• Keine Ergebnisse gefunden

Fragments dont l’emplacement est incertain

Im Dokument Fragmenta Saturnia heroica (Seite 154-183)

2 Morphologie flexionnelle

2 Fragments dont l’emplacement est incertain

2.1 Fragments traduisant un vers récurrent

La présente section contient les textes dont le modèle, identifié avec certitude, correspond à un vers récurrent de l’Odyssée homérique. En classant ces fragments parmi ceux dont l’emplacement est incertain, j’adopte la pratique préconisée par Mariotti. En effet, comme l’observe justement ce dernier, rien ne prouve qu’Andronicus se soit répété littéralement lorsqu’Homère se répétait.129 La documentation semble même indiquer le contraire, si, comme je le suggère, L 20 et L 35 constituent deux traductions concurrentes du vers α 64 = ε 22 = ψ 70 (cf. § 175b).

On pourrait certes tenter de préciser l’attribution de ces fragments en les comparant avec ceux d’emplacement certain transmis par la même source. Imaginons en effet un fragment dont le modèle apparaisse aux chants α, ρ et ψ ; à supposer que sa source ne transmette par ailleurs aucun fragment d’emplacement certain dont le

128 Ernout/Meillet/André 1985 : 30.

129 Mariotti 1986 : 60.

§ 170a

§ 170b

§ 171

§ 172

modèle soit situé au-delà de ζ, l’attribution au chant α s’imposerait avec une certaine vraisemblance. Mais malheureusement, l’état de la documentation ne permet guère d’opérer des déductions de cet ordre ; celles-ci, du reste, n’atteindraient pas à un degré de certitude comparable à celui qui prévaut dans la section précédente.

Ainsi, L 19, L 20 et L 24 sont transmis par Priscien. Leurs modèles homériques apparaissent aux chants α (deux occurrences) et ω pour L 19 ; α, ε et ψ pour L 20 ; et δ, ε et ρ pour L 24. On ne peut opérer, sur la base de ces informations, aucun recoupement significatif avec les fragments d’emplacement certain transmis par Priscien. Ceux-ci appartiennent en effet aux chants α (L 2), δ (L 5), θ (L 10, L 12) et ι (L 13). La concentration des citations tirées du premier tiers du poème suggère, bien entendu, d’écarter l’attribution de L 19 à ω, celle de L 20 à ψ et celle de L 24 à ρ ; mais même ainsi, il reste deux possibilités pour chacun de ces fragments.

La situation paraît plus désespérée encore pour les fragments transmis par Nonius. Le modèle de L 21 a des occurrences aux chants α, δ, η, κ, ο et ρ ; quant à L 22, son modèle apparaît aux chants α (trois occurrences), δ, θ, λ (quatre occurrences), ο, π et ω (deux occurrences), et connaît une variante au chant ρ. Mais on ne peut, là non plus, en tirer aucune conclusion, puisque Nonius ne livre qu’un fragment d’emplacement certain (L 18, attribué à τ).

Festus, qui transmet des fragments d’emplacement certain attribués à β (L 3), θ (L 8, L 9) et κ (L 15, L 16), ne cite qu’un fragment traduisant un vers récurrent. Il s’agit de L 23, dont le modèle apparaît en α et π. Dans la mesure où les fragments d’emplacement certain se rapportent à des vers de la première moitié de l’Odyssée homérique, il peut être tentant d’attribuer L 23 à α. Mais je ne crois pas qu’il y ait là un argument assez solide pour écarter définitivement une éventuelle attribution à π.

Reste enfin L 25, dont le modèle se rapporte à ε (deux occurrences) ou à χ.

Toutefois, la méthode proposée ici ne peut tout simplement pas s’appliquer, puisqu’il s’agit du seul fragment d’Andronicus transmis par le Seruius auctus. Dans la mesure où l’on ignore largement comment l’interpolateur se documentait, il serait abusif d’écarter l’une ou l’autre des attributions possibles.

