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(1)

Eidgenôssische Anstalt

für das forstliche Versuchswesen CH 8903 Birmensdorf

Institut fédéral

de recherches forestières CH 8903 Birmensdorf lstituto federale di ricerche forestali CH 8903 Birmensdorf Swiss Federal lnstitute of Forestry Research CH 8903 Birmensdorf

Juni 1986 Nr.281

Berichte Rapports Rapporti

281

Reports

Andreas Grünig, Luca Vetterli, Otto Wildi

Les hauts-marais et marais de transition de Suisse

Edité en collaboration avec Pro Natura Helvetica

et l'Office fédéral des forêts et de la protection du paysage

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Les hauts-marais et marais de transition de Suisse

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Albrecht Dürer: "Etang dans la forêt''.

Vraisemblablement l'une des représentations les plus anciennes d'une tourbière européenne (peinte entre 1495 et 1497).

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Eidgenôssische Anstalt

für das forstliche Versuchswesen CH 8903 Birmensdorf

Institut fédéral

de recherches forestières CH 8903 Birmensdorf lstituto federale di ricerche forestali CH 8903 Birmensdorf Swiss Federal lnstitute of Forestry Research CH 8903 Birmensdorf

Juni 1986 Nr. 281

Berichte Rapports Rapporti Reports

Oxf.:

114.444 (083.8) : 907.1 : 181.3 : 187: (494)

Andreas Grünig, Luca Vetterli, Otto Wildi

Les hauts-marais et marais de transition de Suisse - résultats d'un inventaire

Adaptation française: Brigitte Egger

Editeur:

Dr W. Bosshard, directeur IFRF en collaboration avec

Pro Natura Helvetica,

campagne commune de la Ligue suisse pour la protection de la nature (LSPN) et du WWF Suisse,

et l'Office fédéral des forêts et de la protection du paysage

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Les personnes citées ci-dessous ont collaboré à la réalisation de cette publication:

Doris Pichler Kurt Rauber Heinz Stoll Marianne Wino

Graphiques

Composition et mise en pages Cartographie

Rédaction

Sources des illustrations:

Direction des mensurations cadastrales, Berne: 5b S. Eigstler, Thoune: 12

K.C. Ewald, Uitikon: 5a

E. Schneider, La Chaux-de-Fonds: 15, 18, 19 S. Schroer, Missy: 1, 2, 4, 35, 38, Annexe 1 H. Sigg, Winterthour: 8

J. Zahnd, Saignelégier: 24

Les autres illustrations viennent des auteurs.

Frontispice:

reproduit avec l'aimable autorisation du British Museum, Londres, datée du 23 novembre 1985

Manuscrit déposé le 27.2.1986 Référence:

Eidg. Anst. forstl. Versuchswes., Ber.

En vente chez:

F. Flück-Wirth, Internationale Buchhandlung

für Botanik und Naturwissenschaften, CH-9053Teufen Titel der deutschen Ausgabe:

Die Hoch- und Übergangsmoore der Schweiz - eine lnventarauswertung

Couverture:

Carte en réseau des tourbières de Suisse. 6.87 1400 A40076

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Abstracts

Les hauts-marais et marais de transition de Suisse - résultats d'un inventaire

Les hauts-marais et marais de transition (tour- bières) de Suisse occupent actuellement encore 1460 ha, soit 10 à 20 pour cent de leur extension originelle. Seul un tiers des tourbières épargnées peut être qualifié de plus ou moins naturel, les interventions humaines ayant dégradé durablement les deux autres tiers. Elles se répartissent très irré- gulièrement selon les diverses régions et les can- tons. Les tourbières sont très gravement menacées par les mesures d'améliorations agricoles, l'extrac- tion de tourbe, les constructions de toutes sortes, de même que par la pollution atmosphérique. Leur protection s'avère donc urgente et requiert une co- ordination des diverses mesures au niveau national.

La présente publication, jointe à l'inventaire détaillé des hauts-marais et marais de transition de Suisse, en livre les bases scientifiques essentielles.

Die Hoch- und Übergangsmoore der Schweiz - eine I nventarauswertung

1 n der Schweiz gibt es noch 1460 ha Hochmoore, das entspricht 10 bis 20 Prozent des ursprünglichen Bestandes. Davon sind heute zwei Drittel vom Men- schen stark beeintrachtigt, nur ein Drittel befindet sich noch in naturnahem Zustand. Diese Hoch- moorreste sind sehr ungleichmafsig auf die Landes- gegenden beziehungsweise die Kantone verteilt und durch landwirtschaftliche Meliorationen, Torf- ausbeutung, bauliche Eingriffe sowie Nahr- und Schadstoffe in der Luft und im Regenwasser akut gefahrdet. 1hr Schutz ist deshalb vordringlich, was eine Koordination verschiedener Mafsnahmen auf nationaler Ebene erfordert.

Die vorliegende Publikation liefert, zusammen mit dem ausführlichen I nventar der Hoch- und Übergangsmoore der Schweiz, die wichtigsten na- turwissenschaftl ichen Grundlagen dazu.

Le torbiere alte e intermedie della Svizzera - risultati di un inventario

Le torbiere alte e intermedie della Svizzera occu- pano attualmente un'area di 1460 ettari pari al 10-20% della loro estensione originaria. Due terzi di questa superficie sono modificati durevolmente dall'intervento umano mentre il resto è rimasto conservato in uno stato più o meno naturale. La ripartizione delle torbiere nelle diverse regioni e nei cantoni è assai eterogenea. Bonifiche agricole, estrazioni di torba, interventi edificatori e l'inqui- namento atmosferico le minacciano gravemente.

Una loro protezione risulta quindi urgente e ri- chiede una coordinazione dei vari provvedimenti a livello nazionale.

La presente pubblicazione corne pure l'inven- tario completo ne tracciano le più importanti basi.

The raised and transition bogs of Switzerland - f indings from a national inventory

The remaining raised bogs in Switzerland cover only 1460 ha, or 10 to 20 percent of their original area. Two-thirds of them are severely impaired by human activities, only one third still being in a near-to-nature state. They are very unevenly dis- tributed over the d ifferent topographical areas and cantons, and are acutely endangered by agricu ltu rai melioration, peat cutting, construction, and pol- luted air and rain. Their protection is a matter of urgency and requires national coordination of vari- ous measu res.

The present publication, together with the detailed inventory of raised and transition bogs in Switzerland, provides an important part of the scientific basis for such a programme.

