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Faire clair et vif avec des éléments complexes : défiguration de l’Histoire (des religions) dans Salammbô et Hérodias

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Flaubert

Revue critique et génétique

412010 :

Flaubert et l'histoire des religions

Deuxième partie: écritures f1aubertiennes du religieux

« Faire clair et vif avec des éléments complexes »

Dé-figurations de l'Histoire (des religions) dans Salammbô et Hérodias

CORDULA REICHART

Résumés

Avec le roman Salammbô et le conte Hérodias, Flaubert se tourne vers l'Antiquité préchrétienne afin de montrer à la modernité, sur le mode « clair et vif », sa complexité, son implication dans des discours de pouvoir religieux et historiographiques. C'est en se penchant sur les sources historiographiques et bibliques que Flaubert décline les stratégies d'exclusion et de surécriture, mettant au jour ce qu'elles refoulent, non pas sous fonne de signification alternative, explicite, mais en tant que défiguration, réalisation littérale des corps et des signes.

Avec Salammbô, Flaubert écrit une histoire du salut. Carthage, représentée dès le début par la protagoniste Salammbô en tant que pars pro toto, expose les figures cachées de Rome, à laquelle est liée, aussi et surtout, la promesse chrétienne de salut. Dans le nom de Salammbô Flaubert réécrit l'origine de cette figure en fait associée à la Rome chrétienne en s'appuyant sur l'exemple de l'histoire antique de Carthage.

Dans Hérodias, Flaubert reprend le thème du triomphe de l'Orient annoncé par Renan et redouté par l'Église catholique. Un danger, pourrait-on dire, qui se réalise dans la figure d'Hérodias et qui est conjuré avec la décapitation de Jean. Dans son rappolt inversé avec les textes de référence, Hérodias démasque les ambitions et la volonté hégémonique du modèle de pouvoir propre à l'Église en Orient. La translatio de l'empire romain est radicalisée au moyen de la figure d'Aulus. Aulus peut faire l'objet d'une lecture perfonnative en tant que début et fondement de l'histoire française du salut comme histoire romaine de la perversion.

In the novel Salammbô and the short story Hérodias, Flaubert turns to pre-Christian antiquity in order to present modernity its complexity, its entwinement in religious and historiographical discourses of power, in a « clair et vif » manner. In Salammbô, Flaubert re-writes the story of salvation. In Salammbô's name, Flaubert constmes the origin of a figure which is actually linked to Christian Rome as the ancient story of Carthage. In Hérodias, Flaubert takes up the triumph of the Orient as proclaimed by Renan and feared by the Catholic Church. This danger is realized in the figure of Hérodias and avelted by the decapitation of John the Baptist. In its perverted relationship to the historical texts of reference, Hérodias unmasks the claim to supremacy of the rising clerical model of power, while the translatio of the Roman Empire gets radicalized in the figure of Aulus.

First publ. in: Flaubert. Revue critique et génétique, 2010

Konstanzer Online-Publikations-System (KOPS) URL: http://nbn-resolving.de/urn:nbn:de:bsz:352-144653

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Aulus can be read perrormatively as beginning and foundation of the French story of salvation as a Roman story of perversion.

Texte intégral

Afficher l'image Crédits: Armand Hammer Collection

L'Histoire du salut inscrite dans le nom de Salammbô : une promesse littéralement vide

Le roman de Flaubert Salammbô décrit l'épisode particulièrement cruel d'un soulèvement de mercenaires aux allures de guerre civile dans la Carthage antique à l'époque de la première guerre punique ainsi que l'histoire d'amour entre leur chef libyen Mâtho et Salammbô, la fille du Suffète. En 1862, date de sa parution, le roman provoque dans les salons une véritable mode Salammbô et un vif enthousiasme pour l'Orient!. À l'opposé, le critique littéraire Sainte- Beuve, contemporain de Flaubert, et l'archéologue Froehner comprennent mal la référence historique à la guerre punique dans Salammbô et la désapprouvent, lui reprochant une historiographie de l'Antiquité scientifiquement erronée, ce qui explique le mépris dont le roman a longtemps fait l'objet2 • Bien que Flaubert ait justifié avec précision ses intentions d'auteur et cité ouvertement ses sources dans sa correspondance, on reproche au roman à maintes reprises jusqu'au milieu du

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e siècle,à cause de sa peinture détaillée d'une brutalité sadique, d'être une nouvelle expression du sadisme de l'auteur, accusation souvent portée hâtivement à l'encontre de Flaubert3 • C'est ainsi qu'il faut attendre des recherches plus récentes pour voir dans la représentation brutale et disparate, sur le plan historique autant que religieux, de l'Antiquité préchrétienne le dessein programmatique de Flaubert.

Salammbô montre - sous le couvert d'une Antiquité anachronique - la violence aveugle et destructrice de même que la justification tout aussi aveugle d'une Histoire de France à laquelle l'historiographie confère toujours une dimension téléologique mais qui est plutôt - je me réfère ici à Gaillard - un

« éternel retour nietzschéen du même »4.

2 Butor est le premier à remarquer que la Carthage de Flaubert vise à une opposition de ces deux puissances que sont Carthage et Rome. La Carthage antique préchrétienne est l'envers de la Rome de notre Antiquité classique chrétienne5 . Pour Butor, Carthage fait ressortir dans Salammbô la face cachée

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de Rome. Carthage, représentée dès le début par la protagoniste Salammbô en tant que pars pro toto, expose les figures cachées de Rome, à laquelle est liée, aussi et surtout, la promesse chrétienne de salut. J'aimerais donc proposer ici une lecture de Salammbô en tant qu'histoire inversée, pervertie dès l'Antiquité, et montrer comment l'éclairage dialectique et réciproque d'une historiographie fictive et d'une historiographie historique, biblique, dans les apories de l'Antiquité préchrétienne fait apparaître celles de la modernité (post)chrétienne.

3 L'Antiquité préchrétienne ressuscite dans Salammbô en termes chrétiens vides de sens. C'est justement dans la déformation hétéronome de l'Antiquité à l'aide de sources bibliques, essentiellement l'Ancien Testament, que Salammbô de Flaubert actualise ex negativo cette généalogie tronquée que l'Ancien Testament bannit au nom d'un discours de pouvoir chrétien et hégémonique.

