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Le développement des langages sur l’ art et l’ architecture

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Le développement des langages sur l’ art et l’ architecture

dons l'Europe médiévale

BRUNO KLEIN Technische Universitât Dresden

Ce colloque nous offre l’opportunitéde meneruneréflexion de type com­ paratiste sur l’idée d’architecturemédiévaleauJapon et enEurope,tâche ardue et particulièrement délicate. Lorsquej’ai commencé àréfléchir sur ce thème, je me suis posé la question : qu’est-ce que «l’idée d’archi­ tecture » ? Sans entrerdans des discours philosophiques longs etcom­

pliqués,on peut admettre qu’une idée combine quelquechose d’abstrait et d’immatériel avec une forme, ou plutôt, qu’elle donne une forme à l’esprit. L’idéereprésentel’esprit.

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Amiens, cathédrale, baldaquin au centre dugrand portdil.© Brune Klein

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Hildesheim, ccithédrale, couronne de l'évêque Hezllo (1054-1079).© Blschôfllche Pressestelle Hildesheim

Toute représentation nécessitedes médias etpour l’ar­ chitecture, lesmédiaslesplus importants sontl’architecture elle-même et les représentations visuelles et verbales qui en sont données. Nous acceptons en général qu’il y ait un développement de l’architecture elle-même, mais celui-ci ne s’effacepas àmesure que se développe lareprésentation visuelle etverbale de l’architecture.

Le développement formel del’architecture médiévale est l’un des sujets majeurs de l’histoire de l’art médiéval. Les réflexions sur le développement parallèle du discours visuel et verbal sur l’architecture au cours du Moyen Âge sont pourtant moins nombreuses. Relativement au sujet traité ici, ce sontles plus intéressantes, car c’est là que l’on peut observer les idées.Jevais donc m’intéresser audéveloppe­ ment de cesmédiaspour m’approcher de l’idée d’architec­

ture au Moyen Âge.

Il semble quel’idée visuelle de l’architecture ait étépen­

dant longtempsassezvague au MoyenÂge. Quand on ima-

Originalveröffentlichung in: Masatsugu, Nishida ; Reveyron, Nicolas ; Cluzel, Jean-Sébastien (Hrsgg.): L'idée d'architecture médiévale au Japon et en Europe. Bruxelles 2017, S. 238-247

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240 Lidée d’architecture médiévale au Japon eten Europe

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Villard de Honnecourt,dessins dela cathédrale de Reims, BNF MS. 19093, fol. 31 v.

©Bibliothèque nationale de France

ginait une architectureà cette époque,on avait recours à desdescriptions fantastiques de la Jérusalem céleste de l’Apocalypse, d’après laquelle on réalisait certaines œuvresd’art, par exemple des candélabres en forme de roue (fig. 2). Il est surprenantde voir à quelpoint les formes de ces cou­

ronnes sont éloignéesde la forme desbâtiments danslesquels elles étaient suspendues : l’idée de l’architecture était alors loin de l’architecture elle- même. Ce fait est souligné par les autres représentations picturales ou plastiques d’architectures, qui pendant des siècles ontutilisé les mêmes formules: images de petitestours avecdes créneaux, percées de fenêtres, etc.Onretrouve ce motifdans l'enluminure ou dans la sculpture quasiment jusqu’au milieu du xnie siècle. Mêmel’effetproduitpar les grandes cathé­ drales gothiques fut pendant longtemps incapable de corriger cetteimage fantastique et complètement irréelle dans la représentationde l’architecture.

Ce n’est quevers le milieu du xme siècle que s’est annoncée une évolu­

tion vers unereprésentation plusréaliste (fig. 1). Par exemple, lesbalda­

quins au-dessusdes statues ressemblaient enfin à de véritables églises, tout commeles bandeauxencadrant desenluminures et de la peinturesur verre.

Ce changement s’est accompagné d’un autre. Depuis le milieu du xme siècle, lerenforcement duréalisme dans lareprésentationde l’archi­

tecture estalléde pair avec ledéveloppement du dessinarchitectural. C’est de cette époque seulement que nous connaissons des dessins préparatoires.

