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Le Baron – image de l’honneur ou de la lâcheté ?

B. Le système des valeurs chez Gary

V. L’HONNEUR ET LA POLITESSE

3. Le Baron – image de l’honneur ou de la lâcheté ?

Le Baron est un personnage récurrent et d’une apparition obsessive dans l’œuvre de Gary. Il retient l’attention par son aspect vestimentaire très recherché et très soigné à la fois.

Par ce trait, il ressemble à M. Salomon de L’angoisse du roi Salomon et on serait enclin à lui reconnaître au moins un honneur extérieur. Le maintien très recherché rappelle l’honnête homme, mais pas tant du point de vue du caractère que de ses vêtements et du code très strict de politesse. Le Baron incarne, plus que M. Salomon, l’idéal de la perfectibilité humaine d’après le modèle de la perfection artistique, à savoir du «soi-comme-art» (the self-as-art)278. Selon D. C. Stanton, ce modèle émerge pendant la Renaissance279 et influencera le prototype de l’honnête homme du XVIIe et XVIIIe siècles. Pour les personnages garyens de la seconde moitié du XXe siècle, l’idéal du «soi-comme-art» visible chez le Baron reste incompréhensible et douteux car il fait défaut à la communication sincère et donc à une véritable

«socialisation». De plus, les confusions et les anachronismes que produit chaque apparition du Baron mettent peu à peu en cause son honorabilité. C’est pourquoi notre prémisse est de mettre en relief la moralité de ce personnage ainsi que le rapport de son éthique au concept de l’honneur. Les traits esthétisants du Baron se retrouvent également chez des personnages garyens avec une identité plus claire : on a choisi les personnages de Sacha et de Vanderputte du Grand Vestiaire. Il nous intéresse de voir de quelle manière ceux-ci se rapprochent du Baron et de quelle manière ils incarnent des personnes d’honneur.

276 Maffesoli, Au creux des apparences. Pour une éthique de l’esthétique, p. 14-15.

277 Bauman, 172: His [the urban “flâneur”] game is a solitaire; […]. His play is to make others play, to see others as players, to make the world a play.

278 Domna C. Stanton, The Aristocrat as Art. A Study of the “Honnête Homme” and “Dandy” in Seventeenth–

and Nineteenth-Century French Literature, Columbia University Press, New York, 1980, p. 18.

279 D. C. Stanton souligne pour l’époque l’impact de l’œuvre de Castiglione, Le Courtisan (Il Cortegiano) qui contient toute une série de préceptes à l’adresse du courtisan parfait.

a.) Le Grand Vestiaire: Vanderputte et Sacha

Le roman Le Grand Vestiaire est construit sur l’antagonisme et le conflit entre les adultes et les jeunes dans la période immédiate de l’après-guerre française. Le monde des premiers est présenté comme décadent et corrompu ; les adolescents, quant à eux, ne réussissent pas à trouver de vrais repères chez les adultes et mènent pour cause une vie tumultueuse, en contradiction avec ces derniers, étant continuellement à la recherche des valeurs et d’une moralité qui puisse apaiser leurs aspirations. Le Grand Vestiaire présente la société française de l’après-guerre qui est encore bien scindée : il y a, d’un côté, encore d’anciens collaborateurs du régime pétainiste qui se cachent de l’épuration ; de l’autre côté, on retrouve d’anciens résistants et surtout beaucoup d’enfants orphelins des parents tués pendant la guerre. L’un des protagonistes du roman est un garçon orphelin de cette dernière catégorie ; son nom est Luc Martin et il a été élevé pendant son enfance par son père, mort ensuite dans le maquis. À l’adolescence, le personnage est envoyé par un ami de son père au Centre d’accueil d’orphelins. Cette institution de l’État a la tâche de placer ces enfants dans des familles et de veiller sur leur scolarité, afin qu’ils puissent se préparer pour un métier et qu’ils puissent s’intégrer dans la société. Quant à Luc, il est accueilli par la famille d’un ancien collaborateur, Gustave Vanderputte, sans le savoir immédiatement. C’est ce personnage qui nous intéresse à présent et qui relève des reflets du Baron garyen. Si ce dernier se distingue encore par quelques traits classiques d’honneur, visibles dans son aspect extérieur et dans ses belles manières, Vanderputte incarne par contre l’égoïsme et la lâcheté ; sa personne corrompue et dégradée devient la métaphore du monde des adultes dans lequel les jeunes se trouvent désemparés. C’est un personnage qui se vante d’avoir pu éviter de vivre pleinement, de tomber amoureux de la vie (L. Gr. Vest., 46), ce qui lui aurait valu depuis longtemps la mort. Il ne veut assumer aucune responsabilité, ni accepter le sort de la condition humaine, qui lui sont toutes trop lourdes à porter. Vanderputte préfère la vie en cachette et en solitude, et pense que de cette façon ni même la mort ne sera violente, puisqu’elle aura, elle aussi, du mal à le trouver. Voici le credo du vieil homme, tout en parlant au nom des gens qui lui ressemblent : Ils meurent de vieillesse, de décrépitude générale, dans leur sommeil, triomphalement. Ils ont roulé tout le monde. Ils ne se sont pas fait repérer.[…]