L 19

Prisc. Gramm. II 305, 10 excipitur unum, quod tam in e quam in i facit uocatiuum, quamuis sit appellatiuum, o filie et o fili. L i u i u s A n d r o n i c u s i n O d i s s i a  :

pater noster Saturni filie Cod. : ABDGHKLR.

liuius] leuius GKL || odissia] odyssia RH odisia GL.

1 noster] -tri Rac || saturni] -ri Kac || filie] filiae RDac || post filie add. regnator Gue i. a.

supreme Mue i. a. rex summe Kor.

α 45 = α 81 = ω 473 ὦ πάτερ ἡμέτερε Κρονίδη.

Cf. N 7 deum regnator. N 49 regnatorem marum. Plaut. Capt. 768 ; Men. 1114 Iuppiter supreme.

« Notre père, fils de Saturne ».

L’appartenance de L 19 à l’Odyssée latine est garantie par Priscien, qui lui attribue ce fragment explicitement. La critique rapporte communément L 19 à α 45 = α 81 = ω 473 ὦ πάτερ ἡμέτερε Κρονίδη ὕπατε κρειόντων. Les trois occurrences de ce vers apparaissent dans des discours adressés par Athéna à Zeus.

pater noster Saturni filie – La tradition manuscrite de L 19 est presque impeccable.

Les variantes nostri pour noster dans R et saturi pour Saturni dans K sont des bévues sans conséquences. Celle du manuscrit R a d’ailleurs été corrigée immédiatement par le copiste. Quant à la leçon filiae en RD, il s’agit d’un lapsus ou d’une banale confusion entre les lettres e et ę.

Les éditeurs, considérant apparemment L 19 comme un vers incomplet, ont fréquemment proposé d’insérer du texte après filie. On mentionnera notamment la conjecture de Guenther (1864 : 5), filie regnator, et celle de L. Mueller (1885a : 124), filie supreme. L’ajout de regnator peut s’appuyer sur le parallèle de N 7 deum regnator et N 49 regnatorem marum. Quant à la proposition de Mueller, la comparaison avec α 45 ὕπατε κρειόντων parle en sa faveur, de même que les parallèles avec Plaut. Capt.

768 et Men. 1114 Iuppiter supreme.130 La conjecture de Korsch (1868 : 83), rex summe, ne s’appuie en revanche sur aucun parallèle latin convaincant.131 Elle a malgré tout connu un certain succès parmi les critiques, après sa reprise par Baehrens (1886 : 37). Faute d’arguments décisifs en faveur d’une de ces conjectures, on renoncera à les intégrer au texte de L 19.

Si pater noster rend exactement πάτερ ἡμέτερε, l’expression Saturni filie trahit en revanche une intervention du traducteur. Andronicus remplace en effet par cette antonomase l’adjectif patronymique Κρονίδη ; sur ce procédé, cf.

§ 27a. Fränkel (1932 : 303) pense y déceler une certaine réticence, de la part du traducteur, à créer de nouveaux dérivés calqués sur le grec. Il a peut-être raison ; un adjectif Saturnie aurait été possible, mais cette formation n’est pas attestée avant Enn. Ann. 456.

Andronicus a-t-il inventé lui-même l’identification de Kronos avec Saturne ? Je partage à ce sujet la conclusion de Flores (2002 : 45) : « che Andronico, nella seconda metà del III sec. a. Cr., possa essere stato l’autore del conguaglio Saturno-Kronos, è possibile, ma non sicuro ». À supposer qu’Andronicus en ait été le responsable, on ne pourra que spéculer quant aux motivations de ce choix ; pour une hypothèse originale à ce sujet, cf. par exemple Schmidt (1996 : 297–300).

Pour le vocatif -ie des thèmes en -io-, cf. § 68.

130 Parallèles signalés notamment par Lenchantin de Gubernatis 1936 : 10.

131 Erasmi 1975 : 58.

§ 173

§ 174a

§ 174b

§ 174c

L 20

Prisc. Gramm. II 231, 10 (uide L 5) L i u i u s i n O d y s s i a  :

mea puera, quid uerbi ex tuo ore † supra † fugit ? Cod. : ABDGHKLR.

liuius] lybius Dac lyuius Dpc libius K || odyssia] odissia BKR odisia GL.