Dans Salammbô, Flaubert fait ressortir le lien avec les religions cultuelles de l'Orient en termes chrétiens, association que l'Ancien Testament, lequel se pose en tant que Genèse, en tant que figure originelle de la Création, réduit à de brèves allusions. Dans la perspective de l'Antiquité flaubertienne en revanche, la figure herméneutique centrale du christianisme et de la modernité,figura et implementum, la pré- et la postfiguration de l'Ancien et du Nouveau Testament apparaissent, de même que la promesse chrétienne de salut, comme la répétition d'une histoire du salut déjà vide dans l'Antiquité. Flaubert - et telle est ma thèse - réécrit l'origine de cette figure en fait associée à la Rome chrétienne en s'appuyant sur l'exemple de l'histoire antique de Carthage.

4 À cet égard, le titre du roman mérite déjà une attention particulière.

Étymologiquement, il fait référence au salut oriental «salamm ». Flaubert

« salue» ainsi par exemple son roman Madame Bovary, publié auparavant, dont l'écho retentit dans le titre: Flaubert a exprès ajouté un deuxième m et déplacé l'accent circonflexe sur Salammbô6• En même temps, il se détache du réalisme des romans précédents7 • Le titre correspond déjà au principe flaubertien de la représentation littéraire de l'Antiquité que Pfeiffer définit comme une « non-réductibilité à des références familières »8. Ceci signifie que c'est justement de cette transgression dans l'étrange et le fantastique que l'Antiquité tire dans Salammbô sa productivité esthétique. Dans la brutalité, l'étrangeté, la vacuité - tout apparentes - de ses signifiants, l'Antiquité flaubertienne confronte avec d'autant plus de réalisme la modernité avec ses propres figures9• Avec Salammbô, Flaubert écrit une histoiredu salut. Car en incarnant la figura antique, pervertie dans son inversion chrétienne, Salammbô exposel'Histoire du salut propre à la modernité. Logiquement, le titre ne recèle donc pas une quelconque formule orientale de salut, mais le mot arabe pour le salut: « Salam» ou bien « selam ».

5 Gautier a parlé - en faveur de Flaubert et contre Froehner - très généralement d'une résurrection de l'Antiquité dans la Salammbô de Flaubert.

Celle-ci fait ressortir par-delà l'exactitude scientifique et selon le rapport de causalité entre mère et fille, des relations cachées: «Tyr et Sidon, les villes mères, le [Flaubert] renseignent parfois sur leur fille. La Bible, cette encyclopédie de l'antique genre humain, où se résument les vieilles civilisations orientales, lui révèle des secrets qu'on n'y cherche pas ordinairement »10. Ceci signifie que l'Antiquité orientale fonctionne - à la manière de l'Ancien Testament - comme prophétie, laquelle devient, dès le salut contenu dans le titre (littéralement: Salut à toi !), une véritable promesse de salut. Le titre fictif, Salammbô annonce donc déjà une figura aux deux sens du terme. Il met en avant le salut, indissociable du nom de la protagoniste, en

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tant que figure centrale du texte.

6 L'exemple de la célèbre scène de la danse orientale de Salammbô avec le Python, laquelle anticipe le péché originel de Salammbô, l'acte d'amour dans l'épisode de la tente, permet de montrer comment les topoï chrétiens que sont le péché originel, la mort et la résurrection sont déclinés dans les topoï antiques. En incarnant la figure du péché originel, Salammbô se situe en même temps, en tant que figure d'Ève, dans la tradition d'Adam et Ève, dans la relation d'expérience entre « savoir et amour »11. Car, comme le serpent de la Bible le prédit, la transgression de l'interdit divin génère pour l'homme et la femme la connaissance (de la Création), il ouvre les yeux à la « vérité nue », qui se présente dans cette re-mise en scène du péché originel dans l'Antiquité comme une vérité de l'Histoire des religions. Le péché originel pré-chrétien dans Salammbô est, conformément à la tradition biblique, un acte d'amour. La véritable union charnelle de Mâtho et Salammbô a lieu dans le chapitre « Sous la tente », alors que Salammbô veut rechercher le voile de Tanit, la divinité cultuelle des Carthaginois. Le voile de Tanit symbolise - cela a déjà été mis en évidencede différentes manières - le sacrilège religieux, l'interdit divin que Salammbô enfreint et anéantiF2. Mais avec l'acte d'amour stylisé enpéché originel biblique, elle ne transgresse pas seulement l'interdit divin des prêtres, elle succombe aussi à la tentation de la chair contre laquelle le serpent biblique l'a mise en garde. Tandis que la recherche a, en règle générale, évoqué de façon assez détaillée les attributs du péché originel dans l'épisode de la tente, l'allusion à la mise en garde et à la fonction prophétique du serpent du paradis face aux tentations de la chair a été négligée, bien que cette annonce se trouve également dans Salammbô - plus précisément dans le chapitre au titre évocateur « Le serpent» :

Elle voulut connaître l'avenir et s'approcha du serpent, car on tirait des augures d'après l'attitude des serpents. La corbeille était vide; [ ... ] Elle le trouva enroulé par la queue à un des balustres d'argent, près du lit suspendu, et il s'y frottait pour se dégager de sa vieille peau jaunâtre, tandis que son corps tout luisant et clair s'allongeait comme un glaive à moitié sorti du fourreau (251)13.

7 Dans le chapitre « Le serpent », la célèbre danse de Salammbô avec le Python annonce le péché originel en tant qu'acte d'amour érotique14 • La particularité de ces allusions ne réside pas seulement - à mon avis - dans l'anticipation cataphorique de la sémantique sexuelle du péché originel. Leur particularité, c'est d'une part que, dans la fusion de Tanit et Salammbô dans la danse, sa petite mort annonce la grande et qu'elle peut être lue en tant que chemin de croix, en tant que passio Christi. De l'autre, c'est la référence au Python et donc à l'oracle le plus célèbre de l'Antiquité: « Elle voulut connaître l'avenir ».