C’est du grand art. (L. Gr. Vest., 45.) Cette vision sur le monde ne s’arrête pas ici, elle dévie sur le nihilisme : […] il n’y a pas de sérénité plus grande qu’une conscience métaphysique de sa propre nullité. La fraternité des zéros, […], l’inouïe solitude des zéros, […]le néant, le vide, le rien, qu’est-ce que vous voulez, moi, je [Vanderputte] trouve cela extrêmement encourageant! (L. Gr. Vest., 44.) La sérénité de Vanderputte n’a plus rien de commun avec la sérénité stoïque de M. Salomon,

par exemple, ou des autres personnages garyens. C’est une sérénité du néant et de la solitude. Or le néant et la solitude vont à l’encontre des manifestations de la vie, de son éclosion et de son épanouissement. Ainsi, on serait tenté de considérer cette sérénité comme un état d’indifférence dangereux et nocif, donc comme un mal. La sérénité stoïque280 repose sur une conduite généreuse envers les autres, elle suppose l’indifférence au malheur personnel en faveur de la volonté de se consacrer à autrui. La sérénité de Vanderputte effraie par sa froideur et par son égoïsme ; elle frôle le cynisme. De plus, l’ancien collaborateur érige sa vision existentielle en morale de vie, en éthique honorable qu’il répète avec satisfaction et qu’il enseigne de plus à ses enfants et à Luc. L’égoïsme et l’opportunisme dont le vieil homme s’est servi toute sa vie, se transforme à ses yeux en honneur, une forme éthique qu’il faut perpétuer, selon lui, puisqu’elle lui a sauvé chaque fois la vie et ainsi « la face» - à savoir son honneur extérieur. L’honneur se traduit, en ce cas, à une stratégie d’échapper à la mort par n’importe quels moyens, étant même cyniques et criminels.

Quant à Sacha, on fait sa connaissance au moment où Luc Martin, qui est en même temps le narrateur du roman, apporte au vieil homme ses «médicaments», c’est-à-dire de la drogue. Vanderputte s’occupe du marché noir pour subsister en tant que personne recherchée par l’épuration ; dans la contrebande qu’il pratique, il y a aussi le trafic de la drogue qu’il assigne en principal à son fils et à Luc. Tout comme Vanderputte, Sacha vit dans la décadence et dans un monde artificiellement créé, qui est reculé par rapport au présent, à la réalité immédiate : Il [Sacha] portait un peignoir de femme en crêpe de chine, qui lui arrivait aux genoux.[…] il avait un visage osseux, maquillé, sous des cheveux gris, soigneusement collés. Un nez en bec d’aigle, aux narines palpitantes et avides, des sourcils épilés de pierrot, qu’il levait très haut […] ce qui donnait à son visage de vieux gigolo un air vexé, indigné. (L. Gr. Vest., 100-101.) Le personnage est, contrairement à Vanderputte, sensible à la jeunesse et à la vie qu’il aime dans son effervescence et dans son foisonnement de caractères et de personnes. Cela explique aussi sa profession de comédien où il peut jouer à la fois plusieurs rôles et donc vivre plusieurs identités. Le narrateur nous renseigne qu’il a conduit jadis une propre école d’art dramatique qui a fait faillite (L. Gr. Vest., 96) et qu’à présent il souffre de ne plus pouvoir continuer sa carrière. Si jadis il s’évadait de la vie par son art d’acteur, à présent il le fait à travers la drogue. Le mélange entre détresse et disposition accueillante vis-à-vis des visiteurs, surtout des jeunes gens, se reflète dans sa physionomie clownesque qui est mise en évidence par la citation d’auparavant. Sacha incarne lui aussi le type du clown garyen, à la façon de M.

