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La prise de décision du Cabinet au Canada : leçons et pratiques

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leçons et pratiques

avril 1999

Mark Schacter avec la collaboration de

Phillip Haid

Institut sur la gouvernance Ottawa, Canada http://www.iog.ca

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Introduction 3

Historique 4

L'évolution du processus de prise de décision du Cabinet au Canada 6

Le Cabinet et ses comités 11

Le Bureau du Conseil privé : le Secrétariat du Cabinet 15

Le personnel du Bureau du Conseil privé 22

Le Cabinet et la mise en place des politiques 23 Le sous-ministre et le processus d'élaboration des politiques 24

Le Cabinet et le processus budgétaire 26

La distinction entre le conseil opérationnel et le conseil politique 30

Leçons et pratiques canadiennes 32

Bibliographie 37

Annexe 1 -- la composition des comités politiques du Cabinet canadien 40 Annexe 2 -- le soldat de la prise de décision du Cabinet : l'agent de politiques du BCP 41

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INTRODUCTION

L'établissement des politiques est au cœur de la fonction du gouvernement, au centre de la vie économique et politique d'un pays. Il s'agit pour le gouvernement de faire des choix et de gérer des ressources afin d'atteindre ses objectifs sociaux et économiques. Au Canada, comme dans beaucoup d'autres pays, le Cabinet est l'organe supérieur d'élaboration des politiques. Il prend les décisions sur tous les dossiers de politiques importants du gouvernement. Les ministres du Cabinet prennent des décisions ensemble et en portent collectivement la responsabilité.

L'Institut sur la gouvernance a récemment mené une étude pour le compte de la Banque mondiale sur certains aspects du processus de décision au niveau du Cabinet au Canada1. Cette étude décrit et analyse le processus de prise de décision au niveau du Cabinet du gouvernement fédéral canadien, en tire des leçons et le compare aux efforts déployés en Afrique pour renforcer ce même processus. Ce faisant, l'étude a pour but de fournir une information pertinente au travail de la Banque mondiale sur le développement de l'efficacité des Cabinets et des bureaux de Cabinets dans les pays africains.

Le présent document s'inspire de cette étude de la Banque mondiale. Il s'adresse aux lecteurs canadiens qui n'ont pas un intérêt marqué envers l'utilité de l'expérience canadienne pour d'autres parties du monde, mais qui cherchent plutôt à comprendre certains éléments du régime canadien, leurs fonctionnements actuels et passés et ce que le pays a retiré de ses soixante années qui ont suivi la création d'un bureau de soutien du Cabinet. En conséquence, ce document s'attache uniquement à décrire et à analyser le régime canadien et occulte les éléments africains de l'étude de la Banque mondiale.

La Banque mondiale avait demandé à l'Institut sur la gouvernance d'orienter son étude de la prise de décision dans le régime canadien sur les points suivants :

• les facteurs qui ont entraîné d'importants changements dans la prise de décision;

• le rôle du bureau du Cabinet (au Canada, le Bureau du Conseil privé) dans la gestion de la prise de décision;

• la division du travail entre le Cabinet au sens large et les comités du Cabinet;

• le « recours abusif » au Cabinet par des ministres peu désireux de trancher eux-mêmes;

• le rôle du Cabinet dans le suivi de la mise en place de ses décisions;

1 Cabinet Decision-Making: Lessons from Canada, Lessons for Africa, de Mark Schacter, avec la collaboration de Phillip Haid et Julie Loenen-Grant, 1999. Pour obtenir un exemplaire, contacter l'Institut sur la gouvernance par télécopieur au (613) 563-0097 ou visiter leur site à : http:www.iog.ca

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• le rôle des sous-ministres dans le processus de prise de décision;

• le rôle du Cabinet dans le processus budgétaire;

• le personnel du Bureau du Conseil privé (BCP).

Ce document se fonde (1) sur des entretiens avec d'actuels et d'anciens fonctionnaires

canadiens, cadres pour la plupart, familiers avec le processus de prise de décision du Cabinet et (2) sur l'étude de la documentation couvrant le processus de prise de décision de l'autorité centrale au Canada. (Voir la bibliographie).

Historique

Parlant du processus de prise de décision du Cabinet fédéral, le premier secrétaire du Cabinet du Canada, Arnold Heeney2, a déclaré en 1945 que :

…les pratiques et les procédures que je vous expose, ne sont en aucune façon immuables; les fonctions et la composition des comités, que je décrirai plus tard, ne sont absolument pas rigides. C'est même plutôt l'inverse. Ce sont des règles et des formats régulièrement transgressés et qui dépendent souvent des circonstances, de l'agrément et des besoins du Premier ministre et de ses collègues3.

Dans les années qui ont suivi, on a démantelé les comités du Cabinet, instauré, revu et aboli des systèmes et des procédures, et créé et démantelé des organismes centraux. Les ministères ont vu leur pouvoir par rapport aux organismes centraux augmenter, décliner puis augmenter de nouveau. Un peu plus d'un demi-siècle plus tard, un ancien sous-ministre arrive à une conclusion qui ne diffère pas de l'opinion de Heeney :

... l'élaboration des politiques et la prise de décision ont, en tout temps, été liées, dans une proportion incroyable, à la personne qui dirigeait le gouvernement. Un processus parfait de prise de décision relève de l'utopie. Tout gouvernement devrait s'attacher…

à rechercher le meilleur équilibre possible entre les facteurs, divers et complexes, qui entrent en compte dans la prise de décision4

L'expérience canadienne démontre que l'art autant que la science entrent dans la mise en place de systèmes de prise de décision du Cabinet. Leurs définitions et leurs fonctionnements ont varié en fonction des styles de travail des premiers ministres et de grands facteurs

environnementaux comme les conditions économiques et les attitudes à l'égard du secteur public (« l'air du temps »). Il n'y a pas de « modèle idéal » applicable indépendamment des gens qui utilisent le système et des circonstances dans lesquelles ils travaillent. Seule

2 Le Premier ministre Mackenzie King a créé ce poste en 1940.

3 Heeney, cité dans Clark (1985), p. 186.

4 Kroeger (1996), pp. 460, 468.

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constante indiscutable, le fait que le Cabinet et les structures qui s'y rattachent sont avant tout les instruments qui permettent au premier ministre d'atteindre les buts du gouvernement. Ces instruments doivent être à la fois fonctionnels et simples d'utilisation, pour le premier

ministre ainsi que pour ses collègues du Cabinet et leurs hauts fonctionnaires.

Cela signifie-t-il que tout est relatif, que les chefs de gouvernement canadiens n'ont pas fondé les détails de leur système de prise de décision sur de solides principes? Il n'y a pas de

réponse tranchée.

L'expérience montre d'une part que tout le monde s'entend généralement sur les principes se rattachant aux fonctions que remplit le système du Cabinet et, en gros, sur les moyens permettant à ces fonctions de jouer leur rôle.

Ces fonctions incontestées du système de Cabinet canadien sont celles qui visent à5 :

• amener les ministres à s'entendre sur les priorités du gouvernement et sur les actions horizontales qui recouvrent plusieurs portefeuilles ministériels individuels;

• atteindre un accord sur les étapes parlementaires du programme gouvernemental;

• offrir un lieu de débat aux ministres sur les questions d'intérêt général;

• offrir un lieu d'expression aux divers intérêts régionaux6.

