La Conception Phonetique des Arabes
d'apres le Sirr Sinä'at al I'räb d'Ibn Ginni
Par Henri Fleisch, Beyrouth
Introduction
a) Ouvrages arabes sur la phonetique
En phüologie europ^enne on commence la grammaire par la phonitique
afin de bien determiner d'abord les sons qui sont le support du langage
etudie. Danslems exposes grammaticaux, lesanciens grammairiens arabes
n'ont pas traite la phonetique pour elle-meme, mais pour pouvoir expli¬
quer Vidgäm. La phonetique se trouve etre des preliminaires ä Vidgäm.
Sibawayhi a traite de Vidgäm ä la fin du Kitäb, ch. 565-568 (ed. de Paris).
La phonetique est dans le premier chapitre de cette Section: ch. 565
d'une importance capitale. az-Zamahsari a terminö lui aussi son Mufassal
par Vidgäm, §§ 731 —759 (2e ed. de J. P. Broch) ; la phonetique est dans
les preliminaires, §§ 732, 733, 734. Ibn Ya'iä commentant le texte du
Mufassal a suivi exactement le meme ordre. L'edition de ce Sarh par
G. Jahn* donne en titre courant les numeros des chapitres ou para¬
graphes du Mufassal dans l'edition de J. B. Broch. Le Öumal de az-
Zaggägi^ (Alger, 1927) se termine aussi par Vidgäm, p. 375—383, avec, en
premier lieu, les notions de phonetique, p. 375—378, l. 7. Ibn al-Hägib
qui a divise en deux son expose: aS-Säfiya et al-Käfiya, a traite de
Vidgäm dans aS-Säfiya (morphologie, ä la maniere arabe), k la fin de
cette aS-Säflya. Radi ad-Din al-Astaräbädi a suivi le meme ordre dans son
Sarh^ Vidgäm est presente: S. S., III, p. 233 fin — 292, l. 3. Les notions de
phonetique s'y Inserent: p. 250, l. 6—264, l. 6 et le texte meme d'Ibn
al-Hägib, p. 250, l. 6-16; p. 254, 1. 12-16; p. 257, 1. 16-258, 1. 13.
Ibn Smä a consacre un opuscule h la phonetique : asbäb hudüt al-hurüf,
20 p. ^1-8", LeCahe, 1332; nouvelle edition, Teheran, 86 p. ^1-8«, par
* Une autre edition au Caire, moins pratique pour la consultation, car elle
suit une autre division du texte. Nous citerons I'edition de G. Jahn.
^ Reedite, Paris, 1957 (fitudes Arabes et Islamiques. Premiere Sörie:
Manuels).
^ Sarh ai-Säfiya, nouvelle edition au Caire, sans date, 3 vol. (plus 1 vol,
pour le Sarh des Sawähid par <Abd al-Qädir al-Bagdädi), par Muh. Nür al-
Hasan, Muh. az-Zafzäf, Muh. Muliyi ad-Dm 'Abd al-Hamid; designee par
l'abreviation: S. S.
P. N. HiNLABi (csj^^), edition iranienne (1333 de Tann^e iranienne.
Publications de l'Universite de Teheran, No. 207), oü 4 autres manu¬
scrits ont ete utilises.
Tous les auteurs precites ne donnent pas ex professo les notions de
phonetique generale sur les notions fondamentales : harf, harf al-madd,
etc. Elles sont ou bien supposees ou bien l'objet de breves allusions.
b) Etudes de Schaade et de Bbavmakn sur la phonetique des Arabes.
A. Schaade a fait une etude approfondie de la phonetique de
Sibawayhi {Sibawaihi's Lautlehre, VII— 92 p. in-S", Leiden, 1911), avec
les ressources que fournissait le Kitäb, specialement dans ce fameux
chapitre, II, 565, dont il donne la traduction allemande : p. 17, Ü.14 — p. 23,
l. 23. M. Bbavmann a eiargi l'enquete, puisant ä des auteurs de diverses
dates (et meme de basse epoque) ; il a eu l'avantage d'utiliser les auteurs
de Tagwid (le bien-dire dans la recitation coranique): Materialien und
Untersuchungen zu den phonetischen Lehren der Araber, XI— 136 p. in-S",
Göttingen, 1934*. Beavmann donne en Appendice (p. 112—131), la
traduction allemande de l'opuscule d'Ibn Sinä, precite, d'apres l'edition
du Caire.
Et Schaade et Beavmann se sont efiforces de donner des idees sur la
conception phonetique des Arabes. Schaade n'eut que la ressource du
Kitäb, comme il a ete dit. Beavmann utilisa en manuscrit le Sirr sinä'at
al-i'räb^.
c) Ibn öinm et son Sirr sinä'at al-i'räb.
Dans Muhtasar at-tasrif al-mülüki (ed. G. Hobeeg, 61 p. petit in-S",
Leipzig, 1885, avec traduction latine), occupe surtout de badal et dehadf,
de asl ou ziyäda pour ce qui concerne les hurüf. Ihn öinni n'a pas traite de
Vidgäm, ni introduit les notions de phonetique qui accompagnent
Vidgäm chez les Arabes. Dans son Sirr sinä'at al-i'räb, il developpa
largement les idees du Muhtasar precedent {badal, asl, ziyäda) et traita
de toutes sortes de questions de phonetique. II l'a heureusement fait
preceder de preliminaires qui donnent non seulement une description des
hurüf, mais une phonitique glnirale, k la maniere arabe, sur les
notions fondamentales. Le ler volume de cette oeuvre inedite a ete
1 Voir le compte-rendu de A. Schaade, Arohiv für Vergleichende
Phonetik, I (1937), p. 246—250.
^ Le but de cet article n'est pas de faire la critique des idöes de Schaade
et de Bbavmann. On verra par la suite de l'expose combien peu Bbavmann
a saisi la pensee d'Ibn öinni au Sirr a^-sinä'a et sur la valeur des hurüf
al-madd et sur la question des haraka.
76 Henei Fleisch
publik recemment par Mustafä as-Safa, Ibeähim Mustafä, Muham¬
mad az-Zafzäf, 'Abdallah Amin, 56 + 336 p. in-S", Le Caire, 1954/1374.
Ce livre (design6 ici par l'abreviation S. S.) va nous permettre de faire
un expose manifestant la conception des Arabes en matiere de phonetique
dans les aspects qu'ils ont envisages; nous pourrons ainsi eclairer les
termes techniques qui arrivent dans des definitions concernant les hurüf,
necessairement breves et montrer le vrai sens arabe d'appellation encore
usuelles aujourd'hui, comme harf al-madd, haraka, iskän.
En Ibn öinm, mort en 392, ä la fin du IVe s., grand siecle pour la
grammaire, on entend un des plus grands grammairiens arabes (voir
Arabica, TV, 1957, p. 12—13). Son erudition philologique est tres grande:
il a examine tous les problemes grands et petits qui ont sollicite l'attention
des grammairiens, pendant plus de deux siecles de travail grammatical,
et a donne son avis ou sa solution. C'est de plus un grammairien tout-ä-
fait fidele k la tradition de Basra. Pour lui, Sibawayhi est encore le
Maitre, comme il l'a ete pour ce IVe Siecle k Bagdad, le Maitre dont il
explique ou defend l'oeuvre*, bien qu'ü n'ait pas compose ä proprement
parier un äarh du Kitäb. Le Systeme basrien du qiyäs lui doit ä peu pres
son achevement (dans la mesure oü il pouvait s'achever). Dans cette
phonetique generale, arabe, en question, on aura done les points de vue,
la doctrine de la grande tradition grammaticale, continues d'ailleurs par
les maitres qui ont suivi. Un des merites d'Ibn öinni est de les avoir
organises dans un expose synthetique ; avec quelle formulation originale,
nous n'avons pas les moyens d'en juger.
Les preliminaires au Sirr as-Sinä'a occupent les p. 6—77. Nous nous
attacherons ici aux lignes maitresses, aux idees essentielles contenues
dans la lere partie: p. 6—37 (la seconde presentant la description des
hurüf: p. 46—77).
En ce qui concerne la maniere dont Ibn öinni a conduit son expose,
on distingue trois sujets principaux. :
D'abord la genetique des sons, partie particulierement importante,
malgre la place reduite qu'elle occupe: p. 6—10. C'est la theorie generale
de la production des hurüf.
Puis renonce d'une proposition generale, avec preuve, faits k I'appui
pour augmenter la clarte de la preuve, refutation des objections, confir¬
mation de la preuve: p. 19—30. Tout ce deploiement dialectique (comme
pour une these), indique que Ibn öirmi considere cette proposition
generale comme une piece essentieUe du systeme. Elle consiste en ceci:
„Les haraka sont une partie des hurüf al-madd wa-l-lin qui sont: Valif,
* Voir la reaction d'Ibn öinni : pour une critique de al-Ahfas (S.S., I, p. 66),
de al-Mubarrad (S. S., I, p. 211, 1. 8—9), pour un cas oü Sibawayhi semble
se contredire (-ihd,, p. 165, I. 12 sq.).
le ya' et le wäw, et de meme que ces hurüj sont en nombre de trois, de
meme il y a trois haraka: le jathM, le kasra, le damma. Le fathxt est une
partie de Valif, le kasra une partie du yä^, le damma une partie du wäw".
(p. 19, L 8—11). Ici, c'est la genötique dans le cas particulier du haraka,
qui n'etant pas un harf a echappe ä la theorie generale pr6cedente. On
comprend alors la preoccupation d'Ibn öinni.
Un troisieme centre d'interet roule autour de la question de savoir
quelle est la place qui revient au haraka (p. 32—37): avant le harf ? avec
le harf ? apres le harf ?
