avec l’événement majeur lié à Tarente durant la seconde guerre punique : sa prise par Fabius en 209 av. J.-C.

Mais si Accius fait erreur, à quelle occasion Andronicus est-il venu à Rome ? Avant 240 av. J.-C., date de sa première représentation dramatique, on connaît un seul conflit direct entre Rome et Tarente : l’affrontement de 272 av. J.-C., qui s’est

8 Rapporté par Liu. 27, 37, 7.

9 Fest. p. 333 itaque cum Liuius Andronicus bello Punico secundo scribsisset carmen, quod a uirginibus est cantatum, quia prosperius respublica populi Romani geri coepta est, publice adtributa est ei in Auentino aedis Mineruae, in qua liceret scribis histrionibusque consis-tere ac dona ponere ; in honorem Liui, quia is et scribebat fabulas et agebat.

10 Suet. Gramm. 1, 2 initium quoque eius (sc. grammaticae) mediocre exstitit, siquidem an-tiquissimi doctorum qui idem et poetae et semigraeci erant – Liuium et Ennium dico quos utraque lingua domi forisque docuisse adnotatum est – nihil amplius quam Graecos inter-pretabantur, aut si quid ipsi Latine conposuissent praelegebant.

11 Cf. Cic. Brut. 72.

12 Argument déjà formulé par Wachter 1987 : 329–330 et D’Anna 1996 : 95.

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terminé au désavantage des Grecs.13 Si donc Andronicus est bien un prisonnier capturé au cours d’un conflit armé, ce sera à cette occasion qu’il aura été emmené à Rome.

Reste à identifier le Livius Salinator qui, au dire de saint Jérôme, a affranchi Andronicus.14 On connaît, au 3e s. av. J.-C., deux personnages de ce nom : (1) M. Livius Salinator, né vers 274 av. J.-C. et président d’un collège de magistrats en 236 ; (2) M. Livius M. f. M. n. Salinator, fils du précédent né vers 254 av. J.-C., consul en 219 et 207 et, la même année, vainqueur d’Hasdrubal et dictateur. Andronicus a dû être acquis peu après 272 av. J.-C. par le père de M. Livius Salinator (1), pour servir de maître d’école à son jeune fils, né quelques années plus tôt. Celui-ci aura gardé son ancien maître à son service et lui aura confié l’éducation de ses propres enfants, dont M. Livius Salinator (2). Il l’aura ensuite affranchi peu avant 240 av. J.-C., à un moment où son fils Salinator (2), âgé d’environ quatorze ans, devient trop grand pour l’école élémentaire.

Si ces hypothèses sont correctes, on peut résumer comme suit la biographie d’Andronicus. Il a dû voir le jour vers 290 av. J.-C. et recevoir une formation littéraire, soit qu’il soit né libre, soit qu’il ait été un esclave destiné à l’éducation de jeunes aristocrates tarentins. Vers l’âge de vingt ans, il est fait prisonnier et vendu à un membre de la gens Liuia, lors de la guerre contre les Romains. Emmené à Rome, il se charge de l’éducation du fils de son propriétaire, Salinator (1), puis du fils de ce dernier, Salinator (2). À côté de son enseignement, et peut-être dans le cadre de celui-ci (cf. § 14b), Andronicus compose ses premiers poèmes en latin. Lorsque Salinator (2) achève sa formation élémentaire, Salinator (1) affranchit Andronicus alors âgé d’environ cinquante ans. Celui-ci se tourne vers le théâtre et fonde le genre, nouveau à Rome, de la poésie dramatique. Au terme de sa longue carrière – il a alors environ huitante ans – les autorités lui confient une charge prestigieuse, celle de composer l’hymne expiatoire à Iuno Regina de 207 av. J.-C. Peu après, l’État romain ajoute à cette marque d’estime la présidence d’un collège d’écrivains et d’acteurs avec siège au temple de Minerve. Ce n’est sans doute pas un hasard si ces honneurs sont conférés à Andronicus précisément en 207 av. J.-C., année où son dernier élève obtient un second consulat et la dictature.15

1.1.3 Date de composition de l’Odyssée latine

On ignore à quelle date Andronicus a composé son Odyssée latine. S’il s’agit d’une traduction intégrale et donc d’un texte de plus grande ampleur que ses pièces de théâtre, on pourrait être tenté d’y voir l’œuvre de sa maturité ; cela parlerait pour la postériorité de l’Odyssée vis-à-vis des pièces de théâtre. Mais d’un autre côté, la composition de l’Odyssée a pu s’étendre sur de nombreuses années et accompagner le poète durant toute sa carrière ; Andronicus a pu traduire certains chants ou

13 Sur les conditions de la reddition de Tarente, cf. Schmitt 1969 : 128–129.

14 Je reprends dans ce qui suit une hypothèse développée par Wachter 1987 : 328–330.

15 Observé par Wachter 1987 : 330.

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épisodes dans sa jeunesse, d’autres en parallèle de son activité dramatique, et compléter l’ouvrage – s’il l’a complété – à la fin de sa vie.