1 puera] puera mea puera Ste puer mea puer Bot puer Bae coll. L 35 || ore supra fugit] o.

s. fuit ADHLac o. profugit Ste o. subterfugit Her o. supera fugit Fleckeisen o. aufugit Kor coll.

L 35 o. superat Hav o. fugit Mue fort. recte oris saepe fugit Birt.

α 64 = ε 22 (= τ 492) = ψ 70 τέκνον ἐμόν, ποῖόν σε ἔπος φύγεν ἕρκος ὀδόντων.

« Ma fille, quel mot s’est échappé de ta bouche ? ».

L’attribution de L 20 à l’Odyssée latine est garantie par Priscien, qui transmet ce fragment avec une indication de titre explicite. Son modèle homérique est reconnu unanimement par la critique depuis Hermann (1816 : 618) ; il s’agit du vers α 64 = ε 22 (= τ 492) = ψ 70 τέκνον ἐμόν, ποῖόν σε ἔπος φύγεν ἕρκος ὀδόντων. Cette formule exprime la surprise ou le courroux d’un personnage face à un interlocuteur parlant avec trop de véhémence. Sur les quatre occurrences de ce vers, trois sont adressées à des personnages féminins, justifiant la traduction de τέκνον ἐμόν par mea puera : α 64 et ε 22, Zeus à Athéna ; ψ 70, la nourrice Euryclée à Pénélope. On peut en revanche écarter τ 492, où Euryclée s’adresse à Ulysse. L’identification de L 20 avec un vers récurrent impose de classer ce fragment parmi ceux dont l’emplacement est incertain.

On peut relever entre L 20 et son modèle homérique les points de rencontre suivants : mea puera rend τέκνον ἐμόν par une séquence de cinq brèves visant à exprimer l’irritation du personnage qui prononce ce vers ;132 quid uerbi correspond à ποῖόν … ἔπος (cf. § 177) ; ex tuo ore offre un équivalent à la difficile métaphore homérique de l’ἕρκος ὀδόντων ; quant au texte transmis sous la forme supra fu-git, il est probablement corrompu (cf. § 178), mais on y distingue sans peine une traduction du verbe φύγεν.

Charisius attribue à l’Odyssée latine un fragment de contenu très proche, L 35 mea puer, quid uerbi ex tuo ore audio ? La ressemblance de cette citation avec celle de Priscien est frappante, puisque les deux textes ne diffèrent l’un de l’autre que sur deux points : d’une part, L 20 puera en face de L 35 puer ; d’autre part, L 20 supra fugit en face de L 35 audio. Faut-il rejeter le témoignage de Charisius comme fautif ? Ou au contraire doit-on préférer sa version à celle de Priscien ? À moins, bien sûr, qu’il ne soit possible de concilier les deux témoins.

Il se peut, comme l’admettent communément les éditeurs, que l’une des citations soit inexacte. Si c’est le cas, on écartera la leçon audio, qui constitue manifestement une lectio facilior en face de supra fugit. Sans doute Charisius suivait-il une source

132 Cette interprétation m’a été suggérée oralement par Peter Kruschwitz, que je remercie.

§ 175a

§ 175b

incomplète ou corrompue, qu’il aura corrigée de façon à produire un sens satisfaisant à ses yeux. En revanche, il faut renoncer à trancher entre puer et puera. À en croire Priscien, Andronicus employait en alternance l’une et l’autre variante : cf. L 40 puerarum, cité par Prisc. Gramm. II 231, 12, à côté de L 5 sancta puer, cité par Prisc.

Gramm. II 232, 3. Une décision n’est pas possible dans ces conditions, puisque Charisius avait autant de chances que Priscien de reposer sur une source fautive.

