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Indices de contrainte métrique ?

Im Dokument Fragmenta Saturnia heroica (Seite 87-154)

2 Morphologie flexionnelle

6 Indices de contrainte métrique ?

J’ai déjà exprimé mon refus de me prononcer sur la nature métrique du vers saturnien (cf. § 1b et § 2).52 Cependant, il ne faut pas oublier que les savants qui ont traité des épopées saturniennes avaient souvent sur leur versification des opinions qui ont influencé leurs principes d’édition. Une historiographie exhaustive des différentes théories relatives au principe de versification du saturnien excéderait certes le propos de mon étude ; mais il est sans doute utile d’évoquer ici les principales orientations théoriques adoptées à ce sujet par les critiques d’Andronicus et de Naevius.53

On peut, en substance, opposer deux courants principaux : l’un formé par les tenants d’une versification quantitative et l’autre par ceux d’une versification accentuelle. L’approche quantitative postule que le schéma du vers saturnien est défini par une alternance de syllabes comptant comme longues ou comme brèves.

Quant à la thèse accentuelle, elle identifie le principe de versification du saturnien à une alternance de syllabes accentuées et de syllabes atones. À ces deux courants s’ajoutent quelques contributions isolées ne s’inscrivant pas directement dans le cadre du débat entre accentualistes et quantitativistes.

La première formulation connue d’une théorie quantitative du saturnien remonte à l’Antiquité. Elle est due au poète et grammairien Caesius Bassus.54 Celui-ci propose en effet du vers saturnien une définition utilisant les concepts de la métrique lyrique grecque, qui est de nature quantitative : cf. Bass. Gramm. VI 266, 8 hic enim satur-nius constat ex hipponactei quadrati iambici posteriore commate et phallico metro.

Le saturnien décrit en ces termes est le célèbre vers adressé à Naevius par la famille des Caecilii Metelli, vers que Bassus vient de proposer comme exemple canonique de saturnien : cf. Bass. Gramm. VI 266, 7 ex omnibus istis (sc. uersibus Saturniis) qui sunt asperrimi et ad demonstrandum minime accommodati, optimus est quem Metelli proposuerunt de Naeuio aliquotiens ab eo uersu lacessiti : malum dabunt Metelli Naeuio poetae.55 À la suite de Bassus, tout au long de l’Antiquité, les métriciens s’accordent à reconnaître le caractère exemplaire du vers des Metelli.56 Et même à l’époque moderne, les éditeurs antérieurs à Leo (1905) corrigent volontiers

52 J’ai présenté une version antérieure de ce chapitre au 3. Indogermanistisches Forschungs-kolloquium (Université de Vienne, 20–21 avril 2017) sous le titre « Anomalies linguistiques et contraintes métriques dans les saturniens ».

53 Pour une bibliographie complète sur le vers saturnien et sa métrique, cf. Harsh 1958 (jusqu’en 1955), Ceccarelli 1991 (de 1956 à 1990) et Cupaiuolo 1995. Pour une synthèse des publications plus récentes portant sur le vers saturnien, cf. Mercado 2012 : 40–53.

54 Sur cet auteur, responsable de la transmission de deux fragments de la Guerre punique, cf.

annexe II 2.

55 Sur ce passage de Caesius Bassus, cf. Kruschwitz 2002b : 472–481.

56 Cf. notamment Ps. Mar. Victorin. Gramm. VI 139, 16 ; Sacerd. Gramm. VI 531, 14 ; Seru.

Gramm. IV 466, 5.

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les fragments saturniens pour les conformer au schéma métrique proposé par Bassus.

Ainsi Ritschl (1869 : 55 adn. *) conjecture-t-il ambas pour ambae en N 2 flentes am-bae abeuntes lacrimis cum multis, afin d’éviter un hiatus qui écarterait le vers de la forme canonique ; pour d’autres conjectures metri gratia destinées à préserver le schéma métellien, cf. § 105a, § 146a, § 187 et § 331.