Key words:

bogs inventory mires

nature conservation raised bogs

Switzerland

transition bogs 5

(7)

Table des matières

Abstracts 5 54 Caractéristiques des tourbières 43

Table des illustrations 7 541 Etat de conservation 43

542 Structures des tourbières 45

543 Végétation des tourbières 45

Avant-propos 9 544 Espèces des tourbières 46

55 1 nterventions aux dépens des tourbières 46

56 Zone de contact 47

1 ntroduction 11

6 Protection des tourbières en Suisse 49

2 Qu'est-ce qu'un marais, une tourbière? 12 61 Situation actuelle 49

21 Définitions 12 62 Situation à promouvoir 49

22 Formation 12

23 Signification 14 7 Résumé 51

24 Sensibilité aux interventions 16

Zusammenfassung:

25 Menaces 16

Die Hach- und Übergangsmoore der Schweiz -

26 Protection 17

eine lnventarauswertung 52

261 Surface proprement dite de la tourbière 17

262 Zone de contact (zone tampon) 18 Riassunto:

263 Paysage de tourbières 18 Le torbiere alte e intermedie della Svizzera -

risultati di un inventario 53

3 Milieux et végétation des tourbières 19

Summary:

31 Tourbières naturelles 19

The raised and transition bogs of Switzerland -

32 Tourbières altérées 31

findings from a national inventory 54 4 Inventaire des hauts-marais

8 Glossaire 55

et marais de transition de Suisse 33

41 But 33

9 Bibliographie 57

42 Structure 33

43 Objets inventoriés 33

431 Critères de recensement 33

432 Cartes des tau rb ières 34

433 Formulaires d'inventaire 34

434 Rapports sur les tourbières 36

44 Sources 36

5 Résultats de l'inventaire 38

51 Situation par rapport à l'aire européenne 38

52 Recul des tourbières en Suisse 38 Annexes (dans la pochette)

53 Distribution actuelle des tourbières 38 1 Les principales espèces végétales du haut-marais

531 Distribution générale 38 2 Formulaire d'inventaire

532 Distribution selon les régions naturelles 41 et carte des tourbières de l'objet-modèle No0

533 Distribution selon les cantons 42 3 Recommandation du Conseil de l'Europe

6

(8)

Table des illustrations

1 Formation d'un haut-marais 13

2 Les principales espèces végétales du haut-marais 15 3 Principes de la protection pratique des tourbières 17 4 Schéma d'une tourbière à l'état naturel 20 5 Structure d'ensemble d'une tourbière naturelle 21 6 Complexe de buttes et de gouilles 22

7 Mare de tourbière 22

8 Combe d'écoulement 23

9 Pinède de tourbière 23

10 Boulaie de tourbière 24

11 Pessière de tourbière 24

12 Tourbière d'altitude 25

13 Marais de ceinture 25

14 Profil à travers une tourbière

partiellement exploitée 26

15 Tourbière altérée - vestige isolé

d'un paysage primitif 26

16 Drainage artificiel d'une tourbière 27 17 Exploitation industrielle de la tourbe 27 18 Exploitation manuelle de la tourbe 28 19 Evolution après l'extraction de la tourbe 29 20 Effet de la fertilisation sur une tourbière 29 21 Dégâts de piétinement dus au bétail 30 22 Dégâts de piétinement dus au public 30

23 Erosion de la tourbe 31

24 Réimbibition d'une tourbière 31

25 Recul des tourbières dans la Vallée des Ponts NE 39 26 Distribution des étendues de tourbières en Suisse

selon un réseau de 5 x 5 km 40

27 Distribution des tourbières selon l'altitude 40 28 Distribution des 489 sites de tourbières recensés

selon leur étendue 41

29 Distribution des étendues de tourbières

selon les régions naturelles 42

30 Participation des tourbières à l'étendue

des régions naturelles 42

31 Distribution des étendues de tourbières

selon les cantons 43

32 Distribution des tourbières selon les types

primaires et secondaires 44

33 Distribution des étendues de tourbières primaires selon leur type morphologique

et selon les régions naturelles 44 34 Fréquence des structures typiques des tourbières 45 35 Distribution des étendues de tourbières

selon les unités cartographiées 45 36 Fréquence des espèces des tourbières 46 37 1 nterventions aux dépens des tourbières 47 38 Distribution des étendues des zones de contact

selon les unités cartographiées 48 39 Participation des tourbières à l'étendue

de la Suisse à l'échelle de la carte dessinée 50 7

(9)

Avant-propos

La présente publication résume les principaux ré- sultats de I' 1 nventa ire des haut-marais et marais de transition de Suisse (Grünig et al., 1984) - abrégé inventaire des tourbières. Elle s'adresse aussi bien aux experts qu'à un vaste public non spécialisé intéressé à la protection des tourbières pour des motifs professionnels ou personnels. L'inventaire a été réalisé dans les années 1978-1984 par la division "Paysage" de l'Institut fédéral de re- cherches forestières (!FRF), sur commande de Pro Natura Helvetica, organisation commune de la Ligue suisse pour la protection de la nature (LSPN) et de la section suisse du World Wildlife Fund (WWF). L'inventaire, dans sa version intégrale, avec ses quelque 2000 pages et 500 cartes couleur, non destiné à la publication, est mis à disposition des autorités chargées de l'aménagement du territoire et de la protection de la nature tant fédérales que cantonales, de même que des organismes de protec- tion de la nature privés. Il sera périodiquement re- mis à jour.

Nous nous faisons le plaisir d'exprimer ici notre vive gratitude à toutes les personnes, au nom d'institutions ou à titre privé, qui, chacune à sa ma-

nière, ont contribué à l'élaboration de cet inven- taire. Nos remerciements s'adressent en premier à la Ligue suisse pour la protection de la nature et au World Wildlife Fund, sur l'initiative desquels cet

inventaire a vu le jour et qui l'ont en grande partie financé. Puis au Professeur E. Landolt qui a mis l'infrastructure de l'Institut de géobotan ique de l'EPF de Zurich, fondation Rübel, à notre dispo- sition. Notre reconnaissance va de même aux autres 1 nstituts de botanique systématique et de géobota- n ique de Suisse et à d'innombrables particuliers, pour les renseignements et parfois les documents inédits extrêmement utiles qu'ils nous ont confiés, ainsi qu'au Professeur E. Spiess et à H. Stol! de l'Institut de cartographie de l'EPF de Zurich qui nous ont aidés à résoudre les problèmes cartogra- phiques. Nous savons gré à Madame S. Schroer de Missy, dessinatrice scientifique, de ses illustrations réalisées avec beaucoup de finesse et d'intuition.

