• Keine Ergebnisse gefunden

Du « Poème sur la médecine » au « Canon »

Im Dokument Body and Spirit in the Middle Ages (Seite 26-32)

Si le De anima a défini le spiritus comme un corps d’une extrême subtilité et, de manière tautologique, l’a qualifié de « spirituel », s’il en a fixé le principe dans le cœur, rien n’y est dit de l’origine de son élaboration. La phrase établissant une analogie entre l’évaporation des humeurs et sa subtilité, comparable à celle qui associe les parties solides du corps à l’épaisseur de ces mêmes humeurs, n’est pas claire. Il n’est pas dit, par exemple, qu’il vient de la vapeur du sang, lors de l’élaboration des humeurs dans le foie, comme l’indiquent certains auteurs arabes. Les ouvrages médicaux d’Avicenne laissent tout autant planer une ambi-guïté. Traduit en latin par Armengaud Blaise en 1284, le Cantica, un poème didactique présentant les différents objets de la science médicale, théorique et

14 Cf. van Riet, Avicenna Latinus, Liber de anima, V. 8, 175–177.

pratique, se démarque sur bien des points de la doctrine énoncée dans le Canon, l’œuvre majeure d’Avicenne médecin15. Dans le Cantica se décèlent les traces de la tradition alexandrine tardive, telle que diffusée par Ḥunain ibn Isḥāq dans ses Questions sur la médecine, que connaissait à l’évidence Avicenne et dont un abrégé du contenu circula en latin dès la fin du XIe siècle sous le titre d’Isagoge Iohannitii. Rangé au nombre des sept « choses naturelles » qui forment la base de la théorie médicale, le spiritus chez Ḥunain se décline en trois sortes : l’esprit naturel, qui émane du foie, pénètre dans les veines et sert les facultés dites « natu-relles » (de nutrition, de croissance et de génération) ; l’esprit vital qui émane du cœur, pénètre dans les artères et sert les facultés vitales qui se subdivisent en deux types, suivant qu’elles agissent, et donc assurent la contraction et la dilata-tion cardiaque et artérielle, ou qu’elles reçoivent une acdilata-tion, c’est-à-dire l’acdilata-tion des facultés qui régissent les passions, la peur, la colère etc. ; le troisième esprit est dit « animal » (= de l’âme), il émane du cerveau, pénètre dans les nerfs et sert les facultés psychiques16. Tout en se conformant à ce schéma, Avicenne dans le Cantica manifeste quelque embarras, qui ajouté aux exigences de la prosodie aboutit à une certaine obscurité :

L’esprit se divise en naturel, à partir d’une vapeur bonne et pure,

En celui qui est dans le cœur déjà (une fois ? qad) purifié : il maintient la vie, En celui qui se transporte au cerveau : il a son genre formé dans la membrane, Les ventricules parachèvent ses espèces : y sont la sensation et le jugement, Chaque esprit a sa faculté propre qu’il est seul à posséder en propre17.

La traduction d’Armengaud Blaise rend à peu près fidèlement le texte arabe, sauf qu’elle attribue au spiritus du cerveau imagination, raison ou intellect et mémoire, là où Avicenne ne mentionnait que sensation et un jugement proche de

15 Contrairement à ce qui est parfois avancé, le Cantica ne peut être considéré comme « un abré-gé du Canon ». Marjan Fuladvind prépare une thèse de doctorat, à l’École pratique des Hautes Études, sur la relation existant entre les deux œuvres.

16 « Spiritus igitur tres sunt : primus, naturalis, sumit principium ab epate ; secundus, vitalis, a corde ; tertius, id est animalis, a cerebro. Horum primus in venas, quae non habent pulsum, in totum corpus diffunditur, secundus in arterias, tertius vero in nervos dirigitur », éd. G. Maurach,

« Johannicius, Isagoge ad Techne Galieni », Sudhoffs Archiv 62 (1978), 155. Ibid., 154 : « De virtute spirituali [= vitali] duo procedunt, unum operativum et ab hoc aliud operatum. Operativa vero virtus est, quae cor dilatat et arterias, et iterum constringit ; ab operata haec nascuntur : ira, indignatio, victoria, dominatio, astutia, sollicitudo ». Édition du texte arabe : Ḥunain ibn Isḥāq, Al-masā’il fi-ṭ-ṭibb, éd. M. A. Abu Riyān, M. M. ‘Arab, G. M. Mūsā, Le Caire 1978, 16 et 13–14.