Après Leo, les métriciens du 20e s.57 ont tenté d’affiner le schéma quantitatif du saturnien. Selon leurs vues, ce vers se composerait de deux cola trouvant leur origine dans la poésie lyrique : le premier serait un dimètre iambique (éventuellement catalectique), et le second un ithyphallique, un reizianum ou un dimètre iambique.58 C’est à une conception de cet ordre que se réfèrent les éditeurs qui, comme Lenchantin de Gubernatis (1936), Mariotti (1986 ; 2001) et Flores (2011a ; 2011b), accompagnent les fragments saturniens d’un schéma quantitatif.

Quant à la conception accentuelle du saturnien, il n’est pas certain que des théoriciens antiques l’aient admise. Le seul indice allant dans ce sens provient d’un commentaire de Servius aux Géorgiques de Virgile : cf. Seru. Georg. 2, 385 uersibus incomptis ludunt : id est carminibus Saturnio metro compositis, quod ad rhythmum solum uulgares componere consuerunt. On a parfois voulu, avec Todd (1940), comprendre l’expression ad rythmum

… componere comme une allusion à une technique de versification accentuelle. Mais une telle interprétation ne va pas sans mal, puisque le même Servius, dans son De cen-tum metris décrit le saturnien en des termes clairement quantitatifs : cf. Seru. Gramm.

IV 466, 5 saturnium constat dimetro iambico catalectico et ithyphallico, ut est hoc : Isis pererrat orbem crinibus profusis.59

Quoi qu’il en soit, plusieurs métriciens modernes ont développé des théories faisant reposer le principe de versification du saturnien sur l’alternance de syllabes atones et accentuées. Parmi les éditeurs d’Andronicus et de Naevius suivant un système accentuel, il faut mentionner en premier lieu Thurneysen (1885 = Thu) et Lindsay (1893 = Lin).60 On signalera aussi l’édition de Bartsch (1867 = Bar), dont l’objectif était de rapprocher le vers saturnien de la Langzeile germanique. L’approche accentuelle est tombée en désuétude au début du 20e s., victime de l’essai publié par Leo (1905). Elle a cependant connu récemment un nouveau développement avec le livre de Mercado (2012).61

Enfin, il faut signaler quelques tentatives visant à sortir du cadre de l’opposition entre théories accentuelles et quantitatives. Freeman (1998) propose ainsi un système

57 Notamment Pasquali 1936 et Campanile 1963, dont les vues sont reprises par Boldrini 1999 : 86–90. Pour une critique de leurs théories, cf. Mercado 2012 : 41–43.

58 Pour cette formulation de la théorie quantitative, cf. Blänsdorf 1989 : 44 et Mercado 2012 : 42. Sur le dimètre iambique, l’ithyphallique et le reizianum, cf. Boldrini 1999 : 101–102 ; 112 ; 133.

59 Sur l’interprétation de ces deux textes de Servius, cf. Kruschwitz 2002b : 495–496.

60 Pour une critique des théories de Thurneysen et de Lindsay, cf. Mercado 2012 : 48–51 ; pour une évaluation générale des approches accentuelles, cf. Blänsdorf 1989 : 50.

61 Pour une critique des thèses de Mercado et une réponse quantitativiste à celles-ci, cf. De Melo 2014.

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d’inspiration essentiellement isosyllabique.62 Et plus récemment, Vaníková (2010) a tenté d’introduire une dimension quantitative dans un système fondamentalement accentuel. Selon son schéma, une syllabe accentuée alterne en principe avec une ou deux syllabes atones, tout en prévoyant des licences. Il est en effet possible, selon Vaníková, de remplacer une syllabe accentuée par une syllabe atone, pourvu qu’elle soit longue, ou de placer un accent secondaire sur une syllabe atone. Le saturnien serait ainsi une sorte d’hexamètre accentuel inventé par les premiers poètes latins pour le substituer à l’hexamètre quantitatif grec.