8 Flaubert fait ici renaître le mythe antique du serpent « Python» qui, selon la légende, devait empêcher la naissance des dieux de la lumière Apollon et Artémis, mais que, quelques jours après sa naissance, Apollon tua dans le sanctuaire de Delphes. Ce lieu est considéré depuis comme le sanctuaire d'Apollon et le plus célèbre oracle de l'Antiquité. Chez Flaubert, dans sa danse avec Salammbô, le serpent dévoile également l'avenir, le christianisme sous la forme du péché originel.Le serpent antique rend la «vérité nue» lisible: il mue: « il le frottait pour se dégager de sa vieille peau jaunâtre ». Dans la danse avec le Python antique, le serpent chrétien, le péché originel n'est pas seulement annoncé, il s'accomplit littéralement dans le jeu des signifiants de ce passage du texte.

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Ceci signifie que c'est déjà la rencontre avec le Python dans le chapitre « Le serpent» qui stylisele corps de Salammbô en tant que figure d'Ève. C'est déjà cette description imagée, associative dans un sens chrétien aussi bien qu'érotique - Salammbô devenant Ève avec le serpent -, qui marque cataphoriquement la perte de l'innocence de Salammbô, mais pas seulement.

Sa chaînette se rompt dans l'acte d'amour, ce qu'annonce le serpent:

[ ... ] le python se rabattit et lui posant sur la nuque le milieu de son corps, il laissait pendre sa tête et sa queue, comme un collier rompu dont les deux bouts traînent jusqu'à terre. Salammbô l'enroula autour de ses flancs, sous ses bras, entre ses genoux; puis le prenant à la mâchoire, elle approcha cette petite gueule triangulaire jusqu'au bord de ses dents; et, en fermant à demi les yeux, elle se renversait sous les rayons de la lune.

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10 Mais en même temps, cette description marque aussi sa mort dans l'union charnelle, érotique: «Salammbô haletait sous ce poids trop lourd, ses reins pliaient, elle se sentait mourir; et du bout de sa queue, il lui battait la cuisse tout doucement» (254/255). Ces préfigurations ambiguës de l'épisode du péché originel relient l'érotisation aux références à la Passion du Christ (Salammbô haletait sous ce poids trop lourd). Dans l'acte d'amour accompli sous la tente, on trouve, outre de nouvelles allusions au péché originel (comme la pomme), par deux fois une évocation des peaux de lion (peau de lion, les poils de lion) qui se trouvent sur le « lit de palmier» sur lequel Salammbô s'allonge. Le passage sous la tente actualise donc en plus une sémantique pascale, avec des allusions à l'entrée du Christ à Jérusalem et au triomphe de la Résurrection.

11 La corbeille vide du serpent prédit l'avenir. Dans l'Antiquité hétéronome, préchrétienne de Salammbô, la littéralité vide prend déjà la place de la métaphysique chrétienne. L'histoire n'aboutit pas à une résurrection15, mais avec la mort brutale des protagonistes, au malheur, à l'absence de salut. Tandis que, dans l'histoire de Salammbô et de Carthage, le salut se solde par un échec, tout d'abord sur le plan métaphorique avec le serpent et la chaînette. Puis réellement: la dernière phrase du roman, qui évoque la mort de la fille d'Hamilcar et rappelle une épitaphe, enterre littéralement l'avenir de toute histoire du salut: «Ainsi mourut la fille d'Hamilcar/pour avoir touché au manteau de Tanit» (377). La dernière phrase transpose la figuration à un niveau stylistique. Comme les deux bouts de la chaînette ou du serpent, Tanit (la divinité du salut et de la maternité pour les Carthaginois) et Hamilcar (une figure de père et une figure de l'Histoire antique) divisent la dernière phrase en deux membres presque isométriques. L'histoire du salut écrite dans le nom de Salammbô reste - dès l'Antiquité - une promesse vide, littérale.

L'Histoire française du salut: une Histoire romaine de la perversion

12 Au conte Hérodias, on associe un jeu subtil avec les éléments-clés des sources historiques, en particulier Suétone et Flavius Josèphe. Mais la manière dont Flaubert transforme les textes auxquels il se réfère est programmatique. Il convient tout d'abord de montrer que la translatio de l'empire romain, fondement de la conception française de l'Histoire que Victor Hugo a réaffirmée, est radicalisée au moyen de la figure d'Aulus citée dans la source de

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Flaubert, tout d'abord à un niveau ironique et hyperbolique, avant d'être inversée et de tomber dans le grotesque. Aulus peut faire l'objet d'une lecture performative en tant que début et fondement de l'histoire française du salut comme histoire romaine de la perversion.

13 Dans sa conception d'Aulus, Flaubert se réfère surtout aux biographies des Césars de Gaius Suetonius Tranquillus (né vers 70 ap. J.-C.). Dans l'historiographie, l'exemple de Suétone illustre très bien une certaine élasticité de l'historiographie16• Flaubert reprend de façon hyperbolique les différents éléments narratifs de la vie de ce César en vue d'une allégorisation de la figure.

L'imitatio d'Aulus d'après Suétone reflète à la fois une translatio de l'empire romain dans ce qu'il a de dépravé ainsi que son impérialisme, lequel anticipe ici la superatio de la France.

14 S'appuyant sur Suétone, Flaubert ne met pas en perspective la chronologie exacte des événements ni les traits de caractère d'Aulus dans leur ensemble, mais précisément les éléments de la biographie d'Aulus que la recherche historique récente effectuée sur la Vie des douze Césars a reconnus comme faisant partie de la topique antique du tyran17• Chez Flaubert, ce jeune homme glouton et homosexuel, fils de Lucius Vitellius (gouverneur de Syrie) apparaît en tant que malis princeps et là en tant que représentation de l'empire romain et de son expansionnisme démesuré: « Cette goinfrerie, qui devait surprendre l'univers [ ... ] Aulus n'avait pas fini de se faire vomir, qu'il voulut remanger [ ... ].