Apres avoir exclu formellement avant, il argumente en faveur de apres,
sans vouloir exclure absolument avec (ici, dans le Sirr as-sinä'a).
La question de la place du haraka est du domaine fonctionnel du
haraka. Mais ici, dans la pensee d'Ibn öinni, elle complete l'expose de la
genetique du haraka, car elle est envisagee au point de vue du martoba
(ou rutha, expression equivalente). II faut alors se souvenir de la methode
des grammairiens arabes*: les mots dans la phrase ont comme une
personnalite juridique: une place, propre, revient ä chacun, definie par
le rang (le martaba ou rutba), c'est-ä-dhe les hierarchies ou subordinations
etablies entre les uns et les autres; ä cette place üs ont un role, une
fonction {hukm) ä remplir, un droit {haqq) a faire valoir, selon qu'üs
accomplissent totalement ou partiellement ce role. Ici la question du
martaba est posee pour le Jiaraka : quelle est sa place par rapport au harf,
vu le martaba, pratiquement, vu l'organisation naturelle ? II s'agit done
d'une attribution propre au haraka, de quelque chose qui se refere ä ses
constituants.
Ainsi est compietee, dans ces preliminaires du Sirr as-Sina'a, la
genetique de tous les constituants phoniques du langage arabe (pour un
grammairien arabe) : harf et haraka. II faut toutefois remarquer qu'une
chose a echappe ä la demonstration, non pas parce qu'eUe etait negligee,
mais au contraire parce qu'elle semble valoir comme un principe premier
qui se passe de demonstration : un harf est ou hien säkin ou bien mutahar¬
rik.
Avant d'instaurer sa discussion sur la place du haraka fi l-martaba.
Ihn öirmi introduit en effet une page (p. 31) pour indiquer la situation
du harf fi l-haraka wa-s-sukün. II se presente de deux manieres : ou hien
säkin ou bien mutaharrik. II ne formule pas une definition de ces deux
termes (que suivrait I'appareil de preuve, objection, refutation); mais
donne un moyen de recomraitre le harf säkin du h^rf mutaharrik. Ceci
veut dire que, pour le grammairien arabe, il se trouve devant une
* Voir G. Weil, p. 15 de VEinleitung k son edition du K. al-in§af do Ibn
y- al-Anbäri (Leiden, 1013) et en particulier lanote 1 (p. 15) pour le sens de Jo-.
78 Henki Fleisch
Evidence, qu'il y a lieu simplement de constater. II lui suffisait de donner
un critere sür pour etablir la distinction du horf, dans Tun ou dans l'autre
de ces deux etats. :
Un Jar/ säkin peut supporter (theoriquement) les trois Ij/iraka : ainsi,
pom le käf de J^, il y a possibilite de dire: j^j^C J^<_, soit possibüite
qu'ü soit ou maftüh ou maksür ou madmüm — un harf mutaharrik ne peut
supporter (theoriquement) que deux haraka: ainsi, pour le mim de
^ } y 3 f
yf', Uya possibüite de dire seulement: ^ parce que, mutaharrik,
ü Supporte dejä, un haraka; ici le mim est dejä maftuh, ü ne lui reste
plus que la possibilite d'etre ou maksür ou madmüm.
II Importe de remarquer combien tot intervient, dans la conception
arabe, la division en säkin, mutaharrik. C'est une consideration premiere
des hurüf. Par aülems cette division ne fait pas d'exception. C'est
pourquoi alif, yd', wäw ont dü lui etre soumis. On verra plus loin le röle
qu'elle joue dans la genetique meme des hurüf.
Nous aUons presenter ce systeme de la genetique arabe des hurüf et
des haraka. Notre effort sera de l'atteindre avec la plus grande exactitude
possible. Nous sommes bien obliges, dans nos reflexions, de le comparer
ä notre conception actuelle, beneficiaire des acquisitions d'un long effort
de recherche scientifique. Mais nous voulons absolument eviter deux
attitudes fächeuses: l'une de denigrement, i'autres de louange incon-
sideree. Nous voulons etre simplement objectif. Nous esperons ainsi, en
conclusion, pouvoir faire le point, montrer oü en etaient les grammairiens
arabes dans cette partie de la science du langage qui concerne son materiel
sonore, les sons qui l'expriment et ceci pour la langue arabe, la seule
langue semitique qu'üs aient connue et etudiee.
I — Theorie generale de la production des hurüf.
La tradition grammaticale arabe ne connait que des hurüf (sing, harf),
lä oü nous distinguons voyelle et consonne. L'alphabet arabe ne contient
que des hurüf. Qu'est-ce done qu'un harf ?
Ibn öinni pose d'abord l'existence d'un sawt, lequel est un sadä
(„resonnance") emis de la poitrine (cf. p. 9, l. 2). On reconnait ici son
ignorance du role des cordes vocales, ignorance qu'il partage avec tous
les grammairiens arabes. Mais qu'üs aient ignore la cause n'implique
nuUement qu'ils n'aient pu percevoir l'effet. Iis ont done constate un
sawt qui sortait de la poitrine: un §awt a§-§adr, comme avait dejä dit
Sibawayhi {min aqsä r-ri'a, selon Ilkiyä, Muzhir^, I, p. 36, l. 14).
Le sawt est un 'arad ,,un accident", done un quelque chose qui est dans
un autre, dans Ie nafas „le souffle" (son markab ,, vehicule", comme dit
Radi ad-Din al-Astaräbädi, S. S., III, p. 259, l. 7), et il sort avec ce nafas,
d'une maniere continue, prolongee, tant qu'il n'est pas empeche.
On commence ce sawt depuis la partie la plus basse de la gorge {halq).
Sur son chemin, gorge, bouche, levres, il peut rencontrer im maqta'-
(pl. maqäti') proprement „lieu de coupure", „qui l'inflechit de sa con-
at
tinuitö" ("dlLLU-l j ci\jiA\ ^ <^ ^. &, l. 3).
II y a harf partout oü s'oppose un maqta' ä ce sawt en mouvement.
o
Ce qui constitue proprement le harf, c'est un son particulier (cT j^),
consequence de l'appuiement des organes en ce lieu du maqta', gars
different suivant les differents maqäti'; pour chaque maqta', un gars, un
harf.
Ceci est I'analyse du texte arabe suivant (p. 6, l. 3—11):
SJj- U.. S> , ^ ' - Jy.- G - - ft
Oj^l J (J^'^^ ^U'J". iS" "^^^ iUa;^-.« ^J^.J'J- '^>>^l 0' ^\
y fj"! --Cä" * . Cl^> >■ w - 5.- CJ ? ^
0.>^l t/-'*^ o^..)'' iJ**"* "^^^Ij ojlOi«! 4^"
JiL- dCjl ^5/ ^-"/^ ^ (> ^"-^J '^jJ -i-^" l^b U-^l" w-ji
1 I r t '" 111 f-^'*'
Lclj «Cc oUil 0* L. L._,s. <0 Ostä cJi^. ^läil ^ dSJij- 0_j.,aJl
kjl5ÜI dSüjj J (jjuil ^ t^o.«» liÖi oic c~ — >-l cJa* J j'
l»J-| Jl öj» olj c-**- li' '^^J 0^ U (i-^ o«*-» l^. c-oiai |j| dXi
V( 1^ * - ü
t>Jj >l i5v!j J ^
Ibn öirmi donne le moyen de percevoir (il dit ,,goüter") ce son propre
du harf: il faut le prononcer säkin, sans harakat apres lui, car un haraka
derange la position exacte du harf (p. 7, l. 3). On lui propose un hamzat
al-wasl, pourvu d'un kasra, car on ne peut commencer avec une lettre
säkin, et l'on prononce ■ J,}. li^ [> etc. L'experience de la chose fait saisir la difference des sons produits.
Nombre des hurüf
Ibn öinni compte 29 hurüf dans l'alphabet, lettres fondamentales
(o^ji-l J^'-'l) (par opposition aux lettres derivees qui sont furü'). Ces 29
hurüf sont (p. 50, 1. 11—14):
al-hamza, al-alif, al-ha", al-'ayn, al-ha", al-gayn, al-hä', al-qäf, al-käf, al-glm, aS-sin, al-ya", -sU»)!, al-läm, ar-rd", an-nün, at-ta', ad-däl, at-tä^, a§-säd, az-zäy, as-sln, ad-dä', ad-däl, at-ta', al-fä', al-ha', al-mlm, al-wäw.
L'ordre des hurüf est celui du Kitäb de Sibawayhi, que d'ailleurs
Ibn öinni entend suivre (voir p. 51, 1. 1 —2); ä remarquer: al-qäf, al-käf.
80 Henbi Fleisch
comme dans les manuscrits B et L du Kitäh et non al-käf, al-qäf, comme
le comportent les editions de Paris et du Caire. Ibn öinm donne un ordre
plus satisfaisant. Mais le ^j, est mieux ä sa place* dans ces deux Editions
(jUJI, al-gim), que dans le texte d'Ibn öinm oü le j> est reports apres
al-yä' (avant al-läm), ä cause du caractere „lateral" du
Pour ces 29 hurüf, 28 signes, Valif valant pour lui-meme et pour le hamzah
bien que les mahärig (,, points d'articulation") soient differents (p. 48, l. 3^
et Ibn öinni donne la comparaison du nün as-säkina (le nün r6duit ä la
gunna) et du nün al-maharraka (p. 48, l. 3—6) existant sous le meme
signe.
Les trois hurüf al-muHalla.
II Importe maintenant de bien considerer les trois hurüf: alif, wäw,
yä': ce sont les malades, les faibles, les hurüf al-iHiläl (p. 71, l. 10—12).