Mais on ne peut exclure, d’un autre côté, que les témoignages de Priscien et de Charisius soient tous deux fiables. Comme l’observe à juste titre Knoche (1928 : 694), Andronicus a pu proposer deux traductions différentes de deux occurrences distinctes de son modèle homérique. Il aura, dans un cas, rendu τέκνον par puera et φύγεν ἕρκος ὀδόντων par supra fugit ; en une autre occasion, il aura préféré puer et remplacé la métaphore homérique par le verbe audio, qui produisait une expression plus plate, mais aussi plus explicite.

Je ne vois pas d’argument permettant de trancher entre l’hypothèse communément admise et celle de Knoche. Si un seul des deux fragments est correct, il s’agira de L 20, puisque supra fugit est la lectio difficilior. On pourra donc le maintenir, comme proposé ci-dessus, parmi les fragments d’emplacement incertain. On rangera en revanche L 35 parmi les dubia, dans l’impossibilité de savoir si audio est une corruption due à la tradition ou une variante choisie délibérément par Andronicus.

mea puera – Bien que la leçon mea puera soit transmise unanimement, les éditeurs anciens ont tenté de l’améliorer de trois façons : Stephanus (1564 : 147) répète le vocatif et propose mea puera, mea puera ; Baehrens (1886 : 37) remplace puera par puer ; enfin, Bothe (1834 : 17) combine les deux approches en imprimant mea puer, mea puer. Aucune de ces interventions ne se justifie. La variante redoublée mea puera, mea puera ne repose que sur l’autorité de l’édition aldine,133 et n’est transmise par aucun des témoins retenus par Hertz. Mais même si elle devait apparaître dans un manuscrit, il s’agirait plus probablement d’une dittographie accidentelle que de la leçon correcte ; c’est du moins ce que suggère la comparaison avec le modèle homérique, où τέκνον ἐμόν n’est pas répété. La même critique peut être adressée à la variante de Bothe. Quant à la conjecture de Baehrens, elle vise à aligner L 20 sur L 5 sancta puer et L 35 mea puer, mais une telle mesure d’unification est sans doute superflue. Tout indique, en effet, que deux formes concurrentes, le thème en -o féminin puer et le thème en -a puera, coexistaient en latin préclassique (cf.

§ 71). Pourquoi ne pas admettre qu’Andronicus ait pu les utiliser en alternance ? On s’en tiendra donc à la leçon transmise mea puera.

quid uerbi – Pour la tournure avec génitif partitif quid uerbi, équivalente à quod uer-bum ou quae uerba, cf. Hofmann/Szantyr (1972 : 52–53) ; Ernout/Thomas (1953 : 49).

133 Cf. Hermann 1816 : 618.

§ 175c

§ 176

§ 177

supra fugit – On ignore comment interpréter supra. Il ne s’agit probablement pas d’un préverbe, *suprafugio n’étant pas attesté, ni d’une préposition, puisque son régime manquerait. Cependant, supra ne semble pas non plus être ici un adverbe.

On s’attendrait, pour rendre l’image homérique de l’ἕρκος ὀδόντων, à un adverbe indiquant la direction de la fuite (« vers le haut ») ; or, la valeur de supra n’est pas directionnelle, mais locale (« au-dessus, en haut, ci-dessus » uel sim.). Cet emploi apparemment fautif de supra a conduit plusieurs éditeurs à remplacer supra fugit par un texte conjectural.

Toutefois, aucune des propositions avancées par la critique n’est entièrement satisfaisante. Stephanus (1564 : 147) corrige en profugit, une solution au sens acceptable, mais imparfaitement motivée au plan paléographique. La même critique vaut pour le subterfugit de Hermann (1816 : 618), à moins d’imputer la corruption à une abréviation mal résolue. Le supera conjecturé par Fleckeisen (1864 : 13) n’est pas attesté avant Lucrèce, et au plan sémantique, il suscite les mêmes problèmes que supra. La conjecture de Korsch (1868 : 114), aufugit, se justifie sans doute comme un moyen terme entre le texte de Priscien et celui de Charisius ; mais d’un autre côté, elle rend insuffisamment compte de la leçon transmise supra. Quant à la variante superat, il suffit de lire les pages que lui consacre Havet (1880 : 377–378) pour comprendre qu’elle requiert un scénario trop élaboré. On rejettera enfin le texte de Birt (apud Bergfeld 1909 : 112) ; celui-ci propose de restituer la métaphore homérique par ex tuo oris saepe fugit, où saepe doit s’interpréter comme l’ablatif de saepes « haie, enclos ». Une telle correction s’apparente plus à une rétroversion qu’à une conjecture.

