Ainsi s'écoule l'existence solitaire de Cécile Morel. Partagée entre
ses nombreuses occupations, une sollicitude constante pour les siens, et les soucis de sa santé, ébranlée autant par le chagrin que par les maladies successives que les médecins étaient impuissants à déter-miner, elle approche de la quarantaine. Enfuies, les envolées de ses
vingt
ans ; renfermé au plus profond d'elle-même, le rêve d'aimer et d'être aimée ; évanouie, son aspiration aux joies essentielles de la maternité...Au reste, son père septuagénaire
n'a-t-il
pas un besoin pressantde sa présence Le sort en est jeté : elle demeurera solitaire aux lieux
de sa naissance, avec le souvenir de l'amour
triomphant
de sajeu-173
nesse, si cruellement déçu par le seul homme qu'elle eût aimé : Alphonse Bandelier.
Et pourtant,
le miracle s'accomplitAlphonse Bandelier ne s'était pas marié en 1834, alors que déjà
il avait
reçu les félicitations et les vœux de Cécile. Pour tous deux,il n'était
qu'une union possible : celle qu'ils avaient résolue à l'aube de leur jeunesse.Les deux jeunes gens ne s'étaient guère revus depuis la cruelle séparation de 1828. Ils avaient quelque peu correspondu, à l'insu du père de Cécile. Ils avaient paru se rapprocher à plusieurs reprises, mais la blessure
était trop
profonde depart
et d'autre, et trop de malentendus s'étaient peu à peu glissés entre eux.Pourtant, la flamme couvait sous la cendre. Alphonse s'efforçait
de la ranimer, mais
il
seheurtait
constamment aux douloureuses hési-tarions de Cécile.Il fit
une ultimetentative
au printemps 1839 et luiécrivit
de longues lettres empreintes des sentiments les plus touchants.Il
retourna dans cette demeure de Corgémont, oùl'attachaient tant
de souvenirs :
22 mars 1839.
0 ri
/c ^>onv«ir voar direfont
ce gae/'é^ronvai,
iorrgne, arrivé cAez voar roar ie £oidr de in ^>iar nccaAiante2>réve«-fion, gae voar «.'aimiez ^>inr à me voir, je voar enfendir d'ane voi»
ri
donce me dire der cAorer gae /e ne
rnnrnir
2>e«t-éfre mern^eier
£nrce gae 7« «.'avait d'attewtio« gae ponr ît«renfimenf gai
te révéinif com-me maigre /ai, der cAorer derim^ie
converratio«,rnnr
doate, mair dnnr ierçneiierii
y avait de /'a//ecfio«./ /i
y enavait
dnnr ie to«-, dnnr /a manière, dnnr votre regard, et ^>ar ce gerte £nr iegnei voarvoaiiiter
Aien m'escrimer comme an regret de mon départ. (?ne ie Aon
Dien vont
rendetoat
ie Aie« gae voar me/iter,
ma cAère Céciie/ /e revint
cAez moi (rappelons
qu'il était
alors pasteur de la paroisse deSaint-Imier)
Aeareax, gai et Aon ^>iar ga'à /'ordinaire. 7i me remA/a gae mon cAevaiétait
^>iargenfii
encore et marcAnif mien», gae ie cAeminétait
^>iar agréaAie...