Même s’il convient d’envisager l’existence de tels dessins au cours des siècles antérieurs,il estpourtantévidentqu’on commençait seulement au xme siècle à réfléchir aurôle et àl’importance du dessin. Ce n’est certaine­

ment pasunhasard si ledessinateurpicard Villard de Honnecourt (fig. 3) a reproduit desdessins architecturaux qu’il avait vus sur le chantier de la cathédrale deReims,et qu’au même moment un personnage inconnu, qui avait montéles premièresmarches d’un escalier en colimaçon pour sur­

veiller le chantierdeconstruction del’égliseNotre-Dameà Trêves (fig. 4), essayaitde rendrecompte de ce qu’ilvoyait, en gravant le plan del’église, tel qu’ill’avait compris, sur le mur de cetescalier.

Il est certain que ledessinateur de Trêves s’esttrompé (fig. 5), etil est très probablequeVillardde Honnecourt n’avait pas complètement com­ prisles dessinsqu’ilavait devant les yeux.Maisces deux exemples nous disent qu’oncommençait au milieu du xmc siècle à développer un regard

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Chapitre 16 Le développement des langages sur l'art et l'architecture dans l'Europe médiévale

plus réalistesurl’architecture. Laperception del’architecture ne prenait plus forme dansune image spirituelle, loin de l’architecture réelle, mais elle s’incarnait progressivement dans une image orientée versla réalité.

Ou,pour revenir ànotre réflexion, l’idée d’architectureen Europedemeura pendant longtemps, auMoyen Âge, uneidée abstraite, surtout influencée par la littérature, une idéedont les liens avec l’architecture réelle étaient très faibles. On n’était pas capable de déduire de l’architecture réelle une idée visuelle de l’architecture : jusqu’au milieu duXIIIe siècle perdureun immensedécalageentrel’architectureréelle et sa représentationvisuelle.

4

Trêves, Notre-Dame, épure duplandel'église.

© Collection de l'auteur

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242 L’idée d'architecture médiévale auJaponet enEurope

5 Trêves. Notre-Dame, plandel’église.

© Collection del’auteur

6 Annaberg, Sainte-Anne, voûte.

©Dr. Bernd Gross

Peut-on observerun phénomène similairedans le discours verbal sur l’architecture au MoyenÂge ? Jepense queoui. Mais dans ce contexte il faut considérer qu’il y a eu dans le secteur de la représentation visuelle de l’architectureun développement continu et ininterrompu du MoyenÂge à l’époque moderne. Ceci n’est pas vraipourlediscoursverbal: là, il y eut une véritable rupture entre le langage médiévalet le langage moderne. Les mots, les critèreset les discourschangèrent complètement aux xve et XVIe siècles. Le discours moderne sur l’architecture, qui commence auXVe siècle, emprunte ses vocables à l’architecture de l’Antiquité. C’est d’abord lethéoricien ita­ lien Leon Battista Alberti qui inventa un nouveau langage pour parler et écriresur l’architecture, etce langage était celui de l’auteur antiqueVitruve.

Sous l’influence magistrale d’Alberti, puis des autres humanistes,le discours architectural s’estorienté vers Vitruve, unarchitectemilitaire, qui avait donc un regard très particulier sur l’architecture. Parce que Vitruve,qui vivait au premier siècle avantnotre ère, ne pouvait pas encore connaître d’églises, il n’avait pas de mots pources édifices, essentiels au Moyen Âge. Mais si Vitruvene disposait pas deces mots, Albertineles avaitpas non plus,bien qu’il ait conçu plusieurs églises, qu’ilappelaitdes « temples ».

Avec Alberti et les humanistes commençait, pour l’architecture, l’époque des règles, puis des doctrines. Tout cela était complètement inconnuau Moyen Âge, car les architectes des grandes églises médié­ valesétaientspécialistes dela pratique,dansunecertainemesure ausside lathéorie,maisils n’avaient pas le soucid’exposer leurs connaissances dans des livres. Le livre étaitle médiades humanistes, qui étaient des spécialistes de la langue, de la rhétorique etde la littérature, mais qui ne savaientpas construire. Avec les humanistes, le discoursverbal sur l’architecture est devenuun discours de non-spécialistes, d’intellectuels, d’académiciens etdecourtisans. Celaentraîna un affaiblissement dudis­

coursdes spécialistes. Par exemple, le discours sur le voûtement, quiétait certainement très élaboré aux xvc etxvie siècles parmilesarchitectes, dis­

parut alors presquecomplètement, etaveclui l’artextrêmementraffinédu voûtement dans l’architecturegothique tardive (fig.6).