Nous remercions également les collaboratrices et collaborateurs de I' 1 FRF à qui sont échus le dé- pouillement et la représentation des données sur les tourbières, ainsi que tous ceux et celles qui nous ont aidés sans figurer nommément ici. Une men- tion toute spéciale revient à Madame 1. Wild i de

Brittnau, qui, dans un travail titanesque, a déter- miné jusqu'à l'espèce quelque 2800 échantillons de sphaignes. Ces données constituent une partie intégrante de l'inventaire des tourbières et, dans le futur, également de l'inventaire biogéographique de la flore muscinale de Suisse.

9

(10)

Introduction

La destruction des tourbières se poursuit encore de nos jours en Europe, que ce soit par l'extraction de tourbe, l'exploitation agricole ou le reboisement.

En Europe centrale, les tourbières ont a peu près disparu. Leur flore et leur faune originelles sont res- treintes à des vestiges éparpillés. Aussi les espèces des tourbières sont-elles devenues rares, plusieurs d'entre elles même menacées d'extinction si l'on en juge diverses "Listes rouges" (Blab et al., 1984;

Landolt et al., 1982). Jadis les tourbières n'intéres- saient les autorités, en Suisse et dans les pays voi- sins, que lorsqu'il s'agissait de gagner du terrain agricole ou d'exploiter de la tourbe comme com- bustible indigène. Cette politique a conduit à l'anéantissement irréparable de vastes tourbières, en dernière date lors de la deuxième guerre mon- diale. Aujourd'hui par contre, tous les cercles com- pétents s'accordent sur la nécessité de protéger les tourbières subsistantes. Justifiée par le haut inté- rêt scientifique des tourbières, de même que par leur régression et les risques auxquels elles sont ex- posées, cette nécessité d'une sauvegarde et re- connue bien au-delà de l'Europe centrale.

Dans ce but, bien des inventaires de tour- bières, régionaux et nationaux, ont été établis et publiés ces dernières années, le plus souvent avec le soutien des autorités. La plupart de ces inven- taires suivent clairement des objectifs de protection de la nature. Quant aux autres, dans le cadre de la discussion sur l'aménagement du territoire, ils pro- posent au moins de tenir compte des intérêts de la protection de la nature face à ceux de l'exploita- tion de la tourbière et de sa tourbe. De tels inven- taires existent aujourd'hui pour les régions sui- vantes:

- Allemagne du Sud et Vosges (Kaule, 1974;

Bick, 1985)

- Bade-Wurtemberg (Gëttlich, 1965-1979) - Allgau et autres régions de la Bavière (Ringler,

1978, 1981)

- Forêt Noire (Dierssen et Dierssen, 1984) - Allemagne du Nord-Ouest ou Basse-Saxe

(Birkholz et al., 1980) - Autriche (Steiner, 1982)

- Haute-Autriche (Krisai et Schmidt, 1983)

A cela s'ajoute un aperçu assez complet de l'état et de la protection des tourbières de l'ouest de l'Eu- rope (Goodwillie, 1980).

En ce qui concerne la Suisse, il a paru jusqu'à présent un inventaire détaillé des hauts-marais et marais de transition du canton de Berne (Grossen- bacher, 1980). Pour quelques autres cantons, il existe des documents inédits sur les tourbières re- censées sur l'initiative d'organismes de la protec- tion de la nature (par exemple: LSPN, 1977; Bur- nand et Züst, 1978; ANL, 1983).

Un grand nombre de tourbières sont décrites en détail dans l'œuvre notoire de Früh et Schrëter (1904) sur les tourbières de Suisse. On dispose en outre d'une série importante d'expertises de Lüdi, datant des années 1943 à 1951. Si Früh et Schrëter signalaient souvent des possibilités d'exploitation, Lüdi lui, s'est quasi exclusivement laissé guider par l'idée de la sauvegarde des tourbières. Mais ni les premiers ni le second, vu les moyens et les connais- sances de l'époque, n'ont réussi à dresser une liste quelque peu complète des tourbières importantes.

C'est cette lacune que se propose de combler l'inventaire des tourbières de Suisse dont les résul- tats essentiels sont présentés ici (voir Grünig et al., 1984). L'inventaire retient la majeure partie de la surface couverte par les tourbières en Suisse et constitue ainsi la base scientifique indispensable à une protection intégrale des tourbières de ce pays.

11

(11)

12

2

Qu'est-ce qu'un marais, une tourbière?

21 Définitions

Le marais est un biotope, ou espace vital, qui se crée de préférence sur sous-sol imperméable, en fond de vallée ou sur pentes douces. Il se caracté- rise par un maigre écoulement des eaux, donc par une faible aération et oxygénation du sol, qui reste ainsi frais même durant la saison chaude. 11 n'y a guère que des végétaux spécialisés qui sachent peu- pler un tel substrat, ils constituent une flore carac- téristique de ces lieux. Les débris des plantes ne s'y décomposent - contrairement par exemple aux feuilles mortes dans le sol d'une forêt - qu'incom- plètement vu le peu d'oxygène et s'y transforment en substances organiques restant riches en carbone.

Avec le temps il se crée de la tourbe, sol par excel- lence des marais.

La tourbière désigne tout biotope sur tourbe, y compris la végétation qui y croît. Les marais ne sont donc des tourbières que si leur sol comprend un horizon de tourbe.

On distingue le haut-marais, le bas-marais et le marais de transition suivant l'origine et la teneur en substances nutritives des eaux, suivant la végétation et la nature de la tourbe et selon la configuration du marais:

Le haut-marais, synonyme de tourbière haute ou tourbière bombée, se caractérise par son alimen- tation hydrique limitée aux eaux météoriques, c'est-à-dire provenant des précipitations atmosphé- riques. Du moins pour ce qui touche la couche de tourbe supérieure où s'enracinent les plantes vi- vantes. Cela leur vaut l'épithète d'ombrotrophes

(du grec 6mbros = pluie, trophé = nourriture). Les sphaignes y dominent la végétation.

Le bas-marais, synonyme de tourbière basse ou tourbière plate est par contre imbibé jusqu'à sa surface d'eaux minérales, phréatiques ou de pente.

La végétation reflète les différentes propriétés de ces eaux, degré d'acidité et dureté, teneurs en élé- ments nutritifs, fluctuations du niveau de la nappe.

Elle est plus riche en espèces et plus diversifiée que celle des hauts-marais. Le plus souvent les laiches prédominent.