Il se calma, en voyant des queues de brebis syrienne qui sont des paquets de graisse» (121, 135, 137)18. La dimension géographiquement universelle d'Aulus est concrétisée par le fait qu'il avale de nombreux mets d'origine marquée et mal déguisés: «les mets étant vulgaires, point déguisés suffisamment! » (137). Dans le passage correspondant de Suétone en revanche, cette dimension universelle ainsi que les nombreuses références géographiques de Flaubert quant aux particularités de la figure d'Aulus ne sont pas évoquées. Une seule exception: la campagne de Germanie, une référence historique de la fameuse goinfreriel9• Mais cet attribut d'Aulus qu'est la goinfrerie s'avère être chez Flaubert une goinfrerie d'envergure gauloise. La façon dont Aulus est stylisé sur le plan narratif par un recours au potentiel anecdotique du personnage historique indique que Flaubert a très bien perçu, dans l'intertexte de Suétone, la possibilité de mettre en perspective la figure d'Aulus en tant qu'histoire pervertie du salut -tout en ayant en vue les débuts de la France gauloise.

15 L'amour passager d'Aulus pour le jeune homme appelé génériquement Asiatique, dénomination déjà présente chez Suétone20, permet également une densification allégorique: elle est l'incarnation de l'amour unilatéral de l'empire romain et de ses alliés; contrairement à sa source, Flaubert justifie la dénomination générique par le fait qu'Aulus aurait oublié le nom chaldéen du jeune homme. La majuscule souligne elle aussi l'allégorisation. Ou bien il s'agit pour ce détail biographique - déjà chez Suétone - d'une anecdote historiographique inconsciente avec une saillie qu'il aurait reprise à son compte, anecdote qui contribue encore plus joliment à souligner l'allégorisation par Flaubert de la figure d'Aulus en tant qu'incarnation de l'impérialisme romain. Car la province d'Asie joue un rôle-clé dans le développement de l'impérialisme romain. C'est elle qui le définit dans sa connotation négative, hégémonique. Cette province très peuplée qui sert souvent d'exemple pour les conquêtes romaines en direction de l'est, a été des décennies durant la province la plus rentable de tout l'empire, elle était d'une importance décisive pour la politique et les finances de Rome, tout en passant

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pour malheureuse, dissidente et rebelle; du fait de son pillage systématique par les intérêts romains, elle a marqué le caractère des Romains et leur relation avec leur politique impérialiste et hégémonique21

16 Pour Flaubert comme pour Flavius, la compréhension des arrière-plans cachés est très importante pour l'historiographie et l'étude des sources. À cette fin, Flaubert fonctionnalise le texte de Suétone, cet hypotexte relativement homogène de la figure d'Aulus. Ce n'est pas la chronologie qui est intéressante, mais le parallèle structurel avec la topique du tyran, parallèle à l'aide duquel l'imitatio - translatio de l'intertexte de Suétone met en acte chez Flaubert un empire romain et son impérialisme pervers en tant que signe avant-coureur d'une superatio française. De même que Suétone parle en rapport avec Aulus du signe avant-coureur d'un coq gaulois funeste perché sur sa tête22, la tête du malis princeps est chez Flaubert une figura phonétique, annonce et signe avant-coureur de la France gauloise: la « faculté d'engloutissement [d'Aulus]

dénotant un être prodigieux et d'une race supérieure» (135). Ceci correspond à un lieu commun associé à la France gauloise. Flaubert qui, selon Sartre lui-même, était l'objet de moquerie pour sa silhouette corpulente et efféminée d'envergure gauloise23 , reprend déjà dans Salammbô le thème de l'engloutissement, stylisé en tant que particularité gauloise24 • Depuis la seconde guerre punique - Salammbô thématise la première - et depuis l'alliance avec Massilia, les Gaulois bénéficient d'un intérêt particulier de la part de Rome, historiquement et militairement. Dans De Bello Gallico de César, c'est la faculté d'engloutissement gauloise qui explique que les Gaulois soient moins belliqueux depuis qu'ils sont sous tutelle romaine25 •

17 La dénomination historique et latinisante d'Aulus condense, dans une mise en acte linguistique, la pique ironique décochée à l'encontre de l'Histoire et de l'historiographie françaises. Le fait que Flaubert stylise le Romain en Gaulois indique qu'il n'a sans doute pas été sans remarquer que l'Aulus de Suétone représentait dans sa perversion le palimpseste idéal lui permettant d'éclairer les débuts d'une perversio impériale historique. Car, pour employer une formule osée, Aulus porte la figure de la perversio dans son nom, que Flaubert focalise dans sa stylisation. Aulus est lisible en tant qu'anagramme phonétique, en tant que figure de l'inversion; dans cette inversion du mot français

« salut », les racines de l'empire français (et de l'idéologie impériale) s'accomplissent littéralement dans la perversion de l'empire romain: dans la figure cyclique, rhétorique et performative de l'anagramme phonétiqueAulus-[saly], Flaubert réalise dans Hérodias les débuts de l'Histoire française du salut en tant qu'histoire romaine de la perversion.

Hérodias

historiographique

18 L'Hérodias de Flaubert fait en revanche partie des personnages fIaubertiens qui entretiennent un rapport inversé, ironique avec la réalité historique26• Dans son rapport inversé avec les textes de référence, elle démasque les ambitions et la volonté hégémonique du modèle de pouvoir propre à l'Église en Orient. C'est surtout en se penchant sur les sources juives de l'historiographie antique que Flaubert élabore sa conception de la figure d'Hérodias en tant que palimpseste narratif, en tant que projection de son regard critique, a-romantique sur l'historiographie chrétienne, ce que je me propose d'illustrer à l'aide de trois

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liens reliant Flaubert et sa source historiographique Flavius Josèphe: d'abord la mise en relation avec une ligne généalogique, ensuite la tentative d'Hérodias d'obtenir le titre royal et enfin son bannissement.

19 Flavius Josèphe relate le facteur généalogique en évoquant les ongmes aristocratiques d'Hérode; il justifie ainsi les visées historico-politiques d'Hérodias, qui aimerait amener Antipas à monter sur le trône27 • Flaubert au contraire extrapole la base fatale de cette généalogie historique sous forme d'anachronisme, en l'inscrivant dans son Hérodias au niveau généalogique et, par le biais d'autres sources bibliques comme la référence à Sodome et Gomorrhe, au niveau métaphorique.