Tous les autres sont les hurüf as-sahiha, les sains, les forts. Ceux-ci
peuvent etre employes soit säkina (non suivis d'un haraka), soit mutahar-
rika (suivis d'un haraka). Mais ces trois sont dans une situation speciale :
säkina, üs sont et ne peuvent etre (p. 31, l. 16—17) qaemadda ; cesont
les ^Iki-Vlj A\ (p. 71 l. 11)
mutaharrika, Valif change d'identit6: il devient un autre harf: le hamza
(m. 71, l. 11).
Mais la situation n'est pas claire pour yä' et wäw, mutaharrika. On
s'attendrait que le maqta' de la theorie generale intervienne: säkina ce
serait yä' et unw sans maqta'; mutaharrika ce serait yä' et wäw avec
maqta' ; la distinction serait nette. II n'en est rien. On nous dit simplement
que le haraka fortifie yä' et wäw, mutaharrika (cf. plus loin p. 93). Iis res-
semblent alors aux hurüf as-sahiha; Us se comportent comme eux.
* Dans une disposition observant l'ordre physiologique de l'articulation.
^ Al-Mubarrad ne comptait que 28 hurüf, öcartant le hamza parce qu'il
n'a pas un signe fixe dans l'ecriture. Ibn öinni proteste (p. 46, l. 10 sq).
Ce qui compte d'abord, dit-il, c'est le lafd, ce qui est articule. Gr le hamza
est articule, done il existe dans la langue et ne peut etre exclu des hurüf. II
rend le tahflf du hamza chez les Hedjaziens responsable de l'introduction de
w ou y pour le hamza. Un hamza prononcö normalement {muhaqqaqa) devrait
comporter partout le signe de Valif.
„ "
ä Ici (dans cette page 48), Ibn öinni place le mahrag du hamza: jO^JI ^
ü-r wft f.-
„de la poitrine ' et le mahrag de Valif ^jÜl J jl l^y „au dessus de lui, du
commencement de la gorge" {1.6 —7); ^ semble devoir etre compris: ,,ä
partü: de"; voir aussi p. 52, l. 2—3.
La situation speciale de alif, yä', wäw, tient au genre de leur mahrag^.
Säkina, leur mahrag a cette particularity d'etre muttasi', „vaste, large."
Le sawt s'y öcoule d'une maniere continue, prolongee, sans la coupure
d'un maqta'^, si ce n'est que, ä la fin, epuises, ils doivent cesser par
neeessite (et cet epuisement amene le sawt au mahrag du hamza^. Ainsi
se d^gage, pour ces trois hurüf dans l'etat de säkin, cette id6e essentielle
que ce sont les hurüf al-madd wa-l-istitäla, ä savoir: les hurüf dont
remission ne re9oit et ne supporte aucune interruption si ce n'est la fin
meme de remission, par la neeessite naturelle, pour l'emetteur ä bout de
souffle, de s'arreter^.
Ceci pour cette caracteristique generale d'ittisä' du mahrag pour ces
trois hurüf. Mais il y a des variations : le plus vaste, le plus large est celui
de Valif, vient ensuite celui du yä\ puis celui du wäw. Difference done
dans Vittisä'; mais difference aussi dans le sawt qui a pass6 par ces
mahärig; la resonance de Vcdif diff ere de celle du yä' et du wäw; la
resonance du yä', differe de celle de Valif et du wäw. La raison en est
que dans le cas de ces trois hurüf, la gorge et la bouche ont pris trois
dispositions differences :
1 Le maqta' se comprend en fonction du sawt en mouvement avec le nafas.
Quel est le rapport entre maqta' et mahrag ? Ibn öinni ne le dit pas. II semble
que, pour lui, le rapport est evident, sans doute k cause du sens meme du
mot mahrag. Ce n'est certainement pas fausser sa pensee que de voir avec
Ü o - -V^ , - " T
Ibn Ya'iS (p. 1459, l. 21, «xp O (^^Jl »laill_^ 2y=*J^I)' <i^us le mahrag,
le maqta' meme, mais en fonction de reooulementärexterieur du souffle avec
le son produit, selon le sens du mot mahrag" ,,lieu de sortie" Le Diet, of tech.
r * *^'t "t '
ierwws'exprime d'ailleurs ainsi: Uil ^ ^\ ^jt- Jc jUtj, (p. 1200, l. 18—19).
Sibawayhi distingue: mawdi' „lieu", l'endroit oü l'on place la langue pour l'articulation, et mahrag ,,lieu de sortie", comme prec6demment. Le mawdi'
peut coincider avec le mahrag ou s'en distinguer, voir par exemple, pom le
läm: II p. 454, l. 15. Pour mahrag, nous disons ,, point d'articulation".
Sibawayhi, et toute la tradition grammaticale arabe, voit dans le mahrag
ime zone, une region, ä delimiter. Ibn Ya'is emploie dans ses explications im
mot significatif Äoi/2/iz (par ex.: p. 1460, I. 12 sq) ,, espace occupe par (tel objet)", d'ailleurs dejä employe par al-Halil (Le Monde Oriental, XIV, 1920, p. 44 sq.).
^ En effet avec cet ittisä', cette amplitude du mahrag, le maqta' n'a plus
le moyen d'exister : il prend les dimensions du nuihra^ et n' a plus d'efficacite ;
harf al-lln indique precisement cet ecoulement facile, doux, du flux sans
coupure ni frottement dur (cf. Ibn Ya'is, p. 1466, I. 22).
3 Vok note 2. p. 82.
Gs,
* Le mot madda (« ju) designe le son produit avec la qualite de continuite G
non rompue; madd (ju»), infinitif, signifie Taction d© I'emettre avec cette
qualite.
6 ZDMG 108/1
82 Henri Fleisch
„Pour Valif tu constates la gorge et la bouche ouvertes sans qu'elles
opposent au sawt une pression ou un enserrement". Le sawt passe done
tout-ä-fait librement.
„Pour le yä', tu trouves que les molaires, en haut et en has bordent
les cotes de la langue et font pression sur eile, mais le palais s'est ecarte du dos de la langue ; le sawt passe montant par lä. C'est par cet öcartement qu'il obtient son 6coulement continu".
,,Pour le wäw la masse des levres s'est jointe, tout en laissant un peu
d'espace libre pour la sortie du souffle et le sawt s'^coule continüment".
„Comme done avec ces trois hurüf la figure [constitute par la disposition]
de la gorge, de la bouche et des deux levres a 6t6 difF6rente, a 6t6 differente aussi la rösonnance 6mise de la poitrine^".
b » o
„Et ainsi tu dis: pour I'aZi/: I I „(')»...."; pour le yä': (il „(')i . *
pour le wäw: jl „(')u "^ (Tout ceci p. 8 I. 11— p. 9, I. 3)
Done comme presuppose le sawt (ou sadä ,,r6sonance" emis de la
poitrine) qui monte avec le nafas, d'une maniere continue, dans la gorge,
ensuite dans la bouche, puis entre les levres et s'tchappe ä I'exterieur.
-O' , ^ ft
1 y .t^\ t^xjl ^Jci~\ '<i'^\^j>.^\ ^lt> ^Ocij::i\} ^\} ,_ilüi.l \S*
(p. 9, I. 1—2)
. .*
* Les points representent la prolongation du son. La graphie arabe : 1 1 ^^1 j|
est celle de la plupart des manuscrits; elle fut adoptöe, par Töditeur, dans
son texte. Mais les manuscrits ^ et ^ figurent le hamza oü finalement on doit
£ ft
arriver dans la tenue de a ou de i ou de u. Ainsi le manixscrit donne : I I I
oo üo^
*iS\ »j' seraient ä transcrire: '"'a. . .. '''i '''m. . .'">. Pourquoi
la cessation de la tenue amene-t-elle au mahrag du hamza 1 loi il faut con-
sidörer ce que Ton appelle en phonetique g^nörale : a) voyelle ä attaque douce, ou ä glotte oiiverte b) voyelle ä attaque dure, ou ä glotte fermöc.
Dans la premiere maniere (celle du frangais), si Ton prononce isolement
une voyelle, a, i, u, etc., les cordes vocales se rapprochent k la mesure neces¬
saire pour vibrer ; puis, la tenue terminee, s'ecartent. La fin de la voyelle se presente comme une extinction.
Dans la seconde maniere (celle de I'allemand), pour cette memo articulation
de voyelle, les cordes vocales d'abord se ferment puis s'ouvrent k la mesme
necessaire pour vibrer; puis, la tenue terminee, se ferment. La fin de la
voyelle est celle d'une faible coupure.
L'arabe qui a toujours besoin d'un hamza, quand on commence par ime
voyelle est do la seconde maniere; mais son attaque vocalique est si forte
que l'ouverture brusque des cordes vocales produit d'abord un hamza. La
tenue de la voyelle terminee les cordes vocales reprennent la position de
glotte fermee, leur disposition pour le hamza: on est au mahrag du hamza.
Pour Valif, le chemin ä parcourir est completement lihre, gorge et
bouche ouvertes, premiere disposition des organes, d'oü s'en suit un
timbre donne : a ....
Comment accorder ceci avec la position du mahrag de Valif, localis^
bas dans la gorge, simplement en dessus de celui du hamza (le plus bas) ?
On s'attendrait ä voir attribuer k Valif, comme mahrag, precisement et
la gorge et la bouche ouvertes, si vraiment la disposition de ces organes
(comme resonateurs), k une influence sur la production du timbre.
II faut peut-etre supposer que, dans le cas des hurüf al-madd le sawt
as-sadr est d'abord le son a lui meme qui sort (mahrag) un peu au dessus
du mahrag du hamza et suit son chemin, inaltere, dans la gorge et la
bouche ouvertes. La supposition s'harmoniserait assez bien avec la
conception arabe. Mais sans doute ne faut-il pas demander au sujet plus
de clarte qu'il n'en comporte.