On comprend, dans ces conditions, que L. Mueller (1885a : 124) ait préféré exclure supra. Mueller soupçonnait cette leçon de s’être introduite dans le texte de Priscien par contamination avec une glose, qu’il reconstruisait comme s(cilicet) puera.

Mais si supra provient d’une glose, on pourrait aussi bien penser à une indication marginale comme uide supra. La présence d’annotations marginales ou interlinéaires n’aurait rien de surprenant dans ce passage particulièrement complexe et riche en citations. Quoi qu’il en soit, faute d’arguments décisifs en faveur de l’exclusion ou de la correction de cette leçon, on maintiendra supra entre cruces.

L 21*

Non. p. 544, 21 polybrum : quod Graeci χέρνιβα, nos trullium uocamus. L i u i u s  : argenteo polubro, aureo eglutro

Cod. : AA BA CADA.

polubro Ste : polybro codd. || aureo] et aureo Iu auro Pas || eglutro Mu : et glutro codd. gutto Iu ex gutto Gue eclutro Bae.

α 136–138 = δ 52–54 = η 172–174 = κ 368–370 = ο 135–137 = ρ 91–93 χέρνιβα δ’ ἀμφίπολος προχόῳ ἐπέχευε φέρουσα | καλῇ χρυσείῃ, ὑπὲρ ἀργυρέοιο λέβητος, | νίψασθαι.

« Dans une cuvette en argent avec une aiguière d’or ».

§ 178

Nonius cite L 21 sous le seul nom de Livius, sans préciser s’il s’agit de Tite-Live ou d’Andronicus. La première hypothèse n’a jamais été admise par la critique, et je ne vois pas de nouvel argument allant en ce sens. Si ce fragment appartient à Andronicus, la balance penche sans doute possible en faveur d’une attribution à l’Odyssée latine. L 21 est en effet communément rapproché du passage récurrent α 136–138, et une scansion dramatique est pratiquement impossible.

L 21 offre selon toute vraisemblance une traduction partielle des vers α 136–138 χέρνιβα δ’ ἀμφίπολος προχόῳ ἐπέχευε φέρουσα | καλῇ χρυσείῃ, ὑπὲρ ἀργυρέοιο λέβητος,

| νίψασθαι.134 Ce passage, répété littéralement dans plusieurs scènes d’hospitalité,135 offre une description standard des ablutions pratiquées avant un banquet. Il montre une servante apportant l’eau lustrale (χέρνιψ) et versant celle-ci au moyen d’une aiguière (πρόχοος) en or au dessus d’un bassin (λέβης) en argent. On placera L 21 parmi les fragments d’emplacement incertain, puisque son modèle homérique est un texte récurrent.

argenteo polubro – D’après Lindsay, toute la tradition porte la leçon polybro. Mais la graphie avec y est injustifiée.136 Selon toute vraisemblance, polubrum (< *po-lou-dhro-) dérive de la même racine que lauo « laver ».137 Il s’agit donc d’un nom hérité, et non d’un emprunt au grec.

Nonius cite L 21 pour illustrer l’équivalence de polubrum avec χέρνιψ « eau lustrale », mais il confond certainement ce nom avec son dérivé χέρνιβον « bassin » ;138 la confusion a pu résulter de l’ambiguïté de la forme χέρνιβα, accusatif singulier de χέρνιψ et pluriel de χέρνιβον. Malgré l’interprétation proposée par Nonius et la présence de χέρνιψ dans le modèle homérique, polubrum rend ici plus probablement λέβης. En effet, l’adjectif argenteo, accordé à polubro, correspond à ἀργυρέοιο, qui accompagne quant à lui λέβητος.

