Bulletin SGPW/SSA No. 20 – mars 2006, page 11
V-1 LES ALPAGES, BASE DE FLEXIBILITE ET DE DIVERSITE POUR LA PRODUCTION LAITIERE
Eric Mosimann, Vincent Bovet et Raphaël Charles, Agroscope Changins - Wädenswil, 1260 Nyon 1
Les techniques de pâture sont de plus en plus performantes. Sur le Plateau suisse, des troupeaux de vaches laitières sont nourris exclusivement d'herbe pâturée durant huit à neuf mois par année. Il en résulte une bonne efficacité économique et une bonne image des produits laitiers.
L'extrême variabilité de la production des pâturages d'une région à l'autre est néanmoins un frein important au développement de la pâture. Les alpages du Jura sont un facteur de flexibilité pour les élevages de plaine régulièrement confrontés à un déficit de croissance de l'herbe en été.
Pour que les animaux disposent d'herbe au bon stade et en quantités suffisantes, la surface mise à disposition est calculée à partir du potentiel de production du pâturage. Nous avons mesuré la croissance de l'herbe dans diverses situations et calculé les chargements correspondants. En plaine, le pic du mois de mai est commun à l'ensemble des régions avec près de 100 kg MS/ha/jour. A cette période, il faut restreindre drastiquement la surface pour maîtriser les excès de fourrage (moins de 20 ares par vache). En revanche, des différences importantes apparaissent dès le mois de juin. En été, les parcelles sensibles à la sécheresse ne produisent pas plus de 20 kg MS/ha/jour, contre 60 dans les zones bien arrosées. Au Pied du Jura, cela implique la mise à disposition de près d'un hectare de pré par vache pour couvrir les besoins de l'animal. Cette contrainte condamne le développement de la pâture intégrale et explique les systèmes d'affouragement mixtes pratiqués dans cette région.
Les pâturages de montagne connaissent un recul des effectifs d'animaux estivés. Pour les troupeaux laitiers, la transformation en fromage d'alpage semble être une solution durable.
Nous avons effectué des mesures sur trois alpages à Gruyère AOC situés dans le périmètre du futur Parc naturel régional du Jura vaudois. Les quantités d'herbe présentes sur l'ensemble du pâturage ont été estimées à partir de la hauteur du gazon régulièrement mesurée en cours de saison. La croissance de l'herbe à été appréciée à l'aide de dispositifs composés de mini- parcelles fauchées et pesées toutes les deux semaines. Les apports de fourrages complémentaires et de concentrés nous ont été communiqués par les exploitants. Nous pouvons déduire de ces données que la capacité d'ingestion des vaches est comparable en plaine et en montagne. En altitude, la très grande diversité de la flore révélée par des analyses botaniques ne semble pas freiner l'appétit des herbivores. De même, la croissance et la digestibilité de l'herbe y sont identiques, voire supérieures à celle des zones sèches du pied du Jura en été. Ces résultats illustrent la bonne complémentarité entre les alpages et les exploitations de plaine.
L'analyse des alpages fournit également des références pour améliorer la gestion de la pâture. La conduite de la pâture s'appuie principalement sur l'expérience des exploitants et leur sens de l'observation. Une particularité des alpages est que la surface parcourue est généralement constante. Il en résulte un excès d'herbe au printemps et des réserves sur pied consommées en fin de saison. Pour améliorer l'équilibre entre l'offre et la demande, diverses solutions sont envisagées. Leur mise en application reste à expérimenter.