Pour ya', le sawt trouve son chemin entre le palais et le dos de la langue,
passage retreci, une fagwa; c'est une deuxieme disposition des organes,
d'oü un deuxieme timbre : i .... Pour umw le sawt se glisse entre les
levres: troisieme disposition, troisieme timbre: u .... Pour yä', wäw la
disposition des organes joue-t-elle le role d'un resonateur? Comment
repondre ? Ici egalement il est plus prudent de laisser le sujet dans sa
brume originelle^
Autre est la situation de ces trois hurüf dans l'etat de mutaharrik:
comme il a ete dit plus haut (p. 80), le mahrag de Valif change complete¬
ment; c'est le mahrag d'un autre harf: le hamza. II y a ainsi deux harf
(avec chacun son mahrag): l'im pour l'etat de säkin: alif, l'autre pour
l'etat de mutaharrik : hamza.
Quant k yä', wäw, leur mahrag reste le meme quant k l'identite qu'ils
soient säkina ou mutaharrika. C'est leur comportement qui a change:
mutaharrika, yä' et wäw ont acquis une force plus grande: ils peuvent
agir et agissent comme les hurüf as-sahiha. Pour un seul mahrag, un seul
harf. C'est pourquoi les Arabes n'ont pas dedoubie yä' säkina et yä'
mutaharrika, wäw säkina et wäw mutaharrika. Mais dans ce hxirf unique,
ils ont renferme et la voyelle (i ou u) et la consonne (y ou w).
Cet expose a montre le role central du maqta'^ dans la theorie generale
de la production des hurüf. La continuite de remission du §awt (avec le
^ En effet la supposition precedente, pour alif, n'attribue pas d'action de
resonateur k la gorge et k la bouche. Mais pour yä', wäw, il faudrait penser le
contraire. Par aillems le sawt as-sadr du depart, est-il un ou multiple ?
^ maqta' ,,lieu de coupure", complete ou incomplete, car il vaut pour oe
que nous appelons ,, occlusive et constrictive", Sadida et rihwa selon la
terminologie arabe. Ibn öinni invite k le comprendre ainsi, car il n'a pas dit
(p. 6, l. 4): maqäti'u taqta'u-hü, mais : maqäti'u tutnl-hi 'an (voir plus haut, p. 79).
6»
84 Henbi Fleisch
nafas) a €te envisagde en fonction de ce maqta'. Tout maqta' en ce flux
produit un harf sahlh. Son absence laisse intacte l'ecoulement continu du
sawt. C'est le domaine des hurüf al-i'tiläl, les hurüf al-madd: alif, yä',
wäw, hurüf säkina. La description de leur production par Ibn öinni
montre qu'il s'agit d'un veritable element vocalique; mais la notion de
voyelle (qui devrait s'opposer ä une autre : celle de consonne) ne s'est pas
d6gag6e. On est rest6 dans l'appellation g6n6rale de hurf. Encore moins
s'agit-il de voyelle longue (qui s'opposerait ä voyelle breve).
L'obscurite subsiste pour yd" et wäw mutaharrika : ils ne possedent par
le maqta'. L'el6ment consonantique n'a pas ete degage. Ibn öinni a vu
simplement en eux une aptitude nouvelle, par la force nouvelle acquise
par la venue d'un haraka^.
II — Le cas des haraka
1" L'appellation
D'oü vient le mot haraka avec la signification qu'il a prise chez les
grammairiens ? A notre avis il represente une creation arabe et exprime
une des premieres idees acquises par les Arabes reflechissant sur leur
langue. Une des premieres traditions sur l'origine de la grammaire arabe
ne repr6sente-t-elle pas Abü l'Aswad disant ä son scribe, son kätib (as-
Siräfi, Ahbär an-ndhwiyyin, p. 16, l. 8—10): „Quand tu verras que j'ai
J 0—
ouvert {c^>^) la bouche avec le harf, mets un point au dessus ; si je l'ai
> V ^ - >
jointe (>i-^) mets un point devant; si je l'ai brisee (Cj yS) mets un
point dessous". On veut nous expliquer l'origine du fatha, du damma, du
kasra et l'on en attribue l'idee premiere ä Abü 1-Aswad.
II y a une part de vrai dans ce recit : il reste en effet que nous avons
dans ces appellations, trois denominations purement arabes en un certain
rapport avec la physiologic de la bouche durant Demission. Iis sup-
posent une observation des plus simples ä op6rer. Par ailleurs il n'etait
pas difficile de constater que les hurüf n'etaient pronon9ables^, done que
^ Ibn öinni pour terminer son expose sur harf et sawt et leur distinction,
introduit (p. 9, l. 4— ^p. 10 l. 12) la comparaison (connue de son temps), des
instruments de musique: la flute (näy), le luth ('üd). La flüte: le musicien en
tire d'abord un son simple, uni, continu et oe son se diversifie par le mouvement de ses doigts sur les trous: pour chaque trou, un son different. Ce son simple
peut se comparer ä celui de Valif et chaque trou au maqta' du sawt (soit dans
la gorge, soit dans la bouche), par l'appuiement des organes en differentes
directions, ce qui nous fait entendre des sons differents. Mais ce n'etait
qu'une comparaison, toute instructive qu'elle soit: iL»Vl J-iu!l läy Ic'lj
(p. 10, 1. 9).
" Comparer la definition donnöe par le P. Gabbiel Eddä dans sa gram-
les organes articultoires ne pouvaient etre mis en mouvement que gräce
ä ce certain son qui les accompagnent (cf. Sibawayhi, II, p. 342, /. 22);
haraka „mouvement" etait une idee que l'on pouvait facilement associer
ä ce son.
La meilleure preuve de ceci est peut-etre que l'on ne trouve pas dans
Sibawayhi de definition de haraka, seulement des remarques, incidentes,
sur les haraka, amenees par les explications, comme: II, p. 74, l. 21,
p. 169, l. 16—18; p. 170, l. 1, p. 280, l. 2, p. 342, l. 21—24; comme si
haraka reposait sur une constatation que chacun pouvait renouveler.
Ceci n'exclut pas dans Sibawayhi une certaine difficulte ä raisonner cette
notion de haraka; voir notamment: II, p. 342, Z. 21—24.
Ibn öinni [S. S., I, p. 30, l. 12—14) ne suit plus le sens premier,
spontane, de haraka, quand il donne pour raison de la denomination
haraka, le fait que ces aswät an-näqisa (ces sons deficients) ddplacent le
harf auquel ils s'unissent : le fatha tire le harf vers l'alif, le kasra vers le
yä', le damma vers le wäw. Nous connaissons ce mouvement qui nous
appelons accomodation du point d'articulation d'une consonne ä la
voyelle suivante avec laquelle eile va etre prononcee.
A haraka „mouvement" s'est oppose natureUement sukün „repos",
idees premieres^ ainsi qu'il a ete dit plus haut (p. 77) Et l'on a vu le role
qu'elles ont joue dans l'edification de la theorie generale de la production des hurüf.
2" Les haraka et leur genetique a) Le corps de la ,,thfese".
Ibn öinni enonce d'abord la proposition generale, enoncee plus haut
(p. 76), corps de la ,, these":
,,Les haraka sont une partie des hurüf al-madd wa-l-lin qui sont: al-
alif, al-yä', al-wäw et de meme que ces hurüf sont au nombre de trois, de
meme il y a trois haraka: le fatha, le kasra, le damma. Le fatha est une
o..
partie [J^) de Valif, le kasra ime partie du yä', le damma une partie du
loäw".
II la fait suivre de la remarque suivante:
w . ^ * *t ^ I
maire arabe UfI Js\f^\ (Beyrouth, 1911), p. 2: l^^ ol^l Od^I
JOf-,, O 5 jkJI.
' Elles so sont repandues tot certainement dans la conception grammaticale.
A cette date il n'y a pas k chercher, comme le veut Bbavmann (p. 12),
l'origine du concept de haraka dans la philosophie et la science musicale des
Grecs (cf. Arabica, IV, i957, p. 4—6).
86 Henri Fleisch
„Les anciens grammairiens appelaint le fatha „petit alif", le kasra
„petit yä'", le damma „petit wäw". Iis etaient en cela sur le droit
chemin" (p. 19, 1. 7—13).
Cette proposition g6n6rale fait savoir Yessentielle difvcience des haraka :
Iis sont une partie d'un autre.
Cet autre est done premier; lui qui est le harf tamm kämil „complet,
parfait" existe ä proprement parier; eux ces aswät an-näqisa (p. 30, 1. 12),
n'existent que secondairement, par celui-ci. Ainsi sans alif il ne peut etre
question de fatha; sans yä', il ne peut etre question de kasra; sans wäw,
il ne peut etre question de damma. Cette idee de dependance dans
l'existence du haraka par rapport au Äar/ sera döveloppee plus loin
(p. 98) en argument; ici dependance par rapport au harf-source, lk
dependance par rapport k un harf-support.
Ils sont une partie d'un autre
Done la matiere de leur constituant est identique k celle de cet autre;
la meme etoffe se trouve et dans le haraka et le harf al-madd originel (ils
n'ont qu'un meme ma'din, comme dira plus tard Ibn Ya'ii, p. 1359, 1. 16).
C'est cette identite qu'envisage surtout Ibn öinm et sa preuve par
Viäbä' sera penetrte de cette idee.
Une consequence de cette identite est que le haraka, dans sa realite,
ne peut avoir de notes intelligibles qui le distingueraient de cet autre.
Ainsi, sous le rapport de I'intellection, I'impossibilite pour le haraka
d'etre un autre etre, d'etre autonome. Ceci est dans la logique de I'affir-
mation d'Ibn öinni, mais n'a pas ete degage par lui^.