Cette évocation de quelques théories en vigueur illustre bien l’incertitude qui prévaut quant à la nature de la versification saturnienne. Mon intention n’est pas de départager ces diverses orientations théoriques, mais seulement de donner une base à la suite de mon aperçu linguistique. Il s’agit en effet de conclure ce chapitre par une discussion de quelques traits linguistiques constituant des indices possibles d’une contrainte liée à la versification dans les saturniens épiques ; ces indices seront regroupés en trois catégories : (1) ceux qui suggèrent une contrainte liée à l’élision (§ 87) ; (2) ceux qui suggèrent une contrainte liée au compte des syllabes (§ 88) ; (3) ceux qui suggèrent une contrainte liée au schéma quantitatif ou accentuel du vers (§ 89).

Toutefois, avant de passer à l’examen de cette question, une remarque méthodolo-gique s’impose. La présente édition vise, comme on le sait, à traiter des fragments d’épopée saturnienne sans se prononcer sur la nature de leur versification. Or, il est très difficile de déterminer, sans a priori métrique, où commence et où s’arrête un saturnien transmis par tradition manuscrite. Ceux-ci en effet, à la différence des saturniens épigraphiques, nous sont parvenus sans aucune marque de séparation entre les vers. Pour pallier cette difficulté, je propose d’admettre, à titre hypothétique, le principe suivant : dans les saturniens épiques, les fragments comprenant entre quatre et six mots peuvent sans grand danger d’erreur être interprétés comme des vers entiers. Dans ces conditions, on peut supposer que, le plus souvent, les auteurs qui citent des saturniens épiques font coïncider le début d’une citation avec le début d’un vers. C’est sur la base de ce principe hypothétique que je parle, dans la discussion qui va suivre, de « coupe centrale » (cf. § 88 et § 89), de « début de colon » et de « fin de vers » (cf. § 89b).

6.1 Indices de contraintes liées à l’élision

En plusieurs occasions, les poètes saturniens emploient concurremment des formes ou des désinences se terminant par une consonne ou par une voyelle : c’est le cas des ablatifs en -ā d à côté de -ā , et des génitifs en -ā s à côté de -ae. Si les variantes étaient distribuées en fonction du contexte phonologique, ces alternances pourraient être interprétées comme les indices d’une contrainte liée à l’élision. En effet, si par exemple une variante rare à finale consonantique précédait toujours un mot à

62 Sur la théorie de Freeman, cf. Mercado 2012 : 52–53.

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voyelle initiale, on pourrait supposer que le choix de cette variante vise à éviter un hiatus qui conduirait à l’élision.

C’est cette situation qui semble se présenter, s’agissant des ablatifs en -ā d/-ā  : on a vu (cf. § 65) qu’en N 2 Troiad exibant, la variante archaïque en -d précède un mot à voyelle initiale, tandis qu’en N 3 e Troia strenui uiri, la variante usuelle en -ā apparaît devant consonne. Toutefois, faute d’avoir plus d’exemples de la désinence -ā d, on ne peut pas affirmer que la distribution des variantes soit motivée par une telle contrainte.

Le cas des génitifs en -ā s ne permet pas plus de certitude. On aurait pu penser, ici aussi, à l’évitement du hiatus, mais une telle hypothèse ne s’applique qu’à L 28 escas habemus. En L 12, en revanche, la désinence -ā s précède une consonne. En L 10, N 9 et N 46, la forme concernée apparaît en fin de citation ; on ne peut, par conséquent, pas déterminer si elle précède une consonne, une voyelle, ou une fin de vers.

6.2 Indices de contraintes liées au compte des syllabes

Kruschwitz (2002a : 200) a observé dans les saturniens épigraphiques une tendance à préférer un agencement des mots respectant le schéma syllabique 2-2-3 – 3-3 (deux dissyllabes et un trisyllabe avant la coupe centrale, deux trisyllabes après la coupe centrale). On peut se demander si certains phénomènes linguistiques observés dans les FSH ne pourraient pas eux aussi révéler la même tendance.