Le marais de transition, ou tourbière mixte, occupe une place intermédiaire entre le haut et le bas-marais: il dépend autant des eaux météoriques que des eaux phréatiques minérales. De par sa sta-

tian et les facteurs qui le conditionnent, le marais de transition devrait donc compter comme bas- marais. Par contre, de par sa végétation, sa signifi- cation écologique et scientifique (voir chap. 23) et sa sensibilité (chap. 24), il s'apparente plus au haut- marais typique.

C'est pourquoi les hauts-marais et les marais de transition figurent ensemble dans cette publica- tion sous le vocable, abrégé, de "tourbière''.

Les propriétés essentielles des tourbières sont traitées brièvement dans les chapitres suivants.

Pour des données plus détaillées, on consultera les ouvrages scientifiques de référence de Gôttlich (1980), Overbeck (1975) et Gore (1983). Pour la végétation, Eilenberg (1982), Oberdorfer (1957, 1977) et Dierssen (1982). L'œuvre de Früh et Schrôter (1904) recèle une foule d'indications sur les tourbières de Suisse, ainsi qu'une carte de celles- ci à l'échelle 1 :530000. Plus récemment Pro Na- tura Helvetica (1983 en français, allemand et ita- lien) et Gerken (1983) ont publié des aperçus fa- ciles à comprendre et richement illustrés, traitant des propriétés et de la signification des tourbières, ainsi que des dangers auxquels celles-ci sont ex- posées.

22 Formation

La génèse d'un haut-marais est un processus ex- trêmement lent, requérant même dans les meil- leures conditions et sans perturbations, des cen- taines à des milliers d'années (fig. 1). Les conditions essentielles à la création d'un haut-marais sont:

- un climat humide et frais,

à

précipitations abondantes, apte à favoriser la formation de tourbe tout en restreignant fortement sa dé- composition

- un relief le plus plat possible et un substrat géologique imperméable, garants d'une réten- tion d'eau suffisante

- une couche superficielle à l'abri d'infiltrations d'eau chargée de substances minérales ou nu- tritives. C'est le cas des haut-marais logés sur une éminence ou de ceux à proximité d'em- posieu x qui captent en marge les eaux étran- gères à ceux-ci.

(12)

10000 av.J.-C.

6000 av. J.-C.

3000 av.J.-C.

1700 apr. J.-C.

Figure 1

Formation d'un haut-marais (modifié, d'après Overbeck et EIienberg, 1982, p. 435). Ce schéma illustre quatre phases du dé- veloppement postglaciaire. Au début de la génèse d'une tourbière, il y a souvent submersion d'un substrat imperméable (a).

Or le soi' fortement détrempé et pauvre en oxygène inhibe la décomposition complète des plantes mortes. Ces détritus végé- taux se t_ransforment graduellement en tourbe. Au fil des millénaires, différentes sortes de tourbe se superposent ainsi les unes sur les autres: couche initiale de vase putride (b, résultant de végétaux et d'animaux); tourbe de roseaux et de laîches (c); puis tourbe de forêts marécageuses (d); et enfin tourbe de haut-marais pour la strate supérieure (e}. Cette dernière se crée à partir de sphaignes mortes, constituantes principales de la végétation des tourbières. La tourbe de sphaignes s'accroît de près de 1 mm par an en climat humide et frais, et peut avoir atteint de nos jours jusqu'à 4 met plus. C'est cette croissance en hauteur qui confère son relief bombé au haut-marais. ( L'illustration exagère les hauteurs.} 13

(13)

14

La particularité déterminante du haut-marais est que sa surface s'est isolée de la nappe phréatique minérale grâce à la croissance de sa végétation, c'est-à-dire des sphaignes, et au dépôt de tourbe consécutif. Ainsi la couche de tourbe supérieure est uniquement imbibée d'eaux météoriques, nette- ment plus acides et pauvres en éléments nutritifs que les eaux phréatiques. Par leurs excrétions et les produits de leur décomposition, les sphaignes con- tribuent encore additionnel le ment à l'acidification de l'eau propre à la tourbière. Le haut-marais est donc par définition extrêmement acide, à teneurs minimes en éléments nutritifs et en oxygène. A tout cela s'ajoutent des températures extrêmes:

d'une part une moyenne de température micro- climatique très basse à la suite de l'intense évapora- tion, d'autre part des fluctuations considérables des températures de surface.

Aucun autre biotope que le haut-marais n'est à ce point façonné par sa végétation, celle-ci déter- minant les propriétés de la tourbe qui servira de substrat aux générations végétales suivantes. Les sphaignes sont à cet égard les plus extrêmes: c'est sur la tourbe (de haut-marais) qu'elles ont elles- mêmes produite qu'elles s'épanouissent le mieux.

Les tourbières ne cessent de se métamorpho- ser au gré des millénaires. On ne peut guère parler de stade final à leur sujet. On distingue le haut- marais vivant ou en croissance, où la tourbe con- tinue d'être formée et accumulée, du haut-marais stationnaire où la formation et la décomposition de la tourbe tendent à s'équilibrer (ou complexe stationnaire si l'on tient à souligner l'inhomogénéité spatiale). Alors que le complexe d'érosion qualifie le haut-marais où la décomposition ou minéralisa- tion, si ce n'est l'érosion de la tourbe, excèdent la formation de tourbe nouvelle, par exemple à la suite de modifications climatiques. Mais l'érosion de la tourbe, si répandue aujourd'hui dans les tour- bières de Suisse, est vraisemblablement à incriminer en premier à des interventions humaines.

23 Signification

Pour de nombreuses espèces végétales hautement spécialisées, les tourbières constituent l'unique espace vital. Il s'agit d'une bonne douzaine d'es- pèces comprenant des sphaignes, des hépatiques et des plantes à fleurs (fig. 2 et annexe 1), particu-

1 ièrement bien adaptées à une extrême pauvreté en substances nutritives et à une acidité très élevée.

Ainsi par exemple, on suppose que le rossolis couvre son besoin en azote grâce aux insectes qu'il attrappe dans ses feuilles gluantes. Plusieurs de ces espèces, tels le rossolis et l'andromède, figurent dans la "Liste rouge" des espèces vasculaires de Suisse menacées ou rares ( Land oit et al., 1982).

Maintes espèces animales sont tout aussi étroi- tement liées aux tourbières, pour ne citer que le papillon coliade solitaire ou la libellule aeshne sub- arctique (Blab, 1984, pp. 68--73; Gerken, 1982).