Comme consequence de cette identite, nous pouvons dire, en trans-
posant dans notre terminologie: les hurüf al-madd sont vocaliques; les
haraka sont necessairement vocaliques aussi.
' al-Halil semble s'etre exprimö dans cette ligne de pensee, en une citation
rapportee par al-Azhari (Le Monde Oriental, XIV, 1920, p. 46, I. 16—17).
Ü ' T ^ o ^ Ü- Or <1- C- U , w ^
> oj-" l^lj >-9>' Oj^"J-^j^\ ^ 1-1 a-jTi ■^j^ • ■ •
^J~\''S'j>.. Cette citation a embarrasae Bravmann (p. 16): que signifie
O- O _
1^ do O ^\ ^1 &i celui-ci est alle demander une explication k un com-
O- >
mentateur de Mai'monide. ^ a ici le sens do ^j^iAi ,,Le ^ars [represente] ce
o , qui est a comprendre' . II donne l'identite du Äor/. La variation (,_j_^) revient au haraka.
Les infinitifs peuvent avoir un sens actif ou passif (voir Wright, Ar. Or., I,
§ 201, Mufa?.?al § 76); comparer l'expression suivante du Muf., ibid: \Ji^ iiS
^ Ü - ..sc,
„jel'ai tue enchaine" (R. ,j 6 r). Ijs« est I'equivalent ici de |j^-.,<m.
Ibn öinni a approuvt l'appellation des anciens: „petit alif" pour fatha, „petit yä'" pour kasra, „petit wäw" pour damma. Pour lui, c'etait
un corollaire de sa proposition generale: ,,les haraka sont une partie des
hurüf al-madd wa-l-lin". Une partie du harf complet se trouve dans le
haraka. Si l'on ne considere que cette partie, le harf complet se trouve
diminue ; on peut le dire petit^. Car evidemment la partie est plus petite
que le tout.
Et ce faisant Ibn öinm n'introduit pas, meme d'une maniere detournee,
de notion de voyelle longue ou voyelle breve^. Car il ne mesure pas les
rapports entre harf al-madd et haraka. II ne nous dit pas si la difference
est du tiers ou de la moitie (ou d'une autre fraction). II reste dans le
vague du mot ba'd, pl. ab'äd ou de agzä' (pl. de guz'), employe plus loin
p. 27, 1. 1, p. 35, 1. 4. II reste simplement dans le rapport de la partie au
tout (cf. p. 35, 1. 1)' ou du tout ä la partie, comme Ton voudra, rapport
qui reste de soi indetermine pour la quantite et implique seulement
l'idee de diminution inherente au passage du tout k la partie ou d'aug-
mentation inherente au passage de la partie au tout.
,, Petits hurüf" l'appellation Interesse Ibn öiiml; il pense qu'elle peut
se legitimer dans le qiyäs. II poursuit done son texte ainsi (p. 19, 1. 13 —
p. 20, I. 9):
„Ne vois-tu pas que Valif, le yä', le umw qui sont des hurüf complets,
parfaits (J'l^^f'/), tu peux les trouver en certaines situations, plus
.» ft ^ ft
longs, plus complets (^h J^') que dans d'autres et voici: tu dis:
^y> ^ |.b ; tu trouves en eux un allongement, une certaine
prolongation (sic!) (U ^JlLi-lj IjIol.! ^ •^); puis si im hamza ou une
gemin6e par idgäm arrive apres eux, ils augmentent en longueur, en
* vf I " "
prolongation (1j1-c«Ij >y» o^Jjl), comme »^^j »Li-,
* « ^ tl - w
avec Vidgäm: ill et xii j ß-j ■-r^. ^t k ^/>j* -^J ^j-^^ ^j^
Ne vois-tu pas en eux une augmentation du madd'* par I'arrivee apres eux
du hamza et de la geminee par idgäm. Et eux, dans I'une et l'autre
position, sont appeles des „hurüf parfaits". Si done cela est permis,
1 voir note 1 p. 91.
" II importait de le remarquer, vu I'interpretation erronee, donnee par
Bbavmann (p. 13—14), k la pensee d'Ibn öinni, sur les hurüf al-madd et les
„petits hurüf'.
3 (p. 36, l.l) j^Sj^^ Sj^ '^'^ >l oV.
* ail JjLj le^on adoptee par l'editeur; j1x« "^I äi\>j d'apres les mss. j ^ II s'agit de l'idee de prolongation dans remission continue.
88 Henbi Fleisch
rappellation de „petits hurüf" ne lui est pas plus eloign^e, dans le qiyäs".
f ' ^ \ O, . ^ Ow > w O, - w
ijU,0 "J^ ÖD ^1 v::__b «iUj jU Iii J^'> t>u-j ^j^^y'jS
>o e „
^ -Lull Le raisonnement d'Ibn Güml est condens6 dans cette
derniere phrase, qu'il importe de bien saisir. On peut l'analyser comme
suit. :
Quel est le qiyäs, c'est-ä-dire la norme re§ue, ici pour l'appellation des
IjMrüf al-madd ? Le qiyäs est de les appeUer „hurüf complets", ^1y (pl. de
Or, dans le cas des positions sus-indiqu6es, ces hurüf al-madd y ont
encore grandi, ils sont devenus plus complets, On leur reserve alors
l'appellation de „hurüf parfaits", J^l/'(pl. de En cela on s'6carte
du qiyäs et c'est licite.
Si l'on appelle les haraka „hurüf petits", jli«> ( pl. de j^), eux qui
sont une partie des hurüf al-madd, en somme des hurüf al-madd diminu6s,
on s'^carte aussi du qiyäs; mais, selon ibn öümi, on ne s'en tcarte pas
plus.
Si done dans le premier cas, il y a Iic6it6 pour l'appellation „hurüf
parfaits", on peut bien 1' avoir dans le second et dire „hurüf petits".
Pour en venir k la Iic6it6 des deux appellations, Ibn öiimi en est venu
ä comparer deux situations: celle des hurüf al-madd apres un hamza ou
une göminee, celle des hurüf al-madd diminu6s en haraka.
Dans le premier cas, pourrait-on objecter, il semble que l'on est sur le
terrain de la quantiti. Ihn öinni, en effet, montre qu'il per9oit une
difference de duröe dans la tenue des hurüf al-madd, selon qu'ils se
trouvent dans les positions consid6rees ou non ; autrement dit, il a expose
une variation relative de la dur6e des huruf al-madd. Mais ceci reste une
transposition en clair dans nos concepts modernes. Pour Ibn öiimi, les
choses restent enveloppöes dans ses concepts de harf complet qui grandit
encore et atteint une taille qu'il ne peut plus döpasser; il a acquis la
perfection, il est kämil „parfait" (sans exprimer de rapports nets de
quantite).
On voit done que ce developpement d'Ibn öinni, amene incidemment,
dans la perspective du qiyäs, ne peut valoir comme argument pour
montrer que Ibn öinni pense ses hurüf al-madd suivant la quantiti et a
la notion propre de voyelles tongues (et, comme consequence, de voyelles
breves).
Mais ce developpement a pour nous un interet, certainement inattendu
de la part d'Ibn öinni : il nous aide ä concevoir comment les Arabes (ou
du moins les Arabes dont Ibn öinni decrit, ä son epoque, la prononciation
des hurüf al-madd) faisaient la coupe syllabique dans le cas d'une voyelle
longue suivie d'une geminöe: une coupe syllabique fermant la syllabe
apres la voyelle longue, soit : Säh-ba-tun, däb-ba-tun, serait invraisemblale
avec l'allongement indiqu6. Ibn öinni nous invite done ä couper:
ää-bba-tun, dä-bba-tun, etc., ce qui maintient la voyelle longue en syllabe
ouverte et lui permet de s'etendre de teile maniere qu'Ibn öinm ait
per9u une difference.
La proposition generale a fait connaitre l'essentielle deficience des
haraka qui n'existent pas par eux-memes: ils sont une partie des hurüf
al-madd. Ibn öinni va le prouver par ViSbä'.
b) La preuve par ViSbä'.
On peut rtsumer cette preuve ainsi: si l'on insiste sur im haraka, le
rösultat en est le hurf al-madd auquel il se rapporte. Ainsi : le fatha du 'ayn
de Jf', si on insiste sur lui, il se produit un alif apres ce 'ayn : y«W ; de
-)
meme pom le kasra: < oule^amwi«; < ^ (P- 20, l. 9—14,
texte arabe cite plus loin; cf. p. 31, 1. 11—15).
Pour bien comprendre la preuve, il faut bien comprendre l'expression
o-o^
arabe ö\ qui a et6 rendue par: ,,si on insiste sur". La demon¬
stration arabe est conduite au moyen de la notion d'iäbä', du verbe
aSba'a, proprement ,, donner satiete k".
Cette notion est familiere aux grammairiens arabes. Hs l'emploient
pour indiquer une sorte d'augmentation (cf. Lisän, X, p. 36, l. 20), faire
sentir quelque chose de plus fort, de plus intense, dans une aetion; ainsi
, i
pom l'articulation des ÄMrw/mogfMra, on trouve: jLic'^I a^I qui s'oppose
i ^ '
k: jLcVi dit des hurüf mahmüsa (Sibawayhi, II, p. 453, Z. 21;
p. 454, l. 3). Dans le 'arüd Ie haraka de Ia lettre dite dahil est appeie
iSbä' (Vebniee, Gr. Ar., II, p. 528, § 24, 2").