Un argument parle peut-être en faveur de l’antériorité de l’Odyssée par rapport aux pièces de théâtre. On sait en effet que le premier drame d’Andronicus répondait à une commande de l’État, dans le cadre des Ludi Romani de 240 av. J.-C. (cf. § 14b).

L’introduction d’une pièce de théâtre sur un modèle grec dans une cérémonie publique de cette importance devait constituer une petite révolution dans la culture romaine.16 Si les magistrats chargés d’organiser ces jeux ont pris ce risque, ils devaient être sûrs de réussir. Aussi peut-on supposer qu’ils n’auront pas choisi par hasard l’auteur à qui confier le livret de la pièce ; ils se seront tournés vers un poète dont les capacités étaient déjà connues.

Si cette hypothèse est correcte, Andronicus devait déjà avoir à son actif quelques compositions d’envergure lorsque les organisateurs des Ludi Romani ont décidé de faire appel à lui. Le comité d’organisation aura peut-être consulté à ce sujet d’autres membres de l’élite politique romaine, y compris le protecteur d’Andronicus, Salinator (1) ; peut-être celui-ci leur aura-t-il parlé des poèmes composés par son ancien précepteur ; peut-être parmi ces poèmes se trouvait-il quelque morceau de l’Odyssée, dont la facture aura convaincu les magistrats en charge des jeux.

Mais il n’y a là rien de certain ; et plutôt que de se livrer à des conjectures, il vaut mieux laisser en suspens cette question qui, du reste, n’influera guère sur l’interprétation des fragments.

1.2 Caractéristiques de l’Odyssée latine

L’interprétation des fragments de l’Odyssée latine peut être ramenée, en dernière analyse, à une interrogation principale : comment rendre compte de la forme du texte latin sur la base de ce que l’on connaît aujourd’hui du texte homérique ? Et cette question fondamentale peut à son tour être développée en trois problématiques : (1) sur quel texte grec Andronicus fonde-t-il sa traduction ? S’agit-il en substance de la vulgate admise aujourd’hui, ou peut-on au contraire deviner des différences notables entre le texte grec d’Andronicus et le nôtre ? (2) Quelle technique de traduction Andronicus adopte-t-il ? Peut-on identifier des tendances récurrentes à rendre telle tournure grecque par telle expression latine ? (3) En quoi la traduction d’Andronicus est-elle tributaire des partis pris esthétiques de son époque ? Reflète-t-elle les goûts de la littérature grecque contemporaine, préfigure-t-Reflète-t-elle des tendances à venir dans la littérature latine ?

16 À ce sujet, cf. Feeney 2016 : 129–131.

§ 16b

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1.2.1 Le texte grec d’Andronicus

Il est naturellement difficile, vu le caractère fragmentaire de l’Odyssée latine, de déterminer si le texte homérique d’Andronicus était le même que le nôtre. Quelquefois en effet, le texte des fragments se laisse difficilement rapporter à une traduction littérale du grec ; et l’on peut être tenté, dans ces cas, de l’expliquer par la présence d’une uaria lectio ou d’une interpolation dans le texte homérique lu par le traducteur.

Mais le plus souvent, il n’y aurait là qu’une explication ad hoc ; car on a rarement la chance de connaître une variante textuelle de l’Odyssée homérique qui permettrait de rendre compte exactement du texte latin.

Je ne répertorie dans cette section que les indices permettant d’établir avec une certaine sécurité l’existence de différences entre le texte homérique d’Andronicus et celui des éditions modernes. Sont considérés comme indices sûrs ceux qui reposent sur un argument autre que la seule comparaison d’un fragment de l’Odyssée latine avec son modèle homérique allégué.

1.2.1.1 Absence de division en livres

La première différence notable entre le modèle d’Andronicus et le texte homérique des éditions modernes est l’absence de division en livres. L’Odyssée latine ne semble en effet pas connaître la division en vingt-quatre « chants » usuelle dans les éditions modernes du poème homérique. Ainsi, à l’exception de L 31 – qui doit toutefois appartenir à une réécriture postérieure (cf. § 222) – aucun des fragments attribués à l’épopée d’Andronicus n’est accompagné d’une indication de livre.