De surcroît quelques espèces, qui à l'origine peu- plaient encore d'autres stations, sont aujourd'hui restreintes aux tourbières extensivement cultivées depuis que, de la responsabilité de l'homme, leur stations originaires, prairies maigres avant tout, ont à ce point reculé. Pour ces animaux-là, les tour- bières constituent le plus souvent l'ultime biotope de refuge (Blab, 1984). On y compte le pipit far- louse, nidifiant à même le sol, de même que de nombreux insectes, entre autres des macrolépi- doptères (grands papillons, Meineke, 1982). Or ces espèces sont d'autant plus menacées d'extinction que même les parcelles de tourbières extensivement exploitées, comme on en rencontre encore dans la vallée supérieure du Biber (Rothenthurm), sont de plus en plus rarement soignées traditionnellement.

Au contraire, elles sont laissées en friche et s'em- broussaillent, quand elles ne sont pas fertilisées et converties en prairies grasses.

Les tourbières et leurs alentours constituent ainsi pour la survie d'innombrables espèces de plantes et d'animaux un espace vital irremplaçable.

Pour les sciences également, les hauts-marais sont d'un intérêt exceptionnel. En effet, ils forment des archives naturelles tout aussi irrempla- çables, la tourbe conservant à travers les millé- naires des dépôts de toutes sortes, aussi bien les pollens les plus fins que des troncs d'arbres entiers, des outils ou même des dépouilles humaines. Toutes ces trouvailles, l'archéologie des tourbières les uti- lise pour reconstituer aussi bien l'histoire du climat et de la végétation que de la colonisation d'une ré- gion par les humains (Welten, 1982). C'est grâce à elles que nous savons aujourd'hui quand la dernière glaciation s'est achevée, quelles espèces d'arbres do- minaient nos forêts à quelle époque et enfin, quand et où l'homme a commencé à défricher la forêt afin de cultiver du blé ou d'étendre ses pâtu- rages. Plus récemment, les hauts-marais intacts servent à estimer le développement de la pollution

(14)

Figure 2

Les principales espèces végétales du haut-marais. Moitié gauche de l'image: stations à humidité variable (buttes). Moitié droite de l'image: stations humides à détrempées en permanence (gouilles, combes d'écoulement, gazons flottants).

Andromeda po!ifo!ia * Andromède à feuilles de Polium

2 Betu/a nana Bouleau nain

3 Ca!luna vulgaris Cal lune fausse bruyère, Brande

4 Carex limosa Laîche des fanges, laîche des bourbiers

5 Carex mage//anica Laîche de Patagonie

6 Carex pauciflora Laîche pauciflore 7 Drosera anglica Rossolis anglais

8 Drosera intermedia Rossolis intermédiaire

9 Drosera rotundifo/ia *Rossolis à feuilles rondes

10 Empetrum nigrum Camarine noire

11 Eriophorum vaginatum * Linaigrette à larges gaines

12 Lycopodium inundatum Lycopode inondé

13 Me/ampyrum pratense Mélampyre des prés

* espèces typiques des tourbières

de l'environnement. On peut ainsi par exemple juger si la pollution de l'air par des métaux lourds, qu'on a guère reconnue qu'aujourd'hui, n'est pas en fait un problème beaucoup plus ancien (Old- field; Wandtner, 1981).

Enfin, dans nos contrées densement peuplées, urbanisées et industrialisées, les tourbières des lieux reculés comptent au nombre des ultimes vestiges du paysage primitif. C'est grâce à leur milieu dé-

14 Oxycoccus quadripetalus *Canneberge à quatre pétales

15 Pinus monta na Pin à crochet

16 Rhynchospora alba R hynchospore

17 Scheuchzeria pa!ustris Scheuchzérie des marais

18 Trichophorum caespitosum Trichophore cespiteux

19 Vaccinium myrtillus Myrtille

20 Vaccinium u!iginosum Airelle bleue des marais, airelle des tourbières

21 Vaccinium vitis-idaea Airelle rouge

22 Carex rostrata Laîche rostrée

23 Comarum palustre Comaret,

Potentille des marais

24 Menyanthes trifo!iata Trèfle d'eau

25 Sphagnum magel!anicum Sphaigne de Patagonie

26 Sphagnum cuspidatum Sphaigne "pointue"

trempé et acide, à leur productivité végétale négli- geable et difficilement utilisable, que quelques hauts-marais ont survécu jusqu'à nos jours à peu près intacts et non exploités, tout au contraire des zones agricoles et des forêts. Ces reliques extrême- ment rares d'époques révolues méritent vivement d'être sauvegardées pour la postérité, également pour des motifs culturels.

15

(15)

16

24 Sensibilité aux interventions

Les hauts-marais font partie des biotopes les plus sensibles de notre pays. En particulier à l'égard d'interventions telles qu'assèchement, fertilisation, apports de matériaux, piétinement et pollution de l'air (cf. Dierssen, 1982, p. 256 et tab. 57).

Un drainage, rien que superficiel, entraîne déjà la disparition des sphaignes et stoppe la formation naturelle de la tourbe pour laquelle l'affleuremenl de la nappe d'eau est indispensable; alors qu'un drainage plus intense conduit à la décomposition de la tourbe exposée à l'air, cette minéralisation li- bérant les éléments nutritifs qui s'y étaient accu- mulés. Cela se traduit par l'affaissement du sol de tourbe (Uhden, 1960). En conséquence, des espèces triviales plus exigeantes en substances nutritives, tel les la renouée des prés ou même les orties et les verges d'or, supplantent les espèces extrêmement frugales typiques des hauts-marais. La fertilisation, sourtout si elle suit un assèchement, entraîne des séquelles semblables. Que celle-ci découle de la dé- cision d'un agriculteur, d'infiltrations d'eaux de terrains cultivés ou de la pollution des eaux météo- riques, son effet néfaste pour la tourbière ne change en rien.

Les dégâts de piétinement i nf I igés par les gens et le bétail se limitent souvent à des surfaces res- treintes, à l'opposé de l'assèchement et de la fer- tilisation qui dégradent généralement de vastes étendues de tourbière. Même si ce n'est que lo- calement, le piétinement anéantit le tapis de sphaignes extrêmement sensible, mince pellicule protégeant la tourbe de l'érosion (Wyler, 1985).

Cela peut conduire, surtout dans les régions très pluvieuses, à l'érosion par l'eau de tourbières en- tières charriées ensuite dans les rivières et les lacs.

Ainsi la sensibilité prononcée des tourbières aux influences étrangères implique des consé- quences pratiques si on veut les sauvegarder: elle exige des mesures spécifiques de protection de la zone immédiatement en contact avec la tourbière.

25 Menaces

Les tourbières se distinguent par une série de ca- ractéristiques s'avérant très désavantageuses pour leur survie dans un environnement de plus en plus influencé par les humains:

- En tant que gisement de tourbe, elles se font exploiter. (La consommation indigène de tourbe s'élève en ce moment à plus de 15 kg par habitant et par an. Elle est couverte avant tout par l'importation.)