- J'ai pris un bon soutien, en entrant dans ta famille!

- Elle vaut la tienne! dit simplement le Tétrarque. [ ... ]

- Mais ton grand-père balayait le temple d'Ascalon! Les autres étaient bergers, bandits, conducteurs de caravanes, une horde, tributaire de Juda depuis le roi David! Tous mes ancêtres ont battu les tiens! Le premier des Makkabi vous a chassés d'Hébron, Hyrcan forcés à vous circoncire!

Et, exhalant le mépris de la patricienne pour le plébéien, la haine de Jacob contre Édom, elle lui reprocha son indifférence aux outrages, sa mollesse envers les Pharisiens qui le trahissaient, sa lâcheté pour le peuple qui le détestait (115/116).

20 Ces nomenclatures expliquent par ses racines antiquesle paradigme, négligé par l'historiographie, de la base fatale, sanglante comme seule et unique continuité autorisée par le mythe fondateur qui entoure Jean-Baptiste. Cette généalogie biologique des origines, empruntée à Flavius, est transformée en une généalogie symbolique des origines de ce qui va caractériser, d'après Flaubert, les débuts du modèle de pouvoir propre au christianisme et que ce modèle de pouvoir est tenté d'exclure: ses origines sanglantes.

21 Tandis que Jean, à la manière de l'Ancien Testament, reprend surtout le thème de l'adultère développé dans l'Évangile de saint Matthieu, on remarque que, dans le récit de Flavius Josèphe, la caractérisation narrative d'Hérodias et d'Antipas met l'accent sur les péchés d'invidia et d'ira et sur celui d'acedia.

Flaubert reprend ce déplacement de l'accent dans son texte. Flaubert démasque ici l'arrière-plan manifestement théologico-moral avéré chez Flavius en tant qu'interprétation pouvant éventuellement être imputée à Flavius lui-même.

Car celui-ci écrit son récit historique en suivant le schéma chrétien de l'opposition péché-châtiment, l'envie et l'adultère commis par Hérodias pour obtenir le titre s'opposant à sa grandeur d'âme lorsque son mari est bannj28.

Dans cette radicalisation morale et théologique, Flaubert reconnaît bien le surplus esthétique qui sauve la figure sur le plan moral. L'Hérodias de Flaubert peut donc être lue comme un palimpseste de ces sources, laquelle met leurs apories en évidence: elle donne à lire la façon dont Flavius (et en particulier Flavius) interprète la généalogie historique associée à l'Hérodias antique en se servant de catégories morales; et comment il scelle ainsi l'exclusion du potentiel historique d'Hérodias de l'écriture de l'Histoire. Car la perspective horizontale, morale et théologique, des sources antiques sur le personnage fait obstacle à une perspective verticale, généalogique et historique de cet acte fondateur, que Flaubert entreprend ici d'extrapoler.

22 Flaubert décline les stratégies d'exclusion et de surécriture, mettant au jour ce qu'elles refoulent, non pas sous forme de significationalternative, explicite, mais en tant que réalisation littérale des corps et des signes. C'est ainsi qu'il faut par exemple interpréter le fait qu'Hérodias ne conçoive pas d'enfants avec

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le Tétrarque, fait que la narration compense dans une mise en acte linguistiqueen transférant à Hérodias la maternité de l'acte fondateur ô combien sanglant de l'Histoire des religions. Outre «ta couche» (127), on trouve surtout la sémantique du nourrir,Jaire une patrie (115).

23 Mais avec l'antique femme fatale se constitue un double mouvement du texte: le topos de la femme fatale est ici fonctionnalisé à double titre, en tant que fatale et que fatum: fatale pour l'Histoire et fatum pour la femme. La conception littérale qu'Hérodias a du monde exprime son renoncement au royaume spirituel qui génère tout d'abord l'intériorité, puis la subjectivité. C'est donc Hérodias qui conditionne l'élimination de la femme actrice de l'Histoiredel'univers de l'Histoire chrétienne, si bien qu'à la fin l'institutionnalisation de l'empire chrétien peut être formée en tant que corps masculin. Le bannissement de la femme hors de la sphère publique du christianisme, laquelle est en train de se constituer, s'accompagne avant la fin, avec la décision de décapiter Jean, du bannissement d'Hérodias de l'espace du texte29 • En comparant Hérodias à Cybèle, Flaubert reprend d'après Lowe30 le thème du triomphe de l'Orient annoncé par Renan et redouté par l'Église catholique. Un danger, pourrait-on dire, qui se réalise dans la figure d'Hérodias et qui est conjuré avec la décapitation de Jean. Chez Flaubert, le monstre Hérodias atterrit à la fin dans une cage imaginaire avant d'être bannie, non comme chez Flavius qui l'envoie en exil, mais bannie de l'espace du texte. En tant que figure, Hérodias est rayée de l'espace de l'écriture. En tant que palimpseste narratif qui désavoue l'exigence de vérité historique de l'écriture, Hérodias mérite chez Flaubert le titre d'une histoire, qui la fait renaître, non pas avec la grandeur d'âme que lui prête Flavius, mais dans sa grandeur moderne, littérale31 .

24 Le véritable acte fondateur, l'édification de l'Église en tant que corps du Christ, va de pair avec l'image de la tête sanguinolente de Jean le Baptiste dans les mains de l'Essénien Phanuel. Dans sa description anatomique très crue, la tête symbolise - ce qui sur le plan historique est une provocation - l'institutionnalisation séculière d'un royaume spirituel sous le signe de la « testa », du fragment. « La tête entra, - » est-il dit dans le texte (141). Placer l'entrée de la tête de Jean comme figure rhétorique de la personificatio et comme apposition au début d'un nouveau paragraphe de l'histoire (au double sens du terme) est à la fois subtil, drôle et vrai. « La tête entra, - », cette figure rhétorique de la personnification rapproche déjà cataphoriquementla tête et les membres, la persona et le corps, c'est-à-dire pour résumer, une métaphore de l'institutionnalisation; l'écriture performative anticipe ce qui s'accomplira à la fin.