Quant aux moyens permettant au système de Cabinet d'atteindre ces résultats, tout le monde s'entend pour dire qu'il faut considérer, en tout premier lieu, la production et la gestion du flot d'information et des idées. Cinquante années de Bureau du Cabinet ont permis de tirer la conclusion que la qualité d'un processus de prise de décision peut se mesurer en fonction du degré auquel :

• il satisfait les besoins du Cabinet en matière d'informations et d'idées, et

• il satisfait les besoins en information et en idées de manière efficiente, c'est-à-dire que la participation à ce système n'occasionne pas une perte de temps et un lourd processus au point d'éloigner les ministres du Cabinet de leurs fonctions essentielles.

D'autre part, il n'y a pas de consensus sur les détails de la définition du système. Selon un ancien haut fonctionnaire du Conseil privé, il pourrait y avoir « plus ou moins de documents sur la table du Cabinet, une plus ou moins grande fréquence des réunions du Cabinet et de

5 Tiré de Clark (1985)

6 Cette fonction tire ses racines de la diversité culturelle du Canada (particulièrement le clivage français- anglais) et des disparités économiques régionales importantes, combinées à une position constitutionnelle assez forte du gouvernement fédéral par rapport aux gouvernements provinciaux.

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ses comités, et un plus ou moins grand respect des procédures officielles » que le Cabinet pourrait continuer de remplir ses fonctions avec un égal bonheur7.

L'ÉVOLUTION DU PROCESSUS DE PRISE DE DÉCISION DU CABINET AU CANADA D'autres parties de ce document se penchent sur le processus de décision du Cabinet actuel.

Cette partie examine les facteurs qui ont mené (et mèneront encore) aux changements dans le processus de prise de décision de l'avant-guerre à nos jours, notamment :

• les besoins, les préférences personnelles et la façon de travailler du premier ministre en place;

• le style des membres du Cabinet;

• la taille et l'étendue des opérations du gouvernement;

• la nature des défis politiques auxquels fait face le gouvernement;

• le contexte fiscal;

• la perception de l'opinion publique face au gouvernement.

Dans les 50 années qui ont précédé les années 1980, la prise de décision a évolué d'un

système personnalisé, adopté aux besoins du moment, à un autre hautement structuré et lourd soutenu par un réseau d'organismes centraux. Un changement de gouvernement en 1984 a marqué le retour d'une approche ad hoc. Un autre gouvernement en 1993 s'est tourné vers une approche plus structurée, mais sans la lourdeur de processus et la structure d'avant 1984.

Avant 1939

La structure du Cabinet et le soutien bureaucratique étaient très simples. La taille et l'envergure du gouvernement étaient assez restreintes et le nombre des questions de politiques majeures assez limitées, si bien que les ministres et le Cabinet menaient

eux-mêmes directement les affaires gouvernementales. Le secrétariat du Cabinet n'existait pas, il n'y avait pas de calendrier ni de compte rendu officiel des décisions du Cabinet, et rien n'avait été mis en place pour communiquer les décisions aux ministères. Le premier ministre décidait des points à discuter avec ses ministres, sans préavis8.

1939 – 1945

La guerre a soudainement conduit le gouvernement à intervenir dans l'économie, créant un besoin pour des mécanismes plus sophistiqués de gestion et d'enregistrement de la prise de décision. Le premier secrétaire du Cabinet - aujourd'hui plus communément appelé greffier

7 Clark (1985), p. 191.

8 Robertson (1971), p. 4.

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du Conseil privé ou simplement « le greffier » - est nommé à ce poste en 1940. Cette

nouvelle fonction de Secrétariat du Cabinet se greffe au Bureau du Conseil privé existant. On instaure aussi des comités qui ont pour but de coordonner les opérations de guerre. Le

greffier demande aux ministres de l'aviser à l'avance de leurs intentions de débattre de certaines questions devant le Cabinet, de préparer un ordre du jour et de soumettre à l'avance aux ministres le matériel concernant les discussions du Cabinet; il prend en note les

discussions du Cabinet et en fait un compte rendu officiel.

1946 – 1963

En raison des styles des premiers ministres et du changement de perception du public à l'endroit de la bureaucratie, le processus de prise de décision revient à une absence de système et de structure. Le Premier ministre Saint-Laurent préfère remettre la reconstruction d'après guerre entre les mains d'un groupe de ministres dominants et à leurs hauts

fonctionnaires, « les mandarins », qui bénéficient d'une marge de manoeuvre considérable.

Le Premier ministre Diefenbaker doit son élection au ressentiment que la population a développé contre la classe des « mandarins ». Il n'aime pas déléguer et tient à discuter de pratiquement toutes les questions en réunion du Cabinet.

1963 – 1968

Au fur et à mesure que la fonction publique se complexifie, le Premier ministre Pearson tente de structurer davantage la prise de décision et d'alléger la charge du Cabinet en séance plénière. Il crée des comités permanents du Cabinet qui ont pour but de discuter des

questions qui seront amenées devant le Cabinet. Il confie à un « haut » comité, le Comité des priorités et de la planification, la tâche de définir les priorités générales du gouvernement qui serviront de cadre aux décisions budgétaires.

1968 – 1984

Le style de travail et les préférences d'un premier ministre de caractère, combinés au crédo de l'époque (politique publique active et dépenses publiques très élevées9), ont profondément imprégné la structure de prise de décision du Cabinet. L'interventionnisme et l'activisme politique du gouvernement canadien dans les années 1970 ont créé les conditions idéales à l'établissement de systèmes politiques complexes. C'est dans ce climat qu'est arrivé

Pierre Trudeau, premier ministre durant la majeure partie de cette période, qui :

• croyait fermement dans la prise de décision technocratique fondée sur des systèmes officiels et des structures analytiques;

• tenait à ce que ses ministres prennent des décisions collectivement;

• croyait qu'il fallait diversifier les avis et les informations destinés à ses ministres afin qu'ils ne restent pas « prisonniers » des seuls avis de leurs propres fonctionnaires.

9 Le déficit budgétaire a augmenté constamment durant cette période, en pourcentage du PIB, de 0,9 % en 1968-1969 à 8,6 % en 1984-1985.

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Parmi les nouveautés importantes dans la prise de décision du Cabinet, notons :

• l'arrivée, au Bureau du Premier ministre, de conseillers politiques ouvertement partisans10;

• l'organisation de réunions hebdomadaires régulières des comités du Cabinet;

• l'élargissement des pouvoirs des comités du Cabinet, ce qui leur permet de présenter des décisions au Cabinet à des fins de ratification, plutôt que pour en débattre; le Comité des priorités et de la planification est perçu comme un cabinet « interne de facto »11;

• la création de quatre nouveaux organismes centraux en plus du Bureau du Conseil privé, du Conseil du Trésor et du ministère des Finances : notamment les départements d'État au Développement économique et au Développement social 12, qui fonctionnent parallèlement au Conseil privé pour aider les comités du Cabinet sur le développement social et

économique;

• la prédominance de la prise de décision collective au sein du système des comités, les ministres étant invités à présenter les options aux autres ministres afin d'en débattre plutôt que de déposer une série de recommandations pour approbation.

• la création de comités parallèles de sous-ministres afin de soutenir les comités du Cabinet sur le développement économique et social; ceux-ci constituent un autre niveau de revue, en plus des départements d'État et d'autres organismes centraux, des propositions

ministérielles destinées au comité du Cabinet;

• le lancement d'un processus d'élaboration du budget connu sous le nom de Système de gestion des secteurs de dépenses (SGD), conçu afin de renforcer le contrôle des ministères sur l'établissement des priorités et l'allocation des ressources13; le SGD consiste à donner aux comités du cabinet sur le développement économique et social une enveloppe

budgétaire pour couvrir les secteurs dont ils sont responsables; les ministres doivent alors décider ensemble des allocations de chaque ministère. Le Système exige des besoins en informations détaillées (par ex., des cadres de plan opérationnel qui mettent en évidence les liens entre les objectifs des programmes et les ressources allouées) et requiert des règles permettant de répondre à des questions comme celle de savoir si l'on devrait déduire ou créditer les dépenses fiscales de l'enveloppe budgétaire.

