J. Raumplanung und Fachplanungen bei der Biomasseproduktion
5. Fazit
La psychoacoustique se révèle être un outil puissant pour comprendre comment le système
auditif parvient à classifier les sources sonores et à les séparer. Les sons que nous percevons
proviennent généralement d’un ensemble de sources acoustiques. Les ondes acoustiques émises par
chacune de ces sources se propagent jusqu’à l’entrée de l’oreille où elles se combinent pour former
un signal sonore unique appelé « mixture ».
171Cette mixture sonore qui atteint nos oreilles doit être
interprétée par notre système auditif. Lorsque nous sommes entourés de signaux sonores provenant
de différentes sources, ce qui entre dans l'oreille est un agrégat de vibrations complexes où toutes les
sources sont entremêlées. Le rôle du système auditif est alors de déterminer ce qui appartient à quoi,
et de bâtir une image cohérente du monde sonore environnant. En résumé, l’analyse de scène auditive
se réfère à la capacité des auditeurs à analyser des scènes acoustiques complexes en objets cohérents.
Selon Laurel Trainor, cette aptitude auditive aurait des fondements très anciens dans l’évolution.
172La situation d’écoute la plus courante correspond à une situation où l’auditeur cherche à
comprendre ce qu’un locuteur dit alors que ses paroles sont noyées dans un bruit de fond.C’est l’effet
171 BREGMAN, Auditory scene analysis: The perceptual organization of sound, op. cit., 1990.
172 TRAINORLaurel J., « The origins of music in auditory scene analysis and the roles of evolution and culture in musical
« Cocktail Party »
173qui a été décrit en 1953 par Colin Cherry où il étudie l'attention auditive à l'aide
d'un protocole d'écoute dichotique qui sera réutilisé plus tard par Diana Deutsch. Il consiste à faire
entendre des signaux acoustiques distincts à chaque oreille à l'aide d'écouteurs. Pour Deutsch, cette
situation artificielle d'écoute permettra la découverte d'illusions auditives, alors que pour Cherry il
s'agit d'appréhender le pouvoir inhibiteur dans une situation de filtrage d'information. Nous
reviendrons sur les illusions perceptives avec les travaux notamment de Pressnitzer dans notre
quatrième sous-chapitre.
Les questions sur cette capacité essentielle de la perception auditive sont bien plus anciennes :
Helmholtz s'interrogeait déjà sur notre capacité à percevoir les qualités individuelles des instruments
de l'orchestre.
174« Selon lui [Helmholtz], l'observateur met en œuvre des lois perceptives qui donnent
naissance à l'interprétation la plus efficace de l'environnement. Ce type de raisonnement pourrait
expliquer pourquoi les lois gestaltistes ont été élaborées. »
175Pour réaliser cette analyse, l’auditeur
utilise des informations qui doivent caractériser les différentes sources acoustiques qu’il tente d’isoler.
C’est la représentation perceptive de ces traits acoustiques que l’on appelle « indices perceptifs ».
Grâce à ces indices, l'auditeur peut séparer la mixture en flux auditifs. Pour parvenir à effectuer cette
séparation, Bregman rend compte des processus d’analyse des scènes auditives, qui expliquent les
lois décrites intuitivement par les gestaltistes : bonne forme, continuité, proximité, similitude, destin
commun et clôture. Avec la collaboration du musicologue James Wright (1987)
176, Bregman introduit
la notion essentielle de « propriété émergente ». Steve McAdams nous explique à ce sujet que « les
propriétés des événements émergent de la fusion simultanée des informations acoustiques alors que
les propriétés des flux émergent de l'intégration séquentielle des événements. »
177173 CHERRY Edward Colin & TAYLOR, W. K., « Some experiments on the recognition of speech, with one and two ears
», Journal of the Acoustic Society of America, Vol. 26, 1953, p. 554-559.
174 HELMHOLTZ Hermann von (1877), On the sensations of tone (English translation A.J. Ellis, 1954), New York, Dover ;
traduction française, Théorie physiologique de la musique, fondée sur l’étude des sensations auditives. Trad. par Georges
GUEROULT et Auguste Desiré Bernard WOLFF, Paris, Masson et fils, 1868.
175 DEUTSCH Diana, Psychologie de la musique, PUF, 1994, p. 117.
176 WRIGHT James K. et BREGMAN Alfred S., « Auditory stream segregation and the control of dissonance in
polyphonic music », Contemporary Music Review, Vol. 2, n°1, 1987, p 63-92.
