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Station fédérale de recherches en production végétale de Changins
Directeur: André Stéubli
Influence de la présence de l'endophyte Acremonîum uncinatum et d'un traitement insecticide sur la productivité en semences de la fétuque des prés
Dorothea SCHMIDT et R. GUY 1, Station fédérale de recherches en production végétale de Changins, CH-1260 Nyon
Introduction
Les endophytes sont des champignons vivant en symbiose dans tous les orga- nes des plantes sans causer des symp- tômes. Des endophytes du genre Acre- monium peuvent provoquer une accu- mulation d'alcaloïdes dans les grami- nées fourragères. Si certains de ces al- caloïdes rendent la plante résistante à certains insectes, d'autres peuvent cau- ser des troubles de santé au bétail con- sommant le fourrage.
La fétuque des prés (Festuca pratensis) héberge un endophyte spécifique, Acre- monium uncinatum, qui ne forme que des lolines comme alcaloïdes. Les loli-
1 Avec la collaboration technique de S. Kel- lenberger, P. Ruchti, J. Corbaz et J. Dancet.
nés protègent la plante des attaques de pucerons, mais ne sont probablement pas toxiques pour les ruminants. Un essai d'affouragement avec de la fétu- que des prés contenant des endophytes, publié dans cette revue, en tout cas n' a pas révélé de problèmes de santé chez les ovins examinés (DACCORD et al., 1995).
La présence d' endophyte peut avoir un effet favorable sur la vigueur, la persis- tance et l'état sanitaire des plantes, effet plus ou moins marqué selon les géno- types de plantes et selon les conditions environnementales (SCHMIDT, 1991 et 1994).
En ce qui concerne la productivité en semences, SCHÔBERLEIN et al. (l 995) constatent, dans des conditions de mul- tiplication en plein champ, une augmen-
tation de rendement de 15 à 62% chez les plantes avec endophyte en première année après le semis. MIKA (1990) rap- porte une plus forte production de se- mences de plantes isolées de fétuque des prés, due à la présence de l'endo- phyte; cet effet était également variable selon la variété de fétuque. Nos obser- vations préliminaires vont dans le même sens. Sur des plantes isolées de clones portant l'endophyte (E+) et assainis (E—), le rendement en semences a sou- vent été augmenté par la présence d' en- dophyte, selon les génotypes et surtout selon l' âge des plantes.
Cette publication fait état d'une analyse plus poussée du rôle joué par l'endo- phyte sur divers facteurs influençant la productivité en semences, dans une culture de multiplication de la variété Predix E+/E—.
Description de l'essai
Nous avions à disposition un lot E+ de génération MO et un lot M2 dans lequel l'endophyte avait perdu sa viabilité.
Afin d égaliser les différences d' age et de génération, nous avons multiplié ces lots côte à côte en 1990. La semence obtenue a servi à l'implantation d' un essai en août 1993 aux Rives de Pran- gins, près de Nyon, à raison de 10 kg de semences par ha. Il a été établi en lignes jumelées distantes de 26 cm, ména- geant des passages de 40 cm pour l'en- tretien et les épurations. Il s'agit d'un sol moyen, silteux, assez riche en ma- tière organique et assez profond. Une fumure de base a été appliquée chaque hiver, comprenant 100 unités de P,OS et 300 unités de K20, ainsi qu'une fu- mure azotée de 80 unités fractionnée en deux apports au printemps.
Résumé
L'endophyte Acremonium uncinatum de la fétuque des prés (Festuca pra- tensis) est connu pour son effet préventif contre les pucerons et pour avoir une influence plutôt favorable sur la vigueur et la persistance des cultu- res. Une multiplication de la variété Predix en deux parties, avec et sans endophyte, a permis de mesurer divers facteurs qui peuvent influencer la productivité en semences. La première année de production de semen- ces, l'endophyte n'a pas eu d'effet sur le rendement. Au printemps sui- vant, une attaque naturelle de pucerons des racines (Aploneura lentisci ou Tetraneura ulmi?) s'est déclarée dans la partie sans endophyte. Qua- tre parcelles de 3 m2 ont alors été choisies
a
des endroits bien établis de chaque variante, dont la moitié de la surface fut traitée avec un insecticide spécifique contre les pucerons à base de pirimicarbe. Le traitement a eu lieu début mai, au stade début montaison, à raison de 60 mg de matière active par m2.Le rendement en semences supérieur de 12% en présence d'endophyte s'explique par un nombre de tiges plus élevé (environ 16%) à la surface.