La plupart de ces innovations ont été par la suite démantelées. Bien que partant d'un principe louable, elles n'ont pas fait l'unanimité parce qu'elles ne correspondaient pas à la réalité de

10 Axworthy (1995). Auparavant, les conseillers des premiers ministres étaient détachés de la Fonction publique.

11On n'y a jamais fait référence explicitement sous ce nom. Le besoin, que l'on a remarqué plus haut, de réunir un cabinet aussi représentatif que possible des divers intérêts nationaux, a rendu les premiers ministres canadiens peu désireux de déclarer ouvertement l'existence d'un « cabinet interne ». Bakvis and MacDonald (1993).

12 le Département d'État au Développement social a été mis sur pied durant la brève période où Trudeau n'était plus à la tête du gouvernement en 1979-1980. Celui-ci l'a laissé en place à son retour au pouvoir en 1980.

13 Le SGD a été mis sur pied durant la brève période où Trudeau n'était plus à la tête du gouvenement en 1979-1980. Celui-ci l'a laissé en place à son retour au pouvoir en 1980.

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travail des ministres et des fonctionnaires. L'instauration du GSD venait du désir des ministres de travailler collectivement à maîtriser la hausse des dépenses publiques14. Cependant, chacun cherchait en pratique à éviter ou à manipuler le mécanisme

bureaucratique compliqué du SGD et de ses règles - qui engendraient des réunions et de la paperasserie. La prise de décision collégiale fondée sur des options plutôt que sur des recommandations prémâchées, reflétait l'importance accordée au débat rationnel et bien documenté. La prolifération des organismes centraux, tous ayant un rôle à jouer dans la revue et la mise en forme des soumissions ministérielles, avait pour objectif d'offrir aux ministres un accès aux diverses sources d'informations, réduisant le risque d'une trop grande influence des fonctionnaires de leur ministère. Les comités parallèles de sous-ministres avaient pour mission d'entraîner les hauts fonctionnaires à penser en dehors des « ghettos » ministériels et d'avoir une vue d'ensemble de l'élaboration des politiques et des allocations de ressources.

Ces aménagements devaient représenter une amélioration majeure du système de prise de décision. Toutefois, sur le terrain, ces transformations se sont avérées un échec, car elles n'ont pas réussi à former un réseau efficace de transmission des idées et des informations au Cabinet (page 5). Voilà un système « qui avait pour but d'aider les ministres et que nombre d'entre eux considéraient comme lourd, bureaucratique et qui occasionnait une perte de temps »15. La conséquence de ces systèmes et structures de conseils, de revue, d'information et de coordination était telle que les ministres avaient l'impression de passer « davantage de temps en réunions et en étude de documents pour le Cabinet au détriment des affaires de leur propre ministère »16.

1984 – 1993

Le successeur éclair de Trudeau, son collègue de Cabinet John Turner17, a dissous trois comités du Cabinet, réuni deux organismes centraux (les départements d'État mentionnés plus haut) et aboli les comités parallèles de sous-ministres.

L'élection de 1984 a amené un nouveau parti au pouvoir et un retournement de l'attitude envers le secteur public, deux facteurs qui ont eu un fort impact sur la prise de décision du Cabinet. Le nouveau Premier ministre se sent à l'aise dans un style de prise de décision davantage orienté vers la négociation, à l'opposé de la préférence de Trudeau pour la

collégialité et les systèmes « rationnels ». De plus, le raz-de-marée qui a donné la victoire au parti de centre droite de Mulroney indique un changement dans « l'air du temps ». Au

Canada, comme partout ailleurs, les années 1980 marquent un virage par rapport au secteur public florissant des années 1960 et 1970. Le dédain et la méfiance qu'affiche le public à l'égard des fonctionnaires et de la bureaucratie deviennent un thème que les politiciens de cette période exploitent et qui se reflète dans l'opinion publique.

14 Le déficit budgétaire se montait à 4 p. cent du PIB en 1979, 4 fois plus qu'en 1970.

15 Kroeger (1996)

16 Bakvis et MacDonald (1993).

17 Turner a succédé à Trudeau après la démission de ce dernier comme chef de parti et il est devenu automatiquerment premier ministre.

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Même si Mulroney modifie certaines des structures dont a hérité son gouvernement, c'est plutôt dans les moyens détournés que l'on empruntait pour atteindre ou transgresser les voies officielles que s'effectue un profond changement dans la prise de décision. Mulroney privilégie deux facteurs, soit affermir un contrôle politique solide sur l'élaboration ainsi que sur

l'instauration des politiques, et transgresser les systèmes de prise de décision afin d'atteindre des résultats rapidement. « Mulroney préfère être libre des contraintes qu'imposent les

institutions et les systèmes; le téléphone et les conversations en face à face sont sa marque de commerce18. » Parmi les changements notables, soulignons :

• une intervention croissante sans précédent du Conseil privé sur les orientations et le fonctionnement du gouvernement au complet (le Conseil privé sous Trudeau avait une légère tendance à l'interventionnisme, mais il le faisait, le plus souvent, sur des questions de procédure);

• l'élargissement du personnel politique des ministres recruté hors de la fonction publique, et la fin du SGD; comme on l'a vu, le SGD était impopulaire en raison de sa complexité bureaucratique; ce système collégial était incompatible avec la prise de décision bilatérale que privilégiait Mulroney;

• l'augmentation du nombre de comités du Cabinet jusqu'à 14, mais ...

• au départ, un renforcement du rôle du Comité des priorités et de la planification comme Cabinet interne de facto; plus tard, création d'un sous-comité des priorités et de la

planification, le Comité des opérations - un cabinet « interne à l'interne » non officiel où se prenaient les grandes décisions concernant les compromis et les allocations de ressources;

• le nombre des ministres du Cabinet a grimpé à 40, faisant du Cabinet Mulroney le plus gros parmi les démocraties occidentales19.

L'élargissement simultané du Cabinet ainsi que du système reconnu des comités du Cabinet d'une part, et la concentration informelle du pouvoir dans les mains du Comité des opérations d'autre part, vont de pair avec le désintérêt que Mulroney affiche envers le système et avec sa préférence pour la prise de décision bilatérale plutôt que collégiale. Le Comité des opérations fournit un forum restreint de prise de décisions importantes alors que la taille du Cabinet et le système fragmenté des comités limitent les chances des ministres de pouvoir s'engager dans un débat multilatéral fructueux.

1993 à nos jours

Le Premier ministre actuel, Jean Chrétien, a adopté des réformes que son prédécesseur20 avait amorcées, démantelant ou simplifiant de nombreuses structures héritées du

gouvernement Murlroney. Le nombre des ministres du Cabinet est passé de 40 à 2321 et le

18 Kroeger (1996, p. 465.

19 Aucoin et Bakvis (1993), p. 394.

20 La Première ministre Kim Campbell, qui a dirigé le pays moins d'une année en 1993.

21 Kernaghan et Siegel (1995), p. 382. Il y a à l'heure actuelle 28 ministres.

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nombre des comités du Cabinet est descendu à 4. Chrétien a aussi supprimé le Comité des priorités et de la planification et le Cabinet en séance plénière a retrouvé sa fonction première d'organe de décision principal. L'approche de Chrétien est simple mais systématique et rejette le style ad hoc de Mulroney. Les deux comités des politiques du Cabinet, l'union économique et l'union sociale, se voient habilités à présenter des recommandations pour confirmation (sans débat) au Cabinet en séance plénière sur la plupart des questions liées aux affaires gouvernementales, laissant ce dernier débattre de questions générales et stratégiques. Le Conseil privé ne fonctionne plus sur le mode interventionniste des cabinets Trudeau et Mulroney et s'assure plutôt que le processus de prise de décision se fait en bonne et due forme (voir ci-dessous).

