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Il semble admis que la solution des problèmes économiques graves que nous rencontrons passe par une libéralisation accrue de tous les marchés.

C’est l’objectif des accords du GATT et c’est le dogme dominant.

Parmi les secteurs cités lorsqu’on parle de surprotection, la construction figure généralement en bonne place, avec l’agriculture. Et lorsqu’on cite les secteurs très cartellisés, on cite généralement également la construction, avec les banques et les assurances notamment. Je ne suis pas convaincu qu’il soit juste d’assimiler sans autre le secteur de la construction aux autres secteurs, tant en ce qui concerne le protectionnisme que la cartellisation.

Dans le premier cas, on oublie que, contrairement à d’autres secteurs très ouverts à l’importation et à l’exportation, la construction ne peut générale-ment pas faire voyager sa production mais doit faire voyager les hommes qui produisent. Cette simple évidence fixe des limites pratiques qui font que les interventions d’entreprises extérieures au lieu où s’effectuent les travaux sont rares. D’ailleurs, lorsqu’on parle de protectionnisme, on évoque généralement les travaux publics. Et, en effet, la construction dans le secteur privé a toujours été ouverte, n’a pas fait l’objet de règlement protectionniste et ne permet pourtant pas de constater l’intervention fréquente d’entreprises extérieures à la région où les travaux sont à effectuer.

Dans le second cas, il me paraît également difficile de parler de cartellisation dans la mesure où partout et dans tous les secteurs du bâtiment existe un nombre considérable d’entreprises, probablement trop important pour une saine gestion de l’activité, ce qui garantit un niveau de concurrence certaine-ment suffisant. Il est donc faux de parler de cartellisation même si une plus grande ouverture est nécessaire et que nous approuvons cet objectif.

F O R U M ’ 9 6 D E L A C O N S T R U C T I O N E T DU R B I S T I Q U E

Pourquoi la restructuration est-elle nécessaire?

Si les ravages d’un prétendu protectionnisme ne sont pas à l’origine des restructurations nécessaires, pourquoi le sont-elles néanmoins?

• Il semble évident que les nombreuses années de haute conjoncture, voire de surchauffe qui ont précédé 1991, n’étaient pas les plus propices aux restructurations pourtant indispensables. D’une part, les interve-nants dans la construction ont la mémoire courte et ne se souviennent généralement plus des crises qu’ils viennent de traverser dès que la conjoncture a redémarré. Les joies de la spéculation semblent paralyser les esprits. D’autre part, la suractivité n’est pas un aiguillon qui pousse à procéder aux adaptations technologiques et d’organisation nécessaires.

• Dans la construction, tous les concepteurs et tous les décideurs sont payés en pourcentage du prix de la réalisation. Si cette pratique n’est pas toujours une invitation à «en rajouter», elle ne stimule pas non plus la recherche d’économies!

• L’industrie de la construction a bénéficié d’une rente de situation extraor-dinaire par l’apport massif de la main-d’œuvre saisonnière. Les syndicats ont sans relâche dénoncé l’utilisation d’un statut inique, qui rend la main-d’œuvre qui lui est soumise vulnérable. Il était évidemment juste de dénoncer les aspects antisociaux de ce statut. Il aurait certainement été nécessaire également de dénoncer tous les aspects nuisibles de ce même statut pour l’évolution économique de la branche. La profusion de main-d’œuvre bon marché a de toute évidence ralenti l’évolution techno-logique nécessaire.

• L’effort de formation professionnelle, a, pour les mêmes raisons, été insuffisant pendant cette période. Il est donc là aussi nécessaire de rat-traper le retard accumulé.

• La suractivité des années 80 a provoqué un gonflement exagéré de l’ap-pareil de production et également la constitution de stocks importants en matière de locaux administratifs et commerciaux. Un redimensionne-ment est donc inévitable.

Oui à l’ouverture mais pas n’importe comment!

Puisque le secteur privé n’a pas été fermé et que la protection n’a pas été totale dans le secteur public, nous avons déjà de nombreuses expériences d’interventions d’entreprises extérieures dans les différentes régions.

