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La Suisse dispose du taux d’épuration le plus élevé au monde. En 40 ans, plus de 30 milliards de francs ont été dépensés en raccordements aux égouts et en stations d’épuration. Aujourd’hui, pratiquement toutes les entreprises et tous les foyers sont raccordés à l’une des quelque 900 stations d’épuration.

Ces équipements incombent aux entreprises mais avant tout aux pouvoirs publics, qui les financent directement ou les subventionnent. Aujourd’hui, une partie de ce réseau se trouve vieilli, a besoin d’être complété par un réseau séparatif (pour éviter que le trop-plein de pluviosité aille encombrer les sta-tions d’épuration et en entrave le fonctionnement). Des dépenses de mise à jour importantes sont programmées.

Le problème des coûts du maintien de la ressource-eau est ainsi posé.

De même que celui du prix auquel elle est vendue par les distributeurs.

Le prix de l’eau se compose de ces deux éléments, et commence à devenir un enjeu public.

En effet, les fonctions de l’eau sont multiples:

– Biotope pour une faune et une flore variées – Réserve alimentaire (poisson)

– Espace de loisir et de régénération pour les hommes – Réservoir d’eau potable

– Source d’eau pour les réactions et processus chimiques, le refroidisse-ment et l’irrigation.

Il n’y pas, de plus, de marché de l’eau: la fixation du prix de l’eau relève d’une décision politique. Ces décisions se faisaient souvent de cas en cas, en privi-légiant les gros consommateurs, un peu comme dans le domaine de l’éner-gie. Jusqu’à présent ce prix faisait l’objet d’un calcul empirique, traduisant les calculs de rentabilité de l’entreprise qui avait la charge de la distribution, et des pondérations politiques. Il en résulte de grandes variations de prix selon les régions, et un manque général d’approche systématique, de transparence et de critères explicités.

F O R U M ’ 9 6 D E L A C O N S T R U C T I O N E T DU R B I S T I Q U E

Aujourd’hui, les sociétés de distribution sont soumises à une double influence. D’un côté, on leur demande de ne plus valoriser le gaspillage des ressources, donc de passer des rabais de quantité, des prix dégressifs, à des prix progressifs. De l’autre, de se gérer le moins possible comme un organe administratif mais comme un organe commercial.

Le débat sur le prix de l’eau nous conduit à examiner deux aspects.

D’une part, la structure d’approvisionnement.

Elle se subdivise à son tour en deux questions:

a) service public ou service privé?

La comparaison entre la Suisse et la France, mais aussi l’Amérique du Nord, est ici un bon terrain d’analyse.

b) intégration de tous les services chargés de l’eau, du captage et de la dis-tribution à l’assainissement, comme le prônait l’OCDE dans un rapport de 1985, ou séparation, comme cela est le cas généralement en Suisse, entre épurateurs et fournisseurs? Cette séparation se traduit aussi sur le plan des coûts: l’épuration est généralement payée par les impôts, la fourniture par le prix. La nouvelle approche fédérale d’appliquer à l’épura-tion aussi le principe de causalité fera que cette séparal’épura-tion deviendra plus difficile à maintenir. Elle ne concourt certainement pas à la clarté auprès du consommateur: si l’usager doit payer la totalité des coûts d’une prestation, il faut lui facturer les choses ensemble et de manière claire.

On pourra aussi examiner le modèle des agences de bassin françaises, première structure administrative à épouser une réalité environnementale.

D’autre part, les critères de formation du prixlui-même.

Il y a là trois niveaux:

1) Le prix de l’eau doit couvrir la totalité des coûts de sa préparation et de sa distribution. Ces coûts comprennent le traitement de l’eau potable mais aussi les travaux d’assainissement. Il appartient aux acteurs chargés de ces tâches de totaliser leurs coûts et de les récupérer auprès des usa-gers.

C’est la première étape de la vérité des prix, au niveau de l’acteur écono-mique de base, le fournisseur de la ressource, qui actuellement, comme dit plus haut, ne fixe pas toujours des tarifs économiquement rémunéra-teurs, s’agissant d’entreprises publiques.

2) En outre, sur le plan macro-économique, l’eau doit être vue non comme un bien dont le seul coût est celui de son maintien, de son extraction et de sa distribution, mais comme un facteur de production de base. En effet, sans eau, les échanges qui font la vie ne pourraient avoir lieu. Cette eau nous est assurée par le fonctionnement du cycle naturel évapora-tion-condensation-transport-retombée. Sa mise à disposition représente une contribution essentielle que l’économie doit payer à son juste prix.

Ce prix, comme celui de l’énergie, par exemple, ou d’autres ressources résultant du travail de la nature, doit être défini compte tenu de la com-position des éléments visés au point 1. Il s’agit essentiellement de défi-nir la valeur de maintien et du rétablissement de l’ensemble du régime

RENÉ LONGET TARIFICATION ET NOUVEAUX MODÈLES DE GESTION: LEXEMPLE DE LEAU

hydrologique: le prix total de l’eau doit garantir une gestion durable de la ressource.

3) Enfin, il y a la pondération politique en fonction des usagers. Le pouvoir politique en fonction de ses critères d’allocation peut fixer les prix, en vue de charger de manière différenciée les catégories d’usagers. En raison de considérations sociales, sanitaires, environnementales ou aussi de promotion économique, l’Etat fixera ainsi le prix de façon variable selon ses priorités et ses objectifs.

Cette façon de faire est absolument légitime, mais il importe que cela soit fait dans la clarté, et dans une troisième étape différente des deux premières.

Ainsi, les deux premiers points conduiront-ils à une hausse du prix de l’eau, et le troisième à une variable qui peut à nouveau amener un facteur de baisse.

La conférence des Nations Unies sur l’eau, tenue à Dublin en 1992, a demandé que d’ici l’an 2000 la gestion intégrée de l’eau soit réalisée au niveau local, national et international, réalisant par ailleurs le principe du pol-lueur-payeur. Elle constata que «la valeur économique de l’eau a été long-temps méconnue, ce qui a conduit à gaspiller la ressource et à l’exploiter au mépris de l’environnement».

La table ronde sur le thème de la «tarification des ressources et des effluents et nouveaux modèles de gestion, à l’exemple de l’eau» vise à mettre en dis-cussion les modèles administratifs, l’évolution du droit, les critères de défini-tion de la valeur économique de l’eau, et sur le nature juridique des opérateurs sur ces marchés très particuliers.

FORUM’96

DE LA CONSTRUCTION E T DU R B I S T I Q U E

Michel Carrard Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage Berne 5-6 novembre 1996, Martigny