280 R. Lafon: Les Stoïciens, p. 44: À la faveur du stoïcisme, de larges idées de fraternité universelle se répandent ; […] de la philosophie stoïcienne, la personne humaine sort grandie infiniment : «l’homme pour l’homme est chose sacrée.»

Salomon et de Jeannot : tout comme M. Salomon qui travaille dans le prêt-à-porter, représentant autant de rôles et de conduites, le comédien du Grand Vestiaire aime aussi changer ses masques clownesques. C’est de cette manière que ce dernier pense rester un homme digne, puisque par son art de déguisement il échappe à sa condition humaine limitée et au vide existentiel. Vanderputte, on l’a noté, y procède par son opportunisme et par son art de se terrer. L’honneur pour Sacha, c’est la continuité de sa vocation d’acteur : même si publiquement on ne lui propose plus de rôle, il pratique sa profession chez lui, en compagnie de son public imaginaire et de son miroir, le plus fidèle, puisqu’il le dédouble du point de vue optique. La théâtralité de Sacha et de ses déguisements constants, qu’il perpétue dans la vie quotidienne, démontre que le «jeu», à savoir la dimension ludique de l’existence, a pris les devants dans sa vie. Chez lui, il n’y plus de délimitation précise entre vie professionnelle (qui, d’ailleurs, n’existe plus puisque son théâtre a fait faillite et que personne ne l’embauche plus) et vie quotidienne. Sa vie se transforme en un continuel jeu où il porte plusieurs masques à la fois. Son identité et, ainsi, sa dignité s’obscurcissent et désarçonnent. Si l’on tient compte, cependant, de l’étude de Michel Maffesoli281 sur les phénomènes esthétisants de l’éthique postmoderne, on constate que, dans ce cadre, la logique de l’identité ne va plus de soi, comme dans la modernité ; dans l’éthique postmoderne, c’est la logique de l’identification qui prévaut : cela met en avant l’individu aux masques variables, à plusieurs identités assumées à la fois. Sacha transforme son quotidien en un continuel spectacle, tel le «flâneur urbain» chez Bauman282 : en dépit de sa solitude, il réussit par son penchant au ludisme à créer une atmosphère agréable, même magique – et ainsi à impressionner et à attirer quelques amis, dont Luc. Il en ressort une proximité qui socialise également et qui est propice à l’apparition de l’espace esthétique, concept qui sous-tend l’éthique postmoderne. Le clown, qui représente le rôle ou le masque préféré de Sacha, a une grande contribution dans le maintien de la dignité et de l’honneur humains, en dépit du rire qu’il produit et du ridicule qu’inspire sa personne : il est investi du pouvoir d’intervenir d’une façon bénéfique dans la vie des hommes. Selon Luc, c’est paradoxalement le clown le vrai Dieu, la véritable référence morale ; l’adolescent réduit la Providence à un personnage qui abuse de la destinée des individus et qui les asservit par ses absurdités. Le clown, par contre, ne fait que renverser les plans de Dieu, puisque c’est lui maintenant qui réussit à rassurer les hommes et à leur rendre la confiance dans la vie : Et je [Luc] crois que Sacha Darlington m’apparaissait également comme une espèce de fétiche, un fétiche vivant, qui se terre dans une petite chambre […] et cache

281 Maffesoli, Au creux des apparences. Pour une éthique de l’esthétique, p. 19.

282 Bauman, 172

soigneusement son jeu, et ce jeu est de tirer les ficelles qui commandent le destin des hommes. – et plus loin, à propos du même personnage : […] il me [à Luc] semblait que j’avais devant moi le seul dieu qui fût à la mesure des hommes – le seul qui fût à l’image du monde que je voyais autour de moi. (L. Gr. Vest., 127 et 196.)