Par exemple, si les entrepreneurs demandent volontiers aux collectivités publiques d’adjuger les travaux aux entreprises locales, ils ne sont eux-mêmes généralement pas opposés à sous-traiter une partie des travaux à des entreprises parfois fort éloignées. C’est ainsi que souvent ils sous-traitent à l’extérieur les échafaudages, le ferraillage ou le coffrage par exemple. Ils le font parfois dans des conditions qui font froid dans le dos!

En effet, je l’ai déjà dit, puisqu’il faut déplacer les hommes qui produisent, ce déplacement implique des frais supplémentaires. Pour qu’une entreprise, dont le siège est éloigné, soit concurrentielle au niveau des prix, elle fait sou-vent l’effort au détriment des conditions de travail du personnel.

JACQUES ROBERT OUI À LOUVERTURE, MAIS PAS NIMPORTE COMMENT!

C’est ainsi qu’il n’est pas rare que les salariés qui se déplacent soient sous-payés, ne soient pas indemnisés correctement pour leurs frais de déplace-ment ou de logedéplace-ment. Nous avons récemdéplace-ment trouvé une équipe de fer-railleurs qui dormaient dans la baraque de chantier, conçue pour y prendre la pause de midi, avec des cartons ondulés pour tout matelas. Ils étaient de plus tous clandestins et avaient des salaires tout à fait insuffisants pour vivre dans nos régions. Il est vrai que l’entreprise avait pu faire un prix extrêmement concurrentiel! Il convient d’avoir toujours en tête ce petit exemple lorsque l’on parle d’ouverture des marchés, et lorsque cette ouverture implique le dépla-cement des personnes.

Ce qui caractérise les conditions de travail dans la construction, malheureuse-ment, c’est toujours des bas salaires, la moyenne est inférieure à Fr. 4500.–

brut par mois, c’est toujours des durées du travail longues, nous en sommes encore à 45 heures en été, c’est toujours des risques importants pour la santé, tant en ce qui concerne les maladies que les accidents. Un travailleur sur trois est victime d’un accident chaque année.

Il est donc indispensable que les moyens soient donnés aux syndicats, aux associations patronales et aux autorités publiques de veiller à ce que les conventions collectives de travail soient strictement respectées et ce par toutes les entreprises, qu’il s’agisse des entreprises locales ou d’entreprises extérieures au lieu où les travaux s’effectuent.

Les principes suivants doivent donc être strictement respectés et contrôlés:

c’est la convention collective du lieu où s’effectuent les travaux qui doit être appliquée et respectée et ce dès la première heure de travail et quelle qu’en soit la durée;

• les indemnités de déplacement versées aux salariés doivent être suffi-santes pour compenser l’intégralité des frais et des inconvénients encourus;

• le temps de déplacement doit être inclus dans la durée du travail. Il est de bon ton aujourd’hui de prôner la mobilité des salariés. Admettons pourtant que, lorsque l’on doit déjà effectuer un travail physiquement éprouvant 9 heures par jour, il convient d’éviter d’ajouter à cette durée-là un temps de transport excessif chaque jour;

• toutes les entreprises sous-traitantes doivent être annoncées et sou-mises aux mêmes règles que l’entreprise adjudicataire;

• toute entreprise adjudicataire ou sous-traitante doit faire la démonstra-tion, avant l’adjudicadémonstra-tion, qu’elle dispose d’un effectif de salariés suffi-sant pour mener à terme les travaux qui lui sont confiés;

• une vérification efficace doit également permettre de s’assurer que toutes les obligations sociales des entreprises adjudicataires sont remplies.

L’objectif de telles mesures est évident: permettre une saine évolution de l’in-dustrie de la construction, permettre au client d’être sûr qu’il paie le juste prix pour une prestation de qualité et éviter que l’ouverture ne se fasse au détri-ment de la main-d’œuvre qui réalise effectivedétri-ment les travaux et sans laquelle rien ne pourrait se faire.

5-6 novembre 1996, Martigny

FORUM’96

DE LA CONSTRUCTION E T DU R B I S T I Q U E

Dr Niklaus Kohler Professeur à l’Université de Karlsruhe

Lausanne

Gestion de la qualité – entrave ou