- Peu productives, on les amende ou les reboise.

- Attractives touristiquement, on les rend acces- sibles (tourisme pédestre, ski de fond).

- Considérées comme terrain inculte et sans va- leur, on les construit, les remblaie avec des dé- combres et des matériaux de toutes sortes, les submerge par des retenues d'eau, ou y installe des places d'armes.

- Elles sont très sensibles au piétinement, mais on ne les clôture que si le bétail court des risques en s'enlisant.

- Très sensibles aux fertilisants, elles réagissent aussi fâcheusement aux apports d'éléments nutritifs par infiltrations en provenance des terrains cultivés que par l'intermédiaire des eaux météoriques polluées (Zobrist, 1983;

Keller et Flückiger, 1985; Lindberg et al., 1986).

- Si tant est qu'elles se régénèrent, c'est très lentement. Après une fertilisation, il leur faut vraisemblablement des dizaines d'années avant de regagner un régime frugal comparable à celui d'un haut-marais, après une extraction de tourbe, des centaines à des milliers d'an- nées pour remplacer celle-ci.

Toutes ces particularités ont contribué à faire recu- ler aussi considérablement les tourbières, tant en Suisse que dans les autres pays de l'ouest et du nord de l'Europe (cf. Goodwillie, 1980).

(16)

26 Protection

En Suisse, les tourbières méritent absolument d'être protégées pour les raisons suivantes:

- leur rareté natu relie

- leur recu I important (cf. chap. 52)

- les menaces qui pèsent sur leurs peuplements restants

- leur haute signification écologique et scienti- fique

La figure 3 résume les éléments de base de la pro- tection des tourbières, discutés en détail ci-dessous.

Réserve naturelle d'une tourbière

/ ~

surfaces de tourbière

/ ~

surfaces surfa ces naturelles: altérées:

protéger protéger intégrale- entretenir, ment évent. ré-

générer

Figure 3

zone de contact de la tourbière

/ ~

surfaces surfaces (quasi) à exploitation naturelles: intensive:

maintenir extensifier l'exploitation l'exploitation extensive

Principes de la protection pratique des tourbières.

261 Surface proprement dite de la tourbière Pour la protection des tourbières, on distingue les surfaces primaires, c'est-à-dire à peu près vierges, non exploitées, donc dans un état largement natu- rel, des surfaces secondaires,, ayant subi des in- fluences humaines.

Les tourbières primaires peuvent être laissées à elles-mêmes. Leur maintien exige néanmoins qu'on les abrite absolument de toute intervention extérieure, en particulier de tout changement de régime hydrique et nutritif, du piétinement par le bétail ou les gens, et qu'on les préserve du tou- risme. Ces mesures ne sont liées à aucune perte de productivité, les tourbières naturelles n'ayant pas de valeur agricole ou forestière. Les frais avec les- quels il faut cependant compter proviennent de l'édification éventuelle de clôtures, de chemins de rondins et de sentiers de déviation, auxquels il faut ajouter ceux engendrés par la protection de la zone de contact (voir ci-dessous).

Le maintien des tourbières secondaires ré- clame, en plus de la protection contre le piétine- ment, la fertilisation et le drainage, certains soins inévitables. En effet, les tourbières secondaires se trouvent presque toujours altérées par un abaisse=

ment artificiel de leur niveau d'eau, qu'accom- pagne une exploitation agricole extensive adaptée, qui, si elle cessait, s'ensuivrait d'un embroussaille- ment et d'un reboisement spontané. Cela entraîne- rait la disparition des végétaux des tourbières exi- geants en lumière ainsi que de plusieurs espèces d'animaux. Une exploitation extensive des tour- bières secondaires s'avère donc indispensable à leur sauvegarde (Egloff, 1984, pp. 50-51). Leur exploi- tation comme prairie à litière s'avère souvent opti- male. Comme alternative, un débroussaillement pé- riodique peut être envisagé. Dans certaines circons- tances, des mesures particulières de régénération sont à même de réduire l'importance des soins à effectuer régulièrement (cf. Eigner et Schmatzler, 1980; Akkermann, 1982): il s'agit de rétablir un régime d'eau aussi proche possible de celui d'une tourbière intacte en rebouchant les canaux de drai- nage et en retenant l'eau (voir fig. 24). Ce n'est que très récemment que de telles mesures sont l'objet de recherches et d'expérimentations scientifiques (Nick, 1986). Aussi souhaitables soient-elles, on ne devrait y recourir qu'après étude détaillée de la si- tuation et sous contrôle d'experts. Effort et coût dépendent de l'importance des dégradations qu'il s'agit de corriger.

Afin de reconnaître et de combattre à temps les développements ou interventions indésirables, un contrôle régulier des tourbières protégées et soignées s'avère indispensable en veillant en parti- cu I ier au succès des mesures app I i quées. Cela vaut d'ailleurs pour la plupart des réserves naturelles.

17

(17)

18

262 Zone de contact (zone tampon)

La zone de contact définit ici la zone délimitée autour de la tourbière, destinée à la protéger des in- fluences étrangères en provenance des environs.

Elle supporte d'être exploitée extensivement en tant que zone agricole ou forestière, pour autant que la tourbière n'en subisse aucun désavantage écologique, en particulier en ce qui concerne son régime hydrique et nutritif (Gabat, 1984). Une ex- ploitation intensive de la zone de contact des tour- bières est par contre incompatible avec la sauve- garde de ces dernières à longue échéance.

Bien des auteurs se sont occupés jusqu'à pré- sent de la protection des zones de contact des I ieux humides. Ringler (1981) se livre à des réflexions fondamentales à ce sujet, en tenant particulière- ment compte des marais de montagne. Mais il n'existe pas encore de méthode généralement appli- cable pour estimer la largeur qu'il faut réserver aux zones de contact. Pour le nord de l'Allemagne, Eg-

gelsmann (1977, 1982) propose, sur la base de di- verses estimations approximatives et mesures, une zone tampon de 50 à 350 m de large pour les I ieux humides en général, et allant jusqu'à 80 m pour les hauts-marais. Pour le plat pays néerlandais, van der Molen (1981) arrive à des valeurs semblables par des méthodes quelque peu plus raffinées. Pour la Suisse, vu son relief à plus fortes déclivités, correspondant à des mouvements d'eaux et de matériaux accen- tués, ces valeurs sont vraisemblablement trop basses: les largeurs de zones de contacts de 200 à 500 m que Kaule (1976) exige pour les zones hu- mides du sud de l'Allemagne devraient s'y avérer plus adéquates.

