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Il faut convenir que pour juger de la situation de l'E-

l'E-* vêché au début de la révolution, on ne doit pas porter

ce jugement d'après nos idées modernes et les principes démocratiques d'aujourd'hui, mais bien nous reporter à plus d'un siècle en arrière.

La simplicité presque patriarcale des moeurs d'autre-fois éloignait le peuple de l'Evêchë des mille besoins que crée de nos jours la civilisation actuelle, besoins factices et qui sont devenus nécessité, pour le malheur de la vie moderne. Un peuple l'autorité paternelle, la pureté des mœurs et la simplicité des habitudes, les vertus de la famille, le travail, l'économie, la frugalité, le respect de l'autorité et des choses saintes, les princi-pes et»la pratique de la religion sont en honneur, — et c'était le cas chez nous —

jouit

nécessairement d'une somme de félicité et de bien-être que son émancipation de ces principes tutëlaires de ces sociétés fortes, ne lui procurera jamais.

Il

est bien vrai, qu'il

y

a un siècle, dans notre Jura, la répression des crimes et des délits était impitoya-ble(*) : la législation de ces temps ne comportait pas les adoucissements qui ont trouvé place dans la législation pénale de notre époque. Mais

l'esprit

d'ordre, de travail et de moralité, était essentiellement basé sur les croyances

(i)

Le voleur d'un cheval Bur le pâturage était puni par la décapitation ou par le glaive.

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religieuses et profondément encré dan.s les populations

des villes comme des campagnes.

Depuis l'agitation causée par la révolte des paysans à l'instigation de Pierre Pëquignat et des Commis, de 1730 à 1740, le peuple

vivait

en paix. Toutefois par ci par là il y eut bien encore quelques gourds mécontentements, quelques légères agitations, mais la surface était calme et les affaires avaient repris "leur cours, normal. Le sou-venir de cette époque calamiteuse n'était point assez effacé pour qu'un gouvernement éclairé ne vînt donner quelques satisfactions au peuple qui allait être excité par les événements révolutionnaires de France.

Il

aurait fallu accorder aux campagnards quelques libertés comme en jouissaient les" villes et par là on pouvait dominer la situation. Mais alors il aurait fallu un autre souverain que le prince-,évêque Joseph de Roggenbach.

* ' '

III

Joseph de Roggenbach, au début de la révolution, ne sut pas être à la hauteur de son devoir de souverain absolu. En effet un souverain doit être pénétré de la grandeur de ses devoirs, il doit tout connaître par lui-même, il doit savoir être assez adroit pour découvrir la vérité que des courtisans intéressés cherchent à

lui

ca-cher. Il doit connaître les maux dont souffre son peu-pie, et y porter remède, brisant sés familiers plutôt que de refuser son appui an faible, qui a confiance en

lui

et attend justice. Le prince Joseph de Roggenbach fut loin de répondre à cet idéal. Le prince était la bonté même, il aimait la justice et son plus grand idéal était

de contribuer au contentement de ses peuples. Mais ces heureuses qualité étaient paralysées par une incroyable faiblesse de caractère. 'Cette faiblesse le

livrait

aux in-trigues de ses employés ('). Comme évêque, il fut

exem-(')

Le curé Kœtehet, class sonouvrage encoreinédit,de 1793,

plaire et digne .de toutes choses, sur le trône princier,

il

fut débordé par les éléments contre lesquels il ne sut jamais prendre que des demi-mesures.

Il

faut avouer que Joseph de Roggenbach succédait à un grand prince, qui, par ses brillantes qualités, avait jeté un

vif

éclat sur» le siège de Bale. — Frédéric de Wangen monta sur le trône de la principauté à l'âge de 48. ans. Son heureuse physionomie et son air avenant l'a-vaient fait appeler par le peuple enthousiasmé le beau prince". Il avait des vues larges et élevées. Il fut

l'i-dole du peuple tant de la partie protestante que de la partie catholique de la principauté. Son voyage dans les différents baillages, pour la prestation du serment de fi-délité, fut un vrai triomphe. Bienne, Neuveville, Courte-lary, qui n'avaient pas vu depuis longtemps leur souve-rain,

firent

une réception enthousiaste à l'évêque de Bâle. (') Ce règne trop court pour le bonheur de ses peu-juge sévèrement le caractère irrésolu du prince, qui s'en rap-portait trop aux gens de sa Cour et beaucoup plus à ses domes-tiques qu'à ses représentants instruits et expérimentés. Voici comment le curé Kœtchet rapporte ces faits : « Pour le civil, dit-il,

il

s'en rapportait à son domestique (un nommé Walter de Roggenbourg qui ne*savait ni lire ni écrire. C'était son homme de confiance.