Le renversement de l’image divine en tant qu’entité typifiée et unifiée en un divin social est encore un phénomène de l’éthique postmoderne283 - le clown, par son jeu voire par son esthétique, rassemble un public qui se retrouve dans ses gags, dans sa «philosophie», donc qui comunique sur ce plan avec lui. Le partage de la même vision, des mêmes valeurs entre le clown et son public peut être considéré, selon les propos de M. Maffesoli, comme une esthétique, en tant qu’un sentir commun284, qui dépasse la sphère des œuvres d’art. Or, si ce sentir commun est, de plus, vécu quotidiennement, il devient une véritable éthique285. Ainsi se justifie cette moralité fondée sur le partage de valeurs communes. De ce point de vue, Sacha et ses amis, dont Luc, recèlent un honneur intérieur, une dignité, qui est difficilement visible à l’extérieur, comme marque sociale. L’attribut de vieux maquereau (L. Gr. Vest., 97) à l’égard de Sacha, que lui confère Léonce, le fils de Vanderputte, déconcerte, de nouveau, quant à l’honorabilité du personnage. Sacha détient en effet dans le roman une maison de prostitution, mais ce titre à son adresse devrait être surtout compris avec son sens figuré. On a affaire à la même métaphore qu’on rencontre par exemple dans le roman Europa, chez le personnage de Malwina von Leyden. Elle est aussi une maquerelle, mais une «maquerelle» de la réalité, c’est-à-dire une personne qui s’oppose au monde dans lequel elle vit et qui essaye de le recréer selon ses propres aspirations ; maquerelle/maquereau correspond ainsi symboliquement chez Gary à la vocation d’artiste en général. Sacha représente le même type de «maquereau», vu qu’avec sa profession d’acteur il modifie chaque fois sa réalité. Cet attribut, à première vue repoussant, se transforme paradoxalement en une qualité, et il ne faut pas oublier que souvent le Baron en est lui aussi investi par les autres personnages garyens (E., 213 et 276 ; Les Mangeurs, 235). La qualité dont il est question ici se réfère au réenchantement du monde286, phénomène de l’esthétique postmoderne. C’est un trait fondamental de l’homo estheticus, terme proposé par M. Maffesoli, ou de l’homo ludens, proposé par J. Huizinga et repris également par Z. Bauman. Réimaginer, recréer le quotidien par de la théâtralité ou par des gestes banals relève de l’esthétique postmoderne. Rappelons

283 Maffesoli, Au creux des apparences. Pour une éthique de l’esthétique, p. 27.

284 Ibid., 14.

285 Ibid., 13-14: […] il s’agit de donner au terme esthétique son sens plénier, et ne pas le restreindre à ce qui a trait aux œuvres de la culture ou à leurs interprétations. Je [M. Maffesoli] montrerai que l’esthétique s’est diffractée dans l’ensemble de l’existence. Plus rien n’en est indemne. Elle a contaminé le politique, la vie d’entreprise, la communication, la publicité, et bien sûr la vie quotidienne.

286 Ibid., 109.

que, pour Gary, c’est une technique de prédilection dans ses romans qu’a mis en évidence la plupart des essayistes de son œuvre : démythifier la réalité pour ensuite la remythifier à travers l’imagination.

Vanderputte et Sacha n’ont plus rien de l’honnête homme du classicisme, de ce genre d’honneur qu’affiche, en revanche, M. Salomon ; leur honneur frôle plutôt le dandysme.

C’est un honneur affecté : tous les deux veulent impressionner et sortir de l’anonymat par n’importe quels moyens – Sacha, à travers ses habits bizarres et sa théâtralité ; Vanderputte, à travers les meubles rares de son appartement et à travers son apparance d’homme de bien.

L’affectation ne va pas de pair avec les qualités d’un honnête homme tel M. Salomon ; l’honnête homme est un modèle de l’intégration sociale287, et cela est bien visible chez le personnage octogénaire, à n’y penser qu’à sa bonne réputation, à son esprit charitable et à sa disponibilité de se vouer totalement aux autres. Par contre, le dandysme est la représentation même de la différence, de l’écart, voire de l’exotisme288. En effet, l’exotisme et la marginalité sociale caractérisent autant Sacha que Vanderputte : les deux vivent assez isolés, avec très peu de contact social. Vu cette situation, ils veulent s’attirer l’attention des autres : le jeu de Sacha étonne et fascine à la fois Luc ; il en est de même pour l’intérieur domestique de Vanderputte.