17 Traduction effectuée par mes soins d’après l’édition du texte arabe par H. Jahier et A. Noured-dine, Avicenne, Poème de la médecine, Paris 1956, 18. La traduction française publiée en regard de cette édition n’est pas fiable.

l’opinion (ra‘y)18. À la défense du traducteur, il peut être argué que dans ce même Cantica étaient en effet énumérées parmi les facultés animales ou psychiques, outre la sensation et le mouvement volontaire, l’imagination, la réflexion (  fikr) et la mémoire19. Si ces attributions étaient bien dans la ligne d’un Ḥunain, elles ne s’accordent guère avec la doctrine énoncée par Avicenne dans le De anima et le Canon, qui exclut du cerveau toute réflexion pour ne garder qu’un jugement d’ordre sensitif. Sur l’origine des esprits, le Cantica reste vague. S’il est dit que l’esprit naturel est fait « à partir d’une vapeur bonne et pure » et que l’esprit qui se transporte au cerveau tient son genre de la membrane de celui-ci (les méninges ?) et ses espèces des ventricules cérébraux, la tournure concernant l’esprit contenu dans le cœur, qui tout comme celui du cerveau ne se voit pas attribuer de déno-mination, est ambiguë. Faut-il traduire qad tanaqqā par « une fois purifié », ce qui supposerait qu’il est issu de l’esprit naturel, ou par « déjà purifié », ce qui, confor-mément à ce qu’Avicenne expose dans ses autres ouvrages, suggèrerait qu’il est élaboré en premier  ? Armengaud Blaise a maintenu l’ambiguïté en traduisant par quod autem ex eo iam purificato existit in corde, mais son correcteur du XVIe siècle, Andrea Alpago, également réviseur de la traduction médiévale du Canon d’Avicenne, a tranché en proposant et dividitur in eum qui iam existit in corde, pri-vilégiant ainsi la seconde option20. Il faut d’ailleurs rappeler que Galien lui-même ne faisait pas relever de l’âme les fonctions de nutrition, de croissance et de géné-ration, mais de la seule nature21. Conformément à cette doctrine plus authenti-quement galénique, Qusṭā ibn Lūqā, au IXe siècle, dans son traité De la différence entre l’esprit et l’âme, qui circula en latin dans le corpus des œuvres d’Aristote, n’isole que deux pneumas, l’esprit vital dont la matière est l’air et la source dans le cœur, l’esprit animal ou psychique dont la matière est l’esprit vital et la source, le cerveau. Tandis que l’âme est une substance incorporelle, le pneuma est la plus

18 « Spiritus naturalis efficitur ex fumo seu vapore laudabili puro et mundo /Quod autem ex eo iam purificato existit in corde est illud per quod permanet vita / Sed generatio eius quod ex eo fertur in cerebro et eius miringa fit volvendo/Insunt autem huic spiritui imaginatio, ratio seu intellectus et memoria, cum complentur et perficiuntur ipsius species in ventriculis cerebri / In quolibet ex spiritibus est virtus propria alia ab illa que est in alio » : Translatio Canticorum Avi-cenne translata ex arabico in latinum a magistro Armegando Blasii de Montepesulano, éd. Venise 1507 (reprod. Hildesheim 1964), f. 562r.

19 Éd. Jahier-Noureddine, 19.

20 Cf. l’édition de Bâle 1556, dont le texte est repris par Jahier-Noureddine, 117.

21 Galien l’exprime clairement au début de son traité Des facultés naturelles : « Puisque la sen-sation et le mouvement volontaire sont propres aux animaux, tandis que la nutrition et l’ac-croissement sont communs aux animaux et aux plantes, ces opérations doivent être attribuées, les premières à l’âme, les secondes à la nature » (traduction française de Charles Daremberg, reproduite dans : Galien, Œuvres médicales choisies II, Paris 1994, 3).

fine, la plus subtile et la plus pure des parties du corps, servant d’intermédiaire à l’âme pour exercer ses opérations22.