Parmi les vers respectant ce schéma, on peut en citer deux qui présentent des particularités dans l’ordre des mots. Ainsi, on a vu que L 1 uirum mihi, Camena, insece uersutum se distinguait par l’hyperbate séparant uirum et uersutum (cf. § 77) ; il est remarquable que la séparation du substantif et de son adjectif permette précisément d’atteindre le « schéma idéal » de Kruschwitz, que la position normale de l’adjectif empêcherait.

Et N 2 lacrimis cum multis contient peut-être un autre indice du même ordre.

On sait en effet que le plus souvent dans les FSH, la préposition n’est pas enclavée (cf. § 79) ; mais dans le cas de N 2, le tour avec enclavement lacrimis cum mul-tis s’approche plus d’un second colon « idéal » que cum lacrimis multis. Il est par conséquent envisageable que l’enclavement de la préposition en N 2 soit motivé par la volonté de tendre vers ce schéma 2-2-3 – 3-3.

Mais d’un autre côté, il faut reconnaître qu’un grand nombre de fragments épiques saturniens en sont assez éloignés : cf. par exemple L 11 nexebant multa ter se flexu nodorum dubio. N 22 transit Melitam Romanus exercitus, insulam in-tegram ; urit, populatur, uastat, rem hostium concinnat. Dans ces deux fragments, même en admettant la possibilité d’une répartition sur plusieurs vers, le « schéma idéal » reste indécelable. Aussi, s’il existe dans les saturniens épiques une tendance à privilégier le schéma 2-2-3 – 3-3, celle-ci ne doit pas constituer une norme de versification obligatoire.

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6.3 Indices de contraintes liées au schéma quantitatif ou accentuel Enfin, une caractéristique fréquemment observée dans les vers saturniens est la position apparemment fixe qu’occupent les noms exprimant la filiation. Ainsi, dans les éloges des Scipions, le substantif « fils » est exprimé soit par fī lius, soit par prō -gnā tus : pour fī lius, cf. CIL I2 9 honc oino ploirume consentiont R[omane] / 63 duonoro optumo fuise uiro Cor[nelio] / Luciom Scipione. filios Barbati eqs. ;64 pour prō gnā -tus, cf. CIL I2 7 Gnaiuod patre prognatus, fortis uir sapiensque. 10 qua re lubens te in gremiu, Scipio, recipit / terra, Publi, prognatum Publio, Corneli.

Kruschwitz (2002a : 31) a observé que les mots prō gnā tus et fī lius semblent avoir une place attitrée dans le vers. En effet, dans les deux occurrences de prō gnā tus, ce mot est placé directement avant la coupe centrale du vers. Le mot fī lius, en revanche, est placé directement après cette coupe centrale. Certes, il serait hasardeux de tirer une conclusion à partir d’un échantillon aussi petit. Mais les saturniens littéraires semblent confirmer cette observation. En effet, plusieurs fragments d’Andronicus et de Naevius comportent des formes de fī lius (ou fī lia) et prō gnā tus. Pour fī lius, -a, cf. L 5 sancta puer Saturni filia regina. L 10 Mercurius cumque eo filius Latonas. L 12 nam diua Monetas filia docuit. L 19 pater noster Saturni filie. L 24 apud nympham At-lantis filiam Calypsonem. N 9 Rhuncus atque Porpureus, filii Terras. N 35 nouem Iouis concordes filiae sorores. Pour prō gnā tus, cf. N 14 sanctus Ioue prognatus, Pythius Apollo.

Si, comme il est probable, les auteurs qui transmettent ces fragments commencent leur citation au début d’un vers (cf. § 86e), on constate que les mots fī lius (ou fī lia) et prō gnā tus apparaissent dans les mêmes positions que dans les textes épigraphiques.

Il semble donc que l’emplacement attribué dans le vers à ces deux mots réponde à une exigence de la diction saturnienne.