Vingt années de recherches sont alors réunies et publiées sous l'intitulé Auditory Scene
Analysis : Perceptual Organization of Sound
178, où Bregman condense tous les principes de l'analyse
de scènes auditives (ASA) sur les bases de deux grandes classes de mécanismes : les mécanismes de
ségrégation simultanée, qui traitent les événements sonores simultanés et les mécanismes de
ségrégation séquentielle, qui traitent les événements sonores ne se recouvrant pas dans le temps. En
étudiant ces mécanismes, certaines caractéristiques acoustiques permettant à des sons d’être séparés
ont pu être associées à des variables ou fonctions auditives. Ainsi, il a été montré que la sélectivité
fréquentielle était un des facteurs déterminant pour la perception de la hauteur fondamentale. Outre
la clarification de nos connaissances sur le fonctionnement de l’appareil auditif, ces études ont ouvert
des pistes de réflexion pour améliorer la réhabilitation des malentendants, et plus particulièrement en
milieu bruyant. Bregman explique :
Forgée par des informaticiens dans le domaine de la vision [...] l'« analyse de scènes » désigne la stratégie par laquelle l'ordinateur regroupe l'ensemble des propriétés visibles - pourtours, textures de surface, couleurs, distances, etc. - d'un même objet. Ce processus permet de déterminer la forme globale et les propriétés correctes d'un objet. Par analogie, l'analyse de scènes auditives est le processus réunissant en une unité perceptive l'ensemble des signaux provenant, dans une période de temps donnée, d'une seule source sonore de l'environnement.179
Les processus d'organisation séquentielle suivent plutôt les principes de similarité et de
continuité alors que les processus d'organisation simultanée reposent surtout sur le principe de destin
commun.
Bregman propose également une autre catégorisation de ces mécanismes. Lorsque le
processus de groupement/séparation se fait en groupant les éléments qui partagent un même indice,
nous parlons plutôt de processus « primaire ». Ce type de processus est communément étudier comme
178 BREGMAN Alfred S., Auditory scene analysis: The perceptual organization of sound, op. cit.
179 BREGMAN Alfred S., « L'analyse des scènes auditives : l'audition dans des environnements complexes »,
McADAMS Stephen et BIGAND Emmanuel, éd., Penser les sons, psychologie cognitive de l'audition, Paris, Presses
bottom-up (ascendant), c’est-à-dire que l’information permettant la ségrégation circule de la cochlée
vers le cerveau. Ces mécanismes devraient permettre d’exploiter de façon automatique les indices
extraits par les voies auditives primaires. Par contre, il ne faudrait pas mettre de côté une possible
contribution de processus basés sur des schémas de type top-down (decendants). Ce type de
mécanisme doit permettre d’exploiter nos connaissances a priori des sons qui nous sont familiers.
L’auditeur effectue un aller-retour entre les étapes perceptives élémentaires et les processus de
traitement de haut niveau (représentations mentales, prise de décision, inférence, interprétation).
Stephen McAdams résume sous forme d’organigramme les cinq processus de traitement de la
reconnaissance auditive :
:
Figure 49 : Schémas des étapes de traitement qui interviennent dans la reconnaissance et l’identification.180
180 MCADAMS Stephen, « La reconnaissance de sources et d'événements sonores », in S. McAdams et E. Bigand (éd.),
2.1. Le groupement simultané
Les mécanismes du groupement simultané reflèteraient le mieux notre capacité à comprendre
la parole dans le bruit par exemple. Spontanément, les auditeurs groupent ensemble les composants
acoustiques simultanés qui commencent et s'arrêtent en même temps. Les fréquences entendues sont
liées harmoniquement. Nous sommes par exemple capables de fusionner les harmoniques d’un
saxophone pour former une image auditive cohérente et reconnaissable de l’instrument.
181Les processus de ce type de groupement font appel aux indices suivants :
– L'harmonicité : lorsqu’un ensemble de sons présente des fréquences harmoniques
(multiples entiers de la fréquence fondamentale), celles-ci fusionnent. La perception de la
hauteur en est un bon exemple, car toutes les harmoniques fusionnent en une seule hauteur.
Ce processus « consiste plus en l’annulation d’un masque harmonique plutôt qu’en
l’extraction d’une cible harmonique. »
182– La localisation : « le système auditif tend à grouper les éléments acoustiques de même
provenance spatiale et à séparer ceux qui proviennent d’azimut différents »
183. Le système
auditif utilise donc des processus de localisation pour l’analyse des scènes auditives. La
spatialité s’avère être un indice majeur dans l’acte d’écoute d’un individu entouré d’autres
personnes conversant.
