Influence du système de pâturage (tournant ou continu)
des vaches laitières sur la végétation
(Actes des Journées de l'AFPF, mars 2001) J. Troxler et E. Mosimann, Station fédérale de recherches en production végétale, Changins, CH-1260 NyonIntroduction
Une bonne conduite du pâturage est essentielle, si l’on veut tirer le meilleur parti des surfaces en herbe. Le pâturage tournant s’est établi comme un système bien adapté pour les vaches laitières dans les conditions climatiques suisses. Dans le passé, le pâturage continu sur gazon court n’a pas été favorisé, car on lui reprochait des besoins en azote élevés ainsi qu’une influence négative sur la composition botanique des prairies permanentes.
Plus récemment, le pâturage continu sur gazon court a connu de nouveaux adeptes. Ce système est-il durable dans les conditions climatiques du plateau suisse ? On peut notamment craindre que les défoliations rapprochées combinées à des doses modérées d’azote affaiblissent les bonnes graminées (p.ex. ray-grass anglais, dactyle) et favorisent les espèces de plus faible valeur agronomique (p.ex. agrostides, pâturin commun, chiendent rampant).
Matériel et méthode
Ces considérations ont incité la mise en place d’un essai sur le domaine de la station fédérale de recherche en production animale (RAP) à Posieux (630 m). De 1995 à 1999, les deux systèmes de pâturage ont été comparés avec deux troupeaux de 24 vaches laitières et avec des doses en azote réduites. La quantité annuelle d’azote apportée a été de 106 kg/ha sous forme de purin (2 apports : 40 m3 en automne et 40 m3 au printemps) et minéral (3 x 23 kg en été).
Les parcs étaient des prairies permanentes constituées de 15 à 30 % de dycotylédones-non-légumineuses, de 4 à 19
% de légumineuses et de 52 à 75% de graminées. Les caractéristiques des 2 systèmes de pâturage sont présentées au tableau 1.
Tableau 1. Caractéristiques des deux systèmes de pâturage
Système tournant continu
nombre de parcs:
avril et mai 4* 2
dès juin 8* 3
durée de rotation (jours):
avril et mai 17 max. 7
dès juin 19 - 35
*avec subdivison en 3 rations
Des analyses de végétation ont été effectuées chaque printemps, avant la première pâture, avec la méthode linéaire (Daget et Poissonet, 1969). 16 relevés ont été effectués par système de pâturage, toujours sur les mêmes lignes marquées. Les densités de talle ont été mesurées au mois de mai 1997. Les échantillons (80 par système) ont été pris avec un cylindre de 9.5 cm de diamètre le long des lignes des relevés botaniques .
Résultats
Durée de pâture et performances animales
Le nombre de jour de pâturage a été identique pour les 2 systèmes (202 jours/saison). Le niveau de production de lait par jour l’était également (Münger et Jans, 2000). Lors d’un autre essai comparatif, avec des bœufs, la durée de pâturage a aussi été identique par saison pour les deux
systèmes. En revanche, le gain de poids des animaux a été inférieur vers la fin de saison avec le pâturage continu sur gazon court (Thomet et al., 2000).
Évolution du gazon
La composition botanique s’est légèrement modifiée au cours des 4 ans d’expérimentation, mais de façon presque identique dans les deux systèmes. L’évolution a été plutôt positive, puisque ce sont des espèces comme le ray- grass anglais (Lolium perenne) et le pâturin des prés (Poa pratensis) dont les parts ont sensiblement augmenté (tableau 2). Le manque de précipitation en été 1997 a été favorable au pâturin des prés au détriment du pâturin commun. Les dycotylédones-non-légumineuses ont diminué. Les agrostides (Agrostis stolonifera et A. tenuis) ont augmenté légèrement sur le pâturage continu à gazon court de 3 à 4.5 %, surtout sur les sols avec un drainage ralenti.
Tableau 2 . Evolution de la composition botanique dans les 2 systèmes de pâturage (%)
Système
Année 1995 1999 1995 1999
Graminées 63,5 74,8 66,4 72,7
Ray-grass anglais 17,3 25,0 16,7 27,8
Pâturin des prés 6,6 21,8 9,1 14,1
Pâturin commun 31,2 20,3 29,8 21,1
Autres graminées 8,4 7,7 10,8 9,7
Légumineuses 10 8 11 10
trèfle blanc 10 8 11 10
Autres plantes 26,5 17,2 22,6 17,3
Dent-de-lion 18,9 14,4 16,3 13,3
tournant continu
Le pâturage continu à gazon court favorise la densité de talle
Le nombre de talles par m2 a été plus élevée dans le pâturage continu (15'749 talles/m2) que dans le pâturage tournant (13'022 talles/m2). Ce sont surtout le pâturin commun et le trèfle blanc qui contribuent à cette différence de densité.
Conclusions
Les deux systèmes de pâturage tournant et continu sur gazon court, se sont avérés adaptés de manière comparable aux milieux bien arrosés de basse altitude.
L’évolution de la productivité herbagère et de la végétation est durable dans les deux cas. Un éventuel indice d’une évolution négative sur un pâturage à gazon court est l’augmentation des agrostides, surtout sur des sols peu drainants. Le pâturage continu est aussi réalisable avec des apports modestes en azote. Les espèces végétales ont réagi plus sensiblement aux conditions hydriques qu’au système de pâturage.
Bibliographie
Daget Ph. et Poissonet J., 1969. Documents no 48, CNRS-CEPE, Montpellier, 67 p.
Münger A. et Jans F., 2000. EAAP Publication no. 97, 388 – 390.
Thomet P., Hadorn M. et Troxler J., 2000.
AGRARForschung 7 (10); 472 – 477.