Ibn öinni utilise aussi, k ses fins, cette notion d'iSbä'. Voici son texte
(p. 20 l. 9—14), dont Ie sens a ete resume plus haut:
Oji-lUjU. ÖOa- ^■!j>lJ.>.\} ^ liSjl \ ■^'^ Ja ol Jc dSS-OJ
^ , ^ Oy ^ ^ _Ü -..-O* W 0,^Ü, , ^ 5Ü_.
iSüJTj cJi» «-»Jl Uo«; cLiJo- lf:«-i' ol «it» yf üjc öc» diäj ^
_J o-^w..^^^ -r-'l' Ii - Oft - o^ '"'^
y yf Of X^iSJjOi liXJy liXJJj o L. »b U-;« OLU Lji«_il oj Of « yS
^)J~\ ai«) yiCl ölTo'i Vjl» _,.ys i5CJy liCjjj IlSI- I jIj LbJuitijV l^^l
g l«L- oils' ^!_, olL- Ü y jri jlj
Comment concevoir le röle de ViSbä', utilise ici comme preuve. Uiäbä'
doit signifier dans Ie cas present une augmentation du constituant du
90 Hbnbi Fleisch
haraka, augmentation qui amene le haraka au harf complet. Apres
ViSbä' en effet:
le fatha est devenu alif le kasra est devenu yä' säkina
le damma est devenu wäw säkina
Or il est bien Evident que dans le harf complet, on doit distinguer ce
qui constituait le haraka, puis l'ajoute (le madda, comme il est dit, p. 36,
l. 2) faite au haraka par ViSbä', puisque haraka + ajoute = harf complet
(avec haraka en premier lieu et ajoute en second lieu). Done le haraka
est une partie du harf complet.
Or cette partie qui represente le haraka occupe la premiere place dans
le harf al-madd. II s'en suit que les haraka sont pour les hurüf al-madd
5 -2
leur Jfljl, leur ,, commencement", d'oü part l'accroissement (produit par
YiSbä') qui les amfene aux dimensions du Jar/ complet. Ainsi s'explique
l'expression d'Ibn Öinm: öll oj^i- Jfljl (p. 20, 1. 14; p. 27, 1. 1;
p. 35, l. 3), reprise par Ibn Ya'Ii (p. 1359, 1. 17).
On arrive aux hurüf al-madd par une excroissance* des haraka. Ainsi
I (.-C-
s'explique que l'on dise de ces huruf: ^1 ^ lü", du verbe naSa'a
yansa'u ,,grandir, croitre"; ainsi Ibn Ya'iS, p. 1359, l. 17. Ibn Öinni, ä
la fin du texte citö plus haut, ä employö la V* F. : o'ilL' itm^
p. 26 fin).
Une derniere consequence de cette excroissance du haraka en harf
al-madd est que ces hurüf al-madd se trouvent «ölT<«,L- (fin du texte
cite) ou olS^U ^1 y (p. 26 fin) mot-ä-mot :,, suivent les haraka" ; „suivent",
au sens propre: ,, viennent apres" et l'idee sera reprise plus loin dans la
question de la place du haraka fi l-marlaba; „suivent" au point de vue de
la nature du constituant et cette idee sera presente dans les edaircisse-
ments ajoutes ä la clarte de la preuve, qui vont suivre.
Et incluse dans la demonstration l'idee de l'identite du constituant et
dans le haraka et dans le harf al-madd ; car ViSbä' ne fait que donner de
l'accroissement au haraka c'est le meme qui grandit pour atteindre le
madä (p. 30, 1. 14) „la limite de croissance" oü il passe au harf complet;
si bien que Ibn öirmi a pu conclure toute sa demonstration par les
affirmations suivantes (p. 37, I. 1 —2)
* au sens etj^nologique du mot.
Valif est un fatfta mtiäba'a
le yä' {as-säkina) est un kasra muSba'a
le wäw (as-säkina) est un damma muSba'a^
Est-il besoin de rappeler ce qui a 6t& dit plus haut, k l'occasion des
„petits hurüf", ä savoir qu'ibn öinni n'a pas plac6 sa demonstration sur
le plan de la quantite, pour prouver que les haraka sont une partie des
hurüf al-madd ? II reste dans ces rapports vagues de la partie au tout.
Cette sorte d'arithmötique utilisee pour d6gager la partie dans le tout
ne doit pas faire Illusion: car, dans la consideration de I'excroissance du
haraka, jusqu'ä la taille du harf al-madd complet, la division en parties
a ete une distinction de l'esprit dans du continu (qui ä proprement parier
ne peut etre divise sans etre detruit): ce flux ininterrompu du harf
al-madd qui s'ecoule; et non un raboutage de morceaux ind6pendants, k
souder. Ibn öinm a compose un developpement special (p. 35, 1. 5 —p. 36,
I. 12), dans la section oü il traite de la place du haraka fl l-martaba,
precisement pour eviter cette erreur d'interpretation.
c) Faits ä I'appui pour augmenter la clarte de la preuve (p. 21 —30)
Constatation generale: mis k part les trois hurüf säkina: alif, yä',
wäw, tous les hurüf de l'alphabet sans distinction, qu'ils soient sawäkin
(pl. de säkin) ou mutaharrika, peuvent venir aprfes n'importe quel haraka.
C U 3 H-
Par exemple le 'ayn des mots suivants: 1%^ -u- o«- ('ayn säkina,
apres chacun des 3 haraka) ij*^ x»- jL- ('ayn mutaharrika, apres chacun
des 3 haraka). Et, ce faisant, on n'eprouve aucune difficulte articulatoire ni repugnance.
La situation est tout autre dans la venue des trois hurüf sakina : alif,
yä', wäw, apres les haraka. II y a des cas d'impossibilite, des cas de
difficulte, de repugnance. :
impossibilite : amener un kasra ou un damma avant Valif. En graphie
U C J
arabe ce serait I — I — (nous le representerions par: ia, ua).
difficulte, peine, repugnance:
mettre Ie kasra avant Ie wäw as-säkina al-mufrada
mettre le damma avant Ie yä' as-sakina al-mufrada
* " '
En graphie arabe ce serait j — ij — (nous les representerions par:
iu, ui).
1 Parallelement aux appellations mentionnees plus haut (p. 86): ,, petit
alif", pour fatha, ,, petit yä'" pour kasra, „petit wäw" poxii damma, sans doute Ibn öinni aurait-il accepte de dire: Valif est un „grand fatha", le yä' un ,, grand kasra", le wäw un ,, grand damma".
92 Henbi Fleisch
Par exemple, au wazn J«», on devrait dire, selon le asl'- Sj> Jy. On a
estimö ceci lourd et l'on a fait le qalb, le changement du wäw en hasra
qahla-hä yä' et l'on a dit: J.» jJ». De meme on dit: öla-< jL< oIj^ (de
y i tjy fjy
cJ) -it-j Ojj). On dit aussi: j^y J^y, lä- oü le asl est: Jiut y—^; on a eu
repugnance pour le yä' apres le damma et l'on a chang6 le yä' en wäw.
Dans I'impossibilite indiquee plus haut, on a fait le qalb, le changement,
de alij en yä' pour Ie kasra, de Yalij en wäw pour Ie damma. Ainsi le j/ö'
t ' it ' _ ''''
de j_;-J»l J est 6a<ZaZ de l'aZi/ de u-«» y et Ie waw de ^j.ya est öaciaZ de l'aZi/ de «jjU».
Mais pourquoi y a-t-il eu tel changement de ces hurü] apres ces haraka ?
""j-j**'^'
Ibn Ginm röpond en considerant le cas deiS — < j — etdej — —
Quand on commence par le kasra on apporte une partie du yä' et l'on
annonce Ia suite: Ia completion du yä''^. Si l'on se retourne vers le wäw
« i*" \
(cas de 3 —, comme J y»), le commencement contredit Ia fin. De meme
si l'on commence par Ie damma et que l'on apporte ensuite le yä', l'attente
est frustr6e: apres le damma, on attendait le wäw et l'on amene un yä'
V 3 U3
(cas de —, comme i^), Ie commencement contredit la fin. Pour
remedier ä cette situation penible, on a accompli le qalb, le changement
de wäw en yä' apr^s kasra, de yä' en tväw apres damma, soit : jJ» < J ^
3 0
et o»>' < — Tout ce qui precede est I'analyse de p. 21 —22, 1. 10.
L'explication du qalb ou badal en question (changement phonetique
que nous appelons ici une assimilation vocalique: iu > i, ui > ü) se
trouve etre une application de Ia theorie d'Ibn Ginni : les haraka sont une
,E
partie des hurüf al-madd, leur Jfljl. On voit comment cette explication
du qalb illustre sa preuve precedente.
L'expose de la presente section presente par ailleurs un interet general:
il montre comment les Arabes ont congu Ia diphtongue, qui existe dans
leur langue et qu'ils n'ont point nommee. Les Arabes ont simplement
considere comment alif, yä', uxlw pouvaient venir ä la suite des differents
haraka :
alif apres kasra ou damma (soit i-\-a, u-\-a) ont ete eiimines comme
sequence impossible.
1 (p. 22, I. 4—5). l^Li ^'iTj ftUI ii=.aä iJSi\ caZ lil lisdV
wäw apres Icasra (soit i + u), ya" apres damma (soit u + »), n'ont pas
ete considöres par Ibn öinni comme sequence impossible, mais lourde,
penible, qui normalement appelait im correctif: le qalb (nous disons
I'assimilation du second au premier, voir plus haut).
De fait toutes ces sequences precitees ne se sont pas constituees en
diphtongue en arabe. Mais les diphtongues ay, aw existent et la chose
aurait merite d'etre mise particulierement en lumiere. Mais, dans la
conception arabe, c'est simplement le fait que yä', wäw sont venus apres
le jatha et se sont maintenus.