Si /'ore m'en
ra^orfer
à ia/oi
gae voar m'avez rendae, peaf-éfretant
y ronger voar-méme,ii /aat,
ma cAère amie, gae noar noar anir-rionr...Font
n'éter ^>ar Aeareare, et /e ne (erair
£nr non^iar. /'ai
enAeaa me
raidir,
et mettre anroin
craei à entretenir mararce^tiAiiité
; /e nerair
^>ar ^arvena à étoa//er ie va?« de voar «2>£arte«ir et de voar a^peier mon époare...A cette époque, Cécile s'était enfin résignée à épouser son cou-sin Ferdinand
Morel
qui pouvait du moinslui
assurer une vieille amitié,jointe
à « une affection douce et calme ». Allait-elle renoncerà cette paisible perspective pour revenir aux tourments d'amour qui la
torturaient
depuisvingt
ans Sa raison semblel'avoir
emportédéfinitivement sur son cœur. Mais les accents passionnés d'Alphonse n'allaient-ils pas toucher encore le cœur de Cécile Le 28
avril
1839 illui
écrit :Fons me dites : « Fons êtes Ze 7naitre de 7ne
retirer
votre affec-fion, uons «e Z'êfes pas de meretirer
votre estime ».Ait Aien/
écon-tez, CéciZe, car 7'e ne céderai pas de uons coim'cZérer comme mon Aien, mon trésor ; même gnand 7'e devrais penf-être ne pins uons Ze dire, personne n'a été pZacée pins Aanf gne uons dans mon estime, et 7V sais si éZoigné de tonner à uons dispnter cette pZace, gne Z'estime senZe me ramèneraittonfonrj
à uons, si même wn .rentiment pinspntrrant
ne
m'y
entraînait pas. Annoncez-moi gne vos engagements n'existent pins, et 7e wons offre de nonuean ma main et mon amour.At
gnanfà mon affection, croyez Aien, CéciZe, ga'an amonr
gai
date presgae de mon enfance, et gni a traversé Zes pins AeZZes et Zes pins orageuses années de ma wie, n'est fias nn sentiment gn'on donne et gn'on reprenne comme une amitié d'/iier.At
pais, écoutez encore «ne cAose gîte 7'e ne ziows dirais pas, si vos interminaAZes dontes ne me poussaient à Aoat : iZ est nnAon-Zienr, oA
/
avectoi
,CéciZe, ç'aarait été une sainte uoZapté, gne 7'ai rêvé et gne 7e rêzie encore... Oaand mon panure caear, dans ses mo-ments d'iZZnsion,croit
encore se répandre, se confondre dans ceZni d'nne Aien-aimée, c'esttoi
dont Za donce image est devant mes yeax, c'esttoi
gne 7'e crois presser dans mes Aras. Pardon de cet aven, tn connais maintenant ma faiAZesse.Le débat se poursuivait encore au printemps 1840. Cécile
écri-vait
à son ami retrouvé le 14 mai :Foms m'avez demandé, mon ami, si 7'avais cessé de croire à votre affection,
/'étais,
7'e dois uons Ze dire, sons Z'irrésisfiAZe infZnence des cAarmes de votre personne,/'étais
Aenrease, et 7'e ne pouvais me résoudre à revenir snr d'anssi amers souvenirs.Maintenant
gne 7'y réfZéc/iis, 7'e crois pouvoir uons dire gne non seidement 7'e Z'ai crn, mais gne 7'en ai été persnadée. /Z étaitimpos-siAZe gne uons fussiez deuenn mécAant, iZ était impossi'AZe, dis-7'e, gne 7e 7n'expZignasse autrement Zes procédés dont 7'e fus si Zongtemps Z'oA7'et.
0
mon ami, s'iZ en eiît été antrement, si 7'avais pn croire à votre aftacZiement, me serais-7'e sentie si isoZée Ze 7'onr on 7'e fermai Zes yenxde ma mère Aarais-7'e
dit
oni, à nn AoreZ/
PZns tard, Zorsgne de nonveZZes donZenrs semAZèrent compromettre mon présent et mon avenir, Zorsgne 7'e sentis pins fortement Ze Aesoin d'nn appni, en anrais-7'e accepté nn antre gne vons
Les nuages se dissipèrent peu à peu, et la
lettre
suivante à Cécde, du 31 août 1841, montre que l'union des deux cœurs est définitive-ment scellée :175
7'étaij
aZZé cZxez voxxj x'Z y a gneZgnej joxxrj avec /a réjoZxxfioxt hiext arrêtée de wom; entretenir encore nne/où
d'nnprojet
gxtide^nij
Zong-tem^j ejt
/a grande ^>enjée de maw. /e
vonZaijvonj
en £arZer aveccaZme ef réf/e^ion, comme x'Z convient à nn homme gni
je
rend compte cZairemenf dejej jenfimenfj
et Jejej
circonjfancej. -Etjanj
tro^> mera^peZer ce gne /e
vonj dû Jitrant
Zej gxxeZgxxejinjfantj
gxte je ^>xxjvonj voir
jexxZe, je croir gne je ne voxxjpariai
gne Je ce çn'iZétait
/emoinj
nécejjaire Jevonj
dire.7e
jenj,
chère CéciZe, gne jedevraij
d'ahord voxxj parier dxx^>ajjé, gne je
vonj doij
hien Jej e»p/xcafxonj à ce jxxjet. Maxj à ^exne^>xxij-je me Z'e.r^Zigner à moi-même J'nne manière jatxj/axjante. 7e vondrair, an Zien J'en réveiZZer Ze