H. Fränkel (1932 : 305) prend argenteo polubro pour un ablatif instrumental coordonné avec aureo eglutro. Andronicus aurait ainsi simplifié la syntaxe en remplaçant par deux instrumentaux une structure qui comportait en grec un datif à valeur instrumentale et un groupe prépositionnel. Il n’y a toutefois pas lieu de suivre Fränkel sur ce point. Pieraccioni (1953 : 318) voit dans argenteo polubro un datif de direction reproduisant la valeur locale du groupe ὑπὲρ ἀργυρέοιο λέβητος, et aucun argument décisif n’a été avancé contre cette interprétation.

aureo eglutro – Les manuscrits portent aureo et glutro. Ce texte dépourvu de sens est repris presque à l’identique par Stephanus (1564 : 150), qui imprime et aureo et glutro. Iunius (1565 : 569) soupçonne derrière glutro une forme corrompue du mot

134 Modèle proposé pour la première fois par Hermann 1816 : 619.

135 Autres occurrences de ces vers : δ 52–54 = η 172–174 = κ 368–370 = ο 135–137 = ρ 91–93.

136 Des doutes sont déjà exprimés à ce sujet par Knoche 1928 : 692–693.

137 Ernout/Meillet/André 1985 : 520.

138 Sur ces deux formes et leurs sens respectifs, cf. Chantraine 1999 : 1254.

§ 179

§ 180a

§ 180b

§ 181a

guttus, désignant un vase à col étroit destiné à verser un liquide goutte à goutte ; pour cette signification, cf. Varro Ling. 5, 124 qui uinum dabant, ut minutatim fun-derent, a guttis guttum appellarunt. Le substantif guttus est bien attesté par ailleurs : cf. par exemple Hor. Sat. 1, 6, 118 ; Iuu. 3, 263 ; 11, 158. Iunius corrige donc le texte transmis en et aureo gutto « et un vase d’or ». Guenther (1864 : 6) propose pour sa part aureo ex gutto « depuis un vase d’or ». Pascoli (1927 : 1) reprend la conjecture de Guenther, mais imprime, sans doute par erreur, auro au lieu d’aureo.

Ces conjectures sont aujourd’hui abandonnées au profit de la variante aureo eglu-tro, due à C. O. Mueller (1839 : 396).139 Le mot eglutrum serait selon lui un emprunt au grec ἔκλουτρον (← λούω « laver »), attesté par Poll. 10, 46, 7. La graphie latine avec g constituerait une adaptation à la réalisation phonétique [gl] du groupe consonantique /kl/ entre voyelles. Le substantif eglutrum ne connaît aucune attestation en dehors de L 21, mais il pourrait en subsister quelques traces dans les recueils de notae Ti-ronianae ; voir les exemples rassemblés par Kapp/Meyer (ThlL V 2 p. 249, 19–23).

Dans ces conditions, la conjecture de Mueller constitue évidemment une lectio dif-ficilior préférable aux variantes proposées par Iunius et Guenther.

Baehrens (1886 : 38) suit Mueller, mais propose la graphie eclutro, plus proche de la forme phonologique du mot grec ἔκλουτρον. Flores (2011a : 6) adopte lui aussi la graphie avec c, mais pense manifestement, comme en L 13, à une notation par <c> du son [g] ; pour une critique de cette hypothèse, cf. § 59. Quelle que soit la motivation de cette correction, la conjecture eclutro rend moins bien compte de la leçon manuscrite et glutro que la variante proposée par Mueller. On imprimera par conséquent aureo eglutro.

L’ablatif instrumental aureo eglutro offre une contrepartie exacte à προχόῳ … χρυσείῃ. Le reste du modèle homérique devait être traduit dans le contexte aujourd’hui perdu de L 21. Faisait peut-être exception l’épithète καλῇ, que le traducteur a pu supprimer selon une pratique attestée plusieurs fois (cf. § 26a).