Les deux personnages ne peuvent pas être vus en tant que dandys, cependant leur position sociale et l’image de leur honneur extérieur empruntent des aspects du dandysme. Ainsi, Sacha et Vanderputte font preuve d’un honneur extérieur aux touches dandy. L’honneur intérieur des personnages n’est pas immédiatement visible : chez Sacha, il ressort à travers sa sociabilité et son dévouement total à l’art dramatique qu’il vit au quotidien et partage avec autrui ; chez Vanderputte, il est moins visible, on dirait même absent. Regardons de plus près le Baron garyen, pour pouvoir ensuite tirer une conclusion plus pertinente aussi sur le personnage controversé de Vanderputte.

b.) Le Baron garyen

Le personnage proprement dit du Baron a, tout comme Sacha Darlington, des touches clownesques par le ridicule que suscite sa présence. Il se distingue pourtant du clown par son manque de communication et de réactions envers son entourage. Le Baron, bien qu’il soit présenté comme homme, n’est au fond qu’un pantin à la merci des autres. Dans Le Grand Vestiaire son portrait ainsi que les explications sur son comportement étrange sont succincts.

Il ne porte jamais de nom propre, ce qui embrouille de plus la recherche des autres

287 Alain Montandon, L’honnête homme et le dandy, 238.

288 Ibid.

personnages concernant son identité. Le narrateur du Grand Vestiaire ne nous fournit sur la personne du Baron que le détail d’un vrai baron polonais réfugié (L. Gr. Vest., 211). Il est toujours soûl ; curieusement, son ivresse n’est pas due à l’alcool (Les Mangeurs, 235)289, mais à la vie elle-même et au cours incompréhensible de l’Histoire. On trouve d’habitude dans ses poches des lettres adressées à des cardinaux du Vatican et dans Le Grand Vestiaire, il possède encore un billet de train pour Rome. Les autres personnages du roman en déduisent qu’il a l’intention de demander une entrevue au Pape; celui-ci, comme instance supérieure, pourrait lui donner la réponse à son mal de vivre et au renversement de mœurs qu’il constate au XXe siècle.

Le Baron retient notre attention par sa tenue très élégante et très soignée de véritable gentleman ainsi que par ses manières aristocratiques. C’est un personnage désuet par rapport aux autres caractères et au contexte des romans dans lesquels il est signalé : dans Le Grand Vestiaire il est « capturé» comme fétiche par Léonce Vanderputte qui le traîne ensuite dans toutes les opérations de vol d’argent de sa bande de jeunes gens. Le caractère fétichiste a été noté aussi chez Sacha, ce qui signifie que le Baron, tout comme cet acteur, garde sa valeur aux yeux de Luc, en dépit de son apparence bizarre. Ils inspirent une certaine confiance et un certain espoir aux jeunes gens – c’est pourquoi Sacha et le Baron sont comparés et s’identifient avec un fétiche voire un porte-bonheur (L. Gr. Vest., 211). Ils remplacent pour les adolescents la référence morale d’une société et d’une époque qui basculent dans la perception de leurs valeurs. Dans un monde pareil, l’honneur et le sens de l’existence sont difficiles à tracer ; les institutions sociales comme l’école ou la famille n’offrent plus de repères stables et cohérents, et la situation de Luc et des enfants adoptifs de Vanderputte mettent en lumière cette réalité : Nous [Léonce et sa bande], à notre âge, on n’est pas tout à fait des hommes. On a la société contre nous, on peut pas se défendre seuls. Il faut des

Le Baron retient notre attention par sa tenue très élégante et très soignée de véritable gentleman ainsi que par ses manières aristocratiques. C’est un personnage désuet par rapport aux autres caractères et au contexte des romans dans lesquels il est signalé : dans Le Grand Vestiaire il est « capturé» comme fétiche par Léonce Vanderputte qui le traîne ensuite dans toutes les opérations de vol d’argent de sa bande de jeunes gens. Le caractère fétichiste a été noté aussi chez Sacha, ce qui signifie que le Baron, tout comme cet acteur, garde sa valeur aux yeux de Luc, en dépit de son apparence bizarre. Ils inspirent une certaine confiance et un certain espoir aux jeunes gens – c’est pourquoi Sacha et le Baron sont comparés et s’identifient avec un fétiche voire un porte-bonheur (L. Gr. Vest., 211). Ils remplacent pour les adolescents la référence morale d’une société et d’une époque qui basculent dans la perception de leurs valeurs. Dans un monde pareil, l’honneur et le sens de l’existence sont difficiles à tracer ; les institutions sociales comme l’école ou la famille n’offrent plus de repères stables et cohérents, et la situation de Luc et des enfants adoptifs de Vanderputte mettent en lumière cette réalité : Nous [Léonce et sa bande], à notre âge, on n’est pas tout à fait des hommes. On a la société contre nous, on peut pas se défendre seuls. Il faut des