La protection de la zone de contact tout autour des tourbières, déterminante pour le main- tien de ces dernières, pourra engendrer des frais considérables s'il faut financer une exploitation conforme aux buts de protection et verser des dé- dommagements pour les baisses de rendement des parcelles auparavant exploitées intensivement.

263 Paysage de tourbières

Un paysage de marais et de tourbières est une unité organique ou une image d'ensemble englobant bien plus que les associations végétales définissant ces stations et les zones de contact essentiel les à leur maintien. Un tel paysage ou complexe peut s'éten- dre à toute une plaine ou une vallée, comprendre des terrains cultivés intensivement, des construc- tions ou même des agglomérations.

Que serait maint paysage de tourbières sans ses typiques cabanes de tourbiers, servant jadis à sécher la tourbe à l'abri des intempéries? De tels éléments paysagers méritent d'être conservés comme patrimoine culturel.

Une dimension importante d'un tel paysage est sa signification écologique pour bien des êtres vivants absolument dépendants de vastes espaces.

Elle rend leur sauvegarde intégrale d'autant plus indispensable. Cela concerne tout part icu I ièrement certains oiseaux et insectes. Le pipit farlouse et le courlis cendré par exemple ne nidifient guère en Suisse que dans les paysages de cariçaies et de tour- bières non boisées de grande étendue. Dans cette optique, le maintien des tourbières limitées à de pe- tites surfaces n'a de sens que pour les tourbières isolées.

Le présent travail se limite aux tourbières au sens étroit et ne traite qu'en marge les aspects de la protection du paysage et ses implications dans l'aménagement du territoire.

(18)

3

Milieux et végétation des tourbières

31 Tourbières naturelles

Les conditions de vie dans la tourbière ne sont en rien uniformes. Elles dépendent principalement du degré d'imbibition en surface qui est susceptible de varier fortement tant dans l'espace que dans le temps.

Les caractéristiques communes

à

toutes les niches qu'abrite la tourbière sont l'acidité élevée, l'extrême frugalité en éléments nutritifs et un mi- croclimat peu équilibré,

à

valeurs d'autant plus ex- trêmes dans les niches s'asséchant temporairement.

A l'image de la variété du milieu, la végétation des tourbières est très inhomogène. Figure 2 et an- nexe 1 donnent un aperçu des principales diffé- rences.

Les hauts-marais se caractérisent par les struc- tures et types de végétation suivants (voir aussi . fig. 4

à

13).

Butte de haut-marais (fig. 6)

Motte de tourbe haute de quelque 5

à

20 cm, cou- vrant un décimètre carré

à

plusieurs mètres carrés, s'asséchant temporairement en surface. L'andro- mède à feuilles de polium, la canneberge à quatre pétales, le rossolis

à

feuilles rondes, la linaigrette

à

larges gaines et les sphaignes de couleur rouge comptent au nombre des espèces typiques de la ci-dite végétation de buttes. Souvent le pin

à

cro- chet s'y installe, les buttes ne demeurant non boi- sées que vers le centre de la tourbière, pour autant qu'elle soit assez grande, ce qui est rare en Suisse.

Gouille de haut-marais (fig. 6)

Sillon ou dépression dans la tourbe, de la même taille que les buttes,

à

l'occasion même plus éten- due, et presque toujours détrempée. La laîche des fanges, la scheuchzérie des marais et les sphaignes de couleur verte sont les espèces typiques de la ci-dite végétation de gouilles. Celles-ci sont naturel- lement dépourvues d'arbres.

Mare de tourbière (fig. 7)

Gouille ou plan d'eau souvent central d'un marais.

(E:n Suisse, elle peut atteindre quelques ares et plu- sieurs mètres de profondeur.) Les acides humiques abondants, produits surtout lors de la formation de la tourbe, confèrent à son eau une teinte sombre.

La mare est parfois recouverte d'un gazon flottant.

Gazon flottant ou radeau tremblant (fig. 7)

Végétation flottante réunissant des espèces des gouilles et des combes d'écoulement, où herbes et sphaignes s'enchevêtrent en un tapis inextri- cable. Colonise les eaux dormantes pauvres en élé- ments nutritifs.

Combe d'écoulement (fig. 8)

Rigole naturelle dans la tourbe drainant vers le ma- rais de ceinture le trop-plein des eaux du haut- marais. La laîche rostrée, le trèfle d'eau, le comaret ou potentille des marais ainsi que les sphaignes de couleur verte sont les végétaux caractéristiques de la ci-dite végétation de combe d'écoulement.

Pinède de tourbière ou pinède

à

sphaignes (fig. 9) Groupement végétal dominé par le pin

à

crochet, les éléments des buttes et quelques buissons nains (myrtille, airelle bleue et autres), comptant parfois des éléments de gouilles. Le peuplement de pins s'éclaircit et en même temps les individus de- viennent plus rabougris en direction du centre abondamment saturé d'eau et qui peut être com- plètement dégagé dans les tourbières plus vastes

(comme esquissé dans la figure 4).

Bétulaie et pessière de tourbière

ou bétulaie et pessière à sphaignes (fig. 10 et 11) Les peuplements de ces essences occupent naturel- lement les marges inclinées, donc plus sèches, du haut-marais et partiellement les marais de transi- tion, s'accompagnant alors d'un sous-bois qui peut ressembler

à

celui de la pinède. Le bouleau colonise en outre également les niches humides de la tour- bière riches en laîche rostrée (fig. 10). Pinède et boulaie s'étendent en particulier dans les hauts- marais artificiellement asséchés où ils pénètrent jusqu'au cœur.

Forêt de ceinture, de bordure ou périphérique, auréole forestière

Peuplement de bouleaux et d'épicéas,

à

sous-bois riche en buissons nains, des marges inclinées, et donc naturellement mieux drainées, du haut- marais. Les arbres décroissent en direction du centre de la tourbière et les essences de la forêt de ceinture font peu

à

peu place aux pins

à

crochet du

haut-marais. 19

(19)

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Figure 4

Schéma d'une tourbière à l'état naturel. Sous-sol minéral en blanc, tourbe en pointillé.