Deux facteurs ont motivé ces deux changements. Tout d'abord, Chrétien préfère un style de prise de décision à mi-chemin entre le multilaréralisme lourdement bureaucratique de Trudeau et le bilatéralisme exempt de processus de Mulroney. Il vise un mécanisme transparent, constant et simple permettant aux ministres de participer tout en les laissant libre, à titre individuel, d'exercer les limites de leur autorité, sans avoir recours au Cabinet.

Toutefois, lorsque les questions requièrent l'acceptation du Cabinet, Chrétien insiste pour que, malgré la nécessité d'un processus permettant à chacun d'exprimer ses opinions, les décisions finales lui reviennent sans conteste22.

Le second facteur tient à « l'air du temps ». La frustration de l'opinion publique prenant de l'ampleur face à l'incapacité répétée des gouvernements précédents à éliminer le déficit budgétaire, Chrétien s'engage à réduire de manière importante le déficit (le budget de 1997-1998 montre un surplus financier au Canada pour la première fois depuis 1970). La rationalisation du gouvernement et du processus de prise de décision s'avère nécessaire pour démontrer sa détermination à réduire les dépenses et à remettre le gouvernement sur « la bonne voie ».

LE CABINET ET SES COMITÉS

Parmi les quatre comités du Cabinet, deux sont des comités sur les orientations politiques -- le Comité pour l'union économique et le Comité pour l'union sociale23. Les comités

s'occupent de ce que le Conseil privé appelle les « questions transactionnelles » tandis que les discussions en Cabinet en séance plénière sont réservées aux grands dossiers et problèmes stratégiques d'importance politique. Bien que ces termes soient impossibles à définir avec précision, leur signification est suffisamment bien ancrée dans la culture organisationnelle pour que ceux qui travaillent dans le système les comprennent assez bien.

22 Entretien réalisé dans le cadre de cette étude.

23Les deux autres comités sont le Conseil du Trésor (voir Encadré 2) et le Comité spécial du Conseil qui s'occupe des nominations et autres questions administratives.

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En raison de leur limitation et de leur définition assez claire, on peut considérer les questions

« transactionnelles » comme des domaines où les ministres peuvent prendre des initiatives individuelles et où le débat n'est pas nécessaire à l'extérieur du comité du Cabinet concerné.

Les questions transactionnelles génèrent normalement des propositions qui demandent une décision immédiate (approuvé ou non approuvé) et visent à donner suite à certains aspects du programme général du gouvernement. Les propositions nécessitant la décision du comité sont présentées sous forme d'un « mémoire au Cabinet » (MC), un document type concis au format et à la table des matières strictement définis dans un guide de rédaction émanant du Conseil privé24 (Encadré 1). Lorsqu'un comité approuve un MC, il transmet ses

recommandations au Cabinet en séance plénière sous la forme d'un Rapport de comité (RC) qui est annexé à l'ordre du jour de la réunion du Cabinet en séance plénière. Le Cabinet normalement accepte les recommandations du comité sans discussion.

À l'inverse des comités, le Cabinet en séance plénière consacre son temps aux « affaires prioritaires et aux questions d'orientation et de politique générale »25. Les discussions du Cabinet se concentrent sur des points qui ont de profondes répercussions sur le

gouvernement au complet et sur le pays. Un sous-ministre et ancien haut fonctionnaire du Conseil privé souligne que les réunions du Cabinet en séance plénière offrent la chance de discuter de questions difficiles, possiblement litigieuses, « sans l'angoisse que provoque la nécessité de décider rapidement »26. Imaginons que le Cabinet en séance plénière doive se pencher sur la question « stratégique » des répercussions possibles de « l'ère de

l'information » sur le Canada. À l'issue de cette discussion, un ministre en particulier pourrait être désigné afin de procéder à l'élaboration d'une stratégie en vue de préparer le Canada aux changements qui découleront de la technologie de l'information. Le comité du Cabinet pourrait débattre de cette stratégie, celle-ci pouvant alors mener à des propositions de nature

« transactionnelle » qui demandent l'approbation du comité du Cabinet (par exemple, la création d'un fonds pour l'innovation technologique). Dans ce cas, il faudrait rédiger le MC approprié qui serait discuté en comité (pas en Cabinet en séance plénière). Autrement, si la question est d'une importance particulière ou est sujette à litige, il se peut qu'il n'y ait pas un consensus suffisant à l'issue de la première ronde de discussion en comité, et qu'il faille alors la transmettre de nouveau au Cabinet en séance plénière. Le BCP est le pivot de ce processus itératif, informant le Premier ministre constamment (par l'intermédiaire du greffier) sur le déroulement des discussions en comité et lui demandant s'il estime nécessaire que le Cabinet donne des directions plus poussées aux membres du comité.

24Le Conseil privé définit tout, des rubriques du MC à la largeur des marges et à la taille des polices.

25 Bureau du Conseil privé (1998).

26 Entretien réalisé dans le cadre de cette étude.

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Les conséquences de cette division du travail font que le gros des délibérations ministérielles se déroule en comité plutôt qu'en Cabinet en séance plénière. Les heures dévolues aux réunions de comités sont environ le triple (ou plus) des heures de réunions du Cabinet en séance plénière. Celui-ci se réunit deux heures une fois par semaine alors que les comités se réunissent une fois par semaine de deux à quatre heures.

Seuls les ministres et une poignée de fonctionnaires sont admis aux réunions du Cabinet. Le Conseil privé contrôle de manière stricte les fonctionnaires qui sont autorisés à y assister afin de « créer un environnement propice au libre débat »28. Les fonctionnaires qui assistent au Cabinet en séance plénière proviennent en grande partie du BCP. Ce sont :

• le greffier (présent à titre de secrétaire du Cabinet et de conseiller principal du premier ministre issu de la fonction publique; le greffier ne prend pas la parole pendant les réunions à moins d'y être invité);

• le sous-greffier;

• les sous-secrétaires à la Planification et aux Opérations du Bureau du Conseil privé (hauts fonctionnaires qui ont pour responsabilité première de traiter des affaires du Cabinet et des comités et qui relèvent directement du greffier);

• des rapporteurs du Conseil privé;

27 Bureau du Conseil privé (1997).

28 Entretien réalisé dans le cadre de cette étude.

Encadré 1 : Un document de décision précis : le mémoire au Cabinet

Le Conseil privé exige que tout le MC (annexes comprises) ne dépasse pas 27 pages. La partie des recommandations ministérielles clés ne doit pas faire plus de 4 pages qui doivent couvrir :

Le sujet – un résumé en une phrase de la question présentée au Cabinet;

Les recommandations – l'orientation proposée pour laquelle le ministre concerné recherche l'appui du Cabinet;

La justification – argumentation principale du ministre concerné étayant les recommandations;

Les problèmes et les stratégies – les conséquences indésirables possibles des recommandations et les solutions pour y remédier;

Les considérations politiques – les questions politiques clés liées aux recommandations;

L'opinion des ministères – l'opinion (pour et contre) des autres ministères sur les recommandations.

Les instructions que donne le Conseil privé aux rédacteurs de MC font valoir que les « ministres sont des personnes très occupées et que leur temps est compté ». Il est donc demandé aux rédacteurs de « peaufiner chaque phrase afin qu'il n'y ait pas de mots inutiles »27.