Imposante somme du savoir médical, traduite en latin à Tolède par Gérard de Crémone dans la seconde moitié du XIIe siècle, le Canon d’Avicenne paraît a  priori le lieu privilégié pour cerner ce concept de spiritus23. La table des matières du premier livre annonce en effet qu’une sous-partie traite des opéra-tions, des esprits et des facultés. Or s’il est bien traité longuement des facultés, plus succinctement des opérations car elles sont implicitement indiquées par les attributions des dites facultés, aucun chapitre spécifique n’est dévolu aux esprits. Pourtant de nombreuses allusions y sont faites tout au long de l’ouvrage.

Au début du premier livre, Avicenne répartit les objets de la physiologie selon les quatre causes, matérielles, efficientes, formelles et finales, dont dépendent la santé ou la maladie. Le spiritus est nommé une première fois parmi les causes matérielles, en tant que sujet ou substrat proche, comme l’est une partie anato-mique ou membrum, les humeurs étant considérées comme substrat plus loin-tain, et les éléments encore davantage. Le spiritus apparaît aussi au nombre des causes finales, car si les actions opérées par le corps constituent bien la cause finale, leur connaissance coïncide avec celle des facultés et des esprits qui en sont les substrats, « comme nous l’énoncerons » dit Avicenne24. Comme dans le De anima, des précisions sur ce concept sont annoncées, mais ne viennent pas vraiment, en une sorte d’esquive. À plusieurs occasions il est toutefois répété que le lieu d’origine du spiritus est le cœur, et qu’il acquiert ensuite une com-plexion spécifique dans le cerveau, et même dans le foie. Mais de ce dernier avatar, qui le transforme en « esprit naturel », il n’est guère question et le cha-pitre sur la faculté qu’il est censé porter n’y fait pas allusion. Il reste essentiel-lement le porteur des facultés vitales, d’abord, et au prix d’une adaptation de sa complexion, animales. À cette occasion se retrouve la comparaison que le De anima énonçait de manière elliptique : « de même que de l’épaisseur des humeurs selon une certaine complexion est engendrée une substance épaisse qui est un membre ou une partie de membre, de même des vapeurs des humeurs

22 Texte arabe et traduction française dans : Qusṭā ibn Lūqā al-Ba‘labakki, Épître sur la diffé-rence entre l’esprit et l’âme, éd. et trad. G. Troupeau, avec la collaboration de J. Dagher, Paris 2011.

23 Sur l’influence du Canon d’Avicenne en Occident latin, voir : J. Chandelier, Avicenne et le mé-decin en Italie. Le Canon dans les universités (1200–1350), Paris 2017 ; N. G. Siraisi, Avicenna in Re-naissance Italy, The Canon and medical teaching in Italian universities after 1500, Princeton 1987.

24 Canon, I. 1. 1. 2, Venise 1507 (reprod. Hildesheim 1964), f. 1r : « Cause vero materiales posite in quibus sanitas et egritudo mensurantur sunt subiectum quidem propinquum membrum aut spiritus et subiectum quidem longinquum humores et eis longinquiora sunt elementa […] Cause autem finales sunt operationes. Et scientia quidem operationum est scientia virtutum proculdu-bio et scientia spirituum qui sunt virtutum subiecta quemadmodum nos declarabimus ».

et de leur subtilité selon une certaine complexion est engendrée une substance subtile qui est le spiritus, et de même que d’après les médecins le foie est le prin-cipe de la première génération [des humeurs], de même le cœur est le prinprin-cipe de la seconde [de l’esprit] »25.