L’accroissement modernedes capacités de discourir sur l’architecture est allé de pair avec la pertedes formeset des constructionsqu’on ne pouvait pas exprimer verbalement.Mais commentparlait-on de l’architecture au Moyen

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Chapitre 16 Le développement des langages surl'art et l'architecture

dans l'Europe médiévale 243

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244 L'idée d'architecture médiévale auJapon et enEurope

Âge ? En premier lieu, on en parlait beaucoup, mais on dessinaitaussi, on dres­ sait des maquettes, desdessins sur les sols, etc. Mais onn’avait ni l’idée, ni l’intentionde transformer cette communicationcomplexe enlittérature !

L’avantagedu discours écrit de la Renaissance était que tout le monde pouvait parler de ce sujet.Le discours médiéval était au contraire un dis­ cours fragmenté entre le discoursgénéral, le discoursdes fondateurs et des commanditaires, des concepteurs, des architectes, des artisans, des utilisateurs et d’autres encore. S’il y avait bien alors un média capable de combiner tous ces discours, c’était celuide laconversation et de la discussion. Mais il était plus difficiled’organiserdesréunions pour parler d’architecture que de distribuer destextes sur l’architecture comme base commune de compréhension.Lesdiscoursmédiévaux sur l’architecture étaient donc, comme je l’ai dit,desdiscours particuliers et fragmentés.

Le clergé utilisaitles mots de la Bible etdes Pères pourparler d’architec­

ture.L’unedesplus fameuses descriptionsmédiévales d’architecture, les récits de l’abbé Suger de Saint-Denis surla reconstructionde son église, emprunteabondamment aux textes des rituels de consécration des églises.

D’autres textes sontplus philosophiques.Ils combinent la description de l’architecture deséglises avecl’architecture céleste,parexemple avec l’architecture du TempledeJérusalem, décrit dansla Bible,et lafameuse image de la Jérusalemcéleste tirée de l’Apocalypse. Il s’agit dans ce cas d’architectures imaginaires qui n’ont rien ou presque rien àvoir avec l’ar­ chitecture réelle.Ces architectures imaginées sont,comme les représen­ tations visuelles del’architectureavant le milieu du xnic siècle, orientées vers l’écriture sainte. Ellesprouvent de manière étonnante à quel point leurs auteurs méconnaissaientl’architecture réelle.

Le phénomène est identiqueà celui que nous avons observé pour le discours visuel. L’idéede l’architectureétait jusqu’au xiiicsiècle une idée abstraite, formée par la littérature biblique et ses interprétations, mais sans véritable rapport avec l’architectureréelle.

Pour comprendre ce phénomène, il est utile de retracertrès briève­ ment le développement de l’idée d’architecture ecclésiastique au Moyen Âge. Au début du christianisme,l’église n’étaitrien d’autre que le bâti­

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Chapitre 16 Le développement des langages sur l'art et l'architecture

dans l'Europe médiévale 245

mentdestiné à la réunion de la communauté. C’est avec l’influence de la culture antique sur le culte chrétien que l’église comme édifice a atteint un nouveau statut,élevé : celui d’unbâtiment sacré, marqué du sceau du surnaturel ! Ensuite, lecaractère sacré et les qualités esthétiques de l’ar­ chitecture religieusesesontsuccessivement mêlés etfondus. L’édificereli­

gieux est devenu progressivement unédifice sacré, commele montrent les exemples (fig. 7)de l’église de Saint-Michel de Hildesheim au xie siècle, oùdes reliques de saints furentintégrées dans les chapiteaux afin de rendre l’église sacrée, ou de la chapelle du château de Karlstein au XIVe siècle, dontles murs furent couverts de reliquesoude pierres magiques.

Mais vers la finduMoyenÂge, le caractère surnatureldesbâtimentsreli­

gieux et descérémonies associées a étédeplus en plussouventmis en cause.

Enfin, la Réforme contestaprofondément le caractère sacré des objets en général, et deséglisesen particulier.Il yavaitcertes des raisons très pratiques à cette contestation : le commerce des indulgences, devenunécessaire pourle financement de la reconstructionde la grande basilique papalede Saint-Pierre de Rome,comptait parmi les plus importantes motivations de la Réforme, laquelleétait donc d’unecertainemanière liée à la construction des églises.