1 butte 2 gouille 3 mare

Figure 5

4 gazon flottant 5 combe d'écoulement 6 pinède de tourbière

7 forêt de ceinture 8 marais de ceinture 9 bas-marais

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Structure d'ensemble d'une tourbière naturelle. Vue oblique (a) et vue aérienne (b) de la même tourbière. On reconnaît clairement le cœur du haut-marais dépourvu d'arbres, d'un brun doré. La fine structure que lui confère le jeu des buttes et des gouilles est bien visible sur la photographie aérienne. De même, on distingue aisément l'accroissement de la taille des arbres en direction de la périphérie: depuis les pins rabougris, petits points verts, jusqu'aux arbres de belle taille, épicéas sombres et bouleaux clairs, qui font ensuite place aux pâturages. De vastes bas-marais s'étendent sur le bas des photogra- phies. Les crues printanières qui les submergent régulièrement les réapprovisionnent en éléments nutritifs. (Photographie aérienne de la Direction des mensurations cadastrales du 29. 7.1981.)

C'est à dessein qu'on a renoncé à nommer les localités où les photographies ont été prises, l'accent étant mis sur les traits

20 généraux plutôt que sur les particularités géographiques.

(20)

Fig. 5a

Fig. 5b 21

(21)

22

Figure 6

Complexe de buttes et de gouilles. Diverses espèces de sphaignes prêtent aux buttes leur couleur rouge brun.

Figure 7

Mare de tourbière. Un gazon flottant se développe sur la mare à partir de la rive, en un enchevêtrement de racines inextri- cable, à la frange duquel la laîche des fanges aventure quelques stolons isolés.

(22)

Figure 8

Combe d'écoulement. Cette rigole naturelle, colonisée par la laîche rostrée, recueille les eaux des étendues de tourbière à pins à crochet, sis de part et d'autre de l'image, qui s'écoulent ensuite dans le marais de ceinture s'étendant à l'arrière-plan.

Figure9

Pinède de tourbière. Vu les conditions de vie extrêmes qui y règnent, les pins à crochet ne viennent que médiocrement au cœur de la tourbière. Un accroissement inférieur à 1 cm par an n'y est pas rare. On voit clairement à l'arrière-plan combien

la taille des arbres augmente en direction de la périphérie (voir fig. 5). 23

(23)

24

Figure 10

Boulaie de tourbière. Peuplement de bouleaux à la lisière de la tourbière, humide, où abondent la laîche rostrée et la sphaigne pointue.

Figure 11

Pessière de tourbière. Les marais de transition peuvent également abriter des épicéas. Mais ceux-ci y restent en général ra- bougris et n'atteignent une certaine taille qu'en bordure de tourbière, ici à l'arrière-plan.

(24)

Figure12

Tourbière d'altitude. Exemplaire typique d'une tourbière d'altitude: les buttes forment quelques îlots peuplés de pins à crochet au mi I ieu d'une végétation de bas-marais.

Figure13

Marais de ceinture. Le marais de ceinture recueille aussi bien les eaux frugales de la tourbière légèrement bombée (à gauche) que les eaux plus nutritives provenant de la forêt d'épicéas sur substrat minéral (à droite).

25

(25)

1985 apr J.-C.

Figure14

Profil à travers une tourbière partiellement exploitée (voir aussi fig. 1).

a sous-sol minéral imperméable b strate initiale de vase putride c tourbe de roseaux et de laîches d tourbe de forêt marécageuse e tourbe de haut-marais

Figure 15

prairie de fauche, champ cultivé 2 embroussaillement, reboisement

3 étang d'excavation en voie d'atterrissement 4 arête ou mur d'exploitation de la tourbe

5 parcelle de haut-marais fortement asséchée et dégradée en lande 6 surface raclée de sa végétation en vue de l'exploitation de la tourbe,

et entailles de drainage

7 régénération d'une surface jadis exploitée 8 vieille cabane de tourbiers

9 prairie à litière en friche avec fossés de drainage 1 O conduites de cirai nage souterraines

Tourbière altérée - vestige isolé d'un paysage primitif au milieu d'une région de culture intensive. Les vestiges de tourbière subsistant au creux de la vallée ont été drainés, leur tourbe extraite. Ils sont aujourd'hui abandonnés à leur sort. On re- connaît les traces des anciennes exploitations à la surface accidentée, à l'invasion par la lande et même par les arbrisseaux et bien sûr aux cabanes des tourbiers et aux parois de tourbe nues. Les environs sont cultivés, en bonne partie d'ailleurs sur d'anciennes parcelles de tourbière exploitée, tels le champ d'avoine et la prairie grasse adjacente. Les "taupinières" de terre

26 sombre tourbeuse en sont la preuve (le long du chemin et à droite de l'image).

(26)

Figure 16

Drainage artificiel d'une tourbière. A la suite de cet assèchement, les pins à crochet ont pris de la hauteur et les espèces typiques des tourbières, exigeantes en lumière, surtout les sphaignes génératrices de tourbe, ont été évincées au profit d'arbrisseaux nains, airelles bleues et myrtilles en tête, qui prolifèrent.

Figure17

Exploitation industrielle de la tourbe. Triste désert qu'animait jadis un vaste paysage de tourbières occupant tout le fond de la vallée. La tourbe extraite est transformée à grande échelle en terreau de jardinage. Il reste incertain si de telles étendues de

tourbe nue seront jamais recolonisées par une végétation de haut-marais. 27

(27)

28

Figure18

Exploitation manuelle de la tourbe. L'extraction de la tourbe à la main a plutôt lieu en profondeur et se limite à de petites parcelles. Les briques de tourbe ainsi gagnées sont mises à sécher, empilées en tours ("mailles") de près de 2 m.

(28)

Figure 19

Evolution après l'extraction de la tourbe. Si les conditions sont favorables, une végétation de tourbière secondaire peut s'installer dans les excavations de tourbe (laîches rostrées à droite). Les surfaces non tourbées s'assèchent et s'envahissent de lande (brandes et ai rel les à gauche). Restes de pinède primitive à l'arrière-plan.

Figure 20

Effet de la fertilisation sur une tourbière. Les eaux du ruissellement superficiel, chargées de substances fertilisantes, s'écoulent de la prairie de fauche en pente en direction de la tourbière. L'ourlet de mégaphorbiées vert grisâtre, en dessus du

milieu de l'image, indique jusqu'où s'infiltre ce "front" de substances nutritives.

29

(29)

30

Figure21

Dégâts de piétinement dus au bétail. Le piétinement détruit la végétation de la tourbière (milieu de l'image). Les trous pro- fonds causés par les sabots du bétail favorisent l'érosion de la tourbe (cf. fig. 23).

Figure 22

Dégâts de piétinement dus au public. L'excès de fréquentation du public entraîne la disparition de la couverture végétale

puis l'érosion de la couche supérieure de la tourbe jusqu'à mettre à nu les racines des pins à crochet.

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