Au troisième livre, les chapitres sur le poumon et le cœur apportent quelques précisions. L’air attiré par le poumon est destiné à préparer celui du cœur, lequel a pour fonction d’une part de tempérer la chaleur de cet organe, d’autre part de restaurer le spiritus, dont la complexion est proche de celle de l’air. Mais si l’air aide à la nutrition de ce spiritus, il n’en constitue pas la substance : c’est à partir du sang subtil que ce dernier est engendré26. Quant aux artères, elles sont dotées de deux tuniques, la tunique interne étant plus dure pour résister aux chocs et aux mouvements du spiritus, en permettre la conservation et en préserver la force. Il est encore indiqué que l’essence de « l’esprit vital » contenu dans le cœur d’un individu de complexion naturelle équilibrée n’est ni fumeuse, ni enflam-mée, mais éclatante et pure ; à une véhémence accidentelle de sa chaleur, corres-pond « une lutte de l’âme » (rixa animae)27.

Au chapitre sur le vertige, auquel il renvoyait dans le De anima, Avicenne est un peu plus disert. Après avoir énoncé que ce trouble provient d’un « blocage »

25 Ibid., I. 1. 6. 4, f. 24r : « Virtutes animales [sic pro vitales] intelligi volunt per illas virtutem illam que cum in membris recepta fuerit preparabit ad recipiendum virtutem sensus et motus et operationes vite, quibus etiam admiscentur timoris et ire motiones propterea quod in eis re-periunt dilatationem et constrictionem, que accidit spiritui qui huic est comparatus est virtuti.

Nos autem explanabimus summam hanc et dicemus quod quemadmodum ex humorum spis-situdine secundum aliquam complexionem substantia generatur spissa que est membrum aut pars membri, ita ex humorum vaporibus et eorum subtilitate secundum aliquam complexionem substantia generatur subtilis que est spiritus, et sicut apud medicos epar prime generationis est principium, ita cor generationis secunde principium existit. Et hic spiritus cum secundum complexionem provenit quam debet habere ad hanc virtutem recipiendam preparatur, deinde omnia alia preparat membra ad recipiendum omnes alias virtutes animales et etiam reliquas.

Virtutes equidem animales in spiritu quidem et in membris non perveniunt nisi postquam hec vitalis provenit virtus ».

26 Ibid., III. 10. 1, f. 239v : « iuvamentum pulmonis omnino est attractio aeris cordis et iuva-mentum attractionis aeris est preparatio aeris cordis […] Et iuvaiuva-mentum huius aeris preparati est ut temperet sua eventatione caliditatem cordis et ut restauret spiritum cum substantia que est magis vicina in complexione eius […] Sed aqua est ad nutrimentum corporis et aer ad nutri-mentum spiritus ».

27 Ibid., III. 11. 2, f. 258v : « Et vene pulsatiles sunt arterie create et sunt nisi una earum habentes duas tunicas et durior earum est intrinseca cum ipsa sit obvians percussioni et motui substantie spiritus forti cuius intendatur conservatio et custodia et fortitudo […] Et fortitudo eius significat complexionis eius naturalis equalitatem. Et est quia essentia caloris innati et spiritus vitalis plu-rima est in ipso, non inflammata fumosa, immo splendida pura. Sed accidentatlem ex caliditate significat vehementia inflammationis et rixa anime ».

(obviatio) du spiritus qui est dans les ventricules, les veines ou les artères du cerveau, plusieurs cas de figure sont envisagés :

Le vertige arrive parfois lorsque l’homme tourne sur lui-même et que les vapeurs et les spiritus sont entraînés en ce tour, de même qu’un récipient posé sur l’eau roule quelque temps, et puisque le spiritus tourne, l’homme imagine que les choses tournent […] et le vertige survient parfois en regardant des choses tourner, de telle sorte que cette forme se fixe dans l’âme. C’est pourquoi on dit que toutes les opérations sensibles sont suspendues à des instruments corporels patients. Parmi ceux-ci le premier et le plus digne est le spiritus sensitif : en lui tout sensible après sa disparition laisse sa forme lorsque le sensible est fort.

Car tout sensible ne produit dans un instrument sensitif qu’une forme qui lui est semblable.