Et tous les trois, ayant pris la tête de Iaokanann, s'en allèrent du côté de la Galilée.

Comme elle était très lourde, ils la portaient alternativement (142).

25 On pourrait être tenté de reconnaître dans ces trois croyants, ces trois corps

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sans visage qui portent une quatrième tête sans corps, le motif d'un corps déchiré (éventuellement d'un corps ambulant). En tout cas, le mouvement des trois croyants dans l'espace, en direction de la Galilée, avec la tête qui doit être portée alternativement car elle est très lourde, peut être lu de manière autoréférentielle comme un moment performatif pour l'effort que nécessitent la formation et la sauvegarde d'une corporation32 •

Bien qu'au début du récit le mage Phanuel annonce au Tétrarque Hérode « Il

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ira chez les Arabes, les Gaulois, les Scythes. Son œuvre doit s'étendre jusqu'au bout de la terre» (117/118), la stylisation de ce passage en annonce de la Résurrection le dimanche de Pâques, suivie de la fuite en Galilée, ne fixe aucune limite à l'avancée territoriale de ce modèle de pouvoir masculin et corporatiste. La dernière phrase, très marquante, qui constitue à elle seule un paragraphe, peut donc être interprétée en tant qu'Envoi, pour reprendre l'expression de Derrida33• Le travail sur ce mythe présente une origine fatale, désastreuse de l'institutionnalisation séculière du royaume en réalité spirituelle de l'Église, origine qui, sous cette forme, peut être lue comme postalité au sens où l'entend Derrida, c'est-à-dire en tant que métaphore de la différance. Cet envoi est la métaphore d'un renvoi tourné vers le passé, de l'affirmation rétrograde d'une origine immédiate de ce royaume séculier.

27 Le dernier conte de Flaubert se réfère tout à la fin, avec la tête pétrifiée de Jean, à l'élément central de toute légende fondatrice, à la pose de la première pierre d'une église ou d'une ville. Cependant, le récit moderne que Flaubert en donne contrecarreavec ironie cette tradition de genre: la pose de la première pierre est remplacée par le moment performatif de la tête coupée que l'on se passe pour la porter alternativement. Dans cette absence de limites territoriales, elle signifie une translatio du pouvoir de même que le pouvoir de la translatio au sein d'un cercle restreint, lequel met en acte le renvoi permanent d'un héritage antique puissant. Symbolisé par le lourd héritage de la relique qui, en tant que partie, peut faire renaître le tout à un autre endroit, le récit Hérodias réinterprète le mythe fondateur qui entoure Jean-Baptiste en tant que défiguration du « Nouveau Testament ».

Notes

1 Flaubert reçoit même des demandes émanant de cours européennes à propos des vêtements de Salammbô. Gustave Flaubert, Correspondance, édité par J. Bruneau, 4 volumes, volume III, Gallimard, Paris, 1980-91, P.302. Je remercie Rose-Marie Eisenkolb et le « Exzellenzcluster der U niversitat Konstanz ».

2 Pour les critiques de Sainte-Beuve et Froehner ainsi que pour la correspondance que Flaubert a échangée avec eux, voir l'Appendice de Flaubert (Gustave Flaubert: ŒUV/'es complètes, édité par A. Thibaudet/R. Dumesnil, 2 volumes, tome l, Gallimard, Paris, 1952, P.997-1013) et les réponses de Flaubert dans sa lettre des 23-24/12/1862 à Sainte-Beuve et dans celle du 21/1/1863 à Froehner, dans: Gustave Flaubert Correspondance, édité par J. Bruneau, 4 volumes, vol. III, Gallimard, Paris, 1980-91, p. 275-285 et p. 293-30l.

3 Au sujet du sadisme de Flaubert, voir Jean-Paul Sartre, L'Idiot de lafamille. Gustave Flaubert de 1821 à 1857, Gallimard, Paris 1971, p. 2106 sqq. en liaison avec saint Julien.

Au sujet de la fascination de Flaubert pour le sadisme en association avec son acte d'écrire, voir l'analyse des lettres de Flaubert dans l'ouvrage de Sabine Friedrich, Die Imagination des Bosen. Zur narrativen Modellierung der Transgression bei Laclos, Sade und Flaubert, Gunter Narr, Tübingen 1998, p. 170. Pour un aperçu exhaustif et toujours actuel des pistes de recherche au sujet de Salammbô, je renvoie également au chapitre consacré à Salammbô par Sabine Friedrich, Die Imagination des Bosen. Zur narrativen Modellienmg der Transgression bei Laclos, Sade und Flaubert, p. 169-209.

4 Françoise Gaillard, « La révolte contre la révolution. Salammbô : un autre point de vue sur l'histoire» dans: A. de Toro, Gustave Flaubert. Procédés narratifs et fondement épistémologique, Gunter Narr, Tübingen 1987, p. 43-54.

5 Michel Butor, «À propos de Salammbô» dans: M. Butor, Improvisations sur Flaubert, Calman-Levy, Paris, 1988, p. 113-143, ici p. 115.

6 Gustave Flaubert, Correspondance, édité par J. Bruneau, 4 volumes, volume III, Galimard, Paris, 1980-91, p. 250, 252, 253.

7 Voir le commentaire d'Aziza au sujet de Salammbô de Flaubert, édité par Claude Aziza, Pocket, Paris, 1995, p. VI. Aziza perçoit dans «Salamm» (écrit par erreur avec un

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deuxième m ajouté après coup par Flaubert) «une sorte de salut », la formule de salut orientale, mais il n'évoque pas sa signification (<< salut»), dont dérive pourtant le mot français « salut» (du latin «salus »).

8 Helmut Pfeiffer, « Die andere Antike. Esoterik und Illusion in Flauberts Salammbô » dans: W. Schuller, Antike in der Moderne, Universitiitsverlag Konstanz, Constance, 1985, p. 225-251, ici p. 231. Pour Friedrich également, l'Antiquité orientale se trouve prise entre l'ironisation des discours, surtout du discours religieux, et l'auto-affirmation de l'œuvre d'art dans l'apparence esthétique du mal, cf. Sabine Friedrich, Die Imagination des Bosen. Zur narrativen Modellierung der Transgression bei Laclos, Sade und Flaubert, Gunter NalT, Tübingen 1998, p. 171-177 et p. 208-209.

