Le romancier
Virgile
Rossel nous a dotés d'une bonne douzaine de romans. Ils poursuivent en général unbut
éducatif. Ils sont bien pensés. Nature calme, esprit pondéré,l'auteur
se contente d'analyser le dramefamilial,
toujours actuel et qui, pour être dénué de grandes sensations ou d'im-prévus palpitants, n'en est pas moinsvrai
et poignant. Ce sont des volontés qui se heurtent, des passions qui se développent, des âmes quiluttent
jusqu'au sacrifice. Rien d'extraordinaire, simplement la vie quotidienne, vue par un psychologue et racontée par un cœur humain.Le roman est bien charpenté ; les situations s'enchaînent avec logique ;
l'action
est menée rapidement jusqu'au dénouement naturel, ce qui évite des digressions ennuyeuses.D'autre
part, la simplicité du style,sa sobriété et sa
virilité
sont autant de qualités qui mettent en valeur1 Oemo du 21 janvier 1929.
le sujet même du roman, au cœur duquel se noue
tout
naturellement,en général, une
intrigue
amoureuse. «Virgile
Rossel est un idéaliste ;mais pour
autant il
ne passe pas en aveugle au milieu des drames quotidiens.Il
sait discerner la souffrance, la peindre, la comprendre et en étudier des répercussions sur les individus. La société rustique,le monde politique, les cercles universitaires
tentent tour
àtour
sa curiosité bienveillante*. »Quelques indications seulement sur certains de ses romans : Dans Le L/ôwèeaM, on peut lire une magnifique description de la
ville
de Berne et de ses rues, de ses environs, notamment de la forêtde Bremgarten, de la vue qui s'offre de Berne vers les Préalpes et les Alpes.
Virgile
Rossely
décrit également la vie universitaire, les con-certs de la AerraùcÂe Mtm&gej'eö.rcAß/t, les douceurs de la vie au Rabbenthal.Il y
profile la silhouette de feu l'inspecteur scolaireLandolt,
bien connu dans le Jura, « qui seméfiait
de ceux de ses subordonnés qui perdaient leur temps à écrire autre chose que des manuels scolairesIl y
raconte la vie d'une famille bourgeoise de professeur d'université à Berne, ce qui nous confirmequ'il
se plut beaucoup dans la capitale, ainsi quel'affirma
Jean Rossel dans saconférence de 1938.
SorèewaZ
fait
apparaître les appréhensions del'auteur
au sujetde la germanisation du Jura au temps de la guerre 1914-1918 et les velléités séparatistes d'alors.
Il
en sera question plus loin.Virgile
Rossel
y
décrit avec bonheur des coins délicieux du Jura.Lß coKr.r£ ßtt èon/iewr ruisselle de belles descriptions :
Tout
d'abord, le charme du Léman le soir * :« La vue du Léman, avec le majestueux décor de ses montagnes illuminées par un couchant glorieux. De rares mouettes, qui n'avaient
pas eu peur de l'été vaudois, étoilaient l'horizon incandescent de leur vol fiévreux ou se posaient sur l'onde immobile, comme les fleurs de neige. Des barques de pêcheurs somnolaient ; ici et là, de rapides bateaux à moteur, qu'on aurait pu croire engagés dans un pari de vitesse,
filaient
en flèches d'ombre vers la côte escarpée de Savoie ; un grand vapeur de la Compagnie de navigation, drapeau suisseflottant
au vent, mouchoirs agités sur le pont en guise de joyeux salut aux wagons emportés le long de la rive, égrenait dans son blanc sillage les sons étouffants d'un orchestre italien.Toute
lapoésie de l'eau berceuse et du voyage se
mariait
à celle du crépuscule embrasé. Comment se soustraire au charme si puissant des choses » Puis onvoit
se dérouler la vie à Lausanne « qui n'a pas cesséd'être le grand village de Louis
Vulliemin
», « minuscule capitale qui1 Gasefie iaicr«««« du 31 mai 1933, No 149.
2 Op. cit. p. 47.
3 Op. cit. p. 14.
est bien, pour des gens de mon âge et de mon souffle, l'Eldorado de l'Escalade »
\
où l'on « arpente la rue rapide de la Louve, pour aboutirà la place Pépinet, rejoindre St-François, traverser le Grand-Pont et monter par le Maupas... » -, où l'on « lausanne », c'est-à-dire où l'on monte et descend « les rues de la
ville,
si grimpantes ou dévalantes que ses poumons emphysémateux et ses jambesd'arthritique y
retrou-vaient l'occasion de se dérouiller à souhait » ®. Ony fait
connaissance avec le Vaudois « placide, facile et circonspect qu'incarne censémentle type national » * et avec son caractère de prudence : « Dans ce pays de Vaud, où l'on a le temps », les unions ne se contractent
point
avec cette hâte furieuse.
Il
est prudent de se renseigner, de peser le pour et le contre, de ne pas se lier à l'aveuglette. » ®Que dire enfin de cette peinture du
Haut
Lac dans la description suivante de la vue deMontreuil
(probablementMontreux)
® :« Là-bas, vers la trouée du Rhône, la
Dent
duMidi,
éclatantede blancheur,
rejoint
le bord du ciel, cependant que plus près le Gram-mont, les Jumelles, toute la chaîne de Savoie tissent lentement la soieverte de leur robe printanière. Si le fond de
l'air
garde encore une fraîcheur et presque une crudité hivernale, le soleil est là dont aucun voile de brume n'intercepte la tiède caresse. L'espace est comme im-prégné de lumière et d'attente heureuse. Rien qui détonne dans la pure et riche harmonie des lignes et des couleurs. Coin béni de la terre, pays aimé des dieux »Muftre
estl'histoire
d'un hommed'Etat
qui veut gouverner et qui connaît le drame des habitudes, des intérêts, des passions enconflit
avec un grand idéal de sincérité et de justice. Bien que l'auteur s'en défende un peu, on reconnaît assez facilement que l'action sedéroule à Genève.
a quelque analogie avec Le
Maître;
c'est uneminutieuse étude de mœurs, aussi équitable et fidèle que possible.
Nous
y
saisissons une magnifique description de Berne en hiver ' :« C'est une
ville plutôt
triste. Beaucoup de musique et d'excellente musique, à la vérité, les concerts d'abonnement du mardi au « Musée » et parfois une charmante soirée par l'incomparable LîWerta/eù D'heb-domadaires conférences sur des thèmes qui ne sont pas toujours diver-tissants. au fond de la Länggasse, avec ses athlètes et ses gymnastes. »Sewtm est un roman de mœurs romanches qui met en
évi-dence
l'esprit
de sacrifice d'une jeune fille qui se résigne, pour éviter la haine implacable de son père, à épouser celuiqu'il lui
a choisi mais1 Op. cit. p. 64 et 127. 5 Op. cit. p. 22.
2 Op. cit. p. 62. 6 Op. cit. p. 172.
3 Op. cit. p. 43. 7 Op. Cit. p. 180.
4 Op. cit. p. 16.
qu'elle n'aime pas, et avec qui elle subira une vie malheureuse. Ce roman dénonce les intrigues, les haines, les vengeances de ces monta-gnards. La mentalité, les coutumes, les