Ensuite la forme est fixée et disparaît à la mesure de l’instrument récepteur et de la force du sensible. L’explication de cela se trouve dans la science naturelle. Plus le corps est faible, plus ces passions sont fortes, comme chez les malades […] en effet arrivent à leur spiritus un dommage, une passion ou un choc. Parfois le vertige est produit par des causes corporelles survenant dans ce qui est contenu dans les creux du cerveau, en raison de vapeurs lui par-venant par les veines et les nerfs qu’il contient ou du fait d’humeurs de tout genre qui s’y évaporent avec un peu de mouvement ou de chaleur. Donc quand les vapeurs sont mues, se meut en son propre mouvement le spiritus animal, qui n’est digéré et adapté que dans ces veines. Ensuite il repose dans la substance du cerveau, puis il est répandu par les nerfs à travers le corps. Parfois le vertige se produit du fait du maintien dans le cerveau de vapeurs qui y sont montées d’autres lieux du corps sous l’effet d’une maladie aiguë antécédente ou froide […] Et parfois cela ne provient pas du mouvement de vapeurs dans le cerveau, mais d’une malice de la complexion diverse en lui qui est la cause d’une agitation dans le spiritus […] Et parfois cela est produit par un moteur extérieur du spiritus, comme un coup sur la tête et une fracture du crâne, de telle sorte que le cerveau est comprimé et que le spi-ritus au repos est entraîné dans divers mouvements circulaires ondulants, comme il arrive à l’eau lorsqu’on frappe fort à sa surface ou qu’y tombe quelque chose de lourd […] Et parfois il y a une montée de vapeurs vers le cerveau à travers les nerfs à partir de l’estomac, de la vésicule biliaire, de la vessie, de la matrice [etc.]28.

Au quatrième livre du Canon, la définition de la fièvre amène une nouvelle inter-vention du spiritus : « la fièvre est une chaleur étrangère allumée dans le cœur et se propageant à partir de lui, par l’intermédiaire de l’esprit et du sang, à travers les artères et les veines dans tout le corps ». La distinction entre les différents types de fièvres suivant les composants affectés est décrite en prenant l’image des bains : les organes principaux sont comme les murs, les humeurs comme l’eau, les trois esprits, naturel, vital et animal comme les vapeurs diffusées.

Comme dans l’air du bain quand est refroidi ce qui lui est proche, il n’est pas nécessaire que sa chaleur s’éteigne, mais il est possible qu’elle reste et échauffe ce qui l’entoure. Les fièvres dites « éphémères » sont celles qui affectent le spi-ritus : elles sont ainsi appelées, car « allumées dans une chose subtile qui se

28 Cf. ibid., III. 1. 5. 1, f. 190v-191r.

résout avec rapidité, elles durent rarement plus d’un jour et d’une nuit, si elles ne se convertissent pas dans un autre genre de fièvres »29. Les différentes espèces sont associées soit à des états psychiques (animales), soit à des états corporels, soit à des choses venant de l’extérieur. Étant donné le rôle attribué à l’esprit vital dans le transport des passions ou émotions, la première catégorie donne lieu au plus long développement : suivant le type de passion, le mouvement du spiritus se fait vers l’intérieur ou vers l’extérieur. Par exemple, l’angoisse, la tristesse ou une réflexion excessive sur des choses particulières provoquent son mouvement vers l’intérieur et son occultation, qui sont à l’origine d’une « fièvre spirituelle ».

De même quand un sommeil se prolonge, le spiritus ne parvient pas à résoudre les vapeurs chaudes et il en subit un échauffement30. Les fièvres éphémères asso-ciées à un facteur extérieur font, quant à elles, intervenir des distinctions suivant l’esprit affecté : du fait de son incidence essentiellement sur la tête, l’insolation entraîne la plupart du temps une « fièvre cérébrale » dans l’esprit animal, un usage non approprié du bain provoque une « fièvre cordiale » dans l’esprit vital, tandis que des aliments chauds sont à l’origine d’une « fièvre hépatique » dans l’esprit naturel31. Ainsi le chapitre des fièvres éphémères mène-t-il à une claire énumération des trois esprits, tels que la doctrine médicale la plus répandue depuis Ḥunain ibn Isḥāq les isole : le sujet des maladies fébriles est à n’en pas douter du ressort du médecin qui peut adopter la théorie la plus apte à soutenir son action thérapeutique.

Im Dokument Body and Spirit in the Middle Ages (Seite 26-32)