Mais est-il légitime, pour autant, d’y voir avec Kruschwitz un « indice de contrainte métrique » ?65 Il me semble que oui. Certes, une composante stylistique entre aussi en ligne de compte, puisque, dans les trois occurrences de prō gnā tus, ce mot semble préféré à fī lius en raison de l’allitération avec Pythius, patre, Publi et Pu-blio. Mais la motivation stylistique n’intervient qu’au niveau du choix de mot. Une fois que prō gnā tus est préféré à fī lius, le poète n’a apparemment plus la possibilité de le placer dans la position suivant la coupe centrale.

Que l’emplacement réservé à ces mots soit lié à leur forme prosodique, c’est ce que confirment en outre d’autres exemples tirés des FSH. Ainsi en L 26 deque manibus dextrabus, le choix de dextrā bus plutôt que la forme attendue dextĕ rī s (ou à la rigueur dextrī s) apparaît motivé de la même façon ; dextrā bus présente en effet un schéma prosodique comparable à celui de prō gnā tus, et dextĕ rī s à celui de fī lius.

63 La barre oblique marque ici une fin de vers, non la fin d’une ligne de l’inscription.

64 À cet exemple, on ajoutera peut-être l’inscription de la Cista Ficoroni, CIL I2 561 Dindia Ma-colnia fileai dedit, s’il s’agit bien d’un saturnien ; à ce sujet, cf. Kruschwitz 2002a : 25–32.

65 Kruschwitz 2002a : 200 parle d’« Anzeichen metrischen Zwangs ».

§ 89a

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Et la même explication pourrait être envisagée pour L 29 partim errant nequinont Graeciam redire, où nĕ quī nont est préféré par Andronicus à nĕ quĕ unt.66 Enfin en L 1, la séquence Camena insece est inversée par rapport à l’ordre des mots du modèle homérique, α 1 ἔννεπε Μοῦσα ; cette inversion pourrait être causée par la volonté de placer le trisyllabe à pénultième longue Camē na avant la coupe centrale, et de reporter après celle-ci insĕ ce, avec sa pénultième brève.67

À ces exemples on pourra peut-être ajouter celui des adverbes interrogatifs quo-modo et quo pacto, dont la distribution accuse semble-t-il une contrainte analogue : pour quomodo, cf. N 9 inerant signa expressa, quomodo Titani ; pour quo pacto, cf. N 12 blande et docte percontat Aenea quo pacto eqs. Si la disposition du texte généralement adoptée est correcte, l’alternance entre les formes quomodo et quo pacto peut être motivée par leur emplacement dans le vers : quō mŏ do, dont le schéma prosodique est comparable à celui de fī lĭ us, apparaît comme lui en début de second colon (N 9) ; quo pacto en revanche, est attesté en fin de vers (N 12).

Si donc la distribution des variantes du type fī lius/prō gnā tus résulte du respect d’un principe de versification, peut-on déterminer si celui-ci est d’ordre quantitatif ou accentuel ? La réponse, cette fois, est non. En effet, les mots prō gnā tus et fī lius se distinguent par la quantité de leur avant-dernière syllabe, longue pour prō gnā tus, brève pour fī lius. Or, comme la place de l’accent dépend en latin de la quantité de l’avant-dernière syllabe, il est impossible de décider si c’est en vertu d’une différence quantitative ou accentuelle que la place respective de ces deux mots leur est attribuée dans le vers.68

En résumé, on sait que la position précédant immédiatement la coupe centrale est interdite à un mot comme fī lius et autorisée à un mot comme prō gnā tus ; on sait que l’inverse vaut pour la position suivant cette coupe ; en revanche, on ignore si c’est parce que prō gnā tus est accentué sur l’avant-dernière syllabe et fī lius sur l’antépénultième, ou si c’est parce que la pénultième est longue dans prō gnā tus et brève dans fī lius.