9 Cf. Barbara Vinken, Flaubert. Durchkreuzte Moderne, Fink, München 2009, p. 160.

10 Citation d'après Jacques Neefs, «Salammbô. Textes critiques », Littérature 15, 1974, p. 52-64, p. 58. En interprétant l'Histoire comme un retour cyclique nietzschéen, Gaillard part au fond du même postulat. Cet aspect est en partie éclairé de façon judicieuse, en partie exagéré dans les interprétations qui lisent dans l'histoire une allégorie de la France contemporaine. Pourune critique fondamentale de l'allégorèse historiographique au sens d'un décryptage du présent dans Salammbô, cf. Helmut Pfeiffer, «Die andere Antike.

Esoterik und Illusion in Flauberts, Salammbô» dans: W. Schuller, Antike in der Moderne, Universitiitsverlag Konstanz, Constance 1985, p.226. Pfeiffer plaide comme Gautier (et plus tard Gaillard) pour une signification structurelle des rapports historiques, à laquelle j'adhère dans ma lecture de l'œuvre.

11 Gerhard Neumann, «Wissen und Liebe. Der auratische Augenblick im Werk Goethes » dans: H. HolliinderjCH.W. Thomsen, Augenblick und Zeitpunkt. Studien zur Zeitstrukur und Zeitmetaphorik in Kunst und Wissenschaften, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1984, p. 282-305.

12 Cf. Sabine Friedrich, Die Imagination des Bosen. Zur narrativen Modellierung der Transgression bei Laclos, Sade und Flaubert, Gunter NalT, Tübingen, p. 202-203. Au sujet de Salammbô en tant qu'incarnation et signifiant de Tanit, voir Joachim Küpper,

«Erwagungen zu Salammbô »dans : B. Wehinger, Konkumerende Diskurse. Studien zur Literatur des 19. Jahrhunderts, ZfSL-Beiheft 24,1997, p. 269-310, p. 285 sqq.

13 Toutes les citations et tous les numéros de page se réfèrent à Gustave Flaubert:

Salammbô, édité par G. Séginger, GF Flammarion, Paris, 2001.

14 Voir par ex. Joachim Küpper, «Erwiigungen zu Salammbô» dans: B. Wehinger, Konkumerende Diskurse. Studien zur Literatur des 19. Jahrhunderts, ZfSL-Beiheft 24, 1997, p. 302 sur le corps de Salammbô et la sémantique sexualisée (ces deux éléments en rapport avec sa thèse du mythe).

15 Sabine Friedrich, Die Imagination des Bosen. Zur narrativen Modellierung der Transgression bei Laclos, Sade und Flaubert, Gunter NalT, Tübingen, p. 208-209: avec Salammbô, Flaubert opère une critique de la métaphysique. La mortification d'une héroïne qui, par métonymie, représente Carthage et l'Antiquité et qui incarne aussi bien l'Antiquité que le sacré antique, démasque par sa transgression d'une part le « manque de fondement de la croyance religieuse ». De l'autre, elle représente une critique de la métaphysique qui livre le discours du religieux antique ainsi que son instrumentalisation d'une symbolique religieuse vidée de son sens à un ridicule également marqué par les romans flaubertiens du XIXe siècle. Ibid.

16 Pour les nouvelles recherches consacrées à Aulus, le potentiel du portrait de Vitellius par Suétone réside dans la mise au jour d'une historiographie déformée, cf. Brigitte Richter, Vitellius. Ein Zerrbild der Geschichtsschreibung. Untersuchungen zum Prinzipat des A. Vitellius, Lang, FrankfurtjM., 1992; au sujet d'Aulus, il y aurait eu, outre Suétone, des textes détaillés de Plutarque et Tacite.

17 Brigitte Richter, Vitellius. Ein Zerrbild der Geschichtsschreibung. Untersuchungen Zl/m Prinzipat des A. Vitellius, Lang, FrankfurtjM., 1992, p. 233 sqq. L'historiographie a ménagé et déifié Vespasien en tant que seul empereur de l'année des quatre Empereurs (69 ap. J.-C.). Après que Vespasien eut renversé Aulus, qui était très populaire, une campagne de diffamation historiographique eut pour objectif historique de couper et de démarquer le règne de Vespasien de celui de ses prédécesseurs, et de le faire entrer dans l'Histoire en tant que moralement intègre par opposition à celui d'Aulus. Brigitte Richter, Vitellius. Ein Zerrbild der Geschichtsschreibung. Untersuchungen zum Prinzipat des A.

Vitellius, p. 256-260 prouve que le cas d'Aulus Vitellius est un bel exemple du fait que ce sont les puissances victorieuses qui écrivent l'Histoire.

18 Toutes les citations et tous les numéros de page se réfèrent à Gustave Flaubert, Trois contes, édité par P.-M. de Biasi, GF Flammarion, Paris, 2007.

19 Cf. Suétone, Vies des douze Césars, Flammarion, Paris, 1990, p. 295.

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20 Suétone, Vies des douze Césars, Flammarion, Paris, 1990, p. 295.

21 Au sujet de la province Asia au sein de l'impérialisme romain, voir l'introduction de Emst Badian, Romischer Imperialismus in der spiiten Republik, Teubner, Stuttgart, 1980, p. 19, 53, 73-75, 96 sqq, une référence c1assiquepour les historiens. Parmi les Macédoniens transportés en Italie du fait de l'incursion précoce en Asie, il faut citer l'Achéen Polybe. Pour ce qui est de l'exploitation économique de la future province 'Asia', Badian s'appuie entre autres sur les sources littéraires que représentent C. Gracchus et Cicéron. Flaubert à son tour évoque cette exploitation des provinces en liaison avec le

« pillage» par les Romains des écuries du palais d'Hérode: «Les agents des compagnies fiscales corrompaient les gouvemeurs pour piller les provinces. » (124).