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• un ou deux conseillers politiques du bureau du Premier ministre (par ex., le chef de Cabinet);

• selon les circonstances, un petit nombre de fonctionnaires des ministères responsables (par ex., un ministre faisant une présentation au Cabinet peut se faire assister d'un fonctionnaire).

Assistent aux réunions du comité du Cabinet, en plus des ministres :

• le sous-secrétaire des Opérations du BCP;

• le secrétaire adjoint à la politique sociale ou économique (en fonction du comité) du BCP qui agit à titre de secrétaire du comité;

• les agents de politiques du BCP qui ont travaillé sur les sujets de la discussion (ceux-ci sont admis dans la salle pour la durée de discussion du sujet qui les concerne; ils n'y restent que le temps consacré à leur question - voir Annexe II);

• un agent des communications du Conseil privé;

• le directeur des Opérations du BCP (le fonctionnaire responsable de la gestion quotidienne des affaires du comité);

• les fonctionnaires d'autres organismes centraux (le secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère des Finances – Encadré 2);

• un petit nombre de fonctionnaires des ministères dont les questions figurent à l'ordre du jour.

Comme nous l'avons indiqué, les réunions du comité du Cabinet ont pour but de voir le détail des orientations alors que le Cabinet en séance plénière tend à débattre de questions de politiques plus larges. Si, en cours de réunion de comités, le débat dévie et passe d'une question précise d'élaboration de politiques à une question de politique plus large, le ministre qui préside le comité peut demander à certains fonctionnaires de quitter la salle29.

Les comités d'orientation politique du Cabinet. Comme le nom l'indique, la division du travail entre les deux comités des orientations politiques du Cabinet repose sur une distinction entre les questions à caractère économique ou sociale. Dans tous les cas, la décision visant à transmettre une question à un comité ou à un autre repose sur le Conseil privé qui agit au nom du Premier ministre. Dans certains cas, le Conseil privé peut décider que la question représente un intérêt suffisamment large pour être soumise aux deux comités à la fois en séance mixte. Les sujets de politiques étrangères et de défense, qui ne trouvent pas souvent leur « niche » dans l'un ou l'autre des comités des politiques, sont parfois

29 Entretien réalisé dans le cadre de cette étude.

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transmis directement au Cabinet en séance plénière, sans passer par l'étape du comité. Les membres actuels des comités apparaissent en Annexe I.

LE BUREAU DU CONSEIL PRIVÉ : LE SECRÉTARIAT DU CABINET

Le Conseil privé est l'un des trois organismes centraux majeurs du régime canadien, les deux autres étant le ministère des Finances et le Conseil du Trésor (voir Encadré 2). Parmi ses différentes fonctions, celle qui nous intéresse est celle de secrétariat du Cabinet qui veille au bon fonctionnement du Cabinet. Le BCP fournit un soutien sous forme de secrétariat aux comités du Cabinet et au Cabinet en séance plénière. Plus généralement, il s'occupe de tout ce qui est lié au processus de prise de décision : organisation des réunions, circulation des ordres du jour, distribution des documents, prestation de conseils aux présidents de chaque comité sur les points à l'ordre du jour et rédaction des comptes rendus et enregistrement des décisions. (Voir aussi Annexe 2).

L'organisation du Conseil privé reflète la division entre les affaires « transactionnelles » et

« stratégiques » que l'on a examinées dans la partie précédente, c'est-à-dire entre les affaires des comités du Cabinet et celles du Cabinet en séance plénière. Le secteur des Opérations du Conseil privé traite des affaires des comités du Cabinet tandis que le secteur de la

Encadré 2 - Le ministère des Finances et le Conseil du Trésor

Il n'entre pas dans le cadre de cette étude d'examiner les autres organismes centraux, mais il est utile d'en donner une brève description, puisqu'ils entrent en étroite interaction avec le BCP et le Cabinet, et façonnent ainsi l'environnement dans lequel évolue le BCP.

Le ministère des Finances est la ressource première du gouvernement en matière de conseils et d'analyses économiques. Le ministre des Finances est chargé de la politique budgétaire du

gouvernement; le ministère fixe le cadre financier annuel, partie intégrante du processus budgétaire, et joue un rôle essentiel dans la prise de décision concernant la réaffectation des dépenses des ministères. De concert avec le Conseil du Trésor (voir ci-dessous), il conseille le Cabinet et le Premier ministre sur les répercussions économiques des propositions ministérielles.

Le Conseil du Trésor est le seul comité du Cabinet créé par une loi. Il a son propre ministre et possède sa bureaucratie, le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). À titre de « directeur général » du gouvernement, SCT a une vaste gamme de fonctions dans les secteurs des finances et de la gestion du personnel. Parmi les fonctions qui sont étroitement reliées au processus de prise de décision du Cabinet, SCT a pour tâche de gérer le processus de préparation du budget et de fournir des conseils sur les conséquences financières des propositions ministérielles. Il voit aussi dans quelle mesure les propositions ministérielles cadrent avec les pouvoirs existants financiers et en gestion du personnel. De plus, toute proposition ministérielle qui a des répercussions financières et que le Cabinet a approuvée doit, en définitive, passer par le Conseil du Trésor car c'est lui qui donne l'autorisation de débloquer le financement requis.

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Planification et des Consultations s'occupe des affaires du Cabinet. Chacun a un sous-secrétaire à sa tête qui relève directement du greffier.

La gestion des comités du Cabinet – Le rôle du secteur des Opérations du Conseil Privé La préparation d'une question pour le comité du Cabinet. Le Conseil privé entre en jeu au moment où un ministère commence à travailler sur une proposition qui demandera, ensuite, l'approbation du Cabinet (voir Encadré 3). Le processus peut s'enclencher à la suite d'un simple appel téléphonique de la part d'un fonctionnaire d'un ministère à l’agent de politiques du Conseil privé qui couvre le ministère en question. Le fonctionnaire peut appeler soit parce qu'il estime que la proposition qu'élabore son ministère peut requérir l'approbation du

Cabinet et, par conséquent, il veut la faire figurer à l'ordre du jour du comité, et avoir de l'aide pour préparer le mémoire au Cabinet, soit parce qu'il veut savoir si la proposition a un lien avec une question qui requiert l'approbation du Cabinet.

Entre autres rôles importants, les agents de politiques du Conseil privé, de même que leurs supérieurs jusqu’au greffier, doivent veiller à ce que le processus de préparation du MC et la conduite de la réunion du comité qui étudie le MC se déroulent dans les règles. Pour le Conseil privé, il s'agit de distribuer de l'information et d'offrir la possibilité à chacun de s'exprimer. Le Conseil privé cherche notamment à :

Encadré 3 – Aller de l'avant ou aller devant le Cabinet – Comment savoir?

Les ministres bénéficient d'une autonomie considérable dans le régime canadien. Le Premier ministre actuel aime repousser les limites de leur autorité, afin qu'ils ne recherchent l'approbation du Cabinet uniquement lorsque cela s'avère absolument nécessaire. La frontière entre ce qu'un ministre peut et ne peut pas faire n'est jamais bien définie, mais c'est généralement assez bien compris en raison d'une combinaison de règles et de décennies de traditions. Au bout du compte, c'est le Premier ministre (par le biais du Conseil privé) qui a le dernier mot. Le maintien d'un dialogue constant entre les fonctionnaires des ministères et leurs homologues du Conseil privé, permet de déterminer dès le début du processus si une proposition a besoin ou non de l'approbation du Cabinet.