Toutefois ils se sont maintenus en contradiction avec Ia theorie: Ie
haraka est une partie du harf al-madd, la premiere partie qui annonce Ia
completion de celui-ci. Pomquoi Ie fatha n'a-t-il pas entraine le qalb du
wäw ou du yä' en alif, pour optrer ce que l'on attendait de lui ?
L'interet d'Ibn öinm est de montrer que la theorie tient. II va savam-
ment introduire toutes les objections et employer toute sa dialectique h
faire les distinctions nöcessaires qui d'une part sauvent Ia thöorie et
d'autre part respectent Ia donnee, les faits qui s'imposent.
d) Objections et röponses.
J ) ^-,3
Premiere objection (p. 22 1. 10—12): Pourquoi dis-tu:
Tu amenes Ie yä' apres Ie damma et le wäw apres Ie kasra, sans faire Ie
' 0> o ,
qalb. (Ceci va contre les cas precedents: < JJ» < JjJ»)
Riponse (p. 22, 1. 13 — p. 23, l. 4): yä' et wäw sont ici mutaharrika; ils
sont fortifies par le haraka (qu'ils supportent) et rejoignent les hurüf
as-sihdh (pl. de saMhY- II est amsi permis qu'ils soient en opposition avec
les haraka qui les precedent.
La reponse a ete cherchee dans les hurüf as-sahiha. Mais ici Ibn öinni
ne recourt pas au maqta' de sa theorie generale de Ia production des
hurüf pour montrer qu'il s'agit, dans Ie cas, d'un comportement different
dü ä une difference dans la genese du harf. Ceci est significatif pour la
maniere dont il con9oit yä' et umw, mutaharrika. C'est l'infiuence forti-
fiante du haraka de ces huruf al-mutaharrika qui leur doime de pouvoir se
comporter comme des hurüf as-$ihäh etnepas obeir ä l'appel du haraka
precedent.
La difficulte se reporte ailleurs: on dit: ^1 ^ij^^ '^'S^f' ^j'^'- Le
" . . I " ^ . .
premierimw de Jl ^Ul [igliwwäd), U ^J-\ (ihriwwät) est säkina, precede du
kasra et se maintient.
1 (p. 22, l. 13—14) ^U^l _^lL {£J \::S'j:\l,\J\j ,L)I
94 Henri Fleisch
La reponse est demandte a la vertu de 1' idgäm: quand le premier wäw
est uni au second par Vidgäm, il ressemble aux hurüf as-sihah, il agit
comme salßli- Et ainsi, qu'il se maintienne est permis, malgr6 le kasra qui
precede^.
c, . - . - . -
Deuxilme objection, p. 23, Z.5 —9: Pourquoi dis-tu :
o-
aJ. Tu maintiens le wäw et le ya" qui sont Tun et l'autre säkina,
alors qu'il y a avant eux un haraka qui ne Concorde pas avec eux ? Ne
vas-tu pas les changer en alif k cause du fatha precedent, comme tu
changes dans: >^li^ ■'^L« Oij-«, le wäw en yä', k cause du sukün du wäw et
' 1^
du Ä;asra precedent ou dans: cs^^' le yä' en wäw, ä cause du sukün
du yä' et du damma precedent ? — la question est portee sur ce que nous
appelons les diphtongues ay, aw (bayt, sawt, etc.). Ce qui interesse Ibn
öirmi, c'est de montrer comment yä', wäw peuvent se maintenir apres
fatha.
Riponse (p. 23, Z. 10— p. 24, Z. 10): entre yä' et wäw existe une proxi-
o) ^ -
mite (-JJ), une parente (w— >), qui ne se trouve pas entre eux deux d'une
part et Valif d'autre part. (En somme yä' et wäw marchent ensemble).
On peut aligner de nombreux faits oü l'on voit yä' et wäw se comporter
de meme, ä l'encontre de alif. Ibn öinm se contente de citer:
" - ' „, _
k la pause, la disparition et de kasra et de damma : on dit Oi j. ö et
O ^ , ? ,
a» j Ii*, mais l-*".j
en potsie, la possibilite de faire alterner, dans une meme qasida, ä la
rime, yä' et wäw, comme lettre ridf (voir Vernier, Gr. Ar, II, p. 526);
JJO» J
par exemple Imru 1- Qays, apres ^y-j-, amene ^_ß^. Ceci n'est pas
possible avec alif.
Ainsi, proches Tun de l'autre, distants de alif, chacun des deux tire k
soi son compagnon. Aussi change-t-on le wäw pour un kasra precedent et
le yä? pour un damma precedent. Alif etant eioigne de yä? et wäw, comme
il a ete dit, le fatha est egalement eioigne du kasra et du damma. Alors,
vu la distance, le fatha n'a pas la force d'optrer le changement de wäw
C- o - OU yö? en alif dans : z-i.\>y etc.
En resume, la venue de wäw ou de yä' apres fatha est possible, k cause
de la distance entre eux sus-indiquee et ä cause de la legerete du fatha.
Cl^ ^ tj i w wt w ■ w , w
1 c-cj U.J Ua«, ^l ^■i.^Jl Ul^ l Jj^-l»lj>lj'Sljl>-!^JjVl_jl^l
UJI _,J.I (p. 22,«. 15 — p. 23, Z. 1).
qui entraine une faiblesse de son >ft, de son aetion, influence, sur le suivant^.
Objection ä la riponse pricidente (p. 24, l. 11—15), objection sans
fondement, mais qui va permettre une reponse pla5ant la question sur
son vrai terrain: Si tu dis: nous pourrions etre d'avis (t^ JJi) que le /aija
change en alif, wäw et le yä, Y un et l'autre mutaharrika, dans
Jli» (dont le asl est: J^» oj»- ^ ^ß) et tu as dit pr6c6demment que le
haraka fortifie le harf et le preserve du qalb, c'est une inconsequence. Mais
s'il est permis au fatha de changer un harf, mutaharrik, fort, ä, savoir le
ujäw, le yä', dans : jL« (dont Ie asl est jy ^y), pourquoi ne changerait-il . • - o-
pas un harf, säkin, faible, comme dans: > y c«;, etc. ?
Rdponse (p. 25 — p. 26, Z. 4): il y a erreur de l'objectant dans ce qu'il
avance :
En effet, il n'y a pas eu qalb, changement de wäw et de yä\ en alif,
dans ces cas comme ^1», parce que le fatha a eu puissance sur eux
mutaharrika. Sinon, il aurait fallu faire Ie qalb de u}äw en yä' dans : ^
, - -' _—>
et J^ et Ie qalb de yä* en wäw dans : *~f, Iä. oü il y aurait eu davan¬
tage raison de Ie faire vu Ia lourdeur du damma et du kasra et Ia force de
"
leur jrut. La presence de alif tient ä une autre cause:
dans ^1», Ie asl 6tait : ^ y (qawama)
dans lc etait : o y- (hawifa)
dans Jli», le aM 6tait: Sj> (taumla)
dans Ie osZ 6tait : ^ (baya'a)
dans yl*, Ie asl 6tait : (hayaba)
Trois choses apparentees se trouvaient r6umes, k savoir: 1" Ie fatha,
2' Ie wäw ou Ie yä', 3" Ie haraka du wäw ou du yä'. On a eu repugnance
ä Ia reunion de trois choses proches les unes des autres. Alors on a fui Ie
wäw ou Ie yä' et l'on s'est rtfugi^ dans une articulation oü soit en s6curit6
Ie haraka, k savoir Yalif; Ie fatha qui precede a aussi rendu la chose licite.
Voila la cause du qalb, du changement de wäw, de yä', dans des cas comme
^ comparer un peu plus loin la lourdeur du kasra et du damma et la force de
t)^
leur >;L)".
96 Henei Fleisch
.1», et non ce qu'a pr6tendu l'objectant, ä savoir que le fatJ^ avait eu
la force de changer le harf al-mutaharrik.
Ces developpements ont l'avantage de nous donner une theorie de 1'
i'läl des verbes dits agwaf (ä 2e cons. rad. w, y), theorie d'un homme qui
a beaucoup reflechi sur sa matiere et ä voulu etre consequent avec la
theorie generale qu'il avait dtablie. Ainsi poussee, eile semble lui etre
personnelle. Radi ad-Dm al-Astaräbädi, qui lui aussi pousse avec rigueur
C W ft ft
ses demonstrations, dira (5. 5., II, p. 95, l. 8—9): jljJI ^ Jl j^i J>il
U Je Jl£I 5U Gül iji l/si ikll ili J olJ Uli l^M L. ^yill c>cä">^I ftUi i
ft Pour le Cheikh Radi c'est une affaire ä'istitqäl, d'estimation de la
lourdeur des tldments qui interviennent. Ibn Ya'is ne semble guere
depasser une constatation quand il ecrit (p. 1405, l. 19); expliquant le
Muf. §703:
yj U ^kil j \f'j>c3 iS3ij o/\ ftUlj ji yi Jl- iL. USfJUi'^l
II reste toutefois ä preciser dans les explications d'Ibn öinm ce qu'il
'f^ \ - ü )
entend par un « ^1 V 0*^ ^ ,,une articulation oü soit en stcurite le
haraka" (et haraka doit designer la troisieme des trois choses reunies).
1
D'apres les explications suivantes ce iü) ne peut etre le wäw ou le yä'.
Ceux-ci peuvent etre mutaharrika et, de ce fait, supporter les differents
haraka. Le haraka n'est pas sür de sa position. Seul alif qui ne peut etre
mutaharrik garantit sa place au fatha.
On peut resumer ainsi la question: il n'y a pas eu qalb mais choix d'une
articulation privilegite, pour öviter la reunion de trois articulations
proches les unes des autres.
c) Conclusion et confirmation.