Le traitement au pirimicarbe a baissé significativement le rendement en semences d'environ 13% dans les deux cas, en présence ou en l'ab- sence d'endophyte. C'est le nombre de graines par tige qui a été réduit de 13% dans les parcelles traitées. Le poids de mille grains était assez stable dans tous les procédés.
Revue suisse Agric. 29 (2): 97-99, 1997 97
Tableau 1. Influence de la présence d'endophyte et d'un traitement insecticide sur les composantes du rendement en semences de la fétuque des prés cv. Predix en deuxième année de multiplication.
Rendement
(g/m2) Ti es/m2 Semences/tige e Poids (g) de 1000 grains
Endophyte
E+ 137,1 887,6 78,9 1,98
E— 122,8 766,2 77,3 2,08
Traitement
Sans 138,6 821,7 83,6 2,04
Pirimor `, 121,3 832,1 72,6 2,02
Signification * * n.s. (*) n.s.
** = différence significative à p = 0,01. * = différence significative à p = 0,05. n.s. = différence non significative.
La multiplication n'a pas été établie pour une analyse comparative et les variantes E+ et E— se trouvent l'une à côté de l'autre.
En automne 1994, la partie E— avait l'air moins dense et moins vigoureuse que la partie E+. Nous avons alors pi- queté quatre parcelles de 1 m x 1,5 m dans chacune des deux parties, aux en- droits les mieux établis. Elles devaient servir à des observations plus poussées de la productivité en 1995.
Des sondages, au printemps 1995, ont révélé une attaque naturelle de puce- rons des racines (probablement Tetra- neura ulmi ou Aploneura lentisci) dans toute la partie E—, tandis que la partie E+ n'en a pas montré trace. Afin d'étu- dier séparément l'effet de l' endophyte et celui des pucerons, une parcelle de taille identique adjacente à chaque par- celle préalablement choisie a été traitée par un insecticide à base de pirimicarbe spécifique contre les pucerons, le Piri- mor 8. Le traitement a été effectué à l'arrosoir avec 18 1 d'eau par parcelle de 1,5M2 contenant 0,010/()o (1 g/100 1 d'eau) de Pirimor e, soit 60 mg de ma- tière active par m2. Les parcelles non traitées ont reçu la même quantité d'eau pure.
Juste avant le traitement, le 2 mai, les parcelles ont été affranchies à la dimen- sion précise par prélèvement de mottes à la béche. Dans ces mottes, la présence d'insectes, l'état sanitaire des racines et des parties aériennes, ainsi que le poids de douze talles prélevées au hasard, ont été examinés.
Au début de la maturité, pendant que l' égrenage était encore faible, les par- celles ont été coupées à la faucille.
Après dénombrement des tiges, chaque lot a été battu et trié séparément. Le rendement par parcelle et le poids de 1000 grains ont été établis et le nombre de graines par tige calculé.
Résultats et observations
A la première récolte de semences en 1994, la partie avec endophyte a donné un rendement légèrement inférieur à l'autre (4,8 kg/a contre 5,1 kg/a).
Cependant, en 1995, son rendement en semences a été d'environ 12% supé- rieur à celui des parcelles E—, dû avant tout à un nombre de tiges par surface plus élevé d'environ 16% (tabl. 1).
Le traitement au Pirimor® a, en revan- che, baissé le rendement en semences d'environ 13% (tabl. 1), et cela dans les deux cas, en présence ou en l'ab- sence d'endophyte (fig. 1). Le nombre de graines par tige a en moyenne baissé de 13% dans les surfaces traitées (fig. 2).
Cette baisse n'est juste pas assurée sta-
tistiquement (p = 0,0508). Le poids de mille grains était assez stable dans tout l'essai (tabl. 1).
L'examen des mottes prélevées le 2 mai dans la partie E— a permis de déceler au moins un foyer de pucerons des ra- cines par motte, parfois une colonisa- tion généralisée, mais encore peu dense.