Il

était son valet de chambre.

Il

le consultait et

l'écoutait en tout, on dit même qu'il lui obéissait comme à un maître. Ce qu'il y a de sûr c'est que si quelqu'un voulait

obte-nir quelque chose du Prince, on deviit s'adresBer à Walter.

Il

était plus puissant que les premiers de la Cour, aussi on l'appe-lait le petit-prince ». (Mémoires de Kœtchet).

(')

Le récit de ces fêtes a trouvé trois narrateurs contempo-rains et fidèles : le maire de Courtelary, M. D.

L.

Béguelin, major du département, fit une relation de la tournée de S. A.

Frédéric de Wangen, en 96 pages et qui fut approuvée par les maires du pays d'Erguel, le 12 mai 1777.

M. D. Gagnebin, major à Bienne,

fit

aussi une relation de ce voyage, en 36 pages in 12, imprimée à Neuchâtel, 1776, et dé-diée au prince Frédéric de Wangen ; enfin, M. Georges-Auguste Liomin, à Péry, fit à son tour une brochure qui

corn-/

pies, trop son successeur. Eloigné du

son prédécesseur, Joseph de Roggenbach était un prince débonnaire. Son physique indiquait à l'avance qu'il n'é-tait pas fait pour la lutte. Son visage respirait une douce résignation qui témoignait qu'aux coups de la mauvaise fortune, il ne saurait opposer que la soumission du juste préparé à subir toutes les épreuves que lui ménagerait la Providence..

Joseph de Roggenbach naquit à Porrcntruy, le 14 oc-tobre 1726, d'une des plus nobles familles vassales de l'Evêché, qui avait déjà donné à l'Eglise de Bâle, un ëvêque de ce nom. Les bourgeois de Porrentrdy se

per-•suadèrent que ce nouveau prince ayant vécu au milieu

•d'eux, augmenterait leurs privilèges et

travaillerait

à faire disparaître les causes de mécontentement du peu-pie, par toute une série de réformes. Il était dans sa 56'"" année quand il fut élu prince-évêque de Bâle.

Tout

d'abord

il

supprima un certain nombre d'emplois et ré-cluisit les dépenses de la Cour pour alléger le trésor.

C'était une grande réforme qui fut bien vue du peuple.

Chanoine du Haut-Chapitre de Bâle à Arlesheim, de-puis 1741,

il

avait souvent témoigné d'un grand mécon-tentement sur l'exagération- des prérogatives féodales de la chasse.

Il

s'était élevé avec

'

force contre la

trop-grande multiplication du giber qui ravageait les terres des paysans.

Une fois prince il voulut remédier à cet état

cho-«es, mais sa bonne volonté se heurta contre les remon-trances violentes de son Chapitre cathedral. Les chanoi-nés d'Arlesheim ne voulurent pas transiger sur un

droit

régalien et firent comprendre au prince qu'il n'avait reçu

ces' privilèges que pour les transmettre à ses succès-seurs. Jusqu'alors les droits de chasse étaient le

privi-prend outre le récit de ce voyage de S. A. la chronologie deH évêques de Bâle, 50 pages in-12, imprimée à Neuchàtel en

1777.

-

-lege de la noblesse. Certains grands chanoines étaient

de grands chasseurs

Le prince, quoique intimidé par les vifs reproches que

lui

faisait son chapitre, voulut connaître par lui-même si les dégâts causés par le

gibier

étaient bien aussi consi-dërables qu'on le disait. Il annonça une battue générale dans la grande forêt du Fahy. Le grand veneur, baron de Ferrette, qui n'admettait pas de discussion sur les privilèges de la noblesse,

prit

ses précautions pour que le prince ne trouvât rien.

Il

avait fait rabattre tout le gibier sur la partie de la forêt que le prince ne devait

pas visiter.

Dès ce moment Joseph de Roggenbach se persuada que les plaintes des paysans étaient exagérées.

Il

pro-mulgua des ordonnances qui aggravaient celles de ses prédécesseurs, mais le peuple murmura sourdement et fut dès lors plus accessible aux suggestions des mécon-tents. A la dernière assemblée des Etats 'en 1792, les cahiers de réclamations étaient remplis de lamentations sur

l'obligation

des corvées pour les chasses princières et les ravages causés par la

trop

grande multiplication

de ce gibier maudit. Le prince n'étant encore que cha-noine d'Arlesheim, avait exprimé un

vif

mécontente-ment quand, sous son prédécesseur, Frédéric de Wan-gen, 'sa ferme, de la Bebrunn, près de Liesberg, avait

été ravagée par les sangliers. Comme ses fermiers n'a-vaient pas osé

tirer

sur ces fauves, sa propriété fut com-plètement dévastée. On raconte que le chanoine Joseph

0)

Copin du Noirmont, dans le premier entretien de l'Ajou-lot avec le Montagnard, trace des chanoines un portrait

satiri-que dont nous extrayons le passage suivant : « La seule qualité quej'aurais pour être chanoine, estd'un peu connaître les chiens de chasse, et de savoir tirer un coup de fusil ; je connaîtrais en-core assez bien les chevaux propres pour le carrosse, mais quand j'aurais toutes ces qualités, ces places ne sont que pour les no-bles et les enfants de bonnes maisons qui ont des estomacs pleine de gibier de vénerie ».