– Le synchronisme des attaques et des chutes : les sources concurrentes sont rarement
synchrones (sons commençant, variant et se terminant simultanément). Ainsi, une
asynchronie d'attaque donnera l'impression d'une perception d'objets multiples.
– Le synchronisme de modulation : quand plusieurs sources simultanées sont concurrentes,
181 LALITTE Philippe, Contribution de l’analyse de scène auditive à l’analyse de la performance. IXe congrès européen
d’Analyse musicale (CEAM - Euromac 9) / 9th European Music Analysis Conference, Juin 2017, Strasbourg, France.
182 PAQUIER Mathieu, « Traitement du bruit et de la parole par le système auditif chez l'entendant et le déficient auditif »,
Les Cahiers de l'Audition, Vol. 26, 2013, p. 19.
183 RENARD Christian et AZÉMA Bernard, Précis d’Audioprothèse, Production, phonétique acoustique et perception de
les sons modulés en amplitude et/ou en fréquence de façon identique sont regroupés.
2.2. Le groupement séquentiel
Comme le souligne le musicologue Philippe Lalitte, « le groupement séquentiel se fonde soit
sur le principe de similarité ou de continuité des évènements (hauteur, timbre, sonie ou position
spatiale), soit sur le principe de proximité temporelle entre les évènements. »
184L'organisation
séquentielle crée certains aspects de l’expérience musicale comme le rythme et la mélodie.
- Le premier principe est la similarité : le système auditif interprète deux évènements
sonores évoluant dans le temps comme appartenant à deux sources sonores distinctes si les sons
appartiennent à deux régions fréquentielles éloignées comme une flûte et un piano par exemple. Cet
éloignement conduit de fait, à la perception de timbres différents. Par contre si les sons sont proches
du point de vue fréquentiel, il ne percevra qu'une seule source. Les tâches de streaming sont le plus
souvent utilisées pour l'étudier.
185Enfin, deux événements séparés dans l'espace seront plus
facilement séparés en flux distincts que deux évènements rapprochés. Il peut donc s'agir d'une
simililarité de hauteur, de timbre, de position spatiale, de sonie, etc.
- Le deuxième principe est associé à la proximité temporelle : le rythme et le tempo jouent
également un rôle important dans la perception de l'organisation auditive séquentielle. Selon Bregman
et Campbell, si une suite de six sons est présentée lentement, on entendra un seul flux auditif de six
notes ; a contrario, si le tempo est rapide, une fission perceptive se produit et deux flux de trois sons
seront perçus.
186Les indices temporels sont donc mobilisés dans ce processus qui s'établit suivant les
modifications des propriétés acoustiques des événements acoustiques au cours du temps.
184Op. cit., LALITTE Philippe, « Contribution de l’analyse de scène auditive à l’analyse de la performance. »
185 GRIMAULT Nicolas, BACON Sid P., MICHEYL Christophe, «Auditory stream segregation on the basis of
amplitude-modulation rate »,Journal of the Acoustical Society of America, Vol. 111, 2002, p. 1340-1348.
186 BREGMAN Alfred S. & CAMPBELL Jeffrey, « Primary auditory stream segregation and perception of order in rapid
2.3. Le groupement segmentationnel
McAdams distingue un groupement supplémentaire impliqués dans la formation d’une scène
auditive, à savoir le groupement segmentationnel ou segmental.
187Figure 50: Différents types de groupements et leurs effets perceptifs.188
Ce groupement affecte le « découpage » des flux en unités musicales plus larges, telles que
les motifs, les phrases et les thèmes. Les principes de similarité et d'invariance (tonalité, mode,
métrique, rythme, harmonie, texture...) et le principe de familiarité (ce que l'auditeur a déjà entendu
au cours de la pièce musicale notamment) sont employés dans ce groupement par segmentation. Dans
ce contexte, les processus de groupement auditif sont impliqués dans de nombreuses pratiques
d’orchestration, notamment la fusion de timbres d’instruments due à un groupement simultané, la
ségrégation de mélodies basée sur des différences de timbre dans le groupement séquentiel, et des
échanges de type réponse ou écho par le biais de contrastes orchestraux pour le groupement
187 MCADAMS Stephen, Perception et cognition de la musique, op. cit.
188 GOODCHILD Meghan et MCADAMS Stephen, « Perceptual Processes in Orchestration », in The Oxford Handbook