Des contrôles ultérieurs pratiqués jus- qu'en automne ont toujours donné la même image. La population de pucerons n'a donc probablement jamais atteint le seuil de nuisibilité en 1995. La ques- tion de leur responsabilité dans l'affai- blissement de la vigueur des plantes de la parcelle E— en 1994 reste ouverte.
Le contrôle des mottes a en plus révélé un enracinement plus fort des plantes E+. I1 a fallu beaucoup de force pour déchirer ces mottes, tandis que celles
Fig. 1. Influence d'un traitement à l'insecti- cide Pirimor ® sur le rendement en semen- ces de la fétuque des prés.
E+ en présence et E— en l'absence d'endo- phyte.
de la partie E— se sont facilement désa- grégées. Peu de différences ont été ob- servées entre les parties E+ et E— en ce qui concerne l'aspect sanitaire des ra- cines et des feuilles. Des taches brunes à la base des talles et une nécrose avan- cée des gaines et des vieilles feuilles ont été constatées dans toute la multi- plication, de manière plus accentuée dans les parcelles E+, peut-être en rela- tion avec leur microclimat plus humide dû à la plus forte densité de talles. Les poids des feuilles mortes, des feuilles sénescentes (chlorotiques) et surtout des parties vertes de douze talles choisies au hasard sont plus élevés dans les les parcelles E+ (fig. 3). Cette meilleure vigueur ne s'est répercutée par la suite ni sur le nombre de graines par tige, ni sur le poids de mille grains.
Des tas de terre amassés par les four- mis autour des tiges ont occasionnelle-
100 ... .... ... ... ...
80 0 --
~ M M
Cu 60
â c
~ 40
~
20--
0
E- E+
endophyte
❑ non traité
~ traité Pirimor®
Fig. 2. Influence d'un traitement à l' insecti- cide Pirimor ® sur le nombre de graines for- mées par tige de la fétuque des prés.
E+ en présence et E— en l'absence d'endo- phyte.
Fig. 3. Influence de l' endophyte de la fétu- que des prés sur la vigueur des plantes en mai de la deuxième année de culture.
E+ en présence et E— en l'absence d' endo- phyte.
ment été observés dans la partie E—, mais jamais dans la partie E+. Cette présence est peu appréciée dans la pro- duction fourragère, car elle provoque une détérioration de la qualité du four- rage par souillure de terre.
Discussion et conclusions
• Bien qu'il n'ait pas été établi pour une étude comparative, cet essai met en évi- dence l'avantage substantiel marqué par les plantes hébergeantA. uncinatum dans une multiplication de fétuque des prés.
Le fait que les différences ne se soient déclarées qu'en deuxième année atteste du bon établissement et de la bonne ho- mogénéité de l'essai au départ et indi- que l'existence d'un effet de protection lié à la présence d' endophyte contre certains stress affectant la fétuque des prés au cours de la culture.
• La protection la mieux connue est celle contre les pucerons des racines. Le meilleur enracinement des plantes E+
est-il causé uniquement par l'absence de pucerons ou est-il dû à des facteurs in- hérents à la symbiose «fétuque/endo- phyte»? MALINOWSKI (1995) constate sur un clone de Predix une production racinaire accrue par la présence d'A. un- cinatum.
• La meilleure densité de la partie E+
est due à un nombre de talles vernalisées plus élevé, causé certainement par une meilleure vigueur de tallage en automne 1994, après la sécheresse estivale. MA- LINOWSKI (1995) a également observé une repousse accélérée des plantes E+
par rapport aux plantes E— du même clone après une sécheresse expérimen- tale. Par contre, avec un autre clone, il W a pas observé ce phénomène.
• Nous nous abstenons de généraliser ces résultats. Nos propres observations et des références dans la littérature indi- quent une forte influence du génotype.
La baisse du rendement en semences causée par le faible apport de pirimi- carbe (60 mg/m-) est étonnante. Ce pro- duit n'a jamais induit de symptômes vi- sibles de phytotoxicite. Il a une phase systémique et peut donc avoir une ac- tion sur le nombre de semences formées par tige, s'il est appliqué au printemps.
• Cet essai montre l' intérêt de mesurer les composantes du rendement et non seulement le poids de la semence à la surface. Cela permet d'approcher de plus près la physiologie de la plante et de mieux comprendre les mécanismes de ce rendement.
Bibliographie
DACCORD R., ARRIGO Y., GUTZWILLER A. et SCHMIDT D., 1995. Les endophytes: un fac- teur limitant les performances du ruminant?