En revanche, l’effacement de la dimension sacrée et spirituelle du bâtiment même de l’église était compensé par l’intérêtaccru pour les qualités esthétiques de ces églises chrétiennes - mille cinq cents ans auparavant, au débutdu christianisme, ni les qualitésesthétiques, ni la dimension sacrée etspirituelledeséglises n’étaient importantes. Mais à la fin duMoyenÂge,la qualité artistique deséglises remplaça leur dimen­

sion sacrée. La beauté s’était élevée au rang de nouvelle religion. Les

« belles » églises étaient capables de s’intégrer dans un discourssur l’art complètement laïc. Ce moment correspond aux débuts de l’histoire de l’art. Celle-ci connaîttoujours des jugements de goût, mais elleévite nor­

malement le mélange entrele jugementesthétique et l’opinionreligieuse.

Mais à côté de cela, il y avait aussi, surtout depuisle xme siècle, d’éton- nantesobservations réalistes. D’une part, ilexistaitun discourstrèsprag­

matique et subjectif, sans aucun arrière-planthéorique (fig.8). Tel était le cas, quand le dessinateur Villard de Honnecourt disait au xmesiècle n’avoir jamais vu unetour aussi belle que celle de la cathédrale de Laon,

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Hildesheim, Saint-Michel, chapiteau avec le nom des saints dontles reliquesreposent ici même.

© Collection del'auteur

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246 L'idée d’architecture médiévale auJapon eten Europe

8 Villard de Honnecourt, tour dela cathédrale de Laon, BNF MS. 19093, fol. 1Ov.

© Bibliothèque nationale de France

dont il dessinait l’élévation. Cettenaïveté,ouplutôtcette subjectivité, se reflète aussi dans quelques règlementsbureaucratiques surles bâtiments.

Jecite comme exemple quelques passages qui se rapportentà Venise : en 1340, on voulutaménager l’entrée du Fondaco dei Tedeschi, parcequ’elle n’était « non [...] pulcher nec aptus », « ni belle ni adaptée». L’année suivante, on parlait de nouveau de ce problème. On était préoccupé de

|’«ornamento et pulchritudinecivitatis »,« de l’ornementet de la beauté urbaine ».À uneautreoccasion, le conseil urbain décidait que la zone du Rialtoavaitbesoin d’être belle, grande et décorée - pulcher, magnus et ornatus - en raison de la gloire que Dieuavait donnée àlaville.

Cette mention de la grâce de Dieu associée au substantif « beauté » est typique du Moyen Âge, car elle indique que l’idée de beauté était particulièrement liée, comme jel’ai déjàdit, à la religion, etqu’on n’était presque pas capable d’imaginerle beausansréférence audivin.

Pourtant, ce discours sur la beauté n’était niun discours véritablement intellectuel, ni un discours théorique. Il s’agissaitsimplement d’un discours qui répétait des idées communes,qui existaient, mais qui n’avaientaupa­

ravant jamaisétécodifiées. C’est seulement la nécessité d’ériger ces idées au rang de loiqui exigeait leur transformation verbale. Nous y voyons donc un procès de la verbalisation, nonpas provoqué par le sujetlui-même - l’architecture -,mais parla nécessitéderendre les choses généralement plus adaptéesaux exigences d’unecommunication verbale. On ne devrait par conséquent pasêtre surpris queles argumentspour décrire la beauté aient été à cetteépoque encore assezsimples, même primitifs.

Ce n’est qu’à partir du xvme siècle que la beauté fut progressivement concédée à l’architecture médiévale. Plus tard encore, au xixeet audébut duxxe siècle, des arguments en faveurde la qualité esthétique de l’archi­

tecture ont même étédéveloppés à partird’exemples du Moyen Âge.

L’Europe, au Moyen Âge, a vécu nonpas sur une idée d’architecture unique, certaine et cohérente,mais biensur une multiplicitéd’idées qui dépendaient des cercles sociaux, de lacapacité à s’exprimer, des diffé­ rents médias, des époques etdesrégions,comme j’espère l’avoir montré.

Il serait intéressantd’explorercette voiede recherchedans le cadreplus largedu comparatismeinterculturel.

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