22 Suétone, Vies des douze Césars, Flammarion, Paris, 1990, p. 299.

23 Jean-Paul Sartre, L'Idiot de la famille. Gustave Flaubert de 1821 à 1857, Gallimard, Paris, 1971 et Karin Becker : Der Gourmand, der Bourgeois, der Romancier, Klostermann, Frankfurt/M., 2000, p. 343.

24 Dans le texte de référence de Salammbô, dans le sous-chapitre intitulé « Le Festin », il est dit: «La surprise des nourritures nouvelles excitait la cupidité des estomacs. Les Gaulois aux longs cheveux retroussés sur le sommet de la tête, s'arrachaient les pastèques et les limons qu'ils croquaient avec l'écorce. »(op. cit. p. 60).

25 César, Guerre des Gaules, édité par la Société d'Édition Les Belles lettres, Paris, 1964, Livre VI, 24 (4-6), P.193. Dans la digression consacrée à la Gaule, il est dit pour caractériser plus avant les Gaulois, dont le principal trait distinctif est la longue chevelure que Flaubert évoque également: «(4) nunc, quoniam in eadem inopia egestate patientiaque Germani permanent, eodem victu et cultu corporis utuntur, (5) Gallis autem provinciarum propinquitas et transmarinarum rerum notitia multa ad copiam atque usum largitur, (6) paulatim adsuefacti superari multisque victi proeliis ne se quidem ipsi cum iIlis virtute comparant ».

26 Margaret Lowe, « 'Rendre plastique .. .' : Flaubert's treatment of the female principle in Hérodias », Modern Language Review 78,3,1983, p. 551-558, ici note 24, p. 556.

27 Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, traduit du latin par H. Clementz, Melzer, Darmstadt, 1967, p. 547 (Livre XVIII, chapitre 7)·

28 Flavius Josèphe, Op. dt., p. 549.

29 Une exclusion similaire de la femme, non de l'espace public, historique de l'écriture, mais de l'espace historico-social a lieu au cours de la Révolution française lue en tant que

« contrat social entre hommes égaux» : « Une virilité véritable ne peut se régénérer que dans une république. Elle est garantie par l'exclusion des femmes de la sphère publique en formation, une sphère d'hommes égaux, et par leur enfermement dans la sphère domestique en tant que mères ». Cf. Barbara Vinken, « Marie-Antoinette oder Das Ende der Zwei-Korper-Lehre dans: U. Hebebus, E. Matala de Mazza et A. Koschorke, Das Politische. Figurenlehmn des sozialen Korpers nach der Romantik, Wilhelm Fink, Munich, 2003, p. 86-105, ici p. 89.

30 Margaret Lowe, «'Rendre plastique .. .' : Flaubert's treatment of the female principle in Hérodias », Modern Language Review 78,3, 1983, p. 551-558, ici p. 555.

31 Dans la recherche littéraire, les opinions au sujet d'Hérodias, la protagoniste du titre, divergent essentiellement dans deux directions. Pour les uns, le véritable personnage principal est Antipas, cf. par ex. C.H. Wake, «Symbolism in Flaubert's Hérodias: an Interpretation », Forum for Modern Languages Studies 4, 1968, p. 322-329; pour les autres, Hérodias est à raison la protagoniste du titre, cf. Jane Robertson, «The Structure of Hérodias », French Studies, 1982, P.171-182. Cette question qui, chose intéressante, est discutée presque exclusivement dans l'espace anglophone, est reprise par Magalie D.

Hanquier, « Le jeu des pouvoirs ou pourquoi Hérodias », Chimères. A journal of french Literature 21,2, 1994, P.33-45, laquelle se réfère à son tour à Margaret Lowe (voir ci-dessus), mais, outre quelques très belles trouvailles au sujet de la position de force occupée par Hérodias, elle concède certains malentendus dans sa lecture de Lowe (voir note 7). Pour ce qui est de l'importance de la figure d'Hérodias, je me range aux côtés de ces demières interprétations, mais je m'en distingue en ce sens que chez Lowe je trouve l'opposition entre Hérodias-Cybèle et le christianisme naissant tout juste esquissée et que je la reprends pour la creuser. La double signification de titre, l'une narratologique, l'autre historique, permet d'analyser dans l'Hérodias de Flaubert le jeu (inter)textuel entre pouvoir et écriture. Hérodias participe ainsi plus que tout autre aux questions fondamentales que sont la mOlt, la résurrection et l'annonce d'un « nouvel évangile », ce qui peut justifier une fois encore que l'Hérodias fictive qui, à la fin, est bannie de l'espace du texte, se voit littéralement octroyer un titre (ironique).

32 Dans les analyses d'Hérodias, la question de la signification des deux croyants

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anonymes n'est en général pas résolue. Je dois aux développements d'Ulrike Sprenger l'idée de les lire en tant que transposition du modèle de corporation de Kantorowicz. Voir Ulrike Sprenger, « Kopfe und Korper. Flagellanten, Historiographie und Hagiographie in Sevilla », dans: B. Vinken/B. Menke, Stigmata, Wilhelm Fink, Munich, 2004, P·204-205·

33 Il s'agit ici du concept de « postalité » (<< le principe postal») de Derrida, de l' « envoi»

en tant que métaphores de la «différance ». Cette indication est faite ici en liaison avec Wellberry d'après Rainer Warning, Lektüren romanischer Lyrik. Von den Troubadors zum Symbolismus, Fribourg-en-Brisgau, 1997, P.42, sur la stylisation du matin de Pâques et de l'ironique mise au jour de la «prétention à la vérité du texte révélé », voir Andreas Kablitz, «Biblische Geschichten. Gustave Flaubert, Hérodias - Oscar Wilde, Salomé: Überlegungen zum Ende des Realismus » dans: Ch. Lubkoll, Das Imaginiire des Fin de Siècle, Rombach, Fribourg-en- Brisgau, p. 437/438, note 11.

Pour citer

cet

article

Référence électronique

Cordula Reichart, « « Faire clair et vif avec des éléments complexes)} », Flaubert, 41 2010, [En ligne], mis en ligne le 15 décembre 2010. URL: http://flaubert.revues.org /index1227.html. Consulté le 31 janvier 2011.

Auteur

Cordula Reichart

Université de Constance, Allemagne

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© Tous droits réservés

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