Revue suisse Agric. 27, 197-199.
MALINOWSKi D., 1995. Rhyzomatous ecotypes and symbiosis with endophytes as new possib- ilities of improvement in competitive ability of meadow fescue (Festuca pratensis). Diss.
ETH Zurich n' 11397, 246 p.
MIKA V., 1990. Endophytenprobleme bei Futter- grdsern. Ber. zur 32. Fachtagung des DLG- Fachausschusses für Grdser, Klee und Zwi- schenfrüchte am 5./6. Dezember 1990 in Fulda, 123-129.
SCHMIDT Dorothea, 1991. Les endophytes de la fétuque des prés. Revue suisse Agric. 23, 369- 375.
SCHMIDT Dorothea, 1994. Du nouveau sur les en- dophytes de la fétuque des prés. Revue suisse Agric. 26, 57-63.
SCHOBERLEIN W., EGGESTEIN ST. and PFANNMÔL- LER M., 1995. Effects of endophyte-infected varieties of Festuca pratensis on seed pro- duction. Proc. «third internat. herbage seed conference>>, June 18-23, 1995, in Halle (Ger- many), 438-442.
Zusammenfassung
Einfluss des Endophyten Acremonium uncinatum und einer Insektizidbe- handlung auf den Samenertrag von Wiesenschwingel
Der endophytische Pilz Acremonium uncinatum ist bekannt für seine schützende Wirkung gegen Blatt- und Wurzellâuse in Wiesenschwingel (Festuca pratensis);
hâufig wirkt er sich auch vorteilhaft auf Wuchskraft und Ausdauer der Kulturen aus.
Sein Einfluss auf die Saatgutproduktion wurde durch Erhebungen verschiedener Komponenten des Samenertrages in einer Vermehrung der Sorte Predix in zwei Hâlf- ten, mit und ohne Endophyt, untersucht. Im ersten Samennutzungsjahr wurde kein Einfluss des Endophyten auf den Samenertrag festgestellt. Im folgenden Frühling wurde ein natürlicher Befall mit Wurzellâusen (Aploneura lentisci oder Tetraneura ulmi ?) im endophytfreien Teil beobachtet. Darauf wurden in jedem Teil vier Parzellen von 3M2 an Stellen mit guter Bestandesdichte markiert, wovon die halbe Flâche mit einem spezifischen Insektizid gegen Aphiden (Wirkstoff Pirimicarb) behandelt wurde.
Die Behandlung erfolgte Anfang Mai, im frühen Schossstadium, und umfasste 60 mg Wirkstoff pro m2.
Die Ergebnisse zeigen eine Erhôhung des Samenertrages durch den Endophyten um etwa 12%, was auf eine etwa 16% hdhere Halmdichte zurückzuführen ist. Die Pirimi- carbbehandlung senkte den Samenertrag signifikant um etwa 13%, sowohl mit wie ohne Endophyt. Das Insektizid verringerte die Samenzahl pro Trieb. Das Tausend- Korn-Gewicht war im ganzen Versuch konstant.
Summary
Effects of the presence of the endophyte Acremonium uncinatum and of an insecticide treatment on seed production of meadow fescue
The endophyte Acremonium uncinatum of meadow fescue (Festuca pratensis) is known for its preventive effect against different aphids; it often also has a favourable influence on vigour and persistence of the crop. Its effect on seed production has been studied by measuring the influence of different components on seed production of cv.
Predix established in two plots with and without endophyte. In the first harvest year, no influence of the endophyte on seed production was observed. In spring of the second year, a natural attack by root aphids (Aploneura lentisci or Tetraneura ulmi ?) has been discovered in the endophyte free plot. Four plots of 3 m2 were then chosen on well established sites of each part, of which half the surface was treated with piri- micarb, an insecticide specific against aphids. The treatment was applied early in May, at the beginning of the generative stage, comprising 60 mg active substance per m2.
The results indicate an increase of seed yield of about 12% by the presence of en- dophyte, due essentially to a higher culm number per surface (about 16%). The insec- ticide treatment significantly reduced the seed yield by about 13% in both parts, with and without endophyte. The reason was that the number of seed per culm was reduced by the insecticide. The thousand kernel weight was stable throughout the experiment.
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