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Chronique
Hommage à Mario Baggiolini
Mario Baggiolini est décédé le 11 novembre 2005 dans sa 91eannée. Hommage à un grand Monsieur, pionnier de la production intégrée et dessinateur hors pair.
Lorsque j’ai été engagé en 1979 comme entomologiste à Changins, c’était pour «remplacer Mario Baggiolini», comme je me plaisais à le dire avec beaucoup de fierté, tant sa répu- tation était grande. Un collègue me fit toutefois remarquer qu’on ne remplaçait pas «Baggio»; qu’on lui succédait tout au plus.
C’est le 1eroctobre 1950 que Mario Baggiolini devient colla- borateur des Stations fédérales
d’essais agricoles de Lau- sanne-Montagibert, devenues depuis Station fédérale de recherches agronomiques de Changins.
Doué pour le dessin et pas- sionné des sciences de la na- ture, il entre très vite dans l’histoire de la protection des plantes cultivées en dessinant les stades phénologiques de la vigne, d’espèces fruitières et du blé. Ses «stades-repères»
sont devenus une référence que l’on trouve dans la littéra- ture spécialisée dans de nom- breux pays.
Tout le monde connaît les schémas des cycles évolutifs des insectes et des acariens parus dans l’excellent manuel
«La Défense des plantes culti- vées» et repris dans de nom- breuses publications ainsi que dans divers cours dispensés à l’Ecole polytechnique de Zurich, dans les ETS et les écoles d’agriculture.
Entomologiste de vocation, il étudie systématiquement la faune des vergers et des vi-
gnobles et ses nombreuses publications apportent une contri- bution originale à la connaissance des microlépidoptères nuisibles.
Fort de ces connaissances, Mario Baggiolini va révolutionner la protection des plantes, trop cantonnée, selon lui, aux moyens de lutte chimique appliqués sans discernement.
«Cessons de considérer la plante comme un malade à qui il faut administrer un médicament, disait-il, mais plutôt comme appartenant à un agro-écosystème dont il faut prendre grand soin pour éviter que la plante en question ne tombe malade, justement.»
Les concepts de lutte intégrée, puis de production intégrée sont nés. Dès lors, Mario Baggiolini va consacrer l’essentiel de ses forces à mettre au point des méthodes de contrôle et de prévision des attaques de parasites, à établir des seuils de to- lérance et des dates optimales pour les interventions phytosa- nitaires, de préférence par des moyens de lutte biologiques ou biotechniques.
Pour faire passer ses idées sur le plan international, Mario Baggiolini devient très actif au sein de l’Organisation internationale de lutte biologique et intégrée (OILB) en compagnie d’autres pionniers comme Milaire et Thiault (F), Steiner (D), Wildbolz et Favre (CH). Il y sera notamment co- auteur de nombreuses publications et brochures (illustrées par lui-même) et dirigera, de 1977 à 1982, un groupe de tra- vail consacré aux Directives techniques pour la production intégrée.
Le plus extraordinaire chez Mario Baggiolini, c’est cette soif de transmettre ses connaissances à tous les niveaux, et tou- jours par des messages forts et convaincants.
C’est ainsi qu’il s’est forte- ment impliqué dans des expé- riences pilotes de grande en- vergure dans les vergers du bassin lémanique et du Valais, avec ses collègues de Chan- gins, les services cantonaux et les arboriculteurs, pour faire appliquer le concept de pro- duction intégrée, devenu la règle aujourd’hui.
Il ira jusqu’au bout de son implication professionnelle et personnelle en accompagnant le GALTI (Groupement des arboriculteurs lémaniques pratiquant les techniques inté- grées) bien au-delà de sa retraite.
Le point culminant de sa car- rière professionnelle sera in- contestablement l’attribution, le 8 novembre 1977, du titre de docteur honoris causa de l’Ecole polytechnique de Zurich, sur proposition du professeur Vittorio Delucchi, titulaire de la chaire d’ento- mologie du Poly.
Pour terminer, je me permet- trai de citer ce qu’avait écrit notre regretté directeur Michel Rochaix lors du départ à la retraite de Mario à fin 1979: «A le voir, à le suivre, à l’entendre dans le pays et à l’étranger, au milieu de ses pairs, au cours d’un exposé, lors d’une inter- vention sur le terrain ou au laboratoire, chacun éprouve un sentiment d’émerveillement, d’admiration et de confiance.
Quelle chaleur humaine, quel dévouement et quelle intelli- gence des hommes et des choses.»
Au moment où Mario nous quitte, cette appréciation est tou- jours partagée par l’ensemble de ses amis et collègues de Changins et des services phytosanitaires cantonaux, ainsi que par les arboriculteurs et viticulteurs de la Suisse romande et du Tessin, qui lui doivent tant.
Il restera toujours pour nous un grand Monsieur.
André Stäubli
Revue suisse Vitic. Arboric. Hortic. Vol. 38 (1): 78, 2006
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