66 Cette motivation du choix de nequinont et de dextrabus est envisagée par Livingston 2004 : 15.

67 Cet exemple m’a été suggéré oralement par Rudolf Wachter, que je remercie.

68 Conclusion déjà formulée par Kruschwitz 2002a : 31 adn. 84.

§ 89c

1 Fragments dont l’emplacement est certain

Cette première section contient des fragments dont l’emplacement est garanti par la réunion de deux critères : d’une part, l’attribution explicite à l’Odyssée latine par les sources ; et d’autre part, un modèle homérique identifié avec un degré de certitude acceptable.

Je considère qu’un modèle homérique est identifié avec un « degré de certitude acceptable » lorsque se présente l’un des deux cas de figure suivants. Premièrement, lorsque le modèle homérique est unanimement admis par tous les critiques.

Deuxièmement, lorsque chaque élément du texte latin peut être ramené, soit (1) à une traduction plus ou moins littérale du grec ; soit (2) à une technique de traduction ou à une orientation esthétique d’Andronicus documentées dans d’autres fragments.

Et en ce qui concerne le critère du « témoignage explicite des sources », j’entends par là la mention littérale du titre de l’Odyssée latine, associée ou non au nom d’Andronicus : cf. par exemple L 2 (Prisc. Gramm. II 301, 22 Liuius Andronicus in Odissia) ou L 16 (Fest. p. 352 in Odyssia uetere). Font exception à ce principe L 7 (Char. Gramm. p. 256, 25 Liuius) et L 18 (Non. p. 368, 30 Titus Liuius), ainsi que L 9, ce dernier étant apparemment attribué à Naevius par sa source. Toutefois, le classement de ces trois fragments dans la présente section est motivé par des rapprochements avec des vers de l’Odyssée homérique : ζ 295–297 pour L 7, θ 138–

139 pour L 9 et τ 225–226 pour L 18. L’identification des modèles homériques de ces trois vers rend leur appartenance à l’Odyssée latine plus vraisemblable qu’une attribution à Naevius ou à Tite-Live.

Les fragments sont rangés suivant l’ordre d’apparition de leur modèle dans l’Odyssée homérique. Seuls sont présentés dans cette section les fragments dont le modèle correspond à un vers apparaissant une seule fois dans l’Odyssée homérique.

Les fragments dont le modèle est un vers récurrent sont rassemblés sous 2.1. Pour la raison de ce classement, cf. § 172.

§ 90

L 1

Gell. 18, 9, 5 ego arbitror et a M. Catone insecenda et a Q. Ennio insece scriptum sine u littera.

offendi enim in bibliotheca Patrensi librum uerae uetustatis L iu i i A n d r o n i c i , qui inscriptus est Ὀδ ύ σ σ ε ι α , in quo erat uersus primus cum hoc uerbo sine u littera : uirum mihi, Camena, insece uersutum

factus ex illo Homeri uersu.

Cod. : β.

liuii edd. : librum β.

1 insece β : inseque Velaza || uersutum β : uor- Kor Perutelli.

α 1 Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον.

« Raconte-moi, Camène, le héros rusé ».

L’attribution de L 1 à l’Odyssée latine est garantie par Aulu-Gelle. Son modèle homérique est identifié sans doute possible avec α 1 Ἄνδρα μοι ἔννεπε, Μοῦσα, πολύτροπον. Andronicus n’a pas exactement reproduit l’ordre des mots du vers grec, puisque la séquence Camena insece est inversée par rapport à ἔννεπε Μοῦσα.

Il en résulte que le nom de la divinité inspiratrice occupe en latin comme en grec une place prépondérante, juste avant la césure trochaïque en grec, et au centre de l’énoncé en latin. Cet ordre des mots a pu être conditionné par une règle de la

Il en résulte que le nom de la divinité inspiratrice occupe en latin comme en grec une place prépondérante, juste avant la césure trochaïque en grec, et au centre de l’énoncé en latin. Cet ordre des mots a pu être conditionné par une règle de la

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