Ibn öiimi conclut toute sa demonstration par cette phrase tres pleine
qui, de fait, resume la pensöe des grammairiens arabes sur les rapports
. s. u , ^
entre haraka et hurüf al-madd: ^1/ V-"' o^"^' »i* Jl^o* lc.
Jj-i^ftUl j'UJi.A isti i_iJVl olj l^ »lj>-l 3 U) J^ljl >^IS' ^1 olj lf^--^ i*^l^
.. 03 _w O '
j\ (p. 26, l. 11— p. 27, l. 2) ,,I1 est done etabli par ce
que nous avons dtcrit de la situation de ces lettres qu'elles suivent les
haraka et croissent de ceux-ci, que les haraka sont un commencement
pom elles, une partie d'elles, que Valif est un fatha rassasil, le yä' un
kasra rassasii, le wäw un damma rassasii".
Enfin pour terminer, il plait k Ibn öirnii d'amener en confirmation ces
cas particuliers d'i§&ä' oü la nöcessite d'obtenir la mesme exacte des vers
a amenö le poete ä, 6tendre un haraka en harf al-madd : »_i jUäll (au lieu de
—a..
OJ LJO> dans un vers de al-Farazdaq (p. 28, 1.9); ^_pc. (au lieu de
, ^o> 7 J C-^-' yiC^f
^js:£.), dans un vers de Ibn Harma (p. 29, l. 6); jjhsi (au lieu de J^'i),
dans un vers que rtcitait Abü 'All al-FärisI (p. 30, 1. 1)
Remarque
A proprement parier dans la graphie arabe, les hurüf al-madd ne
devraient pas etre pr6ced6s d'un haraka, puisqu'ils sont par eux-
o , - -,
memes un signe vocalique. On devrait 6crire: ^j. VJ'«' Si l'on
voiüait suivre jusqu'au bout, les enseignements de la genetique des hurüf
dans la conception arabe, il conviendrait de les surmonter du signe du
Qo , , o ^
sukün puisque ils sont et ne peuvent etre que säkina: yj^kjjL^
mais ce serait bien dtroutant.
La notation des haraka au dessus du harf precedent peut se justifier,
mais il faut alors comprendre que ces haraka repr^sentent les awädil
y ^2
(Jfljl) des hurüf al-madd suivants: leur „premiere partie", et annonce
leur completion; par ailleurs la notion du sukün au dessus du harf al-madd
Oc - - = > - -
est pleinement dans la logique du Systeme arabe: ^jy> yjU. C'est
en fait, la graphie d'une ecritme arabe qui veut etre complete.
Tout ceci evidemment dans le cas oü haraka et harf al-madd sont
homogenes, comme dans les exemples donnes.
Dans notre conception europeenne, nous cherchons pour une voyelle
longue (dans les langues k voyelles longues), le signe qui indique Ie
timbre et le signe qui indique l'allongement. Le caractere qui figure les
voyeUes donne le timbre (plus ou moins fidelement, selon les langues ou
selon les divers timbres pour une meme langue) ; l'allongement est indique
par divers moyens, simples signes, sur la valeur desquels il y a un accord
tacite; par exemple I'allemand peut employer un h: stehlen (== Stehn)
,, voler" ou un e: Biene (= bina) ,,abeille"; Une transcription emploie le
petit trait superieur, comme nous faisons ici; il existe encore d'autres
Conventions. Inconsciemment on cherche ä retrouver dans la graphie
arabe (langue ä voyelles longues), ce que l'on est habitue k trouver ailleurs :
on voit dans le haraka l'indicateur du timbre et dans le harf al-madd le
pm signe de l'allongement de cette voyelle. La traduction de harf al-
madd: „lettre de prolongation", semble lever tout doute k ce sujet.
Ce peut §tre im moyen pratique de faire comprendre k un europeen (en
s'adaptant k ses manieres de voir) ce qu'il doit articuler dans la graphie
7 ZDMO losa
98 Henbi Fleisch
arabe, langue k voyelles longues. Mais si l'on veut par lä faire entendre
ce que les Arabes eux-memes ont voulu signifier par leur graphie, ou
commet une grande erreur et l'on s'egare, erreur favorisee certainement
par le faux sens donne ä la traduction meme de harf al-madd ,, lettre de
prolongation" : on y voit un allongement quantitatif, alors que les Arabes
y ont vu la designation d'une qualiU du son : la prolongation, continue,
du sawt qui s'ecoule sans interruption et ne peut avoir d'autre inter¬
ruption que la fin meme de son Emission: hurüf al-madd, huruf al-madd
wa-1-istitäla, hurüf al-madd wa-l-lin, hurüf al-lin, c'est en effet avec plus
ou moins d'insistance, partout la meme id6e qui est exprimee: celle du
fiux ininterrompu du §awt en mouvement, vehicule par le souffle, le
nafas^.
Ill — La place du haraka fl l-martaha (p. 32—37)
II s'agissait pour Ibn öimii d'etablir la place du haraka fi l-martaha,
,, selon le rang" ; done d'etablir la place du haraka en tant qu'attribution propre ä celui-ci (voir plus haut, p. 77).
Ibn GinnI tnonce d'abord cette proposition generale: ,, Sache que le
haraka que supporte le harf, en ce qui concerne le martaba, ne peut
manquer de se trouver: ou avant lui, ou avec lui, ou apres lui" (p. 32,
1.1-2).
D'abord ime exclusion nette s'impose: il est impossible (Jl^) que, pour
le martaba, le haraka se place avant le harf (p. 32, I. 3).
Premiere preuve: le harf est pour le haraka comme la substance et
le haraka est en lui comme I'accident^. II en a done besoin et l'on ne peut
poser l'existence du ^raia avant celle du Äar/: iS' /«U J^^^oj^-'ol liDij
♦j^] JJ Uij>.j jyf-y J <JI U.b# dÖJ ^ <j J,Ji is (p. 32, I. 3—5) —
Autrement dit: le haraka ne se soutient pas par lui-meme, comment
concevoir son existence avant que n'existe ce qui doit soutenir sa
realite ?
Seconde preuve (p. 32, i.5— 11): La seconde preuve repose sur I'impos¬
sibilite oü l'on serait d'operer Vidgäm, si, selon le rang, le haraka devait
^ II est bon de donner le texte memo d'Ibn öinni, ä propos des hurüf
al-lin. II conclut le developpement d'Ibn öinni (voir plus haut, p. 91) sur
i ■ w C.
le continu du madda do ces hurüf al-madd: ^j,^ Ic'i *iUr.. \1 jJ,! ^jj,,
^i\Xj>')l\Ja^\je [^^\ jJi\^ ^y.,ajb_^^ Ü li^
(p. 36, I. 8—11).
' Voir plus loin p. 100, pourquoi Ibn Ginni dit: jiilS' ^^K'.
se trouver avant le Jar/. Par exemple, on dit (gatta') ; le premier 1»
* ,o,, "
se contracte avec le second: L'Üll^JjSI »Ikll ^xi (p. 32, 1.&). Si le
haraka du second i» se trouvait avant lui, selon le rang, il ferait barriere
entre le premier 1» et le second et Vidgäm serait impossible. Or Vidgäm
existe. Done la supposition etait fausse.
Cette ,, preuve" est etablie dans la perspective arabe du martaba, du
rang qui determine une place selon une subordination, comme on a vu plus
haut. C'est une idee systematique, caduque, des grammairiens arabes.
Cette preuve a l'avantage de manifester clairement comment, dans un
cas typique de Iiarf supportant Ie signe du Sadda (ou taSdid) comme
Ihn öinni (et les grammairiens arabes) con9oivent la valeur du harf
muSaddad, ici lei». II reconnait dans cetä'muSaddada, deux tä', ou il distin¬
gue Ie premier et Ie second et ü attribue leur reunion au phönomene de
Vidgäm. Nous appelons im tel harf musaddad „une consonne geminee"
et il est clair que, selon la pensee arabe, on doit attribuer ä Ia gemi¬
nation Ia valeur d'une dualite: une consonne doublee, la repetition
immediate de Ia memo consonne, sans solution de continuite et non une
consonne unique ä tenue prolongee : une consonne longue.
Apres l'exclusion de la position: avant, il reste ä. en visager les deux
. O- -ü- ü-
autres : avec le harf ou apres Ie harf ? jLx.i sl J_,i)l (p. 32, Z.13),
„et il y a une certaine difficulty ä etablir Ia distinction". Ibn öinni est
gene par un argument, puissant, presente par Abü 'Ali al-FärisI (son
maitre), qui demontrerait qu'ü faut dire: avec (voir p. 37, I. 3—5). Mais
la conviction d'Ibn öinm est que c'est apris Ie harf qu'il faut mettre la
place du haraka fi l-martaba* et il expose trois arguments.
L'un (p. 32, 1. 14— p. 34, 1. 2) est tire de l'existence de mots ä repetition
du meme harf avec la separation d'un haraka entre ces deux harf sem-
3 t
blables, par ex.: jy jo». L'autre utilise (p. 34Z. 3—7) le processus
de Vidgäm pour deux harf qui etaient proches (non semblables) et
comportaient entre eux un haraka, comme a<"j que Ton peut amener ä
jj. II n'y a pas lieu de s'etendre sur cette argumentation d'une syste¬
matique perimee. Mais il est utile de remarquer I'une des expressions
d'Ibn öinm: pour que oTj puisse devenir jj, il a fallu I'intermediaire -^"j u
(puis ibdäl du tä' en däl et idgäm) ; dans oT j il y a iskän du tä' ; ceci a ete
1 Dans une note marginale de son manuscrit (d'apres ms. i-j), Ibn öinni
dit avoir fait, dans ses Ha^äHs la critique de cet argument de Abü 'All et
montre qu'il n'est pas efficace en la matiere (voir p. 27 la note 2 de I'editem').
7»