Cette circonstance concorde avec l’opinion situant à l’époque d’Aristarque (fin 3e – 2e s. av. J.-C.) la division des poèmes homériques en vingt-quatre chants chacun.

Cependant, il a dû exister avant cette date d’autres divisions usuelles des poèmes homériques, notamment en fonction d’épisodes pourvus de titres propres ; cf. par exemple la formule introduisant une allusion à l’Iliade en Hdt. 2, 116 ἐν Διομήδεος Ἀριστηίῃ. L’absence d’indications de livres dans les fragments de l’Odyssée latine trouve une explication satisfaisante si la traduction d’Andronicus se base sur un tel modèle, divisé en épisodes non numérotés.

1.2.1.2 Variantes dans le texte homérique d’Andronicus

Dans deux cas, on peut établir avec quelque certitude qu’Andronicus lisait un texte homérique différent de celui que l’on connaît aujourd’hui. Le premier exemple est L 15 (= κ 252) topper citi ad aedis uenimus Circae « bien vite, nous arrivons vers la demeure de Circé ». Les éditions modernes portent εὕρομεν ἐν βήσσῃσι τετυγμένα δώματα καλά, de sorte que Circae ne semble pas avoir de correspondance dans le texte grec. Toutefois, on sait par la tradition indirecte qu’il existait la variante Κίρκης au lieu de καλά. Ce vers est en effet cité dans la Vie d’Homère attribuée à

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Plutarque et dans un texte de Iohannes Doxopater ; à ce sujet, cf. § 158a. Le Circae de L 15 s’explique bien si l’on admet qu’Andronicus lisait lui aussi cette variante dans son modèle.

Le second exemple de uaria lectio se trouve en L 16 topper facit homines ut rusus fuerint « en un instant, elle fait en sorte qu’ils redeviennent hommes ». Le modèle de ce fragment est κ 395 ἄνδρες δ’ ἂψ ἐγένοντο κτλ. (cf. § 161). La leçon ἄψ « à nouveau », communément admise aujourd’hui dans les éditions, est toutefois une conjecture attribuée à Aristarque ; Andronicus, pour sa part, devait lire à sa place le texte de la vulgate manuscrite, αἶψ’ « aussitôt ». C’est du moins ce que suggère la chronologie, puisqu’Aristarque est postérieur de quelques décennies à Andronicus. La présence de la leçon αἶψ’ explique ainsi l’emploi de l’adverbe topper « aussitôt », qui semblerait injustifié si Andronicus lisait le même texte que nous. Pour l’explication de rusus « à nouveau », qui semble correspondre à un ἄψ, cf. § 30c et § 164b.

1.2.1.3 Interpolations

Les cas d’interpolations sont moins certains. Le meilleur candidat est sans doute L 5 sancta puer Saturni filia regina « la sainte enfant, fille de Saturne, souveraine ». Héra n’étant qualifiée de « souveraine » qu’une seule fois dans l’Odyssée homérique – δ 513 πότνια Ἥρη – c’est à ce passage que doit se rapporter L 5 ; mais la titulature dont Andronicus accompagne son nom n’y apparaît pas, et semble plutôt se rapporter à Ε 721 = Θ 383 Ἥρη πρέσβα θεὰ θυγάτηρ μεγάλοιο Κρόνοιο. Faut-il postuler, avec Wordsworth (1874 : 571) qu’un vers de l’Iliade était interpolé dans le modèle suivi par Andronicus ? C’est une possibilité qu’il faut envisager, même si la critique penche aujourd’hui pour une autre interprétation (cf. § 23b).

1.2.2 La technique du traducteur

Dans une majorité de cas, les éléments du texte latin qui ne s’expliquent pas comme une traduction plus ou moins littérale du grec peuvent être imputés aux techniques de traduction adoptées par Andronicus. Je distingue à cet égard cinq types de licences prises par le traducteur : (1) les contaminations, (2) les romanisations, (3) les changements de focalisation, (4) les réductions et (5) les amplifications.

1.2.2.1 Contamination

Le procédé sans doute le plus souvent discuté par les critiques est celui que l’on a appelé « contamination ». On sait en effet depuis Leo (1912 : 90–91) qu’Andronicus se laisse influencer dans sa traduction par des expressions appartenant au contexte immédiat du vers traduit. Mariotti (1986 : 34 adn. 50) nomme ce phénomène

« contaminazione col contesto prossimo ». Le fragment dans lequel Leo a identifié ce procédé est L 9 namque nullum peius macerat humanum quamde mare saeuum ;

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§ 23a

uires cui sunt magnae, topper confringent inportunae undae. Ce texte a pour modèle homérique θ 138–139 οὐ γὰρ ἐγώ γέ τί φημι κακώτερον ἄλλο θαλάσσης | ἄνδρα γε συγχεῦαι, εἰ καὶ μάλα καρτερὸς εἴη. Les critiques, puisque l’expression inpor-tunae undae ne trouve pas de correspondance dans le grec, supposent généralement qu’il s’agit d’une anticipation de θ 231–232 λίην γὰρ ἀ ε ι κ ε λ ί ω ς ἐδαμάσθην κ ύ μ α σ ι ν ἐν πολλοῖσ’ (cf. § 137b).

À côté de cet exemple, l’autre cas assez certain de contamination avec le contexte proche est L 22 tuque mihi narrato omnia disertim. Ce fragment traduit probablement ω 287 ἀλλ’ ἄγε μοι τόδε εἰπὲ καὶ ἀτρεκέως κατάλεξον ; mais si le modèle homérique est correctement identifié, omnia sera vraisemblablement emprunté à ω 303 τοιγὰρ ἐγώ τοι π ά ν τ α μάλ’ ἀτρεκέως καταλέξω (cf. § 185b).

Ailleurs, Andronicus semble opérer une contamination avec des passages de l’Odyssée homérique n’appartenant pas au contexte immédiat des vers traduits.

C’est ce que Mariotti (1986 : 35 adn. 51) a décrit comme une « contaminazione a distanza », et dont on trouve un bon exemple en L 24 apud nympham Atlantis filiam Calypsonem. Ce fragment se rapporte à δ 557 = ε 14 = ρ 143 νύμφης ἐν μεγάροισι Καλυψοῦς, mais la généalogie de Calypso, absente du modèle homérique, provient d’α 52 ~ η 245 Ἄτλαντος θυγάτηρ.

Enfin, selon Ronconi (1968 : 124), on aurait en L 5 un cas extrême de contamination à distance. La source en serait en effet le vers iliadique Ε 721 = Θ 383. Toutefois, il s’agirait là du seul exemple connu de contamination avec l’Iliade. Le seul parallèle avancé par la critique serait L 47 auratae uaginae, aurata baltea illis erant, contaminé selon Merry (apud Wordsworth 1874 : 572) avec Λ 30–31 ; mais ce fragment appartient plus probablement à Tite-Live (cf. § 265c). Dans ces conditions, il me paraît au moins aussi vraisemblable que L 5 constitue la traduction d’un vers iliadique interpolé dans le texte homérique employé par Andronicus.

Je ne traite pas ici des autres cas allégués de contamination, mais pour lesquels une explication différente me paraît préférable. On se reportera pour cela au commentaire des fragments concernés : pour un cas allégué de contamination avec le contexte proche, cf. L 49 (fragment d’attribution incertaine) ; pour les cas allégués de contamination à distance, cf. L 12 ; L 25 ; L 28 ; L 32 (fragment faussement attribué à Andronicus).

1.2.2.2 Romanisation

Un autre concept volontiers appliqué par la critique aux fragments d’Andronicus est celui de romanisation, théorisé à l’origine par Traina (1970 : 11–28) à la suite de Knoche (1958). Dans son article, Traina vise à détailler les diverses interventions pratiquées par Andronicus dans le but d’adapter l’Odyssée aux goûts et représentations du public romain. Traina opère notamment une distinction entre « romanizzazione del contenuto » (Traina 1970 : 13–18) et « romanizzazione della forma » (Traina 1970 : 18–24).

§ 23b

§ 23c

§ 24a

Toutefois, pris en tant que tel, le concept de romanisation me paraît dépourvu de pouvoir explicatif. En effet, ce terme s’applique en principe à toute l’entreprise d’Andronicus, puisqu’il s’agit d’exprimer dans le langage des Romains le contenu de mythes grecs ; de sorte qu’on voit mal pourquoi certains procédés employés par le traducteur mériteraient plus que d’autres d’être qualifiés de romanisation. On peut, en particulier, se demander si ce concept est adéquat dans les exemples de

« romanizzazione della forma » cités par Traina.

Ceux-ci sont au nombre de trois : (1) L 25 igitur demum Vlixi cor frixit prae pauore correspond à ε 297 = ε 406 καὶ τότ’ Ὀδυσσῆος λύτο γούνατα καὶ φίλον ἦτορ. Dans le texte grec, le cœur et les genoux d’Ulysse « se défont » de peur. Cette

Ceux-ci sont au nombre de trois : (1) L 25 igitur demum Vlixi cor frixit prae pauore correspond à ε 297 = ε 406 καὶ τότ’ Ὀδυσσῆος λύτο γούνατα καὶ φίλον ἦτορ. Dans le texte grec, le cœur et les genoux d’Ulysse « se défont » de peur. Cette

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