L 22*

Non. p. 509, 29 disertim dicere plane, palam Titinio auctore possumus (… [Titin. Com. 150 ; Plaut. Stich. 241 ; Acc. Trag. 350]). L i u i u s  :

tuque mihi narrato omnia disertim Cod. : AA BA CADA.

tuque] tumque Ste.

α 169 = α 206 = α 224 = δ 486 = θ 572 = λ 140 = λ 170 = λ 370 = λ 457 = ο 383 = π 137 = ω 256 = ω 287 ἀλλ’ ἄγε μοι τόδε εἰπὲ καὶ ἀτρεκέως κατάλεξον.

? γ 97 = δ 327 ἀλλ’ εὖ μοι κατάλεξον ὅπως ἤντησας ὀπωπῆς.

~ ρ 44 ἀλλ’ ἄγε μοι κατάλεξον, ὅπως ἤντησας ὀπωπῆς.

« Et toi, raconte-moi tout en détail ».

139 C. O. Mueller a proposé cette conjecture dans les notes supplémentaires à son édition de Festus.

Elle a fait son apparition dans les éditions de Nonius avec celle de L. Mueller 1888 : 214.

§ 181b

Nonius cite L 22 sous le seul nom de Liuius, mais il s’agit plus probablement d’Andronicus que de l’historien. Du moins l’attribution à Tite-Live n’a-t-elle jamais été retenue, et je ne vois pas de nouvel argument en sa faveur. Si ce fragment appartient à Andronicus, il faut exclure une origine dramatique. Certes, tuque mihi narrato suggère une ouverture de septénaire trochaïque avec mihi en abrégement iambique, mais le type avec césure après le septième élément est rare.140 Une attribution à l’Odyssée latine semble plus probable, d’autant que L 22 trouve un modèle homérique satisfaisant dans le vers récurrent α 169 ἀλλ’ ἄγε μοι τόδε εἰπὲ καὶ ἀτρεκέως κατάλεξον.141

On rejettera en revanche le modèle alternatif proposé par Düntzer (1838 : 42), qui tire un parallèle avec γ 97 = δ 327 ἀλλ’ εὖ μοι κατάλεξον ὅπως ἤντησας ὀπωπῆς

~ ρ 44 ἀλλ’ ἄγε μοι κατάλεξον, κτλ. À la différence d’α 169, ce rapprochement ne permet pas de rendre compte d’omnia (cf. § 185b).

tuque – On ne trouve pas, en α 169, de contrepartie littérale à tuque, mais en tant que formules d’interpellation, ἀλλ’ ἄγε et tuque remplissent des fonctions analogues.

Stephanus (1564 : 150) imprime tumque, sans doute par erreur. Cette variante n’a aucun appui ni dans la tradition manuscrite, ni dans le modèle homérique.

mihi narrato – Le groupe mihi narrato correspond manifestement à μοι … εἰπὲ καὶ … κατάλεξον. Andronicus aura réduit à un seul verbe l’expression pléonastique εἰπὲ καὶ … κατάλεξον, suivant sa tendance à l’abrégement (cf. § 26b).

omnia disertim – Nonius cite L 22 pour illustrer l’emploi de disertim au sens de plane, palam. Cette glose est conforme à l’étymologie admise par les modernes pour cet adverbe. Schaffner-Rimann (1958 : 29–30) y voit en effet une formation déverbative passive, disertim étant dérivé du participe disertus de disserere. Si cette

omnia disertim – Nonius cite L 22 pour illustrer l’emploi de disertim au sens de plane, palam. Cette glose est conforme à l’étymologie admise par les modernes pour cet adverbe. Schaffner-Rimann (1958 : 29–30) y voit en effet une formation déverbative passive, disertim étant dérivé du participe disertus de disserere. Si cette

Im Dokument Fragmenta Saturnia heroica (Seite 154-183)