Roggenbach avait sommé le prince Frédéric

Wan-gen de mieux sauvegarder à

l'avenir

ses propriétés con-tre l'invasion des bêtes sauvages et qu'il l'avait même menacé de dénoncer à l'empereur à Vienne ces abus in-tolérables.

Comme les plaintes sur les dégâts causés par le gi-hier arrivaient au prince de toutes parts,

il

ordonna la

destruction de ces bêtes, des sangliers et des cerfs sur-tout. Le Haut-Chapitre* poussa de hauts cris et

lui

dé-puta. deux de ses membres pour

lui

demander de faire-cesser ce carnage qui portait de si rudes coups aux pre-rogatives de la couronne et des droits du Haut-Cha-pitre.

Les révolutionnaires eurent beau jeu quand le temps arriva pour le peuple de s'affranchir de ce

tribut

odieux

que le gros gibier prélevait sur le

travail

et la

nourri-ture du pauvre monde. Le prince néanmoins ordonna que chaque année on abattît le

gibier

nuisible. Mais les officiers de chasse finirent par persuader au prince que les mesures qu'il venait de prendre amèneraient la des-traction complète du

gibier

et qu'il ne fallait pas pren-dre trop ardemment les doléances des paysans jaloux

des droits du prince et du Chapitre.

Les réclamations du peuple étaient pourtant bien

fon-dées. On n'a qu'à lire

„le

rapport fait à la commune de Porrentruy par son comité" du 30

juillet

1790. Il men-tionne, entre autres, que dans la seule seigneurie

d'A-joie, les chasseurs du prince avaient abattu plus de cent pièces de gros gibier.

„Les

paysans étaient obligés de garder leurs champs toutes les nuits, lorsque les blés commençaient à monter, ils faisaient de grands feux et du bruit, malgré toutes ces précautions les sangliers et les cerfs faisaient des ravages aussi désastreux qu'une grêle pour les champs un peu à la portée des forêts ".

C'est ainsi que s'exprime le bourgeois Verdat de Delé-mont, auteur de mémoires sur la révolution('). Si

cepen-(')

Nous leB avons naguère pub'iées dans le Pay«.

-58

-dant les pauvres paysans avaient eu la témérité de

tirer

sur ces bêtes malfaisantes, ils étaient punis de 50 livres de Bâle d'amende, indépendamment des frais et de la perte de leurs armes.

Le chroniqueur Verdat rapporte encore : „Des ter-rains entiers restèrent sans culture à cause des sangliers et des cerfs, qui les auraient ravagés, si

l'on

se fût avisé

•de les ensemencer. Dans la forêt des Echaimées et dans

•celle de Roggenbach, près de Delémont, on rencontrait

des douzaines de sangliers, des troupes de chevreuils et de .lièvres, en grand nombre, à plus forte raison dans les grandes forêts du

Vorbourg

et des Côtes. La combe du

Vorbourg

était la pépinière du sanglier, la montagne de la Chaive,. celle du chevreuil. Le forestier de Delé-mont disait que les années précédentes il y avait, dans la Chaive et à la côte d'Abépierre plus de trois cents chevreuils. Les prés, un peu éloignés de la ville, aux Echaimées, aux prés Grebit et champs Badat, étaient continuellement ravagés par les sangliers ; tous les jours

les bourgeois allaient boucher et aplanir les creux ;

l'hi-ver

il

fallait entourer de paille ou d'autre chose sem-blable les jeunes arbres pour les préserver de la dent des lièvres (h.

Si nous insistons tant sur-ces 'réclamations "continuel-les des sujets de l'Evêché contre les abus de la chasse, c'est que ces réclamations ont fourni aux adversaires de l'ancien régime une base solide et populaire favorable aux mécontents.

Ces plaintes arrivaient malheurement au moment la France était en ébullitiôn et on en

profitait

habile-ment pour

réveiller

le souvenir de la rébellion de Pé-quignat en 1740.

Il

eut été facile à la Cour princière de donner satis-.faction au peuple, mais loin de là, elle s'entêta dans ses préjugés féodaux. On répondait au paysan, qui