Une proposition se rend devant le Cabinet si :

elle représente une nouvelle politique gouvernementale;

elle représente un changement dans la politique déjà en place approuvée par un Cabinet précédent;

elle a des répercussions financières significatives pour le gouvernement;

elle a des répercussions importantes sur les autres ministères;

elle demande une nouvelle législation;

elle fait suite au rapport d'un comité permanent du Parlement;

elle touche à un domaine couvert par des accords internationaux ou provinciaux;

elle présente le risque d'être une question politique particulièrement délicate.

De même, une proposition peut tout simplement se retrouver devant le Cabinet si c'est la volonté du Premier ministre! Normalement, il prendrait ce type de décision en fonction de l'avis du Conseil privé qui pourrait estimer, pour d'autres raisons, que l'acceptation du Cabinet est nécessaire.

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• s'assurer que tous les ministres travaillent à partir des mêmes informations, que tous les faits, les analyses et la documentation concernant la proposition sont offerts à l'avance, sous une forme intelligible pour toutes les parties;

• veiller à ce que tous les ministres qui veulent s'exprimer sur la question puissent le faire.

Le Conseil privé du Canada a recours à toute une gamme de moyens pour remplir son rôle de gardien du bon déroulement du processus. Il participe, entre autres, aux côtés de plusieurs représentants des ministères concernés, aux rencontres interministérielles qui se tiennent pour préparer un MC. Bien que la direction de ces rencontres revienne au ministère qui parraine la proposition, le Conseil privé surveille le processus, s'assurant que l'on convoque tous les bons intervenants, que l'on distribue la documentation pertinente et que tous les participants ont la chance d'exprimer des points de vue différents.

Le personnel du Conseil privé dispose aussi d'autres moyens moins officiels, qui se

démarquent du processus habituel, pour encourager l'échange horizontal d'informations et de points de vues, afin de faciliter le processus d'élaboration des politiques et de préparer un dossier pour présentation au comité du Cabinet. S'il ressort qu'il y a de trop grandes

différences d'opinions qui ne peuvent être résolues en réunion régulière, ou qu'il y a eu des lacunes dans le bon déroulement du processus30, le personnel du Conseil privé peut travailler en coulisse afin d'organiser des réunions informelles entre les fonctionnaires dans le but de trouver des solutions aux divergences qui les opposent. À l'occasion, un haut fonctionnaire du Conseil privé peut, après consultation avec le greffier, organiser une réunion entre les ministres qui ne s'entendent pas sur une proposition de politique.

Plus rarement, le Conseil privé peut faire appel à des tactiques plus interventionnistes que l'organisation de réunions entre les parties en litige ou que de présenter des suggestions indirectes concernant le « bon déroulement du processus ». Dans certaines circonstances, les fonctionnaires du Conseil privé peuvent se servir du pouvoir de leur bureau pour obliger les gens à résoudre leurs différends. Ce pouvoir peut s'avérer un outil très efficace. Le Conseil privé est perçu comme étant le porte-parole du Premier ministre et du greffier -- une

combinaison irrésistible dans certains cas. De telles tactiques prennent tout leur sens lorsque des sous-ministres sont engagés dans le processus, car, un sous-ministre, bien que travaillant directement avec un ministre, à titre de plus haut fonctionnaire de son ministère, est nommé par le Premier ministre sur avis du greffier31.

30 Une personne, un ancien haut fonctionnaire du Conseil privé, a souligné, au cours d'un entretien, le rôle du Conseil comme contrepoids aux tactiques d'intimidation de certains ministres ou sous-ministres qui pourraient vouloir bloquer toute une série de points de vue différents.

31 Qui est, entre autres, à la tête de la fonction publique.

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Voilà qui donne au Conseil privé de l'influence sur le fonctionnement du

gouvernement, ne serait-ce qu'en raison de l'ambition de fonctionnaires qui savent très bien que le Conseil a son mot à dire sur leur carrière au sein du gouvernement32. Le BCP pourrait intervenir encore plus (bien qu'il le fasse très rarement) en informant le Premier ministre, par le truchement du greffier, d'une dispute en cours, et en le laissant trancher lui-même.

Durant la préparation d'un MC, le personnel du Bureau du Conseil privé a pour tâche d'en rapporter les développements au Premier ministre (par l'entremise du greffier et du personnel politique du Premier ministre) afin qu'il soit toujours, lui ou son personnel, au courant des étapes de toute proposition donnée. Les canaux de communication entre le Conseil privé et le Premier ministre suivent une routine descendante jusqu'à l'agent de politiques. Une fois par semaine, chaque agent de politiques du Conseil privé a la possibilité de rédiger une note brève sur ce qu'il estime devoir porter à l'attention du Premier ministre. Le greffier reçoit ses notes et décide si leur contenu mérite d'être soulevé à la réunion matinale quotidienne qu'il a avec le Premier ministre.

Mis à part son rôle dans les réunions préparatoires aux réunions du Cabinet, le Conseil privé suit de très près les documents qui sont déposés devant le Cabinet, passant au crible chaque point avant sa présentation. En agissant ainsi, il veut empêcher qu'un fait nouveau ou qu'une récente analyse n'interfère à la dernière minute, avant que les participants n'aient eu le temps de les étudier.

L'objectif prépondérant de toutes ces formes d'intervention est d'assurer le bon déroulement des discussions entourant le MC en comité. « Les surprises sont rares en comité en raison du travail de préparation minutieux qui a été fait » mentionne un fonctionnaire du Conseil privé.

La période préparatoire n'est pas terminée et le MC pas encore prêt à être soumis au Cabinet tant que les différences d'opinions prévisibles ne sont pas aplanies, que toutes les

informations importantes ne sont pas complètes et que les divergences d'analyses ne sont pas réglées. On réduit ainsi le risque que le Cabinet perde son temps en conflits peu productifs sur des incompatibilités de fait, sur la qualité de l'analyse étayant le MC ou sur les principes de base qui sous-tendent la proposition de politique.

En dépit de tout le travail préparatoire, il y a des cas où des différences de taille surgissent en comité, qui pourraient être dûes au fait que le BCP ait sous-estimé ou mal compris les

réticences d'un ministre à l'égard de la proposition. Dans un tel cas, si les différences sont inconciliables pendant la réunion, la question retourne au ministre qui parraine la proposition pour un examen approfondi.

La gestion de la réunion du comité du Cabinet. Un haut fonctionnaire du Conseil privé siège à la table du Comité à titre de secrétaire. Chaque agent de politiques du Conseil privé dont un

32 Savoie (1997), p. 64.

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point figure à l'ordre du jour du Comité prépare une note de breffage au ministre qui préside le comité. Le BCP prépare aussi des aide-mémoire à l'intention du président et lui fournit des conseils écrits concernant la direction de la réunion, par exemple en lui mentionnant les inquiétudes que pourraient soulever des ministres en particulier, et en lui indiquant les ministres auxquels ils pourraient demander d'intervenir sur des points particuliers. Les agents de politiques n'assistent à la réunion que pendant le temps consacré à leur point à l'ordre du jour et prennent eux-mêmes les notes sur la question.

Une fois le MC approuvé par le Cabinet en séance plénière. Le Service du système des dossiers du Cabinet dont est responsable le BCP s'occupe de la communication officielle des décisions du Cabinet dans tout le gouvernement. Cependant, la méthode de communication la plus rapide (souvent la meilleure) consiste à prendre des moyens détournés. Normalement, une fois l'approbation du Cabinet confirmée, l'agent de politiques du BCP en informe son collègue du ministère par téléphone. De même, le petit déjeuner du mercredi (qui suit la réunion du Cabinet du mardi), auquel le greffier convie tous les sous-ministres, offre une belle occasion à celui-ci de communiquer aux ministères les décisions prises par le Cabinet durant la semaine et d'indiquer les nuances possibles de certaines décisions dans le cas où le Premier ministre craint que les ministres ne les auraient pas bien saisies. En fait, si le greffier croit qu'il y a une forte possibilité qu'un ministre puisse mal interpréter une décision du Cabinet, le BCP envoie une lettre au sous-ministre « confirmant » les détails des recommandations du comité du Cabinet qui ont été approuvés par le Cabinet en séance plénière33.

Les documents du comité autres que le MC. Tout ce qui est déposé devant le comité ne l'est pas forcément sous forme d'un MC en vue d'obtenir un « OK ». Souvent, les ministres se servent du comité du Cabinet comme d'un forum pour tester de nouvelles idées sur leurs collègues ou pour se ménager un appui à des idées qui pourraient devenir des MC. (Certains ministres soumettent aussi des questions au comité pour discussion plutôt que pour décision, dans le but de rehausser leur profil au sein du Cabinet; ces questions doivent être cependant suffisamment pertinentes aux yeux du BCP pour trouver leur place dans l'ordre du jour.) Dans ce cas, les ministres déposent un document pour discussion sous forme d'un

aide-mémoire ou d'une présentation sommaire. Au contraire du MC, ces documents n'ont pas un format type, mais, comme c'est le cas pour le MC, le Conseil privé les examine

minutieusement avant de les présenter.

Éviter le recours abusif au Cabinet. Le secteur des Opérations du BCP, gardien des comités du Cabinet, doit veiller à ce que seules les questions pertinentes pour le Cabinet figurent à l'ordre du jour. Le personnel du Conseil ne permettra pas qu'un point aille au comité s'il couvre clairement un domaine relevant de l'autorité du ministère en question. Nos entretiens avec des membres du personnel du BCP suggèrent aussi que, de toute façon, le Conseil a rarement à exercer ce pouvoir, pour deux raisons :

33 Entretien réalisé dans le cadre de cette étude.

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• Les pratiques traditionnelles (Encadré 3) sont suffisamment bien enchâssées dans le système pour que la plupart du personnel ministériel sache « pratiquement d'instinct » quand une question doit aller au Cabinet; il est extrêmement rare de voir un ministère approcher le BCP pour lui présenter une question qui ne requiert pas l'approbation du Cabinet.

• Les ministres au Canada ont toujours eu tendance à tester les limites de leur autorité et ils préfèrent en général ne pas avoir à rechercher l'approbation du Cabinet; le style de

direction du Premier ministre actuel a renforcé cette pratique.

On estime aussi qu'en réduisant la taille du Cabinet en 1993, on a également diminué l'éventail des décisions qu'il doit prendre. La consolidation de plusieurs ministères et la réduction des membres du Cabinet ont fortement diminué le nombre de lieux décisionnels dans

l'administration canadienne, faisant reculer la tendance qu'avaient les ministres à « représenter des intérêts et des groupes particuliers au sein et en dehors de leur portefeuille »34. De

nombreuses questions dont les ministres devaient auparavant débattre entre eux dépendent maintenant d'un seul ministre. Les questions interministérielles sont devenues, en raison de la consolidation du Cabinet, des préoccupations ministérielles internes et n'ont plus rien à voir avec le Cabinet.

Le rôle du secteur de la Planification du Conseil privé : offrir un support aux délibérations du Cabinet en séance plénière

Plusieurs des fonctions administratives que l'on a vues dans l'examen de l'organisation des comités du Cabinet par le secteur des Opérations du Conseil privé s'appliquent également au secteur de la Planification dans l'organisation du Cabinet en séance plénière. Le secteur de la Planification vérifie et prépare tous les documents déposés aux réunions du Cabinet, réuni les documents de breffage, offre des conseils écrits au Premier ministre afin de l'aider dans son rôle de président des réunions du Cabinet, prend en note les discussions du Cabinet et transmet les décisions de ce dernier.

Le Cabinet en séance plénière tend à se pencher sur les enjeux à venir et à se montrer proactif - « un forum stratégique qui vise à faire avancer l'ordre du jour du gouvernement »35 -- alors que les comités du Cabinet passent une grande partie du temps à réagir sur des propositions que les ministres leur ont soumises. Le secteur de la Planification a pour importante fonction de proposer au Premier ministre un ordre du jour préalable pour le Cabinet, c'est-à-dire de lui fournir une idée des questions stratégiques essentielles qui risquent de surgir dans les mois à venir et que devront discuter les ministres.

34 Aucoin et Savoie (1998a), p. 5; voir aussi Aucoin et Bakvis (1993).

35 Entretien réalisé dans le cadre de cette étude.

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Afin de favoriser l'élaboration d'un programme d'action, le secteur de la Planification organise des événements et des réunions qui suscitent la réflexion stratégique du Cabinet, notamment :

• des retraites du Cabinet, qui se font tous les quatre ou six mois et fournissent l'occasion aux ministres de s'asseoir et de faire le point sur les questions majeures; ces derniers temps, d'importantes retraites ont porté sur le processus d'allocation des dépenses, juste avant et juste après le budget;

« l'exercice sur les priorités », une récente initiative amenant des discussions collectives du Cabinet sur les priorités budgétaires;

• le comité de coordination des sous-ministres, un groupe de hauts fonctionnaires qui se réunit chaque semaine, avec le greffier comme président, et qui fournit des avis sur des questions qui seront discutées par le Cabinet en séance plénière.

Le rôle « d'avocat du diable » du BCP dans le processus de développement des politiques Le Conseil privé joue un rôle important en s'assurant que l'on pose bien les questions difficiles et que l'on prend en considération des points de vues différents relativement aux questions qui sont amenées devant le Cabinet. Dans le milieu, on appelle cela « la fonction de questionnement » et on estime que c'est le rôle « probablement le plus controversé » du Conseil privé et des autres organismes centraux36.

En parlant au nom du Premier ministre, le BCP a pour but de représenter les intérêts au sens large du gouvernement. Cela signifie qu'il doit mettre les ministères au défi d'examiner d'un œil critique leurs positions et d'aller au-delà de leur grille d'analyse interne pour revoir leurs conclusions et leurs recommandations en fonction de toutes les perspectives raisonnables.

Cela signifie aussi qu'il doit se montrer vigilant face à des situations où l'opinion d'un ministre ou d'un sous-ministre dominant s'imposerait aux dépens de certains points de vues.

Pour un haut fonctionnaire du BCP, la fonction de questionnement consiste à « toujours se poser la question : est-ce dans l'intérêt public? »37. Il faut également soulever des questions comme :

• Pourquoi ne pas étudier le problème sous un autre angle?

• Êtes-vous sûrs que la politique que vous proposez s'inscrit dans le plan d'action plus général du gouvernement?

Souvent, le Conseil privé exercera la fonction de questionnement de manière indirecte. Au lieu de poser les questions directement, le Conseil va faire en sorte que quelqu'un les pose,

36 Gouvernement du Canada (1995).

37Entretien réalisé dans le cadre de cette étude.

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par exemple au moyen de notes de breffage qu'il prépare pour le Premier ministre, en tant que président du Cabinet, ou pour les présidents des comités du Cabinet.

Il est intéressant d'observer que même si les ministères n'aiment pas être mis au défi par le Conseil privé, ils comprennent généralement (encore qu'à contrecœur dans certains cas), que la fonction de questionnement est importante pour l'élaboration d'une bonne politique. En fait, la plupart des intervenants du système s'attendent à être mis au défi par le Conseil privé (ou d'autres organismes centraux) -- « chacun sait que c'est notre travail », mentionne un haut fonctionnaire du Conseil38. Sachant cela, le travail d'élaboration dans les ministères se fait de façon plus attentive (d'où cette relation de haine et d'amour entre les ministères et le Conseil privé).

La position du BCP comme conseiller immédiat du Premier ministre donne beaucoup de poids à la fonction de questionnement, accroissant les préoccupations ministérielles quant à la manière dont la fonction s'exerce. Un haut fonctionnaire du BCP explique :

Si vous prévoyez questionner une proposition, vous avertissez à l'avance celui qui la propose de votre désaccord, du pourquoi de votre désaccord et avec qui vous voulez en discuter. Les choses sont beaucoup plus transparentes qu'elles étaient39.

LE PERSONNEL DU BUREAU DU CONSEIL PRIVÉ

Il existe une pratique qui consiste à faire tourner le personnel des ministères sectoriels au Conseil privé. Pour faire un tour typique des tâches, il faut compter de deux à trois ans, au bout desquels le personnel retourne à son ministère d'attache. La tradition est si bien ancrée que le Conseil privé est considéré aujourd'hui comme un terrain de formation pour les fonctionnaires en plein essor, ou, comme un gestionnaire du Conseil l'a décrit, « comme la touche finale à la formation des futurs sous-ministres » et autres postes cadres40. Cette pratique est largement appréciée en raison des résultats positifs qu'elle apporte à la fonction publique et au processus de gestion des politiques, notamment :

• une compréhension mutuelle entre le Conseil privé et les ministères sur la réalité quotidienne des fonctions et des contraintes;

• l'établissement d'une relation de confiance entre le Conseil privé et les ministères qui contribue à faciliter les relations de travail;

• une meilleure compréhension au sein du personnel des ministères du processus de gestion des politiques au cœur du gouvernement;

• l'existence d'un mécanisme de récompense et de reconnaissance autre que financier pour le personnel ministériel performant;

38 Entretien réalisé dans le cadre de cette étude.

39 Idem

40 Entretien réalisé dans le cadre de cette étude.

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• le développement de réseaux interpersonnels de valeur au sein de la fonction publique qui facilitent l'avancement professionnel.

Certains ministères ont pour habitude d'allouer un membre de leur personnel au Conseil privé en pariant sur le fait qu'il « reviendra au ministère au bout de deux ans en ayant une meilleure vue d'ensemble »41. Un fonctionnaire explique qu'une période de travail au Conseil privé permet à un fonctionnaire de retourner à son ministère d'attache avec « une certaine marge d'indépendance vis à vis du ministre »42 en raison de la qualité du réseau qu'il se sera créé. Fort de ce sentiment « d'indépendance vis à vis du ministre » un fonctionnaire exerce son rôle de conseiller avec une plus grande assurance, et, à l'occasion, il se permet de « remettre en cause » (dans le sens du questionnement dont on a parlé plus haut) les propositions émanant des

niveaux supérieurs du ministère. Les effets d'un stage dans un organisme central comme le Conseil privé peuvent se faire sentir pendant toute une carrière à la fonction publique. Un sous- ministre dans un ministère sectoriel mentionne que, lorsqu'il s'occupait d'une question qui demandait une très grande coordination au sein du gouvernement, il savait « exactement à qui s'adresser, quand téléphoner et comment avoir ses collègues de son côté », tout cela parce qu'il avait travaillé à la fois au Conseil privé et au ministère des Finances43.

LE CABINET ET LA MISE EN PLACE DES POLITIQUES

Ni le Cabinet ni le Conseil privé n'ont grand-chose à voir avec la mise en place des décisions.

Un comité du Cabinet, lorsqu'il approuve un MC, discutera de la question de l'implantation du point de vue des activités de communication ou de l'action législative. Une fois le MC approuvé en Cabinet en séance plénière, le ministère responsable doit présenter une demande au Conseil du Trésor (un comité statutaire du Cabinet; voir ci-dessus) afin de débloquer des ressources et de confirmer les autorités nécessaires à la mise en œuvre de la proposition. De même, le Conseil privé, une fois que le MC est approuvé, doit s'assurer immédiatement de la communication rapide de la décision du Cabinet au sein du gouvernement (voir ci-dessus).

Autrement, le Conseil privé a très peu à voir dans le suivi de la mise en œuvre. Il n'y a pas vraiment d'unité ou de structures définies pour assurer le suivi. Si le Conseil garde un œil sur l'instauration, c'est par l'entremise de contacts routiniers entre les fonctionnaires du Conseil et leurs homologues d'autres ministères qu'elle se fait. Le Cabinet pense à juste titre que c'est au ministère responsable de l'initiative politique de s'occuper de son instauration et qu'aucune surveillance systématique n'est nécessaire.

Tandis que le Conseil privé n'effectue pas de suivi régulier de l'instauration des décisions du Cabinet, il garde un œil sur les progrès en vertu des engagements que le gouvernement a pris en matière de politique tels qu'ils sont inscrits dans la plateforme électorale et dans le

« Discours du trône » (un discours que le Chef de l'État prononce devant le Parlement). Le

41 Idem.

42 Idem.

43 Idem.

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secteur de la Planification du Conseil privé fait le décompte trimestriel des progrès des ministères en matière d'élaboration des politiques et des programmes afin qu'ils concordent avec les engagements de l'État. Le greffier peut aussi s'informer en demandant : « où en est la préparation de votre document ou de votre MC? »44 en profitant du petit déjeuner

hebdomadaire avec les sous-ministres (voir ci-dessus) comme moyen détourné de suivre les progrès des ministères.

LE SOUS-MINISTRE ET LE PROCESSUS D'ÉLABORATION DES POLITIQUES

À titre de plus haut bureaucrate du ministre, le sous-ministre fait la liaison entre la politique et son instauration -- il a un pied dans chaque monde. Une relation de travail fructueuse entre les ministres et leurs sous-ministres constitue un facteur qui contribue grandement au bon fonctionnement du processus d'élaboration des politiques au Canada.

D'une part, le sous-ministre est le « directeur général » d'un ministère du gouvernement chargé de l'instauration de cette partie du programme gouvernemental dont son ministre est responsable. Il supervise la planification des opérations, le personnel, la délégation des responsabilités, l'évaluation des performances, la gestion du budget ministériel et veille à la conformité aux normes administratives à l'échelle gouvernementale.

D'autre part, à titre de plus haut conseiller non partisan du ministre sur les politiques, on s'attend à ce qu'il prévoit les tendances, émette des idées sur les politiques, conseille le ministre sur ses propres idées et sur les idées de politiques émises ailleurs au sein du gouvernement. Une enquête qui portait sur les relations entre les ministres et leurs sous-ministres au Canada a montré que la relation qui engage le plus communément le ministre et le sous-ministre porte sur l'élaboration des politiques45.

Selon certaines observations, il y a plusieurs façons pour les sous-ministres de participer au processus d'élaboration des politiques, notamment par :

L'initiative à titre « d'entrepreneur de politiques ». Citons un excellent exemple, celui de ce sous-ministre qui a entrepris la transformation fondamentale du ministère des Transports au début des années 1990. Pendant cinq ans, le Ministère s'est pratiquement retiré de toutes ses activités opérationnelles et de l'octroi de subventions. Le personnel est passé de 20 000 à 4 000 et le budget du Ministère est tombé de 3,9 milliards à 1,6 milliard de dollars (CAN).

Les temps étaient propices à un tel changement - le Ministère savait depuis longtemps que le besoin d'une restructuration radicale se faisait sentir et avait fait une analyse considérable qui n'avait pas eu de suite. Lorsque le nouveau gouvernement est arrivé en 1993, le nouveau

44Entretien réalisé dans le cadre de cette